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Le lien des collections avec les nouvelles urbanités

Chapitre III. L’émergence des écomusées et des musées de société

1. La particularité d’un musée de la ville nouvelle

1.2. Le lien des collections avec les nouvelles urbanités

1.2.1. Un fonds documentaire singulier

Le musée s’est d’abord constitué autour de collections centrées sur le passé rural, avant de s’orienter, ensuite, vers les villes nouvelles, d’où l’acquisition de collections sur l’architecture et l’urbanisme. Il conserve d’intéressants fonds d’archives concernant les villes nouvelles. Surtout, il a progressivement alimenté une importante collection relative au design et aux objets de la vie quotidienne des années 1970 à nos jours ; c’est cette collection qui fait aujourd’hui sa particularité.

Les collections du musée sont axées sur le contemporain et les nouvelles urbanités. Elles sont étudiées suivant une démarche scientifique « compréhensive », à la fois ethnologique, car conduite auprès des habitants, et historique, car centrée sur l’évolution de la ville.

La collecte d’objets s’opère selon trois axes majeurs :

1- Les traces du passé du territoire avant la construction de la ville nouvelle : le musée conserve quelques objets, documents et témoignages oraux relatifs à l’existence, très liée à l’agriculture et au chemin de fer, des sept communes originelles, absorbées par l’agglomération depuis la transformation urbaine.

2- Les documents et objets-témoins de l’histoire de la ville nouvelle et de son développement : sous cette catégorie se range un fonds documentaire riche de près de deux cent cinquante plaquettes de promoteurs immobiliers, qui concernent les programmes d’aménagement urbain du territoire, des années 1970 à nos jours, y compris l’habitat. Ces plaquettes sont révélatrices de l’évolution des politiques de vente des appartements depuis la fin des années 1970, mais aussi des modes liés à l’habitat et des représentations sociales du milieu.

Le musée possède également un fonds d’archives orales autour de la cité et de l’urbanisme, qui sont considérées comme des « entretiens historiques ». Ce fonds se compose de monographies de quartiers et de différents témoignages, entretiens avec des élus, des politiques, des aménageurs, des architectes et des « pionniers », premiers habitants de la ville.

164 À côté de ces archives, le musée conserve des documents relatifs à la vie culturelle et sociale166, ainsi que plus de mille huit cents cartes postales anciennes du début du

XXe siècle à

nos jours, révélatrices de l’évolution des lieux et des modes de vie, auxquels fait également référence la correspondance au dos des cartes.

En parallèle, différents catalogues et magazines167 d’habitat constituent un fonds

documentaire important pour le musée. Ils proviennent de chaînes de décoration et de mobiliers contemporaines, comme Ikea, Habitat et Roche Bobois. Ces catalogues ne sont pas inventoriés comme partie intégrante des collections du musée : ils sont considérés comme des documents d’archives, dans la mesure où ils serviront à illustrer l’évolution des modes de vie des dernières décennies. Un tel statut de « documents d’archives » est également dévolu à certains livres, conservés essentiellement en raison de leur typographie caractéristique des années 1970.

3 - La dernière typologie du fonds documentaire du musée concerne l’art public, domaine qui intéresse le musée depuis 2006. À ce sujet, le musée rassemble et inventorie des collections qui permettent de comprendre comment sont conçues les œuvres d’art déployées dans le paysage urbain de Saint-Quentin, voire des Yvelines, comme les maquettes, les dessins, les peintures et les croquis d’artistes ayant conçu des œuvres dans l’espace public local. Cette prise en compte de l’art public représente un enjeu non négligeable pour le musée. D’une part, ce champ disciplinaire nouveau marque son émancipation de l’urbanisme et de l’architecture qu’il avait jusque-là l’habitude d’étudier. Mais d’autre part, l’équipe scientifique du musée craint une dérive de son positionnement ethnologique initial vers l’art contemporain (Guiyot-Corteville, 2010 : 188).

166 Notamment grâce aux archives déposées par l’Association pour la promotion des activités culturelles

(APASC), fondatrice de l’action culturelle à Saint-Quentin-en Yvelines.

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1.2.2. La collection « design »168

Le musée a constitué une importante collection en matière de design, afin de témoigner de l’évolution des modes de vie contemporains et de la démocratisation des usages depuis les années 1970. Cette collection est principalement constituée de pièces de mobilier signées, objets de « prestige » créés par des designers renommés, mais également d’objets de la vie courante, produits en grande série et symboliques en leur temps, sur le plan socioculturel, de la ville nouvelle.

La collection « design » est née de la collecte du mobilier dont s’étaient dotés les premiers équipements publics de la ville nouvelle, qui affichaient à l’origine un modernisme militant. Elle s’est ensuite enrichie grâce à des opérations de collecte auprès des habitants de la ville et à des achats auprès de brocanteurs et de professionnels du design des années 1970. La collection comprend aujourd’hui quelque cinq milles pièces, des plus rares aux plus diffusées. Certaines sont même devenues les emblèmes de la démocratisation contemporaine du design, comme le mobilier gonflable, le mobilier polyvalent, les accessoires de bureau, le matériel électroménager et le matériel destiné au bien-être de l’enfant.

Le design représente l’atout majeur du musée de Saint-Quentin-en-Yvelines. L’objet qui en relève est un artefact culturel qui raconte les débuts de la ville nouvelle avec ses utopies, ses représentations et ses expérimentations, un incubateur social pour toutes les expériences héritées de Mai 1968. Mais, en même temps, il s’inscrit dans une certaine continuité, car même si les années 1970 restent un pôle d’intérêt important pour le musée de la ville, celui-ci continue à collecter des objets réalisés dans les années 1980 et 1990. En ce qui les concerne, les critères de sélection relèvent de la télématique et des nouvelles technologies qui ont marqué les modes de vie de ces dernières années, comme les minitels, les téléphones portables et les ordinateurs. Ainsi, le design constitue pour le musée un référent de collection en évolution, alimenté par des thèmes précis. L’objet est à la fois la clef de l’histoire du musée et du territoire et le support d’une médiation et d’une transmission, des années 1970 à nos jours. Dans cette perspective, le design croise les articulations contemporaines, en ce sens que la mode actuelle s’inspire continuellement des

168 Le design est une discipline visant à la création d’objets et d’œuvres graphiques, à la fois fonctionnels,

esthétiques et conformes aux impératifs d’une production industrielle. Selon le Petit Robert, le design est une « esthétique industrielle appliquée à la recherche des formes nouvelles et adaptée à leurs fonctions ».

166 vogues du passé. Le design anticipe donc toujours de nouveaux usages et contribue aux évolutions sociales. Cette approche permet de collecter le contemporain qui sera l’héritage de demain. L’objet devient dans ce sens un élément de comparaison pour un système de séries : un même objet peut être décliné par différents éditeurs, sous différentes marques. Il permet une réflexion sur sa conception et par conséquent sur un style et sur une discipline de synthèse. Ces représentations peuvent être tangibles ou virtuelles et s’inscrivent naturellement dans un contexte social, économique et culturel donné.

1.3. Les modes d’acquisition des collections

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