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Le recours à la dynamique issue des professionnels du privé Les chefs de projet urbain peuvent également s’appuyer sur les professionnels de la

PROFESSIONNELLE RESTREINTE CHEZ LES PROFESSIONNELS DU PROJET URBAIN

Etape 5 : Systématiser le changement des pratiques professionnelles

3.2. Les stratégies de légitimation des chefs de projet urbain

3.2.4. Le recours à la dynamique issue des professionnels du privé Les chefs de projet urbain peuvent également s’appuyer sur les professionnels de la

sphère privée pour légitimer la prise en compte de la qualité environnementale dans la fabrique urbaine. Le recours à des professionnels extérieurs à la collectivité constitue en effet une démarche assez courante. Antoine Fleury constate notamment cette démarche à Paris, et explique que « pour certains projets […]des architectes et des paysagistes appartenant à des cabinets privés, contribuent à faire évoluer les conceptions, notamment en ce qui concerne la qualité environnementale des aménagements d’espaces publics » (Fleury, 2009).

Tout comme les autres professionnels du projet urbain, les professionnels de la sphère privée rencontrés ont témoigné d’un fort intérêt pour la qualité environnementale urbaine. Un urbaniste explique en l’occurrence que « la prise de conscience est […] chez tout le monde »237, et un autre que « ça devient quelque chose d’assez ancré, […] ça fait partie des évidences »238. Ils estiment avoir davantage la possibilité d’être réactifs aux évolutions de la société que les agents de la collectivité. Un architecte urbaniste239 explique que « l’urbaniste est le reflet d’une société […]qui se questionne : circuit court, eau, paysage, végétal : il est le bras armé des habitants ».

Eux-aussi tentent de faire valoir la prise en compte de la qualité environnementale dans la fabrique urbaine. Certains font montre de militantisme et adoptent même une attitude offensive. Un urbaniste240 utilise en l’occurrence le champ lexical du combat et de la provocation. Il explique à ce propos être entré dans « la bataille » pour « imposer des choses » :

« De toute façon ça a toujours été comme ça : la bataille. Moi j’ai réussi à imposer des choses, car je suis quelqu’un d’extrêmement combatif, et je venais de l’extérieur. Et je n’ai jamais lâché le morceau. J’ai fait du militantisme. J’ai perdu des sous, mais il n’empêche que …. Moi j’ai fait casser des choses qui ont été faites par les services de Toulouse qui étaient contraire à ce qu’on avait décidé par rapport à la qualité environnementale. Je foutais le bordel jusqu’à que j'ai gain de cause » Un urbaniste à la retraite ayant travaillé avec Toulouse Métropole

237 Un ancien urbaniste ayant travaillé avec Toulouse Métropole 238 Un architecte urbaniste ayant travaillé avec Toulouse Métropole 239 Un architecte urbaniste ayant travaillé avec Toulouse Métropole 240 Un urbaniste à la retraite ayant travaillé avec Toulouse Métropole

Un chef de projet urbain explique quant à lui qu’il est important de mettre en relation les urbanistes privés avec les élus pour que les propositions environnementales soient mieux acceptées :

« J’ai mis en place des ateliers de travail avec les urbanistes qui viennent, qui parlent [aux élus]. Ils sont allés les voir tout seul sans moi pour qu’ils puissent avoir une discussion à bâton rompu sans avoir à côté Toulouse Métropole qui les écoutait. Donc ils sont en confiance avec les bureaux d’étude car ils les ont déjà vu » Un chef de projet urbain à Toulouse Métropole (4)

Pour les chefs de projet urbain, les urbanistes privés sont garants de la faisabilité économique des solutions qu’ils proposent. L’expression « ce que l’urbaniste dit, c’est que »241 revient souvent dans le langage des chefs de projet urbain. Un chef de projet urbain explique ainsi que « le maitre d’œuvre » peut être force de propositions :

« La transformation de l’administration [se fait] par des corps extérieurs à travers la maitrise d’œuvre. […] Nous les chefs de projet on est sur l’injonction, sur la sensibilité du projet, mais c'est le maitre d’œuvre qui te met les hypothèses sur la table. Ils sont beaucoup force de propositions » Un chef de projet urbain à Toulouse Métropole (2) Les urbanistes privés peuvent même se permettre de remettre en question la ligne directrice portée par les chefs de projet urbain. Un chef de projet urbain donne l’exemple d’un projet urbain où les urbanistes n’ont pas respecté le cahier des charges qui leur a été pourtant imposé :

« La commande qu’on avait passée, c’était de muter un certain nombre de terrains agricoles. Les 3 équipes ont dit non, on ne touche pas aux terrains agricoles, mais on densifie autour de la station de métro Izards 3 cocus. Donc on voit bien que c’est des points de vue très fortement portés par les maitres d’œuvre » Un chef de projet urbain à Toulouse Métropole (2)

241 Un chef de projet urbain à Toulouse Métropole (4)

Conclusion du chapitre 2 :

U

NE PRATIQUE PROFESSIONNELLE QUI PEINE A PRENDRE EN COMPTE UNE CONCEPTION

INTERDISCIPLINAIRE DE LA QUALITE ENVIRONNEMENTALE URBAINE Ce chapitre a permis d’interroger les représentations des professionnels du projet urbain à Toulouse à l’égard de la qualité environnementale urbaine. Les représentations sont assez proches entre les différents professionnels interrogés. Pour eux, c’est une notion complexe et interdisciplinaire qui fait référence tant au domaine du sensible qu’à la technique. En ce sens, leurs représentations interdisciplinaires englobent les représentations des habitants.

Ce chapitre a permis également de questionner la pratique des professionnels du projet urbain pour prendre en compte la qualité environnementale dans la fabrique urbaine. C’est une prise en compte restreinte au regard des représentations que les professionnels en ont. La qualité environnementale urbaine est mise en œuvre de manière volontairement simplifiée et elle se restreint aux seules caractéristiques techniques, omettant les aspects plus sensibles de l’ordre du bien-être et du confort de l’habitant. Parfois, la mise en œuvre de la qualité environnementale urbaine peut même aller à l’encontre du confort de l’habitant, car celle-ci peut être imposée par les concepteurs en dépit du mécontentement des habitants. La qualité environnementale urbaine n’est donc pas corrélée dans les faits à la qualité d’usage des espaces publics.

Ce chapitre montre enfin que les professionnels du projet urbain qui travaillent à Toulouse Métropole usent de stratégies pour tenter de mieux prendre en considération une qualité environnementale interdisciplinaire. Bien que témoignant d’un engagement certain de la part de ces professionnels, ces stratégies ne semblent cependant pas suffire car leurs actions reposent sur des démarches individuelles.

Il existe donc une grande disparité entre les différentes stratégies mises en place. En l’absence de lien entre les différentes actions entreprises, ces stratégies peinent à être efficaces.

L’existence de ces stratégies de légitimation montrent que le blocage à la prise en compte d’une qualité environnementale interdisciplinaire ne vient pas des professionnels du projet urbain, mais d’un système de contraintes issus des cadres qui régissent le projet urbain.

188 Delphine Chouillou – La qualité environnementale urbaine

Cette conclusion se démarque en partie des travaux scientifiques qui imputent aux seuls professionnels de l’urbanisme la responsabilité de la prise en compte partielle de la qualité environnementale dans la fabrique urbaine. Les professionnels de l’urbanisme ne s’intéresseraient que très peu à la qualité de vie et la pensée sensible susciterait chez eux de la défiance (Blanc, 2010). Ceux-ci détiendraient également un véritable « éco pouvoir » de plus en plus important (Lolive, 2010) qui leur permettrait de réguler et de normer l’environnement sensible (Hégron and Torgue, 2010). Certains chercheurs estiment aussi que l’ingénieur ignorerait « finalement l’impact de l’environnement de la ville sur le développement personnel des individus (aspects cognitifs) et les relations sociale, il déploie exclusivement une espèce de rationalité « éco-énergétique » » (Mathieu and Guermond, 2005).

Les résultats de ce chapitre ne réfutent pas ces positionnements scientifiques mais souhaitent ajouter une nuance sur la manière dont les professionnels sont responsables de ce manque de considération pour la prise en compte d’une qualité environnementale urbaine interdisciplinaire. La responsabilité est à attribuer uniquement à la pratique professionnelle et non au système de valeurs et de convictions des professionnels du projet urbain. Ces professionnels semblent comme ‘empêchés’ de mettre en œuvre leurs conceptions interdisciplinaires de la qualité environnementale urbaine.

CHAPITRE 3 :

D

ES CADRES POLITIQUE

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