• Aucun résultat trouvé

1 - L’ABSENCE DE LA CONDITION DE MISE EN DEMEURE

Dans le document La rupture du contrat (Page 145-148)

261. Présentation.- « Le droit positif français préfère imposer au

créancier le devoir de faire respecter son droit plutôt d’imposer au débiteur

l’initiative du règlement de sa dette »368.

Il est clair que laisser le pouvoir de rupture des contrats par la clause résolutoire aux mains des parties, comporte des risques réels d’abus et d’injustice.

367 Obs. J. MESTRE , RTD Civ. 1987, p.314.

166

Sans l’intervention d’une tierce personne – c’est-à-dire le juge –, les litiges entre les parties durera toujours, chaque partie campant sur sa position, par conséquent, le plus fort est toujours le plus souvent avantagé dans ce genre de situation.

L’intervention d’une autorité compétente possédant des moyens de contrainte et de dissuasion, trancherait les litiges d’une façon plus juste et équitable.

De ce fait, le juge, pour assurer les intérêts des deux parties et éviter toute infraction et abus d’une partie envers l’autre, doit d’emblée s’assurer du respect de la mise en demeure (a).

Le respect d'un délai de préavis raisonnable est aussi une obligation, la question reste toutefois très épineuse, la doctrine ainsi que la jurisprudence, reste divisées sur ce point, et émettent plusieurs réserves (b).

a - LE RESPECT DE LA MISE EN DEMEURE : UNE QUESTION D'ÉTHIQUE

262. Une condition essentielle.- La question du respect de la mise en demeure préalable, constitue une épine dans les pieds de la doctrine et de la jurisprudence.

Le contrôle judicaire serait efficace, dans les cas où les parties ont exigé au préalable dans le contrat, la nécessité de respecter une mise en demeure pour faire jouer la clause résolutoire.

Dans cette situation, la question de savoir si le juge doit opérer un contrôle concernant la mise en demeure ne se pose pas.

Son rôle se résume alors seulement au contrôle de l’existence et au respect de la mise en demeure elle-même, mais aussi au « Respect de la forme

prescrite. Si le créancier s’en écarte au détriment du débiteur »369, il risque

une sanction judiciaire et l’annulation du jeu de la clause résolutoire ; le créancier, en effet, doit respecter à la lettre les conditions de mise en demeure insérées dans le contrat, il ne peut pas seulement se contenter d’une assignation370, de même il ne peut pas adresser une simple lettre recommandée avec accusé de réception, au lieu du commandement requis371

369

Y-M. LAITHIER, Etude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, op. cit, p. 242.

370 Cass. Com, 17 mars 1994, JCP 1992, I, 3608.

167

dans le contrat ; à défaut, la clause résolutoire n’aura aucun effet sur la continuité du contrat, car la mise en demeure restera invalide.

263. L'exception jurisprudentielle.- La 3ème chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 février 1982 précise que, si le créancier respecte la procédure prévue dans le contrat en utilisant une formulation équivalente, la mise en demeure produira ses effets d’une façon tout à fait normale372.

« Pragmatique et sensible à une analyse téléologique, le juge est semble-t-il,

avant tout préoccupé par la protection due au débiteur et par la réalité de

l’atteinte dont il prétend être victime »373.

D’un autre côté, le juge ne se contente pas du respect de la mise en demeure et du respect de la procédure prévue dans le contrat, il va aussi contrôler les mentions figurant dans la lettre de mise en demeure.

Le créancier doit dans la mise en demeure faire rappeler à son débiteur défaillant, l’existence de la clause résolutoire dans le contrat qui lui permet de rompre le contrat unilatéralement. Si ces termes ne sont pas respectés, il doit par la même occasion « Indiquer exactement et de façon précise les

manquements reprochés auxquels il doit être remédié »374.

« La clause résolutoire remplit [en présence de la mise en demeure] sa

fonction comminatoire : le débiteur est informé de sa défaillance [et], du

refus du créancier de la tolérer plus longtemps »375.

264. Le rôle du juge.- Il s’agit aussi de savoir si le juge doit vérifier le respect de la mise en demeure et d’infliger d'éventuelles sanctions dans le cas où l’obligation de mise en demeure n’est pas stipulée dans le contrat, pour faire jouer la clause résolutoire ? La question est un peu compliquée, logiquement, le juge dans ce cas doit seulement vérifier l’inexistence de l’obligation de mise en demeure, et ne peut en aucun cas sanctionner le créancier pour le non-respect d’une démarche qui ne lui est pas obligatoire. 265. Conclusion.- Mais par souci d’équité, la mise en demeure doit être obligatoire pour la mise en œuvre de la clause résolutoire, même si le contrat ne la stipule pas clairement, elle doit être tacite, sans qu’elle figure dans le contrat, on doit la respecter. Et le contrôle doit s’opérer de la même façon que si elle est obligatoire.

372 Cass. 3ème Civ., 16 février 1982, Bull. III, n° 48.

373

Y-M. LAITHIER, Etude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, LGDJ., 2004, p. 242.

374 Cass. 3ème Civ., 28 novembre 1968, Bull. civ., III, n° 498.

168

Si les contractants ne l’ont pas prévue et veulent une rupture rapide et simple sans perdre de temps, pour des raisons d’efficacité économique du contrat, le législateur doit faire en sorte que la mise en demeure soit toujours une condition de la rupture du contrat par la clause résolutoire. La seule chose dont le juge ne doit pas se mêler, est la durée du préavis. Le juge opérera un contrôle son respect.

Si les parties se sont mises d’accord sur la durée du préavis préalablement dans le contrat, le juge ne peut en aucun cas intervenir et le changer.

b -LE RESPECT D'UN DÉLAI DE PRÉAVIS RAISONNABLE

266. Un délai raisonnable.- Le contrôle du délai de préavis s’opère de deux manières : En premier lieu, et comme nous l’avons dit précédemment, dans le cas où les parties ont défini préalablement la durée du préavis, le juge effectue juste un contrôle sur l’existence et le respect du préavis et non pas de sa durée.

Le créancier doit, dans sa mise en demeure, préciser le délai qu’il accorde à son débiteur pour lui donner une chance, et dans l’espoir que ce dernier exécutera ses obligations.

La Cour de cassation a en effet précisé dans son arrêt du 31 octobre 1989 que pour être réputée valable, la mise en demeure doit comporter le délai imparti au contractant défaillant pour lui permettre d’exercer ses obligations et de remédier à son manquement.

Dans un second lieu, le juge est face à une situation où les contractants n’ont pas prévu de durée pour le préavis dans le contrat, en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire.

267. Un rôle primordial du juge.- Le rôle du juge est donc plus important que dans le premier cas, non seulement il contrôlera le respect du délai de préavis lui-même mais aussi le fait que ce délai soit raisonnable. L’intérêt d’une intervention judicaire dans ce genre de situation est incontestablement très important, pour préserver les intérêts des parties et garantir une certaine protection des parties les plus faibles au contrat.

Le juge doit alors vérifier que le créancier a bel et bien accordé à son débiteur un délai pour se conformer aux obligations, ainsi que la durée du délai accordée.

169

être raisonnable et doit permettre vraiment au contractant défaillant de pouvoir trouver une solution aux problèmes et d'y faire face.

Il se peut que l’inexécution soit juste d’une courte durée et qu’elle mérite un peu de temps pour y remédier, le créancier doit en quelque sorte se mettre à la place de son débiteur, et lui accorder un préavis d’une durée assez raisonnable mais sans que celle-ci soit préjudiciable à sa situation.

La question qui se pose, est de savoir si le juge doit sanctionner un préavis d’une durée très courte, si la situation du créancier ne lui permet pas d’attendre longtemps. En d'autres termes : quelle sera l'attitude du juge devant un délai de grâce court mais qui fait face à une situation d'urgence ? Il est un peu difficile de répondre à la question, le juge doit prendre en compte plusieurs facteurs.

D’une part, vu que le juge est garant des intérêts des parties, il doit en premier lieu se pencher sur la situation du créancier. Si la situation est une situation d’urgence, le délai doit être d’une durée qui lui permette de changer de partenaire, par exemple pour changer de fournisseur, car son activité stagne à cause de l'inexécution de son contractant.

D’autre part, il doit aussi prendre en compte la situation du débiteur, mais le juge ne doit, en aucun cas privilégier une partie au détriment de l’autre : s’il s'avère, par exemple que, même avec une durée très longue, le débiteur ne pourra pas s’exécuter, il est inutile de lui accorder un préavis de plusieurs semaines.

Si au contraire le débiteur a besoin de seulement quelques jours pour se conformer à ses obligations, et que cette durée ne porte pas préjudice à la situation du créancier, ce délai doit être accordé.

En accordant un délai raisonnable, le créancier exprime ainsi sa bonne foi et démontre qu’en aucun cas, il ne cherche à se débarrasser de son partenaire d’une façon irresponsable.

170

§ 2 - LE CONTRÔLE DE RÉGULARITÉ COMPORTEMENTALE DU

Dans le document La rupture du contrat (Page 145-148)