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Méthodologie et déroulement de l’étude

5.3. Analyse des filières et de l’utilisation de l’information

Répondre aux hypothèses H3 et H4 revient à déterminer comment les maraîchers font pour faciliter l’écoulement de leurs productions et l’interaction de ceci avec l’utilisation de l’information prix diffusée par les SIM. Il convient donc de regarder l’activité commerciale dans sa globalité et de préciser les interdépendances. Pour cela, nous utiliserons l’approche filière. Cette dernière est un outil qui permet de comprendre les principes d'organisation qui président à la structuration de la filière, le type de concurrence engendré par le comportement des agents et la structure de la filière (Soufflet, 1995). L’analyse comprend principalement trois dimensions : la dimension technique, la dimension institutionnelle, fonctionnelle et organisationnelle et la dimension économique.

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120 Pour la dimension technique, il s’agit de dresser le schéma des opérations de la filière, les techniques utilisées pour réaliser ces opérations et leurs performances. Cela permet entre autre de repérer où sont les goulots d’étranglement. La dimension institutionnelle consiste à repérer qui sont les intervenants, quelles sont les relations entre eux et quels sont leurs objectifs. Il convient pour cela d’identifier les acteurs directs et les acteurs indirects. Les acteurs directs sont ceux qui sont impliqués dans la production et les différentes opérations nécessaires jusqu’à l’acheminement du produit au consommateur. Ils sont propriétaires des produits au moins à un stade. Les acteurs indirects sont ceux qui interviennent dans la filière en appui aux acteurs directs. La dimension économique consiste en l’analyse des coûts et bénéfices à chaque opération.

Notre objectif étant de déterminer les mécanismes mis en place par les maraîchers pour écouler leurs récoltes, nous utiliserons principalement la dimension institutionnelle. Cet écoulement nécessite la rencontre entre différents acteurs qui a lieu le plus souvent au niveau des marchés de groupage (ou marché de collecte), des marchés de gros ou des marchés de détails.

Compte tenu des spécificités des différentes zones des Niayes, nous avons retenus deux marchés de groupage : le marché de Potou et celui de Mboro. Le marché de Potou est situé à trente kilomètre de Louga, en direction de la côte. C'est le site de production et de commercialisation de l'oignon le plus important des Niayes. Potou se situe au cœur de la zone Nord. Mboro est localisé dans la zone Centre. Elle est la première zone de production de pommes de terre des Niayes ; elle se caractérise surtout par la diversité des cultures maraîchères qui y sont pratiqués.

Les productions des Niayes étant principalement destinées à l’approvisionnement de Dakar, nous avons centré nos observations sur les marchés de gros qui y sont localisés. C’est ainsi que les marchés de gros (mais aussi de détails) de Thiaroye et de Dalifort ont été choisis. Le marché de Thiaroye est le marché de gros le plus important du pays par le volume quotidien de légumes débarqués, par sa capacité d'absorption et par sa population d'acteurs économiques.

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Implanté à une quinzaine de kilomètre à l'est du centre ville de Dakar, sa situation a proximité de l’axe routier principal en a fait la principale porte d'entrée des légumes nationaux. Le marché de Thiaroye est un marché de débarquement à partir duquel la grande partie du pays et de la sous-région sont approvisionnés. Le marché de Dalifort est, après Thiaroye, le marché de gros le plus important. Il doit son essor à sa proximité du plus grand quartier de Dakar, les Parcelles assainies.

Sur ces marchés de groupage et de gros, nous avons menés des entretiens semi-directifs ainsi que des enquêtes détaillées. Pour les localités de Potou et Mboro, un échantillon aléatoire de 92 producteurs par site a été interviewé entre mai et juin 2003. Le questionnaire élaboré permettait de recueillir des données la production, la commercialisation et l’utilisation de l’information. Concernant la production, il s’agissait de réunir les informations pour chaque producteur sur les spéculations effectuées, l’arbitrage entre ces spéculations, les problèmes de financement de campagne. Pour la commercialisation, les données sur les marchés de destination ainsi que la nature des transactions avec les autres acteurs de marchés ont été relevées.

Concernant l’aspect informationnel, les besoins en information, les sources de renseignement et l’utilisation de cette information ont été consignées (cf. annexe B).

Nous sommes retournés sur ces deux sites en 2005 et en 2007 pour confirmer nos résultats à travers des entretiens semi-directifs. Ces deux localités ont reçu l’information diffusée par radio par le projet PAEP, qui porte principalement sur l’oignon et la pomme de terre. Les maraîchers utilisant le dispositif Manobi n’étant pas présents dans ces deux sites, nous avons soumis le même questionnaire aux producteurs localisés à Sangalkam proche de Dakar (dix maraîchers) et à Rao proche de Saint-Louis (six maraîchers). Pour suivre l’évolution du système Manobi, nous avons eu des entretiens avec les dix maraîchers de Sangalkam trois années plus tard (juin 2006).

Des entretiens semi-directifs ont été menés auprès des autres acteurs. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la relation entre le producteur et le coxer dont une étude précédente nous avait montré leur rôle dans l’écoulement des produits maraîchers.

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122 Les coxers sont des intermédiaires commissionnaires chargés de réceptionner les produits maraîchers, de trouver des acheteurs et de négocier les prix. Des enquêtes ont été menées auprès de quinze coxers implantés dans le marché de Thiaroye. Pour les autres marchés de Dakar ? , nous en avons interviewés cinq par marché. Les informations recueillies portaient sur le comportement de recherche d’information du coxer, le déroulement des transactions et ses rapports avec les producteurs et les autres intermédiaires (c. annexe C).

L’approche filière nous permet d’établir les interactions entre les maraîchers, les coxers et les autres acteurs des filières maraichères. Pour analyser ces interactions, nous utiliserons la Nouvelle économie institutionnelle (NEI). En se focalisant sur la transaction, la NEI nous permet de cerner plus précisément les relations de coordination entre les agents. Différents modes de coordination sont étudiés (Williamson, 1975 ; 1985 ; 1996) : le marché, l’intégration verticale et les formes hybrides. Le marché est un mode de coordination caractérisé par l'absence d'engagement à long terme et des contrats complets. La coordination se réalise essentiellement par le prix. L’intégration verticale implique l’incorporation de la production à l’ensemble du processus de commercialisation. La coordination se fait par la hiérarchie. Cette dernière est un mode de coordination dans lequel l’une des parties contrôle tout le processus production-consommation ainsi que les flux d’information.

Pour les formes hybrides, les relations sont de marché. Le contrat gère la coordination entre les acteurs.

Nous utiliserons la grille développée par Jaffee qui présente l’avantage de mieux spécifier ces formes hybrides. Jaffee (1990) propose un continuum d'arrangements institutionnels qui sont souvent rencontrés dans les transactions en agriculture (cf. Figure 5—1). Nous retrouvons le marché (Spot Market Purchase) et l'intégration verticale (Vertical Integration) aux extrémités du spectre. Entre ces deux pôles s'intercalent différents types d'arrangements contractuels :

− Accord de réciprocité marchande (Market Reciprocity Agreement) : l'échange se réalise au prix courant du marché. Ce sont des accords informels, mais ils ont une force contractuelle qui repose sur la

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répétition des échanges et la confiance réciproque qui se construit dans le temps ; ce qui permet aux acteurs de minimiser leurs coûts de recherche (en information, en partenaire,…).

− Contrat à terme (Forward Market Contracts) : ce type de transaction nécessite un engagement à terme des vendeurs et des acheteurs pour un produit donné à une date fixée. Les prix peuvent être fixés ex ante ou au moment de l'échange. Ce mode de coordination implique donc des engagements formels sur la quantité et/ou sur la qualité des produits. Il permet à l'acheteur de réduire l'incertitude sur l'offre et au vendeur l'incertitude concernant l'accès au marché.

− Contrat lié entre facteur de production et commercialisation du produit (Interlinked Factor and Market Contract) : ici, le contrat intègre le processus de production. L'acheteur du produit intervient dans la production en fournissant des inputs et les conseils techniques, le vendeur se pliant aux exigences de celui-ci.

Figure 5—1. Grille de lecture de Jaffee

Source : Jaffee (1990) L’utilisation de la NEI nous permettra de mieux d’appréhender les problèmes de coordination. Afin d’analyser plus finement les phénomènes liés à l’asymétrie d’information, nous allons recourir à la théorie positive de l’agence.

La théorie de l’agence s’intéresse à la mise au point de contrats bilatéraux dans le cas où il y a asymétrie informationnelle entre les deux parties (Brousseau, 1993). La relation d’agence ne concerne que deux parties. L’une d’elle, le principal, délègue un droit décisionnel à l’autre, l’agent.

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124 Un problème d’agence se pose si l’agent dispose d’une marge de manœuvre et que son action, difficilement observable par le principal, affecte le bien-être des deux parties. Le traitement de ce problème d’agence à donné lieu à deux types de littératures : la théorie normative de l’agence et la théorie positive de l’agence avec l’article fondateur de Jensen et Meckling (1996).

La théorie normative de l’agence recours à la formulation mathématique pour déterminer les contrats optimaux à mettre en place entre deux parties ayant des préférences et des informations différentes. La théorie positive de l’agence (TPA) analyse les mécanismes réellement mis en place par les agents économiques confrontés à des relations d’agence (Brousseau, op. cit.). C’est ainsi que nous mobiliserons la TPA afin d’analyser les formes des contrats et les mécanismes organisationnels des filières maraîchères au Sénégal.

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