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LA PERTE DE SUBSTANCE

Dans le document Décrypter la différence (Page 38-42)

Située en pleine partie squameuse du temporal, il s’agit d’une ouverture circulaire de 32 mm de dia- mètre, dont la partie inférieure, tangente à la base de l’arcade zygomatique, est interrompue dans son quart antérieur. Son bord, en biseau (taille aux dé- pens de la table externe) est constitué par de l’os cicatriciel dense et lisse. Une coupe histologique a montré la fusion des deux tables par disparition progressive du diploé, un fragment de table interne subsistant dans la partie supérieure.

fig. 1 : Traumatisme craniofacial et trépanation temporale (en vue antéro-latérale gauche) (cliché F. Guillon)

S : bourrelet osseux du cal de réparation fracturaire. F : moignon cicatrisé du processus frontal du zygomatique. G: moignon cicatrisé du bord infra-orbitaire du zygomatique. 1 : fragment de table interne.

T : trépanation.



L’étude radiographique ne permet pas de noter une modification de la transparence osseuse autour de la perte de substance, sauf, sur le bord postérieur où la trame un peu opacifiée traduit un phénomène réactionnel cicatriciel.

Cette perte de substance, par sa forme parfaitement circulaire et la cicatrisation qu’elle porte sur son bord taillé en biseau, présente, sans doute possible, les caractéristiques d’une trépanation ante-mortem

avec survie du sujet, d’au moins 3 mois..

DISCUSSION

Les cas de fractures crâniennes déjà rares dans la Préhistoire le sont d’autant plus lorsqu’ils sont associés à une trépanation. Sur le crâne de la Chaus- sée-Tirancourt, ces deux types de lésions montrent outre un lien topographique évident, une chrono- logie qui place la trépanation postérieurement au traumatisme craniofacial. En effet, le traumatisme témoigne d’un choc très violent, or un temporal tré- pané et donc extrêmement fragilisé, aurait éclaté à l’impact du coup ; les processus de cicatrisation du tissu osseux montrent, par ailleurs, que le bord en biseau de la trépanation recoupe le cal de répara- tion de la fracture et non l’inverse.

Peut-on maintenant voir un lien de causalité entre les deux lésions ? La plupart des témoignages eth- nographiques concernant les trépanations, mon- trent que celles-ci étaient pratiquées en cas de céphalées ou de fractures crâniennes. Dans le Livre du Grand et Divin Hippocrate - Des plaies de la tête qui

constitue un témoignage unique par son ancienneté et son origine géographique, les trépanations y sont prescrites en cas de fente ou contusion de la boîte crânienne, associées à des vertiges ou des états co-

mateux. Il s’agit de trépanations dites décompres- sives. On peut, alors raisonnablement penser que la trépanation du crâne de la Chaussée-Tirancourt fut motivée par le désir de soulager le blessé d’une pres- sion intracrânienne causée par le développement d’un hématome interne.

Ainsi, il est probable que nous ayons affaire à un cas de trépanation dite chirurgicale. La démarche, incon- testablement thérapeutique, relève de l’assistance médicale. Faut-il alors s’étonner de l’emplacement de l’intervention, qui, fait extrêmement rare, se situe pour moitié en dessous de la ligne glabelle-inion, c’est-à-dire sur une région aux risques hautement hémorragiques ?

Un autre type d’assistance, plus proprement sociale celle-là, transparaît également.

En effet, le traumatisme craniofacial n’a pu se résorber en un jour et les séquelles sur le plan fonctionnel se sont probablement traduites par des handicaps im- portants : probable cécité de l’œil gauche, et gêne fonctionnelle très importante de l’appareil mandu- cateur, voire inaptitude à la mastication. Celle-ci a pu perdurer jusqu’à la mort du sujet. Aussi, a-t-il nécessairement fallu que la personne, ainsi forte- ment handicapée, bénéficie de la part de son entou- rage d’une assistante et d’une attention quotidienne, en particulier pendant la période de convalescence, le blessé ne pouvant s’alimenter que de bouillie, soupe ou autre préparation.

Cet exemple atteste de l’ancienneté de comporte- ments solidaires en direction de ceux qui, congé- nitalement ou accidentellement, ont physiquement souffert, ou subi une perte de mobilité en tout ou partie de leur corps. Il témoigne aussi de l’humanité de la société du Néolithique, à l’aube du 3ème millé-

naire, et de sa capacité à développer soins et atten- tions envers ceux qui voient subitement leur corps altéré.



«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

HaNDiCaPé eT eXCePTioNNeL : L’HiSToire D’UNe amPUTaTioN

CHirUrGiCaLe aU NéoLiTHiQUe aNCieN À BUTHierS (SeiNe-eT-

marNe).

Cécile BUQUET-MARCON 1, Anaïck SAMzUN 2

1 - Inrap - UMR 5199 PACEA - cecile.buquet-marcon@inrap.fr

2- Inrap - UMR 7041 - anaick.samzun@inrap.fr

S

ur le site d’habitat néolithique de Buthiers-Bou- lancourt, situé à environ 70 km au Sud de Pa- ris, a été découverte la tombe d’un homme âgé. Il a été inhumé dans une fosse particulièrement large et profonde qui a été en partie creusée dans du cal- caire. De l’ocre a été déposé au fond de la fosse à l’emplacement du crâne (fig. 1). La datation radio- carbone de cette sépulture, correspond au Néolithi- que ancien, à savoir 4910-4700 avant J.-C., époque du développement de la culture du Blicquy-Ville- neuve-Saint-Germain.

L’homme est un adulte très robuste qui pré- sente de nombreuses lésions osseuses. Il est en ef- fet atteint d’ une importante arthrose de la colonne vertébrale, des genoux et des pieds et a perdu la to- talité de ses dents avant son décès. Mais c’est son bras gauche qui retient le plus notre attention. En effet, l’extrémité de l’os au niveau du coude n’a pas été retrouvée et la surface osseuse de l’humérus pré- sente une berge rectiligne anormale. Cette absence de toute l’articulation ne résulte pas d’une altération naturelle (fig. 2). S’impose de fait l’hypothèse qu’il s’agisse d’une amputation. D’ailleurs nous n’avons retrouvé ni son avant-bras ni aucun élément de sa main.

Après expertise de plusieurs spécialistes, il est ap-

paru de façon indéniable que cette marque sur le bras résulte bien d’une intervention chirurgicale réalisée de son vivant. Elle suppose que pour cou- per les muscles, tendons et l’os, ils aient employé des ustensiles en silex et une pharmacopée natu- relle efficace. De légers indices nous indiquent qu’il a survécu à son opération, confirmant l’existence de véritables compétences médicales des populations néolithiques.

 Citons en particulier P. Charlier, Hôpital Universitaire département

médico-légal, 04 bd Raymond Poincaré 9280 Garches et EPHE, La Sorbonne, Paris.

fig. 1 : Sépulture de l’individu amputé du membre supérieur gauche (cliché Inrap)

fig. 2 : Extrémité distale de l’humérus gauche (cliché LDA CG94)

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Dans la tombe, plusieurs offrandes accompagnent le défunt, pratique habituelle au Villeneuve-St-Ger- main. Néanmoins, celles placées près du corps sont toutes exceptionnelles : les os d’un jeune ovin-ca- prin2, une meule en grès, une hache en schiste de 20

cm de long ainsi qu’un pic bifacial de 30 cm de long en silex partiellement poli (fig. 3).

Les dépôts sont particulièrement remarquables car les lames de hache ne se rencontrent généralement qu’à partir du Néolithique moyen, soit l’époque sui- vante et sont généralement de petites dimensions (moins de 15 cm de long). De plus elles sont incon- nues en schiste à cette période (AUGEREAU, 2004) et les dépôts animaux apparaissent également au Néolithique moyen (JEUNESSE, 1997).

La forme de la fosse ainsi que les objets excep- tionnels déposés aux côtés du vieil homme par les personnes de sa communauté, correspondent à l’at- tention qui lui était portée. Malgré son amputation, sans doute très handicapante, ainsi que l’état de son squelette très atteint par l’arthrose, ce vieil homme a été pris en charge par sa communauté qui a décidé de lui conserver son statut jusque dans la mort.

2 Détermination de C. Bémilli, Inrap, MNHN

fig. 3: Mobilier d’accompagnement : pic et hache polie déposés dans la tombe (cliché Inrap)

O

rientatiOnsbibliOgraphiques

AUGEREAU A. (2004) - L’industrie du Silex du Vème au IVème millénaire dans le Sud-Est du Bassin Parisien. Ru-

bané, Villeneuve-Saint-Germain, Cerny et Groupe de Noyen. DAF 97, Paris, Editions de la Maison des Sciences

de l’Homme.

CHAMBON P. et LANCHON y. (2003) - Les structures sépulcrales de la nécropole de Vignely (Seine-et-Marne),

in Chambon, P. et Leclerc, J. (eds.), Les Pratiques Funéraires Néolithiques avant 3500 av. J.-C., table-ronde de

St Germain-en-Laye, Mémoire XXXII. Paris, Société Préhistorique Française, p. 158-173.

JEUNESSE C. (1997) - Pratiques Funéraires au Néolithique Ancien. Sépultures et Nécropoles Danubiennes.



«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

Le HaNDiCaP eT Sa rePréSeNTaTioN eN éGYPTe aNCieNNe.

Marc DESTI 1

1 - Conservateur du patrimoine, Musée national du château de Compiègne - marc.desti@gmail.com

UN ART RéGI PAR DES PRINCIPES RELI-

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