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Développement des filières maraîchères au Sénégal

4.2. Un modèle de consommation « extravertie »

4.2.1. Origine de l’extraversion du modèle de consommation alimentaire

L’agriculture sénégalaise est très marquée par la culture de l’arachide. Sa diffusion massive durant la période coloniale, dans un contexte où les paysans font face à des pénuries alimentaires résiduelles et ponctuelles, a conduit à une production insuffisante de céréales locales pour nourrir la population rurale et a fortiori urbaine (Van Chi Bonnardel, 1978).

Le riz brisé importé d’Indochine vient combler ce déficit céréalier et permet du même coup l’expansion de la culture de l’arachide (Van Chi Bonnardel, op. cit. ; Ly, 2000 ; Faye, 2005 ; Ba, 2006). Ceci a permis de faire évoluer les habitudes alimentaires traditionnelles et à modifier la structure de la demande (Minvielle et Lailler, 2005 : p14).

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Ce recours au riz importé va donner naissance à l’extraversion du modèle de consommation alimentaire. Il est entré dans les habitudes alimentaires au point d’être l’ingrédient de base du plat national : le « ceebu jen »1. Ceci a été facilité par l’avantage que présente le riz pour la ménagère. Il nécessite moins de temps pour sa préparation que les céréales locales traditionnelles, consomme moins de bois, exige moins d’effort physique, permet de réaliser une gamme très variée de plats qui se conservent plus facilement que les plats à base de mil (Riss, 1989 ; Brüntup et al., 2006). [Le riz présente ainsi quelques atouts non négligeables face aux céréales traditionnelles, notamment pour les ménages urbains]. Le recours au riz importé a donné naissance à un système alimentaire dichotomique avec d’une part une alimentation pour la population urbaine basée principalement sur les céréales importées2

Cette dépendance vis-à-vis du riz importé s’est accentuée avec l’augmentation de la population. Cette dernière est passée de 1.840.000 personnes en 1940 à 2.460.000 personnes en 1960 (soit une augmentation de 75%). Alors que la production de mil et de sorghos n'a augmenté dans le même temps que de 32 %. Cet ancrage progressif et durable du riz comme céréale de base pour l’alimentation va entraîner une augmentation de la demande en légumes. En effet, dans presque toute la gamme de plats cuisinés à base de riz, les légumes sont présents en quantité importante (

et d’autre part une alimentation pour la population rurale basée, quant à elle, sur les céréales locales et le riz importé en période de soudure.

Tableau 4-1).

1 Riz au poisson

2 Blé sous forme de pain ou de biscuits et surtout le riz brisé pour les repas quotidiens

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92 Tableau 4-1: Les légumes dans les différents plats à base de riz au Sénégal

Nom du plat Céréale de base Aliments d’accompagnement Ceebu jen (riz

au poisson)

Riz Poisson, huile, chou, carotte, oignon, aubergine, tomate, manioc, piment, ail,…

Ceebu yapp Riz Viande, huile, chou, carotte, manioc, aubergine, ail,…

Mafé Riz Viande, huile, oignon, pomme de terre, carotte, tomate,

navet, chou, piment,…

Thiou Riz Viande, huile, oignon, pomme de terre, carotte, tomate,

chou,…

Domada Riz Poisson, huile, oignon, tomate, carotte, ail, piment,…

Soupou kanja Riz Viande, huile de palme, gombo, oignon, tomate, ail,

piment,…

Yassa Riz Viande ou poisson, huile, oignon, ail, citron,…

Source :

4.2.2. Élargissement du modèle par la démographie et une urbanisation galopante

inventaire effectué par l’auteur Cette structure de consommation héritée de l’époque coloniale a pris de l’importance depuis l’indépendance suite à la croissance exponentielle de la population et à l’urbanisation, entraînant une demande de plus en plus forte en légumes.

Sur le plan démographique, deux phénomènes marquent le Sénégal après l’indépendance : une croissance rapide de sa population et une forte urbanisation.

Entre 1960 et 2007, la population du Sénégal a connu une croissance exponentielle (cf. Figure 4—1) ; elle est passée de 3,5 millions d’habitants à 12,4 millions d’habitants en 2007 (BM, 2008). Elle a presque quadruplée en moins de cinquante (50) ans. Alors qu’elle n’a que doublé dans le même laps, entre 1900 et 1950, passant de 1 millions d’habitants à 2 millions d’habitants (Faye et al, 2007).

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Figure 4—1: Évolution de la population du Sénégal de 1960 à 2005

Source :

Figure 4—2: Répartition de la population selon le milieu de résidence de 1970 à 2005

Banque mondiale, 2008

Source : Banque Mondiale,2008

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94 La population du Sénégal, qui était essentiellement rurale, c’est rapidement urbanisée (Figure 4—2). Le taux d’accroissement de la population urbaine reste très élevé, même s’il baisse sur une longue période ; il est supérieur au taux d’accroissement de la population générale en considérant différentes périodes (cf.

Tableau 4-2).

Cette dynamique réside dans le fait qu’en dehors de l’accroissement naturel, conséquence de la différence entre natalité et mortalité, la population urbaine continue d’absorber un tiers de la croissance de la population rurale (Adjamagbo et Antoine, 2002). Ces phénomènes de migration ont été plus importants durant les cycles persistants de sécheresses depuis les années 70 et la crise de l’agriculture qui a suivi.

Tableau 4-2: Taux d'accroissement de la population au Sénégal

Période 1960-1976 1976-1988 1988-2002

Taux d’accroissement de la population totale 2,1 2,73 2,43

Taux d’accroissement de la population urbaine 4,5 3,9 3,5

Source : Recensement (1976, 1988,2002) et Banque Mondiale (2008) Cette urbanisation n’est pas seulement la somme d’un accroissement naturel de la population et d’un déplacement de la campagne à la ville. C’est aussi un changement de statut de producteur agricole à celui de consommateur et un accroissement de la population « improductive » en termes d’alimentation de base.

Avec la tendance à l’extraversion de l’alimentation, renforcée par les différentes politiques publiques ainsi que l’urbanisation galopante, le riz est entré dans les habitudes culinaires de toutes les ethnies. Il est aujourd'hui acheté et consommé par l'ensemble de la population urbaine et rurale (Riss, 1989 ; Brüntup et al., 2006).

Cette pression aura comme corollaire une demande structurelle en légumes poussant le développement des filières maraîchères.

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4.3. Maraîchage au Sénégal : entre croissance et

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