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A - LA NOTION DE CLAUSE RÉSOLUTOIRE

Dans le document La rupture du contrat (Page 141-145)

Afin de maîtriser au mieux cette notion, et d’éviter ainsi toute éventualité recours judiciaire, il est important de connaitre la procédure de sa mise en œuvre (B).

A - LA NOTION DE CLAUSE RÉSOLUTOIRE

224. L'origine de la clause résolutoire.- Selon Monsieur MALAURIE on trouve des clauses résolutoires dans « La moitié des contrats »308.

La clause résolutoire se définit comme « La clause par laquelle les parties,

adoptant une condition résolutoire expresse, décident à l’avenir dans un contrat que celui-ci sera de plein droit résolu, du seul fait de l’inexécution par l’une des parties de son obligation, sans qu’il soit nécessaire de le demander au juge et que celui-ci, s’il est saisi, dispose en principe d’un

pouvoir d’appréciation»309 .

La clause résolutoire évite au créancier d’avoir à recourir à la résolution judiciaire, seule voie en principe offerte, et écarte l’application du droit commun de la résolution pour inexécution qui fait du recours au juge un passage obligatoire. Elle apparaît ainsi comme une convention dérogatoire au droit commun de la résolution pour inexécution310.

Convention dérogatoire au droit commun, la clause résolutoire pour inexécution avant qu’elle soit admise dans la plupart des contrats civils et commerciaux, était le seul moyen pour résilier un contrat de vente, elle ne pouvait être insérée dans les autres contrats.

L’origine de la clause remonte au droit romain, dans '' l’ex commissoria ''. Toutefois, '' l’ex commissoria '' n’était admise que dans la vente car « De

manière générale, la résolution des contrats pour inexécution était inconnue en droit romain. Hormis la vente, certains contrats nommés connaissaient

307 Cass. Civ., 29 novembre 1865, D. 1866, I, p. 27.

308

Ph. MALAURIE, L. AYNES et Ph. STOFFEL-MUNCKN, Les obligations, 6ème éd, defrénois, 2011, n° 886.

309 G.CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème éd, PUF, 2000, p. 769 et 770.

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une telle action, qui n’était cependant pas l’expression d’une règle générale

mais une action propre à chaque contrat »311.

Seul le vendeur pouvait résilier un contrat de vente lorsque l’acheteur ne payait pas le prix. '' l’ex commissoria'' était alors un moyen efficace pour parvenir à ses fins, le vendeur pouvait par conséquent récupérer l’objet vendu dont l’acheteur n’avait pas payé le prix, et replacer la clause dans sa situation initiale312.

225. L'admission de la clause résolutoire.- Le principe de la clause résolutoire a été érigé en droit positif par un arrêt de principe de la Cour de cassation du 2 juillet 1860 dans lequel elle affirme « Qu’il n’est pas défendu

aux parties d’attacher à l’inexécution, constatée dans une certaine forme, les effets d’une condition résolutoire précise, absolue et opérant de plein droit, qu’une pareille convention n’a rien d’illicite, qu’elle tient lieu de loi à ceux qui l’ont faite, que les tribunaux ne peuvent pas la changer et qu’ils doivent se

borner à vérifier si, en effet, il y a eu réellement inexécution du contrat313

dans le sens prévu et réglé à l’avance par les parties »314.

On comprend très bien que la Cour de cassation a autorisé l’insertion d’une clause résolutoire dans un contrat et que le juge n’a cependant aucun pouvoir, et ne peut en aucun cas arrêter le jeu de la clause résolutoire ou l’empêcher si l’inexécution prévue dans le contrat, est avérée.

Actuellement, la clause résolutoire est reconnue dans la plupart des droits étrangers et son principe est partout le même : elle constitue un raccourci vers une rupture des contrats sans passer par le juge.

« L’originalité de la clause résolutoire par rapport à la résolution judiciaire

s’affirme à deux égards. La clause résolutoire et la résolution judiciaire sont de nature différente. En stipulant une clause résolutoire, les parties ont institué un lien de cause à effet entre l’inexécution et la résolution, lien dont l’origine ne réside pas dans la loi, mais dans leurs volontés distinctes par leur nature ; la clause résolutoire et l’article 1184 du code civil se distinguent également par leur mécanisme. Tandis que l’article 1184 du code civil permet au contractant envers lequel l’obligation n’a pas été exécutée de demander au juge de prononcer la résolution du contrat, la clause

résolutoire lui confère le droit de résoudre le contrat »315.

311 Ibid, p. 1.

312 Ibidem, p.1.

313

Nous traiterons cette question dans la section suivante.

314 Cass. Civ., 2 juillet 1860, D. 1860, 1, 284.

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Dans l’article 1184 du code civil, l’intervention du juge est obligatoire pour prononcer la rupture du contrat, ce dernier a le pouvoir d’apprécier l’existence d’une inexécution contractuelle.

« Il est généralement admis que l’existence d’une clause résolutoire

suppose que les parties précisent expressément qu’elles entendent exclure le juge, faute de quoi leur stipulation doit être interprétée comme un rappel inutile de l’article 1184 du code civil, ne faisant obstacle ni à la nécessité d’une demande en justice ni au pouvoir souverain du juge d’apprécier la

gravité de l’infraction »316.

L'insertion d'une clause suppose alors que la rupture du contrat s'effectuera sans l'intervention du juge, en effet, « L’existence d’une clause résolutoire

impose que la résolution ait lieu sans intervention du juge, son exclusion est un critère de la clause résolutoire. De la rédaction d’une clause litigieuse va donc dépendre la réponse à la question de savoir si les parties ont stipulé une clause résolutoire ou si elles ont seulement rappelé, à des fins

comminatoires, la sanction légale »317.

Il n'est pas nécessaire de préciser que le contrat sera résolu automatiquement en présence d'une clause résolutoire, car « Le doute n’est

pas permis lorsque la clause précise que le contrat sera résolu de plein droit en cas d’inexécution - l’emploi de cette locution, qui est celle utilisée, de manière inversée, dans l’article 1184, du code civil- fait clairement apparaître l’intention des contractants de ne pas avoir recours à la résolution judiciaire, mais d’appliquer, en cas d’infraction, la sanction déterminée par

leur volonté »318.

226. L'éviction du juge.- La clause résolutoire reste un moyen pour l’une ou l’autre partie au contrat, d’éviter l’intervention du juge pour la rupture du contrat ; elle constitue donc un avantage pour elles - autrement dit les parties - qui consiste à empêcher le juge d’user de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de la résolution, que lui confère l’article 1184 du code civil.

Il n’est en aucun cas possible au juge d'apprécier la résolution d’un contrat en présence d’une clause résolutoire dont les conditions sont réunies. Le juge n’a également aucun pouvoir d’apprécier si le manquement reproché au débiteur est suffisamment grave pour que le contrat soit résolu.

316

Ch. PAULIN, note sous Cass. Civ., 17 mai 1993, D. 1994, p. 483.

317 Ibid, n°3.

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La gravité de l’inexécution n’est pas requise dans le jeu de la clause résolutoire; cette inexécution doit être visée dans le contrat par la clause. La Cour de cassation précise clairement dans son arrêt du 19 octobre 1977 que « Les juges ne disposent d’aucun pouvoir d’appréciation de la gravité

des infractions lorsqu’elles donnent lieu à l’application d’une clause résolutoire »319.

Le juge perd tous ses pouvoirs face à une clause résolutoire dont les conditions de mise en œuvre sont réunies ; la Cour de cassation a ainsi affirmé dans son arrêt du 20 juillet 1989, qu’une Cour d’appel avait « Justement décidé que la clause résolutoire devait être appliquée sans qu’il

soit nécessaire de chercher si cette sanction était proportionnée ou non à la

gravité du manquement invoqué »320 et cela dans le cas où les conditions de

la mise en œuvre de la clause résolutoire étaient réunies.

D’un autre côté, il est impossible au juge de se soucier des effets de la clause résolutoire même les plus rigoureux et périlleux pour l’autre partie, c’est-à-dire que le juge doit être indifférent vis-à-vis des intérêts de l’autre partie et de la situation future que pourrait engendrer pour elle la mise en œuvre de la clause résolutoire.

C’est dans ce sens que la Cour de cassation dans son arrêt du 16 décembre 1987 a censuré une Cour d’appel qui était saisie pour la constatation de la résiliation d'un bail où elle avait relevé que « Si l’expulsion était

immédiatement ordonnée elle entrainerait pour la locataire la perte du fonds

de commerce et de tous les investissements réalisés »321.

Le juge n’avait pas à se soucier des pertes que subira le débiteur par la rupture du contrat, du moment que le manquement visé par la clause était constaté. Vu le risque énorme et la perte que pouvait engendrer la mise en œuvre de la clause résolutoire, la partie défaillante n’avait qu’à se conformer à ses obligations.

Le juge du fond dans cette affaire avait pour mission de constater la résolution et nullement d’apprécier la gravité de l’inexécution ou bien les effets particulièrement " rigoureux " de la résiliation du contrat.

D’une façon plus simple et plus résumée, le « Rôle [du juge] se réduit à

constater une résolution qui s’est effectuée en dehors de lui »322.

319 Cass. 3ème Civ., 19 October 1977 , d 1978, p. 162.

320 Bull. civ., III, n° 172, p. 93.

321

Bull. civ., III, n° 204, p. 121.

322 M. PICARD et A. PRUDHOME, « De la résolution judiciaire pour inexécution des obligations », RTD Civ. 1912, p. 104.

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Ce principe du rôle unique de constatation de la résolution connaît certaines exceptions dans la pratique de la clause résolutoire323.

Dans le document La rupture du contrat (Page 141-145)