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La reiNe aréGoNDe : UN CaS De PoLiomYéLiTe méroViNGieN.

Dans le document Décrypter la différence (Page 90-94)

Véronique GALLIEN 1, Yves DARTON 2, Claude RUCKER 3, Luc BUCHET 4, Patrick PERIN 5

1 - Inrap - Cepam, UMR 6130 UNS/CNRS, Sophia-Antipolis - véronique.gallien@inrap.fr

2 - Cepam, Sophia-Antipolis - darton@cepam.cnrs.fr 3 - Cepam, Sophia-Antipolis - claude.rucker@free.fr 4 - Cepam, Sophia-Antipolis - buchet@cepam.cnrs.fr

5 - Musée d’Archéologie Nationale, Saint-Germain-en-Laye - patrick.perin@culture.gouv.fr

A

la lecture des Dix livres d’histoire de

Grégoire de Tours, rien ne transparaît de l’état de santé de la jeune Arégonde. La mention du personnage ne tient d’ailleurs qu’en quelques lignes : Ingonde, femme

de Clotaire Ier (511-561), a confié à son

royal époux la recherche d’un mari pour sa sœur Arégonde. Parti à la rencontre de sa jeune belle-sœur, il succombe aussi- tôt à ses charmes et l’épouse au prétexte qu’il ne peut trouver meilleur prétendant que lui-même. Arégonde entre ainsi dans l’histoire. On apprend encore d’elle la naissance de son fils Chilpéric Ier (vers 534, roi de 561 à 584). Puis la souveraine tombe dans l’oubli.

En 1959, à la faveur de la découverte, par Michel Fleury, de son sarcophage de pierre (n° 49) dans le sous-sol de la basi- lique de Saint-Denis, la reine Arégonde sort de l’anonymat (FLEURy et FRAN- CE-LANORD, 1998) (fig. 1 et 2). Elle est identifiée grâce à une bague en or ornée d’un chaton gravé au nom de ARNEGVN- DIS, développé autour d’un monogramme

central lu comme le qualificatif REGINE

(FLEURy, 1963a et b). Bien que la lecture de ce monogramme ait fait l’objet de vives discussions (ROTH, 1986, MARTIN, 1991, PÉRIN, 1991a et b), l’identification de la défunte du sarcophage 49 à la reine Are- gundis mentionnée par Grégoire de Tours

est aujourd’hui définitivement acceptée par la communauté scientifique.

La tombe renfermait un corps dans un état de conservation médiocre (fig. 2). Il a tout de même été possible de restituer son habillement composé d’un manteau de soie pourpre, d’un long voile de sa- mit de soie et d’une paire de chaussures – de type

 GREGoIRE DE ToURS, IV,  : 6-7.

babouche – en peau de chevreau (fig. 3). Outre sa bague en or, Arégonde était parée de deux épingles de coiffure en or, d’une paire de boucles d’oreille en or d’origine italo-byzantine, de deux fibules en or cloisonnées de grenats, d’une grande épingle de vê-

fig. 2 : Remontage du squelette d’Arégonde (cliché V. Gallien, Inrap)

fig. 1 : Découverte du sarcophage 49 dans le sous-sol de la basilique Saint-Denis (cliché Commission du Vieux Paris)

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tement à ornements polyédriques en or rehaussés de grenats, de jarretières à lanières croisées fermées au genou et sur les chaussures par des boucles en argent (PéRIN, CALLIGARO et al., 2006 ; fig. 4).

Un vase de verre avait été déposé aux pieds de la reine.

Le corps est assez bien représenté, malgré l’état fragmentaire de certaines parties : le crâne est ré- duit à l’os occipital et à la mandibule. Aucun os long n’est conservé dans son intégralité, le rachis est en partie dégradé. Le squelette est, d’après son coxal, celui d’une femme (BRUzEk, 2002). Son âge a été estimé à 61 ans +/- 3 ans par comptage des anneaux du cément dentaire sur une canine (WIT- TWER-BACkOFEN et al., 2004). Cela permet de

situer la mort d’Arégonde vers 580, si l’on accepte l’hypothèse qu’elle avait une vingtaine d’année à la naissance de son fils. La reine était un sujet gracile, de petite taille : entre 1,50 et 1,60 m d’après la lon- gueur restituée du fémur (OLIVIER et AARON, 1978 ; VIGNAL, 1998). Elle présentait un terrain

fig. 4 : Parures accompagnant Arégonde (cliché Frédéric Lontcho/Errance ; aimable autori- sation de reproduction)

fig. 3 : Reconstitution du costume d’Arégonde (dessin Florent Vincent d’après les recherches d’Antoinette Rast-Eicher, Marquita Volken et Pa- trick Périn) avec l’aimable autorisation de reproduction d’ «Histoire et Images médiévales»)

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«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

fig. 5 : Détail des pieds d’Arégonde : Comparaison entre les métatarses droits lésés et les métatarses gauches (cliché CEPAM-CNRS)

hyperostosique, révélé par des sites d’enthèses très développés sur tous les os disponibles, ainsi qu’une arthrose cervicale et lombaire. En dehors de ces problèmes notamment liés à l’âge, la défunte était affectée d’une anomalie des os du pied droit (fig. 5), dont la taille était différente de ceux du pied gauche, accompagnée d’une hypoplasie corticale du fémur homologue. La lésion apparaît comme un défaut de développement segmentaire harmonieux des os du pied droit qui résulte d’un défaut de sti- mulation musculaire sur la croissance osseuse et non d’une malformation congénitale. L’atrophie est comprise comme une séquelle de paralysie surve- nue durant l’enfance. L’atteinte est caractéristique d’une poliomyélite paralytique distale du membre

inférieur droit. L’infection virale à l’origine de cette paralysie initiale a, par ailleurs, certainement induit un stress organique exprimé par une strie hypopla- sique lors de la formation des cristaux de l’émail dentaire. Cette ligne s’observe sur les canines man- dibulaires à un niveau de formation correspondant à l’âge de 4 à 5 ans.

Le handicap d’Arégonde devait se limiter à une boiterie légère, avec un mauvais appui du pied ; la chaussure, découverte dans la tombe, présente d’ailleurs une usure anormale. Malgré cela, la dis- grâce physique qui touchait la jeune femme n’aura pas eu de conséquences sur son riche destin de fem- me et de reine.

O

rientatiOns bibliOgraphiques

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«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

« HaNDiCaP » GéNéTiQUe : UN CaS De TriSomie 21 À La FiN DU

V

ème

SièCLe À ST-JeaN-DeS-ViGNeS (SaôNe-eT-Loire).

Dominique CASTEX 1, Eric CRUBEZY 2, Baruch ARENSBURG 3, Jean ZAMMIT 4

1 - CNRS UMR 5199 PACEA LAPP, Université Bordeaux 1, Talence - d.castex@anthropologie.u-bordeaux1.fr 2 - Université Paul Sabatier (Toulouse), LAMIS, CNRS fRE 2960 - crubezy.eric@free.fr

3 - Department of Anatomy and Anthropology, Tel-Aviv University - arensburg@post.tau.ac.il 4 - Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Toulouse - zammit.jean@wanadoo.fr

L

a trisomie 21, anciennement appelée mongolisme ou syn- drome de Down pour les Anglo- saxons, est une anomalie congéni- tale d’origine chromosomique qui se caractérise dans 95 % des cas par la présence d’un chromosome 21 surnuméraire. Connue essen- tiellement à partir des premières descriptions cliniques du XIXème

siècle, la trisomie 21 se révèle être une affection beaucoup plus an- cienne comme en témoignent de nombreuses sources historiques tant archéologiques, que textuel- les et iconographiques.

Nous présentons donc une décou- verte archéologique inédite rela- tive à ce handicap et à partir de ce cas nous tenterons de retracer les repères les plus marquants de sa présence dans les sociétés ancien- nes.

DéCOUVERTE À SAINT-JEAN-

Dans le document Décrypter la différence (Page 90-94)