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UN ESPACE D’INHUMATION DIFFéRENTIEL ET L’INTéGRATION DE L’INDIVIDU

Dans le document Décrypter la différence (Page 185-188)

Un seul caveau a été édifié dans l’ensemble mo- nastique fouillé. Sa présence, sur l’emprise d’une ga- lerie de circulation du cloître et non au contact de l’église majeure, confère à cette structure funéraire une place particulière sur un lieu de passage. Ainsi, il est visible de tous : frères et paroissiens.

Ce type de structure funéraire, fréquemment ren- contrée dans les couvents des ordres mendiants, était plutôt destiné à des personnes aisées (VOLTI, 2003).

Il est donc probable que l’individu atteint de la maladie de Paget ait appartenu à une couche de la population ayant les moyens de prendre en charge

2 Elles ont été réalisées par M. Bessou, technicienne au Laboratoire

PACEA - LAPP, UMR 599, Université Bordeaux .

une personne souffrante. La déter- mination du NMI a permis de quan- tifier un nombre somme toute très limité d’individus au sein du caveau et les classes d’âges représentées in- vitent également à se demander si cette structure funéraire n’était pas destinée à une seule famille, poten- tiellement noble, comme celles qui fréquentaient ce type de couvent. La maladie étant à un stade étendu, ce sujet devait ressentir de multiples douleurs lors de ses déplacements, mais son squelette ne présentant aucune déformation, sa maladie n’était pas visuellement perceptible par son entourage (ARNAUTOU, 2007). Cela a peut-être eu une in- cidence sur son acceptation dans la communauté, mais il n’existe pas à notre connaissance d’exemple d’exclusion d’individu atteint par cette maladie dans un ci- metière tardo-médiéval. Son inhumation dans le caveau, une structure particulière, est en tout cas un argument important en faveur de son insertion dans la société.

fig. 4 : Fragment de l’épine scapulaire avec apposition d’os néoformé (vue postérieure) (Cliché H. Réveillas)

fig. 5 : Radiographie de l’axis et de trois ver- tèbres lombaires comparées à une vertèbre non pathologique provenant d’un autre indi- vidu (Cliché M. Bessou, PACEA - LAPP, UMR 5199, Université Bordeaux 1)

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rientatiOns

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ibliOgraphiques

ARNAUTOU J.-P. (2007) - La maladie osseuse de

Paget : étude paléopathologique, Thèse de docto-

rat, Talence: Université Bordeaux 1, 163 p.

BERGERET A., DONAT R. et CHAZELLES C.-A.

(2004) - Le couvent des Franciscains à Perpignan. Premiers résultats et perspectives., Archéologie

du Midi Médiéval, 22, p. 199-207.

DUDAy H. (2005) - L’archéothanatologie, in O.

Dutour, J. J. Hublin and B. Vandermeersch (dir.)

Objets et méthodes en paléoanthropologie, Paris,

Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, p.153-214.

DUDAy H. (2006) - Lezioni di Archeotanatologia.

Archeologia funeraria e antropologia di campo.,

Rome, Soprintendenza Archeologica di Roma, Eco- le Française de Rome et Ecole Pratique des Hautes Etudes, 230 p.

VOLTI P. (2003) - Les couvents des ordres men-

diants et leur environnement à la fin du Moyen -Âge. Le nord de la France et les anciens Pays-Bas méri- dionaux, Paris, CNRS Editions, 311 p.

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«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

marGiNaLiSaTioN D’UN SUJeT aTTeiNT D’UNe maLaDie De

PaGeT aU XVi

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SieCLe À aSCHèreS-Le-marCHé (LoireT) ?

Laure PECQUEUR 1

1 - Inrap - laure.pecqueur@inrap.fr

L

a sépulture, isolée de tout contexte paroissial, est implantée le long d’un chemin médiéval re- liant le bourg d’Aschères-le-Marché à celui de Neu- ville-aux-Bois. Le sujet, un adulte de sexe masculin, plutôt mature, repose sur le dos dans une fosse par- ticulièrement étroite (fig. 1). Il est orienté ouest-est (tête à l’Ouest) en accord avec les prescriptions fu- néraires en vigueur à la fin du Moyen-Âge. Outre une inhumation atypique, hors contexte cimétérial, la particularité de ce défunt est de présenter de nombreuses pathologies osseuses, affectant princi- palement les os des membres et du rachis (fig. 2). L’os le plus atteint est le tibia droit qui a quasiment doublé de volume (fig. 3). Ces anomalies, récurren- tes et repérées sur plusieurs autres pièces osseuses (humérus droit et fémur gauche, fig. 4), sont très probablement provoquées par une maladie de Pa- get. Cette dernière devait être ici très visible et par- ticulièrement invalidante d’autant que la cheville n’était plus mobile (le talus est soudé au tibia). Les nombreuses épingles retrouvées sur l’ensemble du squelette suggèrent que le corps était enveloppé dans un linceul (fig. 5)

Un autre élément textile peut également être restitué à hauteur du tibia droit qu’il semble enve- lopper tout en étant maintenu par un lien périssa- ble, de type lacet, ce dont témoignent les six ferrets métalliques retrouvés. Cet élément pourrait avoir dissimulé la difformité particulièrement visible à cet endroit du corps, tout comme elle a pu soutenir (avec l’adjonction d’une tige rigide et aujourd’hui

disparue) un membre rendu défaillant par la patho- logie. Il faut souligner que le défunt n’a pas été dé- pouillé de cet « appareillage » de fortune, esthétique et/ou compensateur et semble même avoir bénéficié d’un traitement funéraire, hormis le lieu d’élection de la sépulture, en plein accord avec les prescrip- tions liturgiques (fig. 6).

fig. 1 : Sépulture d’un individu mas- culin mature atteint d’une maladie de Paget à Aschères-le-Marché (Loiret) (cliché L. Pecqueur, Inrap)

fig. 4 : Détail des déformations osseuses affec- tant l’humérus droit (cliché L. Pecqueur, Inrap)

fig. 3 : Détail des déformations osseuses af-

fectant le tibia droit (cliché L. Pecqueur, In- rap)

os présentant une pathologie 0

1m

fig. 2 : Mise en évidence des os atteints par la pathologie in- validante (relevé L. Pecqueur, Inrap)

fig. 5 : épingle de linceul mise au jour sur le rachis vertébral (cliché L. Pecqueur, Inrap)

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La non-agrégation de cette sépul- ture au cimetière paroissial a pu laisser supposer qu’il s’agissait de la mise à l’écart d’un défunt par les membres de sa propre communauté ; en effet, consi- dérant son handicap, les difficultés de locomotion, cet individu ne pouvait certainement pas être un homme de passage. Mais une conclusion associant handicap physique et marginalisation funéraire semble prématurée : il est, en effet, communément admis que les sé- pultures hors cimetières participent, à leur façon, de la norme médiévale, les exemples se multipliant et ce jusqu’à des périodes assez récentes (au-delà du XIIIème siècle). D’autres éléments

vont également à l’encontre de l’hy- pothèse d’une exclusion. Si la sépul- ture n’est pas inscrite dans le cimetière communautaire, elle n’en est pas pour autant isolée puisqu’une autre tombe, celle d’un adolescent âgé de 14 à 16 ans, se situe à proximité et parallèlement à la première. L’orientation des deux sépultures est identique. D’une part,

le regroupement de ces deux inhuma- tions au même endroit ne peut en rien être dû au hasard, d’autre part, cette autre sépulture est également assez atypique car le sujet repose sur le côté droit, les corps contemporains étant généralement placés sur le dos.

Le soin qui a entouré l’inhumation est évident : la fosse a été creusée en vue du dépôt de l’individu, ce dernier a été déposé et non jeté, l’enveloppe- ment du corps est soigné.

Ainsi, cet exemple présente-t-il des éléments contradictoires qu’il est difficile d’interpréter en terme d’ex- clusion ou d’intégration : l’individu est d’une certaine manière margina- lisé en raison même de sa situation to- pographique mais ses contemporains l’ont toutefois inhumé avec une réelle attention, démontrant ainsi la prise en charge de l’individu, au moins dans la mort.

épingle ferret

alliage cuivreux fer sur l’os sous l’os

0 1m

fig. 6 : Répartition des épingles et ferrets sur le sque- lette (relevé L. Pecqueur, Inrap)

 La sépulture a fait l’objet d’une datation radiocarbone, GrA. 4757 :

00+/- 0BP soit en datation calibrée 520 à 590 après J.C.

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PECQUEUR L. (dir.) (2008) - Commune d’Aschères-le-Marché (Loiret), «La Cardeuse», «Réages de Luyère», Site

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«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

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Dans le document Décrypter la différence (Page 185-188)