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2 - LA SANCTION JUDICIAIRE DE LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE ABUSIVE

Dans le document La rupture du contrat (Page 160-164)

251. Un sanction méritée.- « Si la chasse

aux clauses abusives intègre le droit commun, c’est à la condition qu’elles n’aient pas été librement négociées. Et c’est à cette condition seulement qu’il serait admissible que la prohibition des clauses abusives intègre le droit

commun pour que soit sauvegardé le principe de la liberté contractuelle » 353

et ainsi sanctionner la partie responsable, en effet, si la clause résolutoire

349 PEGLION-ZIKA, La notion de clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, thèse, Paris II, 2013, no 422.

350 N. SAUPHANOR-BROUILLAUD,« Clauses abusives », Dalloz, 2014, n° 42. V. en ce sens; Cass. 1ère Civ.,

28 mai 2009, no 08-15.802 , Bull. civ., I, no 110 ; RDC 2009. 1430, note Fenouillet; Cass. 1ère Civ., 8 janvier

2009, no 06-17.630; CCC 2009. Comm. 85, obs. Raymond ; RTD com. 2009, p. 418, obs. Legeais

351

N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, Clauses abusives, op. cit, n° 43.

352 Cass. 1ère Civ., 20 mars 2013, no 12-14.432, Bull. civ., I, no 53 ; D. 2013. AJ 832 ; Dalloz actualité, 3 avril 2013, obs. Delpech, qui juge, dans un contrat de réparation automobile qu'une clause ambiguë a pour effet de laisser croire au consommateur que l'utilisation de pièces non d'origine emporte en toute hypothèse exclusion de la garantie conventionnelle.

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est avérée abusive, le créancier s’expose à des sanctions qui restent sous l’appréciation exclusive du juge354.

« En droit de la consommation [ par exemple ], la notion de

"clauses abusives" est contrôlée par la Cour de cassation. Mais s’il en est ainsi, c’est parce que les contrats sont pour la plupart standardisés et que

les clauses types sont récurrentes et connues »355, et le texte du projet de

réforme touchera en principe tous les types de contrat356.

Pour que le juge récupère son pouvoir de sanction, il doit comme nous l’avons déjà démontré, déterminer si la clause résolutoire est réputée abusive ou pas. Si la réponse est négative, le juge ne dispose d’aucun pouvoir de l’annuler.

En revanche s’il s’avère que la clause est abusive, le juge dispose d’un panel de sanctions, qui sont beaucoup moins importantes que les sanctions en cas de rupture unilatérale abusive.

Bien que la question des sanctions en cas de clauses résolutoires abusives, n’avait fait l’objet d’aucun texte de loi ni de décrets, elle reste de la compétence exclusive du juge, qui peut dans certains cas- plus spécialement concernant les contrats en droit de la consommation- ordonner la suppression de la clause résolutoire (a) ou bien tout simplement l’annuler (b).

a - LA SUPPRESSION DE LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE EN DROIT DE LA CONSOMMATION

252. Une suppression réservée.- Dans l’article L421-6 du code de la consommation, on peut trouver clairement que les associations de protection des consommateurs ont la possibilité d’obtenir du juge « La

suppression des clauses résolutoires abusives dans les modèles de conventions habituellement proposées par les professionnels aux

consommateurs »357.

354

En ce sens, R. BOFFA, « Juste cause et injuste clause », op. cit, n° 23.

355 F. BICHERON, « N’abusons pas de la clause abusive », Gaz. Pal, 2015, p. 24.

356 v. en ce sens . Ph. STOFFEL-MUNCK, « Les clause abusives: on attendait Grouchy… », Dr et patr., oct. 2014, p. 59.

357 Loi N°88-14 du 5 janvier 1988, loi relative aux actions en justice des associations agrées de consommateurs et à l’information des consommateurs JCP 1988. III, 61052.

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La Cour de cassation dans une affaire du 6 janvier 1994 affirme que ces associations ont la possibilité d’entamer une action en justice, et d’intervenir dans le cas de l’existence d’un contentieux entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, ce pouvoir –d’intervention- a pour but la dissuasion de l’utilisation ou de l’emploi de la clause résolutoire abusive des professionnels dans les contrats de consommation.

Il est clair que le législateur tient à ce que, toutes les clauses abusives soient attaquées, par souci de lutter contre les clauses résolutoires, qui privilégient une partie vis-à-vis de l’autre : « Désormais les documents le plus souvent

proposés aux consommateurs, sont appelés à être exempts de telles clauses. L’intervention des associations de consommateurs est d’autant plus efficace qu’il faut admettre, conformément à la lettre et à l’esprit du texte, que leur action peut être dirigée contre les rédacteurs des contrats

eux-mêmes, et non seulement contre le professionnel qui les utilise »358.

253. Une inefficacité.- Force est de constater que, même si le législateur a tenu à assurer la protection des consommateurs contre des clauses résolutoires abusives, il n’en est pas moins vrai que la procédure judicaire reste le moyen le plus efficace, car la décision ne produit d'effet qu’entre les parties. Si un consommateur a saisi le juge pour une affaire de clause abusive, la décision de justice ne concerne que les parties au procès, autrement dit le professionnel peut très bien utiliser la même clause mais avec un autre consommateur ou non professionnel, sans que celui-ci [le professionnel] ne soit condamné une seconde fois, à moins que ces associations ne traquent ce professionnel, aucun autre moyen n’existe pour le forcer à ne plus utiliser ladite clause, il continuera par conséquent à employer ces clauses dans ses contrats.

l'Ordonnance du 10 février 2016 ne contient malheureusement pas de disposition spéciale qui concernerait les clauses abusives.

254. Conclusion.- Il faut préciser que même si le professionnel modifie la clause, cela ne le met pas à l’abri d’une nouvelle assignation en justice, il suffit que cette modification manque de clarté ou de précision pour qu’elle soit à nouveau considérée comme étant abusive.

Il n’existe aucun texte de loi pour sanctionner une clause qui a fait l’objet d’une suspension, cela laisserait entendre que le consommateur, au lieu de demander la suppression d’une clause, dispose aussi d’une possibilité d’en demander l’annulation.

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b - L’ANNULATION DE LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE

255. Une sanction satisfaisante.- Dans son arrêt du 16 juillet 1987 et du 14 mai 1991, la première chambre civile de la Cour de cassation affirme que le juge dispose d’un pouvoir d’apprécier si la clause résolutoire est réputée abusive ou pas, et en même temps, de décider de sa nullité359

en application de la loi de 1978.

La Cour a réaffirmé sa position dans l’affaire du 26 mai 1993, où elle précise que dans un souci de protection des parties, contre les clauses résolutoires abusives, le juge dispose du pouvoir de définir, et de qualifier une clause d’abusive, et éventuellement de l’annuler. En effet, « Les clauses

abusives sont réputées non écrites. Mais le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister

sans lesdites clauses »360.

Le professeur Alain BENABANT précise que pour caractériser une clause d’abusive, le juge doit se référer aux termes de l’article L132-1 du code de consommation361 qui stipule que : « Dans les contrats conclus entre

professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat».

Il nous semble donc judicieux de préciser que la loi du 1er février 1995 et la loi n°95-96 relatives aux clauses abusives, ne disposent d’aucun article dans lequel, elles accordent au juge un pouvoir de qualification et d’annulation des clauses résolutoires abusives, mais en même temps, que ces lois ne l’interdisent en aucun cas. Elles n’empêchent nullement le juge d’exercer ce pouvoir, il a donc une autorisation indirecte de définir le caractère abusif d’une clause et par conséquent, de la sanctionner en vertu de l’article L132-1 du code de la consommation.

« Il faut également tenir compte de l’article 4 du décret n°93-314 du 10

mars 1993, qui paraît reconnaitre le pouvoir du juge de déclarer une clause

359 Cass. 1 ère Civ., 16 juillet 1987 .D.1988, 49, note J.CALAIS-AULOY ; D. 1988, 1; Cass. 1ère Civ., 14 mai 1991.D. 1991, 449, note GHESTIN Rép. Def 1991, 1ère partie art 35142, p. 1268.

360 Fiches d'orientation Dalloz, Clause abusive, Dalloz, Mai 2013.

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abusive, en précisant qu’il peut demander l’avis de la commission des

clauses abusives »362.

256. La condition.- Pour être sanctionnée, la loi exige une action en justice, ce qui rend le consommateur un peu hésitant à l’idée d’entamer une procédure judiciaire, pour une clause résolutoire abusive, vu que le coût et la lenteur de la procédure auront peut-être raison de lui, l’enjeu du litige est beaucoup moins important que le coût éventuel de la procédure, il est dès lors plus avantageux pour le consommateur d’entamer une procédure en résolution, qu’une demande en annulation d’une clause résolutoire.

257. L'effet de l'annulation.- D’une façon générale, le juge s’il constate que la clause résolutoire utilisée dans un contrat est abusive, et sanctionne son auteur par son annulation, celle-ci ne produira aucun effet sur le contrat et ce dernier doit être exécuté d’une façon tout à fait normale.

En cas de contestation ou de litige entre les parties, l’auteur de la clause résolutoire abusive, n’encourt aucune sanction, hormis le maintien du contrat, et l’annulation de la clause en question, il ne peut être condamné à verser des dommages et intérêts à l’autre partie, ou encore, à anéantir le contrat à son tort. Dans le cas contraire, si la clause résolutoire n’est pas réputée abusive, le juge ne peut que constater la rupture de plein droit du contrat sans qu’il puisse intervenir pour l’annuler ou la supprimer.

Dans le document La rupture du contrat (Page 160-164)