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Des représentations ambivalentes : entre concept institutionnel et représentation globale et systémique

environnementale urbaine au service de la qualité du cadre de vie

1.2. Des représentations ambivalentes : entre concept institutionnel et représentation globale et systémique

La ‘qualité environnementale urbaine’ comme concept institutionnel

En exprimant spontanément leur rejet ou leur adhésion à la notion de qualité environnementale urbaine en l’associant respectivement à leur insatisfaction ou à leur satisfaction de l’action publique en matière d’urbanisme, les habitants semblent appréhender la qualité environnementale urbaine comme un concept institutionnel.

Les propos de cet ancien habitant de Bordelongue témoignent des sentiments contradictoires que peuvent avoir les habitants de Tabar et de Bordelongue vis-à-vis de la qualité environnementale de leur quartier. Celui-ci explique tout d’abord que la qualité de l’air n’est pas prioritaire dans son quartier par rapport au manque d’infrastructure :

« Les habitants de Tabar [l’autre cité sociale] ne veulent pas avoir un espace de jeux pour enfants ici à cause de la pollution. Alors je leur ai dit : l’espace de jeux ici, vous ne le voulez pas à cause de la pollution, il y a la rocade, il y a le pont, et demain, il va y avoir la route, et il n’y aura pas de pollution supplémentaire ? On m’a dit « c'est vrai » ! Alors attendez… Déjà, avant l’espace vert il existait. Il n’y avait pas de route. Et maintenant les enfants ils jouent là, alors pourquoi pas là ? » Un habitant des Tours de Seysses et ancien habitant de Bordelongue interrogé lors d’un parcours commenté (2)

Cet habitant explique par la suite un intérêt certain pour la qualité de l’air quand il évoque un contexte territorial en dehors de son quartier :

« Vous voyez Pouvourville, Vieil Toulouse…vous montez-là. Ah c'est beau ! […] On se croit à la campagne, alors qu’on est en plein centre ! Là par contre, vous respirez de l’air ! Ce n’est pas comme ici, c'est en hauteur » Un habitant des Tours de Seysses et ancien habitant de Bordelongue interrogé lors d’un parcours commenté (2)

Contrairement à ce qu’il exprime dans le contexte de son propre quartier, quand il évoque un autre quartier cet habitant semble prendre en considération ce qui relève pour lui de la qualité environnementale urbaine. En rejetant la notion de qualité environnementale dans son propre quartier, cet habitant semble exprimer son rejet de l’institution qui peine à satisfaire ses besoins en matière d’urbanisme. Les propos contradictoires de cet habitant montrent que le rejet explicite de la notion de qualité environnementale urbaine semble être davantage un rejet du vocable que de ce qu’elle traduit réellement pour lui. La qualité environnementale urbaine est appréhendée comme un concept institutionnel sur lequel les habitants se positionnent spontanément.

Les habitants qui expliquent ne pas se préoccuper de la qualité environnementale du quartier se trouvent aussi être très critiques vis-à-vis de l’action de la collectivité dans le quartier. C’est particulièrement le cas dans les cités de logements sociaux à Bordelongue ou à Tabar. Un habitant de Bordelongue exprime ainsi une grande colère et estime vivre dans un quartier « oublié, désagréable, repoussant, mort, c’est de la merde »9. Le déficit d’aménagement et le sentiment d’abandon par les institutions sont prépondérants dans le ressenti de ces habitants. Ils sont vécus comme autant d'injustices à l’instar de ce que l’on observe dans d’autres quartiers populaires (Berry-Chikhaoui and Medina, 2010). Le rejet explicite du concept de qualité environnementale urbaine exprimé par certains habitants des cités de logements sociaux à Tabar et à Bordelongue semble donc traduire un rejet des institutions (bailleurs, ville, etc.) qui peinent à répondre aux besoins d’aménagement des habitants, et non pas véritablement un rejet de la qualité environnementale urbaine.

Même si en définitive ces habitants semblent sensibles à ce que traduit pour eux la qualité environnementale urbaine, le vocable semble être rejeté de prime abord car associé aux institutions. Comme semble le suggérer les propos de cet habitant de Bordelongue, ils se désinvestissent de la qualité environnementale et s’en remettent aux professionnels qu’ils estiment davantage experts en la matière :

« Par exemple pour la pollution, on nous parle d’histoires de pollution. Moi je dis c’est simple : vous prenez un paysagiste, il va vous dire qu’est-ce qui va faire que cette pollution elle va être arrêtée par telle plante ou telle plante. Ça existe. Donc voilà, vous nous foutez des arbres qui font 3 mètres de long je m’en fou maintenant qu’on sait qu’eux ils vont arrêter la pollution, puis basta c’est réglé ! » M. Erable, un habitant de Bordelongue interrogé lors d’un parcours commenté Il est possible de faire le même constat avec les habitants qui de prime abord adhèrent au concept de qualité environnementale urbaine. Ces habitants ont un regard positif sur les actions que mène la collectivité et ont le sentiment d’être pris en considération pour les choix d’aménagement. Une partie du quartier a été réhabilitée en concertation avec le comité de quartier. Une rue très passante du secteur pavillonnaire de Papus a en outre bénéficié d’aménagements destinés à réduire la vitesse des véhicules comme la pose de ralentisseurs, ou la transformation d’une voie de circulation en piste cyclable. Des aménagements d’embellissement ont également été réalisés avec notamment la mise en place de stationnements pour éviter les stationnements anarchiques. Un habitant de Papus explique ainsi être satisfait des actions qu’a entrepris la collectivité :

« Ici on est un peu gâté : pistes cyclables, il y a un bus qui passe tous les quarts d’heure. […] Ça a été refait 2 fois ! En plus ils ont demandé l’avis du comité du quartier pour savoir si on était d’accord. On a dit : non, pas ça, plutôt comme ça. Il l’on fait en fonction de ce que nous demandions » M. Rossignol, un habitant de Papus interrogé lors d’un parcours commenté

80 Delphine Chouillou – La qualité environnementale urbaine

Les membres du comité de quartier estiment à l’unanimité qu’il est important d’améliorer la qualité environnementale du quartier. Ils adhèrent à ce concept et le comité de quartier, à travers son président, milite pour que la collectivité mène des actions dans ce sens. Un habitant de Papus explique ainsi :

« Le président du comité de quartier, il est très sensible aussi à tout ce qui est pollution. Alors pollution sonore, il mène la bataille contre les bruits, et pollution atmosphérique, il mène la bataille également pour faire placer des capteurs, donc y’en a un déjà vers les écoles » M. Mésange, un habitant de Papus interrogé lors d’un parcours commenté

En étant associé à la satisfaction de l’action de l’institution, le concept de qualité environnementale urbaine est appréhendé par les habitants comme un concept institutionnel.

La qualité environnementale urbaine : une notion globale et systémique

La qualité environnementale urbaine n’est pas abordée par les habitants au seul prisme des attributs physiques de l’environnement urbain comme le bruit ou la pollution de l’air. Les habitants n’opèrent pas de distinction étanche entre ce qui fait la qualité environnementale - au sens restrictif des attributs physiques - et ce qui fait qualité du cadre de vie plus largement - qualité du voisinage, sentiment de sécurité, etc. Pour eux, la qualité de leur environnement ne peut être comprise que quand elle est réinscrite dans leur espace vécu.

Lorsque les habitants ont été interrogés sur les éléments qu’ils identifient comme étant constitutifs de la qualité environnementale de leur quartier, ils ont systématiquement fait référence à des éléments de la qualité de vie. Comme l’a exprimé un habitant lors d’un ‘focus groupe’, la qualité du quartier « c’est l'environnement mais aussi le lien entre les personnes ». Beaucoup ont fait référence à la convivialité dans le quartier :

« Ce qui manque c’est une vie dans ce quartier » M. Mésange, un habitant de Papus interrogé lors d’un parcours commenté

« Ce qui fait la qualité du quartier c'est l’amitié et le voisinage, oui c'est sûr. C'est surtout ça » M. Hirondelle, un habitant de Papus interrogé lors d’un parcours commenté

« Ce qui fait la qualité environnementale c’est le lien social. Mais ça fait pas partie de la qualité environnementale, non ? » M. Coccinelle, un habitant des Tours de Seysses interrogé lors d’un parcours commenté La matérialité de la ville quand elle est évoquée est associée elle aussi au vécu des habitants et au vivre ensemble. Un habitant évoque ainsi des « bâtiments à échelle humaine » et éviter la « concentration de population sur un petit espace » :

« Pour moi, la qualité environnementale ça rejoint aussi les petites structures d'habitations, des petits ensembles. […] Des bâtiments à échelle humaine, avec peu d'étages. Et construits de façon aéré et non pas avec une concentration de population sur un petit espace » Un habitant interrogé en ‘focus groupe’

Un autre aborde la question des commerces de proximité et leur impact sur la vie des habitants :

« Pour une bonne qualité environnementale, il faudrait ce genre de services qui nous facilitent la vie. Il faudrait un peu plus de magasins, sauf que quand il y en a qui ouvrent, ça marche pas très bien, les gens continuent d'aller loin pour faire leurs courses » Un habitant interrogé en ‘focus groupe’

Les habitants identifient également l’importance des spécificités territoriales dans la définition de la qualité environnementale. L’un d’eux en ‘focus groupe’ explique que « si on parle de la qualité environnementale, il va falloir la regarder rue par rue ». Un autre évoque l’esthétique des bâtiments qui doit marquer l’identité du quartier :

« Peu importe le style, il faut que ce soit bien rénové, avec une esthétique agréable et pas des choses répétitives avec juste quelques petites décorations sur les façades, donc beaucoup plus d'imagination, d'originalité. Je pense que dans certaines villes, il faut marquer l'originalité, l'identité de la ville » Un habitant interrogé en ‘focus groupe’

Telle qu’elle est abordée par les habitants, la qualité environnementale est un concept global et systémique qui œuvre au service du bien-être de chacun.

1.3. L’identification de thèmes environnementaux

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