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Problématique générale de la relation entre information, coordination et prix

2.3. Les limites informationnelles du prix

2.3.2. Critique du marché walrassien par Hayek : marché comme système de communication

Dans le modèle walrassien, le système de prix résume toute l’information nécessaire aux agents pour leurs prises de décisions. Cette information est supposée donnée. Elle est obtenue ex ante, une fois l’équilibre déterminé par le

« secrétaire de marché ».

Cependant, si nous nous situons dans un contexte, plus réaliste, où l’information est dispersée entre les acteurs. Si nous considérons un processus hors équilibre de sorte que ces derniers ne puissent pas, en un moment donné, disposer de toute l’information nécessaire à la prise de décision.

Alors quelle organisation économique serait la plus à même d’apporter aux individus les informations dont ils ont besoin pour leurs prises de décision et leurs coordinations ?

La réponse à cette question a conduit à la controverse sur l’efficacité comparée des deux modes alternatifs de coordination que sont le plan et le marché. Les origines de ce débat peuvent être trouvées dans les travaux de Taylor (1929), Barone (1935), von Mises (1935), Lange (1936-37) et Hayek (1945).

Pour les tenants de la planification centralisée (Lange et Lerner), il est possible de mettre sur pied une agence centrale de planification qui va considérer des prix comptables qui vont être des prix d’équilibre obtenus par approximations successives de sorte que l’économie socialiste fonctionne comme un équilibre walrassien dont les agents sont preneurs de prix et que l’agence de planification joue le rôle de « secrétaire de marché » (Rallet, 2000).

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26 Selon Hayek (1937), l’efficience d’un marché compétitif ou d’une économie planifiée dépend de leur capacité à utiliser les connaissances existantes. Il considère que le processus de marché est plus indiqué comme réponse à cette question.

Selon lui aucun planificateur central n’a la capacité de réunir de manière suffisamment rapide les informations nécessaires à la détermination de l’équilibre.

Alors qu’avec le processus de marché, les prix vont fonctionner comme un système d’information permettant aux agents de se coordonner ; cependant ex post et non ex ante comme dans le modèle walrassien. Comment ? Pour le montrer, il va essayer de retourner au sens original du processus de marché tel que définit par Adam Smith, sens que les développements du modèle walrassien ont obscurci. Il va de ce fait mettre en évidence la puissance du marché comme système de communication : « nous devons considérer le système des prix comme un mécanisme de communication de l’information si nous voulons comprendre sa fonction réelle » (Hayek, 1986). Ceci est d’après Hayek (1976), “the most fascinating interpretations of the theory of the market since Adam Smith”.

Hayek va d’embler se situer dans un contexte où les connaissances sont dispersées et subjectives. En effet, la connaissance à laquelle il se réfère est "the knowledge of the circumstances ... [which] never exists in concentrated or integrated form but solely as the dispersed bits of incomplete and frequently contradictory knowledge which all the separate individuals possess" (Hayek 1945:

77).

Le problème central en économie n’est plus comme le souligne les néoclassiques celui de l’efficience de l’allocation des ressources données ; mais plutôt « comment la combinaison de connaissances fragmentaires dispersées dans des esprits différents peut elle produire des résultats qui, s’ils devaient être produits délibérément nécessitent que l’esprit dirigeant possède une connaissance qu’aucune personne seule ne peut posséder ? » (Hayek, 1937 : 54).

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L’attitude critique de Hayek à propos du modèle walrassien est donc basée sur des considérations informationnelles. De son point de vue, on ne peut parler d’équilibre sans traiter de l’homogénéité des plans des agents, l’information étant dispersée dans l’économie. Pour que la notion d’équilibre ait un sens, il doit être capable de décrire la façon dont les agents ayant une ‘‘dotation’’ en information différente entreprennent des actions qui sont compatibles aussi bien avec l’incertitude des événements exogènes, qu’avec les actions possibles entreprises par les autres acteurs du système. Du fait des différences informationnelles, les agents peuvent avoir des opinions divergentes sur comment se comporte le système économique. Ainsi selon Hayek, trois conditions doivent être satisfaites à l’équilibre. En premier lieu, les projets individuels des agents doivent être individuellement cohérents. La seconde condition est que ces projets ne doivent pas être contradictoires si considérés conjointement (Hayek, 1937). Il y a une tierce condition implicite dans le raisonnement de Hayek : la pertinence dont la clarification n’a été apportée qu’avec l’analyse des processus hors équilibre (Hayek, 1945 ; 1946). Cette condition stipule que si l’équilibre doit prévaloir, il faut que le procédé d’échange puisse permettre la transmission de l’information dispersée à travers l’économie (Zappia, 1996).

Le marché devient chez Hayek un processus de révélation et de partage de l’information par nature dispersée (Rallet, op. cit.). En effet, durant le processus de concurrence, toute l’information nécessaire à l’échange et donc à la formation des prix se diffuse de manière décentralisée (Galtier, 2002).

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28 Les prix sont les conséquences d’actions individuelles basées sur les connaissances situationnelles, la connaissance des circonstances particulières de lieu et de temps sur la base de laquelle "practically every individual has some advantage over all others because he possesses unique information of which beneficial use might be made, but of which use can be made only if decisions depending on it are left to him or are made with his active co-operation" (Hayek 1945: 80). Une fois les prix formés, ils fournissent des données additionnelles aux agents qui vont s’adapter sans pour autant connaître les causes qui ont conduit à l’évolution constatée. Hayek donne l’exemple de l’ajustement du prix de l’étain suite à la disparition d’une source de production pour illustrer son propos. Les prix jouent alors le rôle d’agrégation et de transmission de l’information dispersée dans le système économique. C’est le processus le plus efficace dans un contexte de connaissance limitée et de modifications fréquentes des données. Le prix d’équilibre est obtenu ex post. A cet équilibre, tous les agents sont capables d’atteindre une interprétation commune des événements exogènes pertinents. Il faudrait donc qu’un certain degré de connaissance devienne commun à tous les acteurs, en même temps, pour atteindre l’équilibre. Ce dernier dépend donc du degré d’information (ou connaissance selon Hayek) qui doit être agrégé et transmis par le mécanisme de marché. En conséquence, le marché produit la connaissance dont il a besoin pour son fonctionnement.

Cependant Grossman et Stiglitz nous montre qu’un marché ne peut être informationnellement efficace.

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2.3.3. Paradoxe de Grossman et Stiglitz : « On the Impossibility

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