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Chapitre III. L’émergence des écomusées et des musées de société

1. Le contexte de l’approche contemporaine à l’écomusée du Val de Bièvre

1.2. La particularité des missions

Les missions de l’écomusée sont variées, selon les publics sollicités. Il est possible d’en faire la synthèse à travers trois champs d’actions :

1- Les actions de diffusion simple : expositions et publications ; 2- les actions culturelles : visites guidées et ateliers ;

3- les actions participatives : collecte et entretiens.

Selon Alexandre Delarge, conservateur de l’écomusée, la problématique des musées de société consiste moins en la construction du discours qu’en la définition de leurs missions. Dans un travail de réflexion à ce sujet, il a présenté un projet à l’Inspection générale des musées, qui conduit à changer complètement les missions de son établissement, démarche qui s’explique par le changement de portage de l’écomusée, de la ville de Fresnes à l’ensemble de la communauté d’agglomération. Pour cela, le projet propose d’équiper l’écomusée de deux éléments structurels qui sont d’ailleurs en rapport avec le statut de l’objet :

1- Il s’agit, dans un premier temps, de faire du musée un « centre de ressources en patrimoine et en compétences ». Ce point est nécessaire pour assurer le lien entre tradition et modernité. Cela signifie que l’écomusée devrait être un lieu de ressources et d’information sur le patrimoine, la collecte, la documentation et sur les objets, qu’ils soient objets de communication, de mémoire ou objets de lien social, tels que les définissent les critères de la

141 collecte. Cette définition lui permettrait de créer des dynamiques sociales et locales et de s’affranchir de l’image traditionnelle du musée selon laquelle celui-ci n’est qu’un simple lieu de production ou de diffusion. Dans ce sens, comme l’explique le conservateur, « la logique de l’écomusée se situera entre le centre d’archives et le centre socioculturel ».

2- D’autre part, l’écomusée doit aussi permettre au public local d’alimenter ses collections et de s’investir dans des actions procédant d’une démarche participative. Afin de réussir cette mutation de l’écomusée d’un lieu de diffusion à un lieu de production, le projet propose de modifier ses infrastructures et d’engager un agent de développement durable sur le site. Il suggère également une extension des champs patrimoniaux du musée et l’adoption d’une approche à la fois synchronique et diachronique de l’appréhension du territoire. Une lecture chronologique, des origines à nos jours, est en effet indispensable pour évaluer les mutations et les continuités d’un territoire donné, de même que l’approche du contemporain ne se passe que difficilement d’une dimension historique.

Certes, la collection demeure la raison d’être du musée. Mais le caractère innovant du projet réside dans la volonté qui y est affichée de favoriser l’accès au musée de la population locale. L’écomusée se veut un lieu d’échanges pour la population, un endroit où les problèmes majeurs de la société contemporaine « sont au cœur de la notion du patrimoine », explique Alexandre Delarge. L’écomusée se définit comme lieu d’action, de réflexion et de compréhension d’un territoire de banlieue. Il s’inscrit ce faisant dans la lignée des musées communautaires146

. Sa singularité réside dans son projet scientifique et culturel, puisque celui- ci amorce une triple innovation dans le monde des musées et dans le rapport au patrimoine, à savoir : l’attention particulière portée aux évolutions du contemporain immédiat, la démarche participative comme levier pour orienter les missions fondamentales du musée, en s’inspirant des réflexions en cours sur la démocratie de proximité, enfin, les pratiques de développement local menées, notamment, dans le cadre de la politique de la ville.

C’est bien dans le cadre tracé par Alexandre Delarge que l’écomusée du Val de Bièvre a redéfini ses missions. Il articule désormais l’ensemble de ses actions autour des deux notions phares que sont le territoire et la participation.

146 Selon Alexandre Delarge, l’écomusée est conçu, dans ses missions, et donc dans sa structure physique,

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1.2.1. Un engagement dans l’action territoriale

Le transfert de l’écomusée de Fresnes à la communauté d’agglomération de Val de Bièvre est significatif du rôle joué par l’établissement dans l’élaboration d’une politique culturelle intercommunale, laquelle, à son tour, conduit l’engagement actuel des écomusées dans l’action territoriale. Il témoigne de ce que peut être l’évolution d’un écomusée, en termes d’objectifs aussi bien que de structure physique, dans un contexte de recomposition territoriale147. Inversement, l’aménagement du territoire est un facteur qui permet à

l’écomusée de s’ancrer davantage dans le territoire, de penser le social et d’élaborer une politique culturelle intercommunale.

De fait, la question du territoire est omniprésente à l’écomusée du Val de Bièvre et cette problématique, en conséquence, est déterminante dans le choix des objets. En construisant un rapport au territoire à travers ses expositions, l’écomusée rend compte de la transformation urbaine de Fresnes, village rural devenu une ville de banlieue, et donc d’une nouvelle territorialité. Néanmoins, à trop se focaliser sur son ressort, l’institution se trouve confrontée au risque d’un repli sur elle-même ; d’où la nécessité d’assumer l’ouverture, comme c’est le cas grâce au travail mené en commun avec le groupe des Neufs de Transilie.

1.2.2. Une muséologie participative

La muséologie participative revendiquée par l’écomusée consiste à associer l’ensemble de la population aux travaux des professionnels de la conservation du patrimoine, dans un esprit de démocratisation de l’outil culturel. Comme l’affirme son conservateur : « Il existe […] une complémentarité entre l’habitant et le conservateur. Celui-ci ayant la tâche difficile de trancher in fine, en tenant compte des acteurs en présence » (Delarge, 2003 : 27).

L’établissement met ponctuellement en œuvre une opération de collecte participative d’objets, dans l’objectif de favoriser la mixité sociale. À chaque collecte, des entretiens sont systématiquement conduits avec les donateurs. Cette démarche est née en 2003 au cours des préparatifs de l’exposition sur les caractéristiques de la banlieue, intitulée Banlieue ma ville. À travers cinquante objets, elle racontait la vie des banlieusards à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, entre stéréotypes et réalité : vie associative, grands ensembles, mobilité, jardins

147 Chronologiquement, le champ d’étude va de l’émergence de la banlieue (vers 1850) à nos jours, mais ne

143 familiaux, toxicomanie… Elle a démontré que les personnes apportent des objets à l’écomusée non pas pour eux-mêmes, mais pour ce qu’ils représentent comme histoire et comme souvenir. De manière générale, la participation ne concerne pas uniquement la collecte, mais touche à d’autres activités comme les actions culturelles.

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