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20 Delphine Chouillou – La qualité environnementale urbaine

1.2. L’injonction renouvelée à la qualité

1.2.1. Des enjeux environnementaux multi scalaires

La ville a toujours dû composer avec des problèmes environnementaux. De l’adaptation des villes aux manifestations environnementales physiques (adaptation aux crues, à la sécheresse, à l’ensoleillement, etc.), à la conception des villes pour créer un environnement sain pour les habitants (pendant les différentes périodes hygiénistes au début du XXème siècle pour lutter contre la pollution liée aux industries situées près des

centre-ville ou dans les années 1970 pour lutter contre l’habitat insalubre, actuellement avec la prise en compte de la gêne acoustique, etc.), la ville a avant tout dû gérer des problèmes environnementaux locaux. La prise en compte des enjeux environnementaux globaux n’est arrivée que sur le tard. La ville doit désormais faire face à des problèmes environnementaux multi scalaires ce qui complexifie d’autant plus la fabrique urbaine.

De nouveaux enjeux environnementaux dans les villes : les enjeux globaux

Désormais la ville doit non seulement composer avec des enjeux environnementaux locaux, mais aussi avec de nouveaux enjeux environnementaux globaux qui s’inscrivent dans un contexte général de crise environnementale. Leur prise en considération dans la société civile et dans les institutions est récente. Elle a été graduelle et parallèle aux politiques environnementales successivement mises en place par les Nations Unies.

Les enjeux environnementaux globaux n’ont été identifiés que tardivement sous l’impulsion d’une crise économique et sociale mondiale. Que ce soit en France ou à l’international, il n’existait pas de politique environnementale jusque dans les années 70. L’apparition des politiques environnementales a été consécutive au premier grand choc pétrolier de 1971 et aux nombreuses protestations citoyennes. C’est notamment le rassemblement de protestation « Jour de la Terre », appelé aussi « Earth Day », qui a réuni en 1970 aux États Unis 20 millions de personnes, qui a été considéré comme l’élément déclencheur d’une prise en compte de l’environnement dans les stratégies politiques internationales (Zaccai, 2011). La première conférence des Nations Unies sur l’environnement, la conférence de Stockholm en 1972, a ensuite marqué un tournant dans la prise en considération de l’environnement par les États (Nations Unies, 2002, 2012; Zaccai, 2011). Elle a instauré un nouveau rassemblement des dirigeants internationaux tous les dix ans pour échanger sur la crise environnementale.

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Ces conférences ont permis dans un premier temps de sensibiliser les politiques et de susciter l’adhésion internationale à l’importance à accorder à l’environnement dans les politiques de chaque pays. En l’occurrence, la première conférence n’a pas abouti à une prise de décisions concrètes, mais elle a permis d’introduire la problématique générale dans le débat international (Zaccai, 2011).

Au-delà de tenter de définir une culture commune à tous les pays, ces conférences ont également eu pour objectif d’établir in fine une politique d’actions commune et cohérente entre tous les pays en matière d’environnement. Cette définition s’est faite par étapes. La politique internationale s’est tout d’abord intéressée aux enjeux environnementaux globaux identifiables à l’échelle de la planète. Le lien n’a pas été nécessairement établi dans un premier temps avec l’échelle urbaine.

La sensibilisation s’est faite de manière thématique. La première conférence de Stockholm a porté sur l’« environnement humain » et a permis d’aborder la prise en compte dans les politiques contemporaines des générations futures, l’exploitation soutenable des ressources et le concept de responsabilité environnementale par la participation et l’indemnisation des victimes. Cette première conférence a mis l’accent sur une première thématique environnementale : la raréfaction des ressources naturelles.

Vingt ans plus tard en 1992, c'est la conférence de Rio qui a marqué le plus les esprits. Les notions ‘d’environnement’ et ‘de développement’ ont été associées, notamment dans le titre de la conférence : « conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement ». Les retombées ont été plus concrètes avec l’élaboration d’un programme d’objectifs à atteindre et d’engagements : ainsi est né l’agenda 21. La déclaration de Rio a introduit entre autres choses le principe de précaution – la prise en compte des effets négatifs probables de l’action des hommes - et la participation démocratique en matière d’environnement. Des conventions sur le changement climatique - la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1994 et le Protocole de Kyoto en 1995 - et la diversité écologique ont été élaborées suite à cette conférence, introduisant dans le débat international ces deux nouvelles thématiques environnementales.

D’abord abordée à l’échelle de la planète dans les préoccupations internationales, l’échelle urbaine est apparue sur le tard devant le manque de résultats

des mesures adoptées après les conférences successives des nations unies. En 1990, la commission des communautés européennes s’est penchée pour la première fois sur l’échelle de la ville en rédigeant le Livre vert sur l’environnement urbain (Commission of the European Communities, 1990).

L’échelle locale est depuis considérée comme l’échelle d’intervention nécessaire pour aborder les problématiques environnementales globales. Les villes

participent en effet à la crise écologique de la planète. En concentrant l’activité humaine et industrielle, les villes participent à la production de gaz à effet de serre responsables du changement climatique (elles produisent 2/3 des émissions de CO2). La ville consomme

également des ressources naturelles contribuant à leur raréfaction, le bâtiment et le transport étant les principaux consommateurs d’énergie. Par ailleurs, les villes s’étalent et engendrent une artificialisation du sol qui menace la biodiversité.

Le Livre vert reprend les enjeux environnementaux globaux qui ont été abordés durant les conventions successives de l’ONU : la raréfaction des ressources naturelles, le changement climatique, et la biodiversité. Il aborde également certains enjeux environnementaux locaux comme le bruit, l’îlot de chaleur urbain, et la pollution de l’air.

Les nuisances sonores en milieu urbain sont en effet une préoccupation récurrente chez les habitants car elles constituent la gêne la plus exprimée en milieu urbain (Rozec and Ritter, 2003).

Dans un contexte de réchauffement climatique, la question du climat urbain est elle aussi très importante car elle a un impact sur le confort des habitants (Masson 2010). Le climat urbain est caractérisé par l’îlot de chaleur urbain, autrement dit une modification de la météorologie locale par le fait urbain se traduisant par une température plus élevée en ville par rapport à la campagne environnante. L’effet d’îlot de chaleur urbain peut avoir des conséquences désastreuses sur les citoyens en cas de canicule car il amplifie le phénomène de canicule sur les territoires urbains. L’aménagement du territoire peut être un moyen pour dans un même temps limiter l’effet d’îlot de chaleur urbain et atténuer le changement climatique (Desjardins, 2011).

La pollution de l’air est également identifiée dans le Livre vert comme une nuisance environnementale urbaine. Le lien a été formellement établi entre la pollution aux particules fines en suspension et au dioxyde d’azote NO2 - provenant essentiellement du trafic routier

- et une hausse significative d’environ 4% de la mortalité pour cause respiratoire (Campagna et al., 2003).

En abordant dans le même document enjeux environnementaux globaux et locaux, le Livre vert met en évidence la dimension multi scalaire des enjeux environnementaux auxquels doit répondre la ville.

Une complexification de la fabrique urbaine

Le Livre vert témoigne aussi de la complexité à prendre en compte ces enjeux multi scalaires dans la fabrique de la ville. Le Livre vert propose ainsi une liste de leviers d’action disponibles à l’échelle de la ville, liste qui est non exhaustive et dont la formulation est plus ou moins précise.

Le document dresse tout d’abord une liste d’objectifs que la ville doit atteindre comme la « réduction de la production des gaz à effet de serre » ou encore « l’économie d’énergie ». Il précise ensuite des leviers d’action qui peuvent être associés à ces objectifs comme « densifier la ville » ou développer les « transports en commun ». Le document propose ensuite des leviers d’action qui répondent à la fois aux enjeux locaux et globaux qu’il a auparavant identifiés. C’est le cas par exemple pour la « réduction des déplacements » qui permet de répondre à l’enjeu local de réduction du bruit et à l’enjeu global de limiter le changement climatique.

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Les leviers d’action identifiés dans le Livre vert sont recensés dans le tableau suivant :

Enjeux Environnementaux

Globaux Changement climatique ressources naturelles Raréfaction des Biodiversité Locaux pollution de Bruit et

l’air Îlot de cha- leur urbain Objectifs Réduction de la production des gaz à effet de serre Réduction du bruit Réduction de la con- sommation des énergies

fossiles : *Economie d’énergie *Recours aux énergies

renouvelables Sauvegarder ou réintroduire la nature Leviers d’action à l’échelle urbaine Réduire les dé- placements mo- torisés : *Densifier la ville *Transport en commun

Diminution des con- sommations : Bâtiments économes Production locale d’énergie verte : *Panneaux photovol- taïques *Panneaux thermiques *Réseau de chaleur urbain Limiter l’artificialisation du sol Introduire de la nature en ville

Tableau 1 Les enjeux environnementaux et les leviers d’action environnementaux à l’échelle de la ville précisés dans le livre vert sur l’environnement urbain (Commission of the

European Communities 1990) (Conception Delphine Chouillou)

Ce tableau montre la difficulté de dresser une liste exhaustive de leviers d’action pour répondre à des enjeux environnementaux multi scalaires. Le Livre vert esquisse quelques solutions en restant volontairement imprécis, la principale vocation de ce document étant de participer à la montée en connaissance des villes sur la qualité environnementale urbaine. Le Livre vert a notamment été le point de départ de plusieurs expérimentations dans de nombreuses villes européennes. Même si ces expérimentations n’ont pas concerné dans un premier temps le tissu urbain existant, se limitant à la construction de quartiers neufs, le livre vert a permis d’insuffler de nouvelles pratiques d’urbanisme autour du concept d’urbanisme durable (Emelianoff, 2007).

Les enjeux environnementaux auxquels doit répondre la ville sont donc renouvelés avec la prise en compte de problèmes environnementaux nouvellement identifiés pour lesquels les réponses ne sont pas encore maitrisées. Les villes font face à une complexification des enjeux environnementaux et à une difficulté à y répondre par manque de recul.

1.2.2. Des enjeux de réhabilitation urbaine d’une ampleur sans

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