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Agriculture, information et coordination

3.4. Apories analytiques ?

3.4.2. NEI et prix : différents niveaux de fixation des prix

L’approche néo-institutionnelle s’intéresse aux questions relatives aux institutions ; elle se compose de deux programmes de recherche complémentaires qui correspondent à deux niveaux d’analyse :

— Un premier qui étudie la nature et le rôle des institutions en mettant en relief leur dimension historique (North, 1981; Greif, 1998 ; Aoki, 2001) ; selon ce programme de recherche, « un environnement institutionnel ne se caractérise pas seulement par la production de règles et/ou de normes (d'où le problème des types de règles), mais aussi et surtout par la production de dispositifs destinés à la mise en œuvre de ces règles et par leur mise en œuvre effective ;. L'analyse de ces dispositifs est une pièce maîtresse du programme néo-institutionnel. » (Ménard, 2003) ;

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— Un second porte sur l'étude des modes d'organisation des transactions, des arbitrages entre ces modes, et de leur efficacité comparée, avec une forte dimension analytique ; c’est une approche micro-économique qui est représentée par la théorie des coûts de transaction.

Ces deux programmes s’accordent sur l’importance des coûts de transaction.

Selon la théorie des coûts de transaction, les agents économiques disposent d'une rationalité limitée. En outre, l’incertitude et la complexité qui caractérisent l’environnement auquel ils sont confrontés font, qu’avec leur rationalité limité, il est impossible aux agents d’anticiper toutes les contingences possibles. De ce fait, ils vont adopter des modes de coordination ou "structures de gouvernance" les plus à même de réduire leurs coûts de transaction. Ces derniers sont ceux liés à la coordination des échanges, tels que ceux liés à l’acquisition et au traitement de l’information (Hayek, 1945 ; Alchian and Demsetz, 1972 ; Hoff and Stiglitz, 1990), les coûts de négociation des contrats (Coase, 1937 ; Williamson, 1985), les coûts relatifs à l’« enforcement » des contrats (North, 1989 ; Milgrom, North and Weingast, 1990 ; Greif, 1993).

Les structures de gouvernance qu’adoptent les agents transforment la nature de l’échange puisque, en plus des biens et services, des droits et devoirs sont échangés. Dans la NEI, contrats, organisations et institutions aménagent des droits et devoirs réciproques constitutifs de mécanismes de prise de décisions et de contrôle des comportements individuels qui permettent, in fine, de réaliser les ajustements mutuels nécessaires à l’usage des ressources et à la coordination entre agents. Les structures de gouvernance reposent également sur la définition de schémas de rémunération destinés à canaliser les comportements en jouant sur les intérêts individuels. Ces schémas compensent à la fois les transferts de ressources et les obligations contractées à l’égard du ou des partenaires transactionnels.

Ainsi, la NEI nous permet d’analyser à la fois la coordination entre les acteurs mais aussi les taux d’échange des biens et services. La définition de taux d’équivalence va relever de l’enchevêtrement de plusieurs logiques (Brousseau, 1999) :

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— Certaines sont directement liées aux modalités particulières de définition des taux d’équivalence entre ce qui est donné et reçu par chaque partie ; autrement dit des schémas contingents de rémunération qui permettent d’influencer le comportement de l’autre partie par le biais de trois logiques :

o Logique de révélation ou de signal o Logique d’incitation

o Logique de garantie

— Les autres tiennent à la modification des caractéristiques des transactions introduites par les dispositifs de coordination créés pour en assurer la gouvernance

o Abandon de souveraineté qui va être rémunéré

o Inciter l’une des parties à investir dans des ressources non redéployables et pour cela lui garantir un retour sur investissement.

Ces logiques apparaissent non seulement à un niveau interindividuel mais aussi un niveau collectif. En effet, la définition de taux d’échange entre les biens et services ne résulte pas uniquement d’arrangements volontaires et bilatéraux. Elle découle également d’arrangements collectifs. En vue de réduire les coûts de transaction, la coordination se réalise à plusieurs niveaux. C’est ainsi que certaines caractéristiques des biens et services échangés sont spécifiées à un niveau collectif par des institutions permettant de ce fait de ne pas les redéfinir dans les contrats interindividuels (Brousseau, 1996). De même, certaines fonctions sont réalisées à un niveau collectif comme la définition de langages et de normes de comportements. La réalisation de certaines fonctions sur lesquelles on peut bénéficier d’économie d’échelle et d’apprentissage permet ainsi d’abaisser les coûts de gouvernance des transactions interindividuelles. Les modes de coordination et donc les prix sont définis à plusieurs niveaux (Brousseau, 1996) :

— Institutions publiques

— Institutions privées avec la mise en place de dispositifs collectifs privés (Coase, 1992 ; North, 1990 ; Milgrom, North, Weingast, 1990)

— Niveau bilatéral

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88 Il ressort de ce qui précède que les taux d’échanges sont influencés par les difficultés des transactions inhérentes à plusieurs logiques. Ces difficultés sont résolues avec la mise en place de dispositifs de gouvernance qui s’articulent à plusieurs niveaux. Ainsi, les systèmes économiques sont marqués par l’existence de nombreuses instances privées ou publiques de définition de règles tarifaires, prix planchers, plafonds ou “ de référence”, règles d’indexation ou de renégociation, qui se substituent totalement ou partiellement à la négociation bilatérale des prix par les agents économiques. La manière dont ces instances organisent la rencontre entre l’“offre” et la “demande” (degré de centralisation des négociations, fréquence de celles-ci, mode de représentation des parties en présence, règles de négociation, etc.) influence nécessairement la manière dont les prix se fixent et évoluent (Brousseau, op.

cit.).

3.5. Conclusion

Les caractéristiques fondamentales des produits agricoles font qu’il est nécessaire d’introduire le temps et l’espace dans l’analyse. Leur prise en compte nous montre que l’environnement décisionnel du producteur est marqué de la production à l’échange par les deux sources d’imperfection de l’information, respectivement l’incertitude radicale et l’asymétrie d’information. Nous avons ainsi émis deux propositions et quatre hypothèses que nous résumons dans la Figure 3—3

.

La proposition 1 porte sur les mécanismes mis en place pour faire face au problème lié à l’incertitude de l’information lors des décisions d’allocation des ressources. A un niveau individuel, le producteur peut adopter des mécanismes managériaux, notamment diversifier sa production, pour transférer, limiter ou réduire l’incertitude : hypothèse H1.

A l’échelon collectif, des institutions peuvent être mises en place en vue de faciliter la coordination des plans des acteurs économiques : hypothèse H2. La proposition 2 porte sur les solutions adoptées par les producteurs pour pallier le problème d’incertitude avec les intermédiaires (hypothèse H3) et l’interaction de ces solutions avec l’utilisation de l’information prix diffusée par les SIM (hypothèse H4).

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La difficulté principale est celle de la coordination dans un contexte où celle-ci recouvre des problèmes différents et interdépendants. Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, ces problèmes sont traités par diverses théories, plutôt indépendantes en ce qu’elles concernent des questions différentes. Se pose la question de leur cohérence. L’utilisation du « price risk management » et de la nouvelle économie institutionnelle nous ont permis d’en voir la cohérence.

Source : l’auteur Figure 3—3: De la production à l'échange, deux problèmes de coordination

Production Échange

t0

t1

Problème de coordination

Problème de coordination verticale

Incertitude radicale Asymétrie

Proposition 1 Proposition 2

Mécanisme managérial Mécanisme institutionnel

collectif

Mécanisme institutionnel bilatéral

Impact utilisation SIM Price level uncertainty Price Risk Management Basis uncertainty

Nouvelle économie institutionnelle Théorie positive de l’agence

P ARTIE 2.

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