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UN CONTRÔLE DE LA RENÉGOCIATION ELLE-MÊME

Dans le document La rupture du contrat (Page 135-139)

A - L'OBLIGATION DE NOTIFICATION

B- UN CONTRÔLE DE LA RENÉGOCIATION ELLE-MÊME

243. Présentation.- Afin de bien lutter contre les clauses abusives, il est néanmoins nécessaire de définir d’un côté la clause abusive et de l’autre côté, les caractéristiques d’une clause résolutoire abusive (a).

Il faut en quelque sorte connaitre une maladie pour décider d’un remède efficace (b).

a - LA DÉFINITION D'UNE CLAUSE ABUSIVE

244. Distinctions.- L'article L. 132-1 du code de la consommation stipule que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et

non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.»

Cette définition a été introduite dans le code de la consommation par une loi de 1995. Elle est différente, dans sa formulation, de la définition antérieure, qui datait de 1978, mais l’interprétation est restée fondamentalement la même.

La loi de 1995 a transposé en droit français la directive européenne de 1993 concernant les clauses abusives. La transposition, cependant, n’est pas une copie conforme.

Article 3-1 de la directive de 1993 : « Une clause d’un contrat n’ayant pas

fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

La loi française transpose fidèlement la notion de déséquilibre significatif, mais elle ne reprend pas deux éléments, de la définition européenne : la négociation individuelle et l’exigence de bonne foi, ce qui conduit à élargir, au moins en théorie, le concept de clause abusive.

Le législateur français avait le droit, en 1995, d’élargir la définition, car la directive de 1993 opère une harmonisation " minimale ". Les choses pourraient changer, car une proposition de directive, déposée en 2008, prévoit une harmonisation " complète ". Si la nouvelle directive est adoptée, le législateur français devra probablement modifier la définition des clauses

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abusives. Mais ce sera une modification formelle, sans grande conséquence pratique. L'Ordonnance du 10 février 2016 comme les autres projets de réforme précédents343 précise dans son article 1169 qu' «Une clause qui crée

un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée » .

b - LES CARACTÉRISTIQUES DE LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE ABUSIVE

245. L'utilité de la caractérisation.- La loi du 1er février 1995 précise, par l'article 4.2 de la directive du 5 avril 1993, modifiée le 1 décembre 2010, affirme que « L'appréciation du caractère abusif

des clauses au sens du premier alinéa, ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au

bien vendu ou au service offert »344. L'obligation de coexistence entre la

liberté contractuelle et la nécessité d'un équilibre entre les droits et

343 Projet CATALA : art. 1122-2 : « (…) la clause qui crée dans le contrat un déséquilibre significatif au détriment de l’une des parties peut être révisée ou supprimée à la demande de celle-ci, dans les cas où la loi la protège par une disposition particulière, notamment en sa qualité de consommateur ou encore lorsqu’elle n’a pas été négociée » ; Projet Terré : art. 67 : « (…) la clause non négociée qui crée dans le contrat un déséquilibre significatif au détriment de l’une des parties peut être révisée ou supprimée à sa demande »; voir aussi, l'article 4.110 des Principes du droit européen des contrats (commission Lando), qui précise que les clauses abusives sont les clauses : « qui n’ont pas été l’objet d’une négociation individuelle (1) Une clause qui n’a pas été l’objet d’une négociation individuelle peut être annulées par une partie si, contrairement aux exigences de la bonne foi, elle crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, eu égard à la nature de la prestation à procurer, de toutes les autres clause du contrat et des circonstances qui ont entouré sa conclusion. (2) Le présent article ne s’applique pas : (a) à une clause qui définit l’objet principal du contrat, pour autant que la clause est rédigée de façon claire et compréhensible ; (b) ni à l’adéquation entre la valeur respective des prestations à fournir par les parties ». Art. 30 de l’avant-projet de Code européen des contrats (projet Gandolfi) : « (…) 4. Dans les conditions générales du contrat, prévues à l’article 33, sont sans effet, si elles ne sont pas expressément approuvées par écrit, les clauses qui établissent en faveur de celui qui les a préparées des limitations de responsabilité, la faculté de se désister du contrat ou d’en suspendre l’exécution, ou qui prévoient à la charge de l’autre contractant des déchéances, des limitations à la faculté d’opposer des exceptions, des restrictions à la liberté contractuelle dans les rapports avec les tiers, la prorogation ou le renouvellement tacite du contrat, des clauses compromissoires ou des dérogations à la compétence de l’autorité judiciaire ».

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V. en ce sens. Cass. 1ère Civ., 13 décembre 2012, no 11-27.631 , LEDC 2013. Comm. 28, obs. Bernheim-Desvaux ; RDC 2013. 489, chron. Rochfeld, respecte quant à elle la liberté contractuelle. Le droit européen enseigne que l'exclusion du contrôle des clauses portant sur la définition de l'objet du contrat et sur la fixation du prix

constitue une « exception au système de protection », mis en œuvre par la directive contre la « situation d'infériorité » du consommateur, exception qui doit donc être interprétée de façon stricte ( CJUE 30 avr. 2014, Árpád Kásler, aff. C-26/13 , pts 40 et 42 ; D. 2014. Actu. 1038.

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obligations des parties345, impose la mise en place d'une caractérisation des clauses résolutoires abusives. L’article L. 442-6 I. 2 du Code de commerce, issu de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 précise qu' « Ainsi, on ne la

retiendra, lorsqu’elle apparaît entre professionnels, qu’à la condition qu’ait été vérifié, outre l’élément objectif résultant d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, l’élément subjectif : c’est-à-dire

qu’elle fut imposée ou qu’il y ait eu tentative de l’imposer à l’autre »346. La

détermination des caractéristiques de la clause résolutoire abusive a permis au juge d’acquérir de nouvelles prérogatives voire de nouveaux pouvoirs. L’intérêt de cette détermination est de lutter efficacement contre ces clauses résolutoires dites abusives.

Il faut savoir que depuis la loi sur la protection et l’information des consommateurs, à propos des produits et de services du 10 janviers 1978, la lutte contre ces clauses a connu une grande évolution. Le juge dispose à présent du pouvoir de sanctionner une clause abusive en matière de droit de consommation. Ce droit l’a en quelque sorte obligé à trouver une bonne définition, et surtout à bien caractériser une clause abusive, cette caractérisation pouvait être étendue aux autres contrats de droit civil et commercial.

246. Critère de la loi.- L’article L132-1 du code de consommation a énoncé certains critères d’une clause abusive. La nouveauté est que le juge dispose du pouvoir d’apprécier le caractère de ces clauses, même si ces dernières ne constituent pas une clause abusive au regard du décret en application de l’article L132-1 du code de consommation.

Ce dernier se base sur les critères de cet article pour définir si une clause résolutoire est réputée abusive ou pas, il les apprécie à partir des critères légaux.

L’article L132-1 du code de la consommation précise que « Dans les contrats

conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

345 R. BOFFA, « Juste cause et injuste clause », D. 2015, p. 335.

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Par cette définition des clauses, faite par l’article L132-1 du code de la consommation, on peut déterminer les caractères d’une clause résolutoire abusive.

Cette définition ne concerne donc pas les clauses insérées dans un contrat après négociation entre les contractants.

La loi précise que le juge a le pouvoir d’appréciation du caractère abusif d’une clause résolutoire, en prenant en compte les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu.

247. L'appréciation judiciaire.- Même si la clause insérée a été négociée avant la signature du contrat, cela n’empêche pas celle-ci –c’est-à-dire la clause- de comporter un caractère abusif, car même si elle est négociée, rien ne peut assurer l’inexistence d’un déséquilibre entre les parties, par rapport à la puissance économique de l’une des parties, qui pourrait profiter de la faiblesse de l’autre, de sa situation économique un peu désastreuse, pour lui imposer une clause résolutoire dans la convention.

« La notion de “déséquilibre significatif” au détriment du consommateur doit

être appréciée à travers une analyse des règles nationales applicables en l'absence d'accord entre les parties, afin d'évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur »347.

Force est de constater qu’en tenant compte de ces situations, le juge doit apprécier le caractère abusif d’une clause résolutoire en examinant le contenu de celle-ci, et non seulement, la raison pour laquelle elle a été insérée dans le contrat.

« La substitution des termes de "déséquilibre significatif" à ceux

" d’avantage excessif " employés par l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 n’est pas en revanche de nature à modifier la définition de la clause abusive. C’est en effet, en octroyant un avantage jugé disproportionné par rapport à ce que le juge estimera raisonnable que le professionnel déséquilibre le

contrat à son profit »348.

Partant de ce raisonnement, une clause résolutoire abusive est une clause qui déséquilibre un contrat d’une façon très importante à l’avantage d’une seule partie.

347 CJCE, 14 mars 2013, Mohamed Aziz, aff. C-415/11, RTD eur. 2013. Chron. 559, obs. Aubert de Vincelles

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248. Exemple.- Par exemple, si les contractants décident d’insérer une clause dans un contrat qui stipule, qu’une partie peut être sanctionnée en cas d’inexécution de ses obligations, mais que ces sanctions ne touchent qu’une seule partie, donc si l’autre partie n’exécute pas les siennes, les sanctions ne seront pas les mêmes, autrement dit, la clause résolutoire n’a aucun effet dans ce cas-là. La victime du manquement, désireuse de rompre le contrat, doit passer par la procédure habituelle, c’est-à-dire, la résolution judiciaire, dans le cas contraire, alors que pour l'autre, la rupture va être prononcée unilatéralement et de plein droit du fait de l’existence de cette clause résolutoire, qui sanctionne à sens unique.

Les rapports de force dans ce genre de clause ne sont pas les mêmes, que dans les clauses résolutoires " normales ", ceci peut donc provoquer un déséquilibre entre les parties.

On trouve ce genre de clause plus dans les contrats du droit de la consommation où, le plus souvent, le consommateur ou le non professionnel est sanctionné pour l’inexécution d’une de ses obligations alors que les manquements du professionnel ne sont pas visés par la clause résolutoire. La clause résolutoire doit avoir un aspect de réciprocité, elle ne doit en aucun cas toucher une partie plus que l’autre, ou tout simplement une partie et pas l’autre. L’avantage que confère la clause résolutoire doit être le même pour les deux parties, sans favoriser l’une sur l’autre, ce qui par conséquent ne doit pas créer un déséquilibre.

249. Le rôle du juge.- Le rôle du juge est clair et précis, et son intérêt est incontestable : il s’assure et veille à ce que les clauses ne présentent aucun avantage pour une partie, et négligent les intérêts de l’autre.

Le but étant de garantir l’inexistence d’un déséquilibre, le contrôle judiciaire demeure indispensable.

L’appréciation judiciaire des critères d’une clause résolutoire abusive ne reste pas une mince affaire, dans ce domaine le législateur a tenu à ce qu’on donne au juge toute la liberté : c’est bien le juge qui portera un jugement sur les bénéfices que tire chaque partie du contrat et qui décidera en l’occurrence si la clause crée ou pas un déséquilibre.

Dans les cas où une partie rédige un contrat sans prendre en compte les règles édictées par la loi, et d’une manière à ce qu’il soit plus avantageux pour lui, il est clair que la clause résolutoire présente un caractère abusif, et son comportement peut traduire un abus, car la clause a pour but de déroger aux règles édictées par la loi et la jurisprudence pour, la rupture du contrat.

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250. Précision.- Ce qu'il faut savoir c'est que « Lorsque [ une ] prérogative

unilatéralement stipulée [ dans le contrat ] n'est pas un droit au sens strict du terme, mais plutôt un avantage ou une faveur, il arrive alors que la symétrie soit impossible à mettre en place ou qu'elle n'ait pas de sens, notamment parce qu'elle ne présente aucun intérêt pour le non-professionnel ou consommateur […]. La qualification de clauses abusive sera ainsi écartée à chaque fois que la stipulation unilatérale d'une prérogative au profit du professionnel est, par ailleurs, pondérée par une clause qui aménage une contrepartie, de nature différente, en faveur de son

cocontractant »349.

D'un autre coté, si une clause insérée dans le contrat donne au professionnel un pouvoir unilatéral, elle peut être considérée comme étant abusive, sauf si le contrat offre aussi au consommateur la possibilité de se délier à tout moment350.

La Cour de cassation dans son arrêt du 20 mars 2013 avait qualifié de clauses abusives, celles dites de « Laisser croire »351, ces clauses peuvent pousser le consommateur à l'erreur concernant ces droits352.

Dans le document La rupture du contrat (Page 135-139)