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1 - L’INEXÉCUTION PARTIELLE ET LA RÉSOLUTION DU CONTRAT

Dans le document La rupture du contrat (Page 66-72)

80. Une décision judiciaire.- La rupture d’un contrat en cas d’inexécution partielle de la convention est admise en droit positif français. La jurisprudence a ainsi prononcé la résolution du contrat quand une partie a exécuté partiellement ses obligations. Car la Cour de cassation affirme que lorsqu’une convention « Ne contenait aucune clause expresse de résolution,

il appartient aux juges d’apprécier si l’inexécution partielle d’une des obligations contractées par le débiteur avait assez d’importance pour que la

résolution des conventions dût immédiatement être prononcée »141.

La position de la Cour de cassation a été confirmée dans un autre arrêt de 1891, où elle précise que « Lorsque le contrat ne contient aucune clause

expresse, il appartient aux tribunaux de chercher, dans les termes du contrat et dans l’intention des parties, quelles sont l’étendue et la portée de l’engagement souscrit par celle d’entre elles qui y avait manqué complètement, et en cas d’inexécution partielle, d’apprécier, d’après les circonstances de fait, si cette inexécution a assez d’importance pour que la

résolution doive être immédiatement prononcée »142.

Dans un autre arrêt de la Cour de cassation de 2001, la haute Cour précise qu’ « Il appartient aux juges de fond d’apprécier si l’inexécution partielle

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T.G. I Paris, 17 octobre 1973. Gaz. Pal 1974.1. p. 170.

141 Cass. Ch., req, 4 juin 1888, DP 1889, I, p. 248.

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présente une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat »143.

Il revient au juge de définir si l'exécution partielle ne comporte aucun caractère grave et satisfait le créancier. Il lui appartient aussi de décider aussi, sur la sanction qui doit infliger au débiteur.

81. L'admission de la résolution.- Il est clair que le rôle du juge revêt un intérêt très important, car l’inexécution même partielle reste toujours une inexécution.

Le créancier peut considérer l’inexécution partielle comme excuse pour se délier de ses obligations envers son partenaire.

La jurisprudence admet la résolution du contrat en cas d’inexécution partielle des obligations par l’une des parties.

La rupture du contrat en cas d’inexécution partielle n’est pas arbitraire. Elle est soumise à des exigences et le juge veille pour que ces exigences soient respectées. Il garantit alors le respect d’une sorte d’équité dans la rupture du contrat et dans la préservation des intérêts de toutes les parties.

Les juges n’admettent la résolution d’un contrat dans le cas d’une inexécution partielle - comme le précise la Cour de cassation- seulement si l’inexécution concerne « Une obligation déterminante de la conclusion du

contrat »144 ou bien que cette inexécution « Doit être suffisamment

grave »145.

L’absence de définition claire du législateur et de la jurisprudence de

" L’obligation déterminante " ou de " L’inexécution suffisamment grave "

rend l’intervention du juge nécessaire. Car l’obligation déterminante ne vise pas forcement une obligation essentielle. Une obligation accessoire peut avoir le caractère déterminant dans la conclusion du contrat, cela dépend, en effet de l’impact de l’inexécution de cette obligation sur la continuité du contrat et en particulier, sur la situation économique du créancier de l’obligation.

Le juge, –personne neutre - serait le plus qualifié pour décider si le contrat doit être résolu ou pas.

La gravité de l’inexécution ne peut pas et ne doit pas être appréciée par les parties, car chaque contractant veillera à protéger ses seuls intérêts, alors que les tribunaux veilleront sur les intérêts des deux parties. Car ce qui est

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Cass. Com., 9 janvier 2001, n° 97-14440; Cass. 1ère Civ., 10 juillet 1990, n° 87-18702, « Il relève du pouvoir

souverain du juge de fond d’apprécier si l’inexécution partielle de ses obligations par une des parties à un contrat synallagmatique est de nature à affranchir l’autre partie de ses obligations corrélatives, et également d’apprécier si cette inexécution présente un caractère de gravité suffisante pour en justifier la résolution »

144 Cass. Com., 2 juillet 1996, Defrénois 1996, p.1364, note D. MAZEAUD.

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considéré comme grave par le créancier peut être insignifiant au regard du débiteur.

Lorsque l’inexécution touche à une obligation essentielle ou accessoire, la résolution pour inexécution partielle reste possible.

82. Le type d'obligation.- « Chaque convention s’articule autour d’une

sorte de noyau dur que l’on appelle l’obligation essentielle ou

fondamentale ».146

Au regard de ce qui précède, nous nous posons la question de savoir si dans le cas où l’inexécution partielle touche une obligation essentielle, le juge peut ne pas prononcer la rupture du contrat ?

La réponse à cette question est négative, car si l’inexécution touche à une obligation essentielle, le juge prononcera la résolution du contrat que l’inexécution soit totale ou partielle.

D’après la Cour d’appel de Colmar, dans son arrêt du 4 février 2002, le juge affirme que « L’obligation au payement des loyers aux termes convenus

constitue une obligation essentielle incombant à tout locataire, leur non-paiement réitéré justifie le prononcé de la résolution du bail

d’habitation »147. Selon la haute juridiction « La Cour d’appel, qui retient

l’existence d’une location soumise aux dispositions générales de la loi du 1er

septembre 1948, ne s’est pas contredite et a légalement justifié sa décision sans violer aucun texte, en fondant la résiliation de cette location sur les manquements du locataire à son obligation essentielle de payer ce loyer,

dont elle a souverainement apprécié la gravité »148.

Dans le même sens et concernant un contrat de vente, la Cour de cassation précise que : « La Cour d’appel était fondée à décider par une appréciation

souveraine, que faute par les débiteurs [acheteurs] d’avoir rempli leur obligation essentielle, à savoir le paiement du solde du prix, la convention

devait être résolue »149.

Il est clair que « … L’examen de la jurisprudence permet de constater que

notre juridiction n’a jamais condamné le principe d’une résolution opérant

seulement de manière partielle »150.

146 LAMY, Droit des contrats, 2004 n°333, p. 75.

147 C.A Colmar, 4 fevrier 2002, THOMANNCIAMARONE/SCI ECRIN : juris Data, n° 197295.

148

Cass. 3ème Civ., 14-02-1984, arrêt n° 236, n° 83-10.697.

149 Cass. 1ère Civ., 9 janvier 1963, arrêt n° 24, n° 58-12.741.

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2- LES ARGUMENTS FAVORABLES À L’ADMISSION DE LA RÉSOLUTION PARTIELLE DU CONTRAT

83. Cas des obligations indivisibles.- La jurisprudence ne semble admettre la résolution partielle, si « Le contrat est divisible dans son

exécution et que les différentes obligations qui y sont contenues sont

indépendantes les unes des autres »151. La résolution partielle, lorsqu’elle est

possible, est préférable. Car elle permet une sanction équitable tout en sauvegardant les intérêts des parties. Le débiteur n’a en effet pas exécuté une obligation contractuelle, mais cette inexécution n’a aucun effet sur la continuité et l’exécution des autres obligations, par conséquent, sur la continuité du contrat.

Il est clair que si l’intervention judiciaire était prohibée dans la rupture du contrat, la sanction qu’encourt le débiteur défaillant pourrait être disproportionnée.

Si les parties disposaient du pouvoir de décider, le créancier malhonnête pourrait imposer la résolution du contrat au mépris des droits et intérêts de son cocontractant.

On comprend que le juge est irremplaçable.

Monsieur PAULIN affirme que « La résolution s’oppose à l’exécution, le

créancier qui demande la résolution du contrat en abandonnant l’exécution. Il veut être dégagé de ses obligations, non continuer de les exécuter. Le contrat partiellement résolu est en réalité maintenu et ses obligations

exécutées »152.

En revanche, selon Monsieur MESTRE, quand deux personnes ou plusieurs signent un contrat, elles « Attendent du contrat un résultat global. Ou elles

l’obtiennent tel quel, ou elles ne l’obtiennent pas ; dans ce dernier cas, si l’insatisfaction est suffisamment forte aux yeux des magistrats pour justifier la résolution (et non pas le simple octroi de dommages-intérêts du contrat maintenu), l’anéantissement du contrat ne parait pas pouvoir être partiel, au gré du créancier ou encore des juges qui s’attribueraient en quelque sorte le droit de refaire le contrat en décidant ce qui survit et ce qui disparait. Seule au demeurant, la disparition totale du contrat évitera que se maintienne un lien juridique entre des personnes qui, par hypothèse, se sont judiciairement opposées (…) » En quelque sorte, le professeur MESTRE estime que « le

151 Z. LAOUANI, Le juge et la résolution du contrat, thèse, Lille II, ANRT, 2001, p.197.

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respect des volontés implique (…) la disparition intégrale de tout lien contractuel… à moins que les parties n’aient formellement conclu deux contrats, manifestant par-là clairement qu’elles se réservaient le droit de

dissocier le sort de chacun des actes »153.

Selon cet auteur, il est primordial de respecter la volonté des parties du moment qu’il y a eu inexécution. Il est inconcevable de résilier juste une partie du contrat, car quoi qu’il en soit, le créancier n’est pas satisfait de son cocontractant. S’il y a eu inexécution d’une obligation contractuelle même indépendante des autres obligations, le contractant défaillant pourrait récidiver et n'exécutera pas une autre obligation. Dans ce cas, on peut donner raison à l’auteur, car ce serait une perte de temps et pour le créancier et pour le juge.

84. Une résolution utile.- Bien entendu personne ne peut prévoir si le contractant défaillant ne va pas exécuter une ou plusieurs autres obligations. Il faut rappeler que si ce dernier s’est lié à ce contrat, il espère en tirer un bénéfice. Il est de son intérêt de continuer à exécuter le contrat. Il se peut que la raison de son inexécution est due à un cas de force majeure.

Il est donc utile pour les deux parties que la résolution partielle du contrat, dans ce genre de convention, doit être autorisé.

Après tout cela, un autre auteur, en l’occurrence SEUBE nous oriente dans une direction différente de celle du professeur MESTRE. Selon lui, « C’est la

complexité croissante des techniques contractuelles qu’impose à présent de s’interroger sur la possibilité d’une résolution partielle. Un souci d’équité commande en effet parfois d’écarter le principe trop strict d’une résolution totale ». D’un autre côté, toujours d’après celui-ci, « Les tribunaux sont peu sensibles aux difficultés de justification et se déterminent en considération d’exigences plus pragmatiques : d’un côté, ils apprécient l’utilité que procure au créancier l’exécution partielle du contrat, de l’autre, ils mesurent le préjudice que causerait au débiteur la résolution intégrale du contrat. Ils s’efforcent alors de concilier au mieux les intérêts antagonistes en jeu sans

s’arrêter aux difficultés théoriques sus-évoquées »154.

Il semble important de préciser que l’intérêt de l’intervention judiciaire dans ce genre de situation, est la volonté de limiter les effets parfois très injustes d’une résolution totale du contrat.

153 J. MESTRE, RTD Civ, 1987, p. 542.

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Une inexécution créant un déséquilibre « Peut être remédiée de manière

moins radicale, c’est-à-dire sans remettre en cause le contrat en totalité et à

la fois pour le passé et l’avenir »155

Conclusion du chapitre

85. L'inexécution contractuelle.- L’article 1184 du code civil, fait de l’inexécution la condition de la rupture du contrat et elle ne peut être apprécié par les parties.

Si l’appréciation de la gravité de l’inexécution doit être faite par le juge, cela n’a pas été fait par hasard. Le juge en effet « Statue en tenant compte de

considération d’opportunité et d’utilité, s’attachant à l’importance du manquement par rapport à l’avantage économique poursuivi par le créancier»156.

La constatation de l’inexécution contractuelle, ne doit être effectuée que par le juge. Il s’assurera de son réel existence, mais sans prendre en compte son origine.

Cependant, il réserve un traitement particulier pour l'inexécution tardive ou partielle. Dans ce cas, le juge appréciera si cette inexécution mérité une rupture ou une seulement une compensation.

Cela dit, l'évolution de la pratique contractuelle et de la jurisprudence en fait émerger un concept qui, jusqu'à lors n'était pas admis en droit français des contrats, qui est la rupture unilatérale.

155 Z. LAOUANI, Le juge et la résolution du contrat, thèse, Lille II, ANRT, 2001, p. 200.

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Dans le document La rupture du contrat (Page 66-72)