• Aucun résultat trouvé

Chapitre III. L’émergence des écomusées et des musées de société

3. Présentation des “campagnes-collectes” étudiées

3.1. Histoire et mémoires du sida

3.1.3. La typologie des objets collectés

Les objets recueillis dans cette campagne d’acquisition sur le sida sont de nature singulière ; ils n’ont pas de caractéristiques exceptionnelles en termes de forme ou d’usage, si ce n’est leur charge symbolique101très forte. Plus de mille sept cents objets et documents ont

été collectés au cours de l’année 2002, provenant en majorité de France (1397 objets). Ils émanent principalement de dons102 (1533 objets) et d’achats, surtout auprès d’associations

101

La dimension symbolique des objets recueillis concerne plusieurs registres, que ce soit la religion (on connaît la vigueur du débat quant à la position de l’Église catholique face à l’usage du préservatif), le politique et notamment les mesures législatives (discriminations de la part des législations à l’encontre des étrangers séropositifs pouvant difficilement entrer dans plusieurs pays comme la Russie par exemple, interdiction qui fut levée aux États-Unis par l’administration Obama en janvier 2010) ou d’autres questions sociales (déni social de la maladie par les malades et leur entourage).

102 Les principaux donateurs sont le Centre régional d’information et de prévention du sida d’Île-de-France

(CRIPS) et l’association de lutte contre le sida Act Up-Paris. D’autres institutions ont également fait des dons au MUCEM, comme le ministère français de la Santé, le Comité français d’éducation à la santé (CFES), l’Association française de lutte contre le sida (AFLS), la mairie de Paris, le « Kiosque information sida toxicomanie » (lieu d’information et de diffusion subventionné par la ville de Paris), divers conseils généraux et municipalités, des collèges, des entreprises, des syndicats ainsi que différentes associations et des particuliers rencontrés lors de manifestations liées au sida.

104 (184 objets). La deuxième phase de collecte, qui s’est déroulée au cours de l’année 2003, a permis de faire entrer au musée plus de trois mille deux cents objets et documents de toutes sortes, dont une partie a été achetée.

Au cours des deux campagnes, ce sont principalement en grande partie des objets purement documentaires qui ont été récoltés : affiches (près d’un quart de la collecte), affichettes, brochures, cartes postales reprenant souvent le thème des affiches, cartes d’information, dépliants, journaux, rapports officiels et journaux associatifs, prospectus, revues, tracts, livres-B.D., revues, bulletins syndicaux, dessins, cartons d’invitation à des conférences (voir annexes 2 et 3, p.266-278). Ces différents supports représentent une source de documentation importante mais font aussi partie des objets distribués et utilisés par les personnes contactées par l’équipe de recherche, comme les bénévoles associatifs et le personnel hospitalier. La collecte inclut également des objets donnés par les enquêteurs eux- mêmes comme les livres, prospectus et objets dérivés assemblés au cours de l’enquête sur des stands ou lors de manifestations103 en lien avec le sujet. À ce titre, le MUCEM a sauvegardé

ces documents, souvent disponibles en plusieurs exemplaires auprès des associations, en qualité d’archives dont l’intérêt ira croissant au fil des années. Toutefois, il les considère tous comme des objets à part entière, y compris les textes autobiographiques, parce qu’ils « font partie de l’univers concret de ceux qui les utilisent ». Un tel état de fait rend ambiguë la définition de l’objet collecté.

Des photographies d’amateurs et surtout de professionnels ont également été prises, soit pour reproduire des documents uniques, soit pour immortaliser des lieux ou des aspects uniques et représentatifs de certains pays. Il était même question de collecter en 2002 des cartes de membres d’associations, en raison de leur fonction symbolique importante.

103

L’équipe de recherche a assisté pendant quatre ans aux manifestations les plus importantes liées au sida comme la marche du 1er décembre (journée internationale du sida), le festival de musique Solidays, la Marche des fiertés lesbiennes, gays, bi et trans (Gay Pride), le défilé du 1er mai. Elle a également assisté à des évènements régionaux et à des conférences internationales, ce qui permet de mieux contextualiser la collecte et de créer de nouveaux contacts.

105 À côté des objets purement documentaires, distinguons cinq autres catégories104

d’objets liés au sida :

1- Objets médicaux : il s’agit de médicaments et autres objets témoins du travail mené par les associations pour l’information et la lutte pour l’accès aux traitements, action qui a abouti à de notables avancées comme la participation des malades aux décisions sur les traitements.

2- Objets de prévention : comme les boîtes de préservatifs, le matériel de démonstration, les kits de seringues, les cartes de rendez-vous pour consultation.

3- Objets de médiation : sous cette catégorie se trouvent les objets utilisés lors des manifestations ayant un rôle de sensibilisation comme les banderoles, les bandeaux, les panneaux et pancartes, les tirelires de quête, les tracts, les autocollants ou encore des badges d’entrée à des conférences sur le sida, des tee-shirts et des rubans rouges, grand symbole de la lutte contre le sida.

4- Objets dérivés ou de souvenir : pouvant également être vendus lors des manifestations et conférences autour du sida comme les sifflets, les sous-bocks, les tee-shirts, les sacs, les pin’s, les tattoos, les montres, les cartes calendriers, les chopes ou autres objets pouvant être utilisés dans la vie quotidienne portant un logo ou une inscription comme les boîtes ou pochettes d’allumettes, les bonbons, les éventails ou les marque-pages. Ces produits témoignent d’une appartenance ou d’une solidarité pour la cause des malades : un set de table105

réalisé par des collégiens en 2002, à l’occasion de la journée internationale du sida (1er décembre), l’illustre parfaitement.

5- Objets symboliques forts : parmi ceux-ci, un poème composé par un soignant, des cartes postales, une lettre de malade adulte, une lettre d’enfant malade, le tiré à part d’un article rédigé par un soignant. Certains peuvent être considérés comme des objets de deuil : c’est le cas d’une lettre de remerciement des parents d’un malade décédé ou d’un faire-part de décès.

104

Le lecteur peut se rapporter aux annexes 2 et 3, p. 266-278, illustrant des exemples de ces différentes catégories d’objets.

106

Documents relatifs