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2 - LA SANCTION DE LA RUPTURE UNILATÉRALE JUGÉE ABUSIVE

Dans le document La rupture du contrat (Page 108-113)

150. Une précision de la jurisprudence.- La Cour de cassation avait indiqué que le droit de rupture unilatérale était aux risques et périls de son auteur (a). La rupture unilatérale d’un contrat, si elle est irrégulière, constitue une inexécution fautive et imputable à son auteur passible de sanctions (b). Il est tout à fait logique de sanctionner un auteur d'une rupture abusive, car en quelque sorte ce dernier manque tout simplement à ses obligations contractuelles…

a - UNE RUPTURE AUX RISQUES ET PÉRILS DE SON AUTEUR

151. Un risque éventuel à prendre.- La Cour de cassation considère que la rupture unilatérale du contrat ne constitue pas un droit en soi, mai comme une « Anticipation risquée ».

Le professeur Denis MAZEAUD estime que la rupture unilatérale du contrat exige une sorte de manquement " sérieusement " grave pour justifier qu’une partie décide d’y mettre fin unilatéralement.

La partie qui rompt le contrat doit avoir des raisons plus qu’évidentes pour le faire, parce que son acte a empiété en quelque sorte sur le domaine réservé exclusivement au juge.

La rupture unilatérale irrégulière produit des effets négatifs sur son auteur.

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Dans le but de protéger les parties et leurs intérêts, l’obligation d’indemniser le préjudice reste indispensable.

L’intérêt commun du contrat doit toujours être pris en compte avant toute décision, voire toute législation qui toucherait de près ou de loin la rupture des contrats.

b - LES SANCTIONS ENVISAGEABLES

152. Une nécessité.- « … Il n’est pas rare de voir une partie d’un

contrat, soucieuse de se libérer d’un accord, le résilier de manière incorrecte. Faut-il encore qu’avant ce '' coup de force '' elle soit bien informée sur les conséquences de la rupture et du montant des dommages et intérêts qu’elle sera obligée de verser à l’ex-contractant. Il se peut que dans certains cas, un opérateur considère qu’il sera moins changé par telle allocation à dommages et intérêts que par le maintien d’un contrat qui lui est préjudiciable ; il faut, en quelque sorte, qu’il rachète sa liberté, il réalise

alors un coup de force au risque limité »244.

153. Une sanction selon le cas.- Le contractant qui rompt le contrat unilatéralement s’expose à des sanctions, en cas de rupture abusive. Le juge garant de l’intérêt des contractants, dispose d’un éventail de sanctions qui ne dérogent pas au droit commun245.

Cela dit, le choix de la sanction se résume soit par l’octroi des dommages et intérêts, soit par le maintien du contrat et l’exécution en nature de celui-ci. La condamnation aux dommages et intérêts de l’auteur de la rupture unilatérale irrégulièrement prononcée est la plus adaptée à ce genre de situation.

Le maintien du contrat reste une solution inenvisageable à cause de la mauvaise foi du contractant qui pourrait ne pas s’exécuter, ainsi la victime ne serait jamais indemnisée.

Le juge ne dispose pas du pouvoir d’ordonner l’exécution forcée en nature, on se basant sur les termes de l’article 1142 du code civil, qui dispose que : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et

intérêts, en cas d’inexécution du débiteur ». Par conséquent, la sanction

244 J-M. MOUSSER , Technique contractuelle, francis lefebvre, 2010, n° 1781.

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d’une rupture abusive se traduit par la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle de l’auteur de la rupture, donc l’octroi des dommages et intérêts à la victime.

154. Le contrôle.- Il apparait que le contrôle judiciaire de la rupture unilatérale perdrait toute sa valeur et sa puissance. Car le fait que le juge ne puisse pas ordonner le maintien du contrat, pourrait en quelque sorte encourager une des parties à se débarrasser d’un cocontractant devenu un peu encombrant. Cela pourrait conduire à la multiplication des cas de rupture unilatérale abusive. Le contrat étant dans ces cas rompu, le créancier n’aura qu’à payer les dommages et intérêts, il pourrait ensuite se dégager de ses liens contractuels. Le juge est donc placé devant le fait accompli et ne pourra se décider librement au sujet de la sanction qu’il doit infliger. Il disposera alors d’un petit pouvoir de dissuasion par lequel il peut ordonner la sanction des dommages et intérêts.

155. Une sanction utile et raisonnable.- Toujours est-il que, le montant de cette compensation ne peut être disproportionnée.

Le créancier, en effet, va procéder à un calcul économique de la situation et décidera de rompre le contrat ou non, en sachant préalablement qu’il ne sera jamais condamné à l’exécution de la convention ni à des dommages et intérêts exorbitants. Ce qui encouragerait ce genre de pratique.

156. Controverse doctrinale.- Une autre partie de la doctrine, au contraire, pense qu’une rupture unilatérale irrégulière ne doit produire aucun effet, comme si la rupture n’avait jamais existé et n’avait jamais été prononcée, le contrat n’est donc pas rompu.

Selon elle, la sanction la plus adaptée que le juge doit prononcer est le maintien des liens contractuels, elle préconise la réparation en nature plutôt que la réparation par équivalent.

Les dommages et intérêts compensent, en effet, la perte de la victime, mais cela ne suffit pas toujours à réparer le dommage subi. La perte de clients, suite à une vente de marchandise défectueuse par exemple, peut avoir des conséquences négatives et un préjudice qui pourrait ne pas être satisfait par l’attribution d’une somme d’argent.

157. La sanction la plus adaptée .- il nous semble plus raisonnable d’assimiler la rupture unilatérale abusive du contrat à l’inexécution illicite de celui-ci, si la rupture n’est pas fondée. Elle constitue, en quelque sorte, un manquement contractuel. Le créancier décide de ne plus s’exécuter, il passe alors du statut de victime au statut d’un contractant défaillant parce que son partenaire, lui, a exécuté ses obligations et les sanctions en cas de rupture

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abusive ne doivent pas être différentes des sanctions en cas d’inexécution grave du contrat. Le juge doit disposer du même panel de sanctions. Cela dit, il doit traiter les affaires au cas par cas.

158. L'impossibilité de la sanction.- Cette solution reste illogique, voire impossible, dans les contrats à durée indéterminée. Le créancier ne peut et ne doit pas être condamné toute sa vie à verser une somme d’argent à son ex-partenaire. On peut le condamner aussi à rembourser le manque à gagner et d’une façon exacte. Le juge ne peut, cependant pas connaitre le montant du profit que le partenaire aurait pu en tirer, si le contrat n’avait pas été rompu. Dans ce genre de situation, la victime recevra une juste compensation. Mais cette compensation ne va pas réparer toute la perte. Dans toute les situations, le juge doit maintenir le contrat et la victime, comme dans le cas d’une inexécution, doit disposer lui aussi de la possibilité de choisir entre le maintien du contrat et l’obtention de dommages et intérêts.

Le juge, s’il estime que le contrat a été rompu d’une façon abusive et si les dommages et intérêts ne répondent pas au préjudice subi ou que la victime subira, doit ordonner le maintien forcé du contrat.

159. Conclusion.- Il nous semble que dans ces cas, le juge doit privilégier la réparation en nature à la réparation par équivalent, comme nous l’avons déjà précisé. Une somme d’argent ne peut pas racheter une réputation ternie ou redorer une image salie.

Reste une troisième solution, le cumul de sanctions qui consiste à un cumul entre maintien du contrat et l’octroi de dommages et intérêts. Cette sanction constitue plus une sanction de persuasion que de répression.

Cette solution reste, en effet, la plus sévère. Le juge ne doit la prononcer qu’en cas de grand abus dans le droit de rupture. Le maintien du contrat sanctionnerait l’abus et les dommages et intérêts seraient considérés comme une amende à l’infraction commise , cela pourrait peser sur les décisions à venir.

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Conclusion du chapitre

160. Affirmation.- La rupture unilatérale semble ne pas être un nouveau mode de rupture du contrat, en droit français. Depuis quelque temps, la rupture unilatérale est jurisprudentiellement admise, mais sous certaines condition. Cette rupture au risques aux périls de son auteur, impose un comportement grave du cocontractant. Il revient donc à l'autre partie d'apprécier ce comportement. Mais l'acte unilatérale est toujours synonyme d'abus, un contrôle a posteriori du juge est plus que primordial, pour protéger les intérêts des parties.

De nos jours, la rupture unilatérale est devenue un droit, l'ordonnance du 10 févier 2016, reconnait la possibilité d'anéantir le contrat par notification. La seule condition, contrairement à la jurisprudence, est le manquement

suffisamment grave du contractant. Là aussi un contrôle du juge est incontestable.

Cependant, il arrive quelques fois que les parties prévoient des

aménagements de la rupture du contrat, ces aménagements handicapent fortement le juge et son rôle est cependant restreint.

Conclusion du titre

161. Un large pouvoir.- En l'absence d'aménagement de la rupture dans le contrat, le juge dispose d'un grand pouvoir et d'une grande liberté, dans l'exercice de la rupture du contrat. Il lui « Revient [ainsi] à mesurer l’importance du manquement constaté par rapport à l’unité économique que le créancier attendait du contrat pour dire s’il y a bien ou non de faire

disparaitre le contrat »246, il lui dispose aussi d'un pouvoir souverain qui lui permet de constater si le contrat « Est devenu sans intérêt pour le créancier. Le juge considérera alors que l’inexécution de l’obligation du débiteur est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résolution du contrat»247.

246

J. MESTRE, Le juge et la résolution du contrat, RTD civ, 1986, p.107.

247

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TITRE 2 - LE CONTRÔLE DU JUGE EN PRÉSENCE D'AMÉNAGEMENT DE

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