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LES DOIGTS MANQUANTS.

Dans le document Décrypter la différence (Page 36-38)

Si ces mains sont quelquefois entières, elles présentent le plus souvent des « amputa- tions » et sont particu- lièrement fréquentes dans les Pyrénées : 4 sur 236 mains étudiées à Gargas, dans le Vauclu- se, par exemple (NOU- GIER, 1975) ; en revan- che, les mains à doigt manquant apparaissent plus rarement en Améri- que ou en Afrique. Ces « amputations » surprenantes ne tou- chent jamais le pouce et

les plus récurrentes sont celle du cinquième doigt (auriculaire) ou la disparition des deux dernières phalanges des quatre doigts longs.

Ces mains sont quelquefois entières et normales. Dans d’autres cas, elles offrent des déformations congénitales (syndactylie) ou pathologiques (po- lyarthrite chronique évolutive). Plus généralement, elles sont amputées de façon variées : les 4 doigts, jamais le pouce, peuvent être raccourcis d’une ou de deux phalanges en adoptant toutes les combi- naisons possibles jusqu’à la pire, l’amputation des deux phalanges sur les 4 doigts.

On a parfois évoqué l’hypothèse d’amputations par action de gelure entraînant la gangrène (les affec- tions dues au froid devaient être importantes), ou par maladies mutilantes telles que le béri béri (avi- taminose B), l’artérite ou la lèpre.

Mais ces hypothèses pathologiques semblent dé- sormais réfutées au même titre que celles liées aux accidents : leur caractère forcément accidentel ren- drait improbable la répétition systématique de ces

doigts coupés.

La possibilité d’une amputation rituelle a aussi été évoquée (SA- HLy, 1972). En effet, la récurrence de certaines « images » est antinomi- que avec l’idée même de hasard.

Peut-il s’agir d’une pra- tique funéraire (qui existait encore récem- ment en nouvelle Gui- née) ? D’une sanction ? D’une marque d’ « escla- vage » ? Il faut rappeler que la suppression des quatre derniers doigts

fig. 1 : Mains négatives à phalanges manquantes de la grotte de Gargas (Hau- tes-Pyrénées), (cliché L Borg. GNU, Free Documentation Licence)

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équivaut à une perte fonctionnelle et définitive de la main, handicap lourd et particulièrement invali- dant pour ces communautés de chasseurs.

Les hypothèses d’ordre pathologique ont donc été minutieusement réfutées.

L’interprétation la plus récente, probablement la plus recevable est que ces véritables amputations

ante-mortem demeurent exceptionnelles.

En l’état, les images seraient celles de « doigts re- pliés », occultés lors du soufflage, véritable « langa- ge des mains » et sorte de proto-langue des signes. Trois arguments militent en faveur de cette hypo- thèse :

O

rientatiOnsbibliOgraphiques

KENESI C. (2006) – La chirurgie des civilisations disparues, e-mémoires de l’Académie Nationale de Chirurgie,

p. 24-39.

NOUGIER L.-R. (1975) – A propos des mains mutilées de Gargas, Préhistoire Ariégeoise, Bull. de la Société

Préhistorique de l’Ariège, vol. 30 (123 p.).

SAHLy A. (1972) – Les mains mutilées dans l’art préhistorique (Grottes de Gargas, de Tibiran et de Maltra-

vieso), Rev. Comminges, vol. 85, n°2, p. 89-105.

- Les images de mains sont habituellement iso- lées ou associées à des représentations animales de gibier.

- A Gargas, le nombre de doigts disparus est le même que celui des bisons peints sur les parois,

- Des tribus Sud Africaines utilisent, à la chas- se, un langage des doigts discret et silencieux, que l’on a en partie déchiffré et qui pourrait aisément se comparer à la gestuelle déployée sur les parois. Loin de considérer ces mains mutilées comme le reflet de la prégnance du handicap, accidentel ou rituel, il faut sérieusement prendre en compte l’idée d’un langage sommaire adossé à la pratique vitale et sacrée de la chasse.



«Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé» DELATTRE V. et SALLEM R. (dir) - CQFD/2009

UNe TréPaNaTioN THéraPeUTiQUe aU NéoLiTHiQUe À La

CHaUSSée-TiraNCoUrT (Somme).

Hervé GUY 1

1 - Inrap - UMR 8562 - herve.guy@inrap.fr

U

n crâne exhumé de la sépulture collective mé- galithique néolithique (3200 à 2200 ans avant J.-C.) de la Chaussée -Tirancourt (Somme), présente un cas singulier de fracture crâniofaciale associée à une trépanation. Ce crâne, où sont visibles ces deux lésions, est de sexe incertain et l’estimation de l’âge au décès du sujet se situe entre 50 et 70 ans.

LA FRACTURE

Elle est complexe et a modifié la forme et l’agen- cement des os, signe d’un choc particulièrement violent.

En ce qui concerne la face, la lésion a totalement détruit la paroi externe du sinus maxillaire et aussi l’os zygomatique. Le caractère lésionnel de ces ob- servations est souligné par l’aspect cicatriciel des bords libres des cassures (fig. 1).

Au niveau du crâne, un trait de fracture bien syn- ostosé, est caractérisé par un bourrelet osseux hy- pertrophique. Celui-ci passe au-dessus de la suture frontozygomatique sur le processus zygomatique de l’os frontal, dont il ne reste qu’un moignon cica- trisé. Il se poursuit sur l’os frontal, puis parcourt le pariétal selon un trajet arciforme à concavité inférieure pour se perdre enfin dans le temporal. L’examen histologique de ce bourrelet montre qu’il s’agit d’un cal de réparation fracturaire typique et vieux de trois mois au moins lorsque le sujet était vivant, la fracture n’étant pas réduite au niveau du pariétal. La berge fracturaire supérieure chevauche la berge inférieure enfoncée, cette disposition étant bien visible en image radiographique où l’on voit une opacification due à leur juxtaposition.

En outre, la grande aile du sphénoïde a subi une ro- tation verticale, amenant sa crête zygomatique en- dedans. Sa direction n’est de fait plus verticale, mais oblique en arrière et en-dedans. Il en résulte un im- portant rétrécissement du diamètre de l’orbite, avec néoformations osseuses secondaires.

Un moignon cicatrisé du processus frontal du zy-

gomatique de même qu’un fragment de son bord infra-orbitaire sont accolés à la partie postérieure de la grande aile du sphénoïde. Enfin, la fosse con- dylaire du temporal droit est occupée par une forme osseuse arrondie, dont l’aspect et le volume sont ceux d’un bord supérieur de processus condylaire de la mandibule qui a donc, elle aussi, été fracturée.

Dans le document Décrypter la différence (Page 36-38)