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QUALITE ENVIRONNEMENTALE URBAINE INTERDISCIPLINAIRE

1. Une ambition environnementale locale ambiguë

Alain Bourdin (2015) définit la métropole en ces termes :

« Quelques éléments de définition de la métropole font consensus chez les spécialistes : une métropole s’inscrit dans les flux mondiaux, économiques, culturels et intellectuels. « Hyper-connectée » virtuellement et matériellement (aéroports, etc.), elle entretient des relations de concurrence et d’alliance avec d’autres métropoles (à une échelle d’autant plus mondiale qu’elle est puissante) » (Bourdin, 2015)

La relation de concurrence qu’il évoque inciterait les métropoles à se façonner un « branding », soit une image de marque. L’image est d’autant plus importante qu’elle témoigne en définitive du dynamisme métropolitain et permet à elle seule de se positionner sur l’échiquier des villes métropolitaines européennes. Toulouse ne fait pas exception. Jean Luc Moudenc, maire de Toulouse depuis 2014 et président de la métropole depuis sa création, veut placer sa ville au rang de « capitale européenne » en jouant avant tout sur son image. Il déclarait à ce propos en mars 2017 :

« Notre patrimoine urbain connait une dynamique remarquable dans laquelle avenir et histoire, audace et excellence se conjugue pour porter l’image de Toulouse Métropole comme Métropole de l’innovation et de la qualité de vie » Jean Luc Moudenc, maire de Toulouse le 15 mars 2017242

Les métropoles françaises construisent leur image selon 5 « rationalités axiologiques » qui peuvent s’avérer antagonistes : environnement, développement, usage et qualité de vie, intérêt général et démocratie (Bourdin, 2015). Nous retrouvons ces

5 « rationalités axiologiques » dans la fabrique de l’image de marque de Toulouse Métropole avec une prédominance des rationalités liées au développement, à l’usage et à la qualité de vie, et à l’intérêt général. Nous abordons à tour de rôle dans ce sous-chapitre les 5

« rationalités axiologiques » pour comprendre comment elles sont abordées par la collectivité. Nous verrons que l’environnement fait partie des rationalités axiologiques

minoritaires, et qu’il est peu associé aux rationalités axiologiques dominantes.

Ce sous-chapitre a été construit à partir de l’analyse des documents de communication de la Métropole qui ont été produits durant le dernier mandat municipal, de 2014 à 2017 (cf. Introduction générale). Il se base aussi sur le discours recueilli dans la presse, des élus et de Jean Luc Moudenc, le maire de Toulouse et le président de Toulouse Métropole au moment de l’écriture de ce manuscrit.

242 Communiqué de presse du 15 mars 2017 « Avec occitanie tower, la compagnie de phalsbourg est lauréat du concours

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1.1. L’environnement : des ambitions incontestables mais passives

Des actions environnementales incontestables

La collectivité affiche un intérêt sans équivoque pour les problématiques environnementales. L’environnement fait semble-t-il partie des priorités politiques puisque le premier vice-président de Toulouse Métropole est en charge du développement durable. Les dispositifs de planification qui engendrent des obligations environnementales comme le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal Habitat (PLUI-H) ou le Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) sont par ailleurs mises en avant dans les documents de communication ou sur le site internet de la collectivité243. Les évènements politiques nationaux en lien avec l’environnement y sont aussi repris. La COP 21 est ainsi mise en avant comme élément de contexte structurant dans les engagements de la métropole, avec l’évocation d’une « forte mobilisation […] dans le cadre de la COP 21 »244.

En dehors des dispositifs de planification obligatoires, la métropole s’est également engagée récemment dans plusieurs démarches environnementales. Ces nombreuses prises d’initiative témoignent a priori d’un intérêt important pour l’environnement.

Toulouse Métropole est adhérente à la convention des maires pour le Climat et l’Energie depuis juin 2013. La collectivité s’est en particulier engagée sur la réduction de 20% des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2005.

La métropole est aussi signataire depuis juillet 2015 de la convention cadre «

Territoire à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV). Une enveloppe de 500 000 € lui a été allouée pour engager en 2016 « des actions innovantes telles que l'expérimentation d'économie circulaire, la rénovation énergétique et l'écoconstruction »245. Suite à l’appel à projet « Villes respirables en 5 ans », une enveloppe de 1 million € lui a été octroyée en septembre 2015 pour entreprendre en 5 ans des « actions innovantes en matière de qualité de l’air »246. Un programme de plantation d’arbres a également été réalisé en 2015-2016 dans le cadre de « One Heart, One Tree ».

243 www.toulouse-metropole.fr

244 Dossier de presse « 2 ans de mandat au service de Toulouse et de sa métropole 2014-2016 » 12 avril 2016, service de

presse de la mairie de Toulouse

245 Dossier de presse « 2 ans de mandat au service de Toulouse et de sa métropole 2014-2016 » 12 avril 2016, service

de presse de la mairie de Toulouse

246 Dossier de presse « 2 ans de mandat au service de Toulouse et de sa métropole 2014-2016 » 12 avril 2016, service

En matière d’aménagement durable, Toulouse Métropole fait preuve d’un engagement certain. Toulouse et son agglomération comptent quelques projets urbains ambitieux. C'est le cas des éco quartiers de Vidailhan à Balma, et d’Andromède à Blagnac et à Beauzelle, mais aussi du quartier de la Cartoucherie à Toulouse. La signature de la charte Ecoquartier en 2014 a renforcé cet engagement. La collectivité est désormais tenue de suivre cette charte ambitieuse pour chaque nouveau projet urbain.

L’absence d’une politique volontariste

D’autres logiques à l’œuvre

Même s’il est vrai que Toulouse Métropole a su engager des actions environnementales au-delà des obligations règlementaires, nous pouvons nuancer l’engagement environnemental qu’elles supposent, car ces actions répondent systématiquement à d’autres logiques.

L’alignement sur les métropoles françaises

Le mimétisme entre les métropoles françaises et européennes n’est pas une originalité locale. C’est une pratique répandue chez les acteurs métropolitains notamment à Paris, Lyon ou Marseille (Béhar, 2014). Même si on peut lui reprocher de mettre en place une uniformisation des pratiques avec « des standards métropolitains » (Bourdin, 2015), ce qu’on appelle aussi le benchmarking permet aux métropoles de faire évoluer leurs pratiques professionnelles face à de nouveaux défis, notamment ceux environnementaux.

Cette pratique bien ancrée dans les habitudes professionnelles implique qu’il n’est désormais plus possible pour les métropoles de s’affranchir des expériences de leurs homologues (Arab, 2007). La tendance dans les métropoles françaises est au verdissement du Plan Local de l’Urbanisme. Depuis que le président de Toulouse Métropole, Jean Luc Moudenc, dirige depuis mai 2014 l’Association des Maires des Grandes Villes de France (association France Urbaine), la collectivité est très fortement incitée à en faire de même. La qualité environnementale urbaine apparait alors comme un objectif inhérent au développement d’une métropole et dont il est impossible de s’affranchir.

La signature de la convention des maires pour le Climat et l’Energie témoigne de cet alignement. Cette convention a par ailleurs été lancée par la commission européenne « afin de reconnaître et de soutenir les efforts déployés par les autorités locales dans la mise en œuvre de politiques d’énergie durables » 247. En signant cette convention, Toulouse Métropole s’engage à respecter les enjeux environnementaux européens.

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Toulouse Métropole ne s’engage pas davantage que les autres métropoles et se situe dans la tendance des métropoles de plus de 500 000 habitants. La métropole a un objectif de réduction de 20% des émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2005 alors que les

nouveaux signataires ont des engagements nettement plus importants. Ils s’engagent sur une réduction de 40% d’ici 2030 et doivent aussi « adopter une approche intégrée visant à atténuer le changement climatique et à s’y adapter »248. Seul Paris se démarque et a revu ses engagements à la hausse. Concernant le statut d’avancement, Toulouse Métropole est également dans la tendance en se situant à l’étape 2 sur 3, l’étape 1 signifiant la signature de la convention, l’étape 2 la soumission du plan d’actions, et l’étape 3 les résultats monitorés.

Tableau 7 Le tableau de bord de la convention des maires (Source : www.conventiondesmaires.eu)

Suivre la dynamique locale impulsée par la présence du siège social de Météo France et de son laboratoire de recherche le CNRM à Toulouse

Ce tableau montre également que Toulouse Métropole se démarque des autres collectivités par la signature de l’initiative ADAPT. Cette initiative consiste à « s’engager sur le plan politique et à mener des actions d’anticipation et de préparation des effets inévitables du changement climatique »249. C’est une démarche ambitieuse puisqu’elle incite à adopter une approche intégrée sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. L’ambition qu’affiche Toulouse Métropole par la signature de cette initiative est cependant à nuancer.

La signature de cette initiative intervient dans un contexte local scientifique favorable à la prise en compte de cette thématique environnementale. Le siège national de Météo France est en effet à Toulouse, avec en son sein le centre national de recherche en météorologie (CNRM) qui est mondialement reconnu pour ses travaux de recherche sur l’adaptation et l’atténuation des villes au changement climatique.

248 www.conventiondesmaires.eu

Les chercheurs du CNRM privilégient le territoire toulousain pour effectuer leurs recherches sur le climat urbain et Toulouse fait régulièrement l’objet de projets de recherche inédits. C’est le cas du projet RTRA Adaptation au Changement CLIMatique de l’Agglomération Toulousaine (ACCLIMAT 2010-2013250). Ce projet a consisté à développer une plateforme de simulation de la ville future en termes d’évolutions socio- économique, climatique, de la forme urbaine et de la consommation d’énergie. Toulouse a également été le terrain principal du projet de recherche ANR Evaluation mUltidisciplinaire et Requalification Environnementale des QUArtiers (EUREQUA 2012-2017251), pour lequel un quartier a été instrumenté et modélisé pour améliorer les connaissances sur la micro climatologie.

Porteurs d’une expertise inédite sur le territoire toulousain, les chercheurs du CNRM ont entrepris d’associer la collectivité à leurs recherches. Cela s’est fait tout d’abord de manière informelle. A l’occasion des premiers projets de recherche, la collectivité a été invitée aux réunions et aux colloques de restitution des résultats. Un partenariat plus formel s’est ensuite mis en place en 2015 avec une participation plus importante de la collectivité dans les projets de recherche. C’est le cas par exemple du projet ANR MAPUCE252 (Modélisation Appliquée et droit de l’Urbanisme : Climat urbain et Énergie) dans lequel les chercheurs en micro climatologie accompagnent la collectivité à l’élaboration de certains aspects du PLUI-H.

Ce qui peut donc être perçu comme un engagement environnemental ambitieux de la collectivité est en réalité à nuancer car il est aussi lié à la dynamique locale incitée par la présence de Météo France sur le territoire toulousain.

La contrainte règlementaire

La collectivité a un fonctionnement davantage lié à l’évolution de la règlementation en matière d’avancée environnementale avec des actions entreprises uniquement sous l’impulsion de la règlementation. C’est ainsi par exemple que l’objectif obligatoire du PCET de réduire de 20% les émissions de CO2 est repris dans la convention des maires et affiché

cette fois-ci comme une politique volontariste.

250 www.umr-cnrm.fr/acclimat

251 http://EUREQUA.univ-tlse2.fr

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Par ailleurs, on note une ambiguïté dans le positionnement de la collectivité qui assume aussi un positionnement attentiste affiché sur son site internet, comme en témoigne l’utilisation de l’expression « comme toutes les collectivités » dans ce billet sur la nouvelle politique du zéro pesticide :

« Depuis le 1er janvier 2017, Toulouse, comme toutes les collectivités, ne peut plus utiliser de produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts et des lieux accessibles au public (trottoirs, allées, rond-point). Au 1er janvier 2017, les désherbants chimiques sont interdits sur les espaces publics. Toulouse, qui a déjà réduit l’utilisation de ces produits, s’apprête à relever le défi du "zéro phyto" avec une nouvelle façon de gérer et d’entretenir les espaces. Une mesure pour la santé de tous et pour notre planète ! » 253

La recherche de financements

Les prises d’initiatives environnementales sont aussi souvent animées d’une nécessité à trouver des fonds. C’est ainsi que les démarches « Territoire à énergie positive pour la croissance verte » et « Villes respirables en 5 ans » sont assorties de financements conséquents (respectivement 500 000 et 1 million d’euros), financements sans lesquels la collectivité n’y aurait sans doute pas adhéré.

Un engagement tardif

Contrairement à certaines métropoles européennes, les métropoles françaises ne se

montrent pas pionnières en matière d’expériences innovantes sur le thème de la ville durable et ont plutôt une politique environnementale timide en réaction aux injonctions de l’Etat (Emelianoff, 2007). Même dans ce contexte peu ambitieux, Toulouse Métropole ne fait pas partie des métropoles françaises les plus novatrices en terme de politique environnementale comme le seraient Nantes, Grenoble ou encore Lilles avec ses coulées vertes (Wiesztort, 2015). On y constate un « processus ordinaire d’appropriation du développement durable » (Sorignet, 2013).

La collectivité a connu une petite dynamique lors d’une alternance politique entre 2008 et 2014. Les agents ont eu davantage le sentiment d’une « anticipation des règlementations », d’une attitude « proactive et volontariste »254 par la collectivité. Quelques actions en témoignent. Un poste a été créé pour faire le lien entre les services de l’aménagement et la direction environnement. Un Référentiel d’Aménagement et d’Urbanisme Durable (RAUD) a été élaboré dans le but d’instiller des pratiques communes pour l’aménagement durable, avec l’ambition d’aller au-delà des règlementations en vigueur. La collectivité a aussi avancé sur la question de la biodiversité. Elle a reçu le prix de capitale de la biodiversité en 2011 (prix délivré par Natureparif), pour son éco gestion des espaces verts255.

253 www.toulouse.fr/web/environnement/environnement/ville-sans-pesticides 254 Agent territorial de la direction environnement (2)

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