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CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

4.1 LE DÉVELOPPEMENT DE LA RELATION JEUNE-BEAU-PÈRE

4.1.1 Typologie des trajectoires relationnelles

Les récits des participants rencontrés montrent que le développement de la relation entre un jeune et son beau-père ainsi que la qualité des liens qui les unissent s’inscrivent dans un processus dynamique et complexe. En effet, il semble que chaque histoire relationnelle est différente d’un jeune à l’autre, mais certaines similitudes peuvent tout de même être dégagées du discours des participants. Les résultats obtenus permettent de distinguer quatre trajectoires

relationnelles. Les trajectoires sont établies en fonction de la qualité générale de la relation ainsi que de son évolution dans le temps.

Les différentes relations ont d’abord été positionnées par rapport à la qualité générale de la relation. Pour évaluer la qualité de la relation, les émotions positives et négatives vécues, les souvenirs racontés et les termes utilisés par les participants pour décrire leur relation sont analysés. À partir de cette analyse, les propos des jeunes ont été classifiés selon qu’ils reflètent une relation positive ou non aux différents moments de la relation (arrivée du beau- père, début de la cohabitation, début de l’adolescence, etc.).

Ensuite, les relations sont analysées selon leur évolution dans le temps et la présence ou non de stabilité. L’évolution de la relation réfère à la présence ou non de changements dans la qualité générale de la relation du début de la relation jusqu’à la situation actuelle selon la perception des jeunes. Chaque participant a été invité à parler de la relation avec son beau- père à différents moments. D’abord, l’arrivée du beau-père dans la vie du jeune était explorée ainsi que le début de la cohabitation. Ensuite, il était demandé aux participants si des changements avaient eu lieu à l’adolescence ou quelques années après le début de la recomposition familiale. Tout changement ou événement marquant dans la relation était examiné. Enfin, chaque participant exposait sa relation actuelle. Pour les quatre participants dont les contacts avec leur beau-père sont rares ou interrompus, ils leur étaient demandés comment était la relation dans les derniers moments partagés ensemble. Les données ainsi obtenues permettent de constater que certains participants ont une relation plus stable, alors que les autres ont vécu un ou plusieurs changements dans la qualité générale de leur relation. Cependant, il importe de mentionner que malgré la stabilité de certaines relations, aucune relation n’est stable d’une manière absolue et immuable étant donné la complexité des relations interpersonnelles. Par exemple, une relation peut avoir une certaine stabilité puisqu’elle est positive du début de la relation jusqu’à la situation actuelle, mais être un peu moins bonne actuellement que par le passé.

Les relations stables peuvent être positives ou négatives. De leur côté, les liens jeune-beau- père dans les relations plus instables sont évalués à savoir s’il y avait une amélioration ou

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une détérioration de la relation. Le tableau 4 résume les différents types de trajectoires relationnelles obtenus par rapport à la qualité générale de la relation et à son évolution :

Tableau 4 : Typologie des trajectoires relationnelles

STABLE INSTABLE

Positive (n = 6) Amélioration (n = 6)

Négative (n = 1) Détérioration (n = 2)

La première trajectoire que l’on retrouve chez un nombre important de participants est la relation stable positive (n = 6). Pour les participants de ce groupe, la relation avec leur beau- père a toujours été évaluée positivement par les jeunes et cette perception de la qualité de la relation n’a pas changé. Une participante nomme d’ailleurs très bien la stabilité et la qualité des relations qu’on retrouve dans ce premier type de trajectoire :

Je n’ai pas de choses négatives qui me marquent vraiment. C’était en majorité positif. On faisait des petites activités, des choses comme ça. Alors, c’est pas mal positif tout le temps […] Dans certains milieux familiaux, je trouve ça épuisant de voir ça. Je suis comme « Oh mon dieu calmez-vous, ça pas d’allure ! ». Moi je suis contente de ne pas avoir ça, que ça soit stable. (Alice)

Pour l’ensemble de ces participants, l’arrivée du beau-père dans la famille s’est bien déroulée et comme le mentionnent ces deux participants, le début de la relation s’accompagnait d’émotions positives :

J’étais très excité, j’avais hâte d’avoir une figure masculine à la maison. Je me souviens très bien la première fois où il est venu souper à la maison. J’avais préparé une liste de questions à lui poser. Dans le style « c’est quoi ta couleur préférée ?», « aimes-tu les chiens ?» […] J’y posais ce style de questions là. Non j’avais très hâte.

(Samuel)

Moi j’étais contente parce que je n’avais jamais été proche de mon père. Jamais jamais jamais. Moi je m’entendais super bien avec lui. J’étais contente dans le fond

parce que j’avais comme une présence masculine que je n’avais pas eue nécessairement avec mon père. (Mélodie)

Pour deux participants, la relation a continué d’être généralement positive avec le temps, mais la situation actuelle semble être un peu moins positive qu’avant, reflétant bien le caractère dynamique de la relation entre un jeune et son beau-père. Pour la première participante, la relation est un peu moins bonne qu’avant puisque certaines tensions sont apparues suite à des désaccords sur les valeurs entre son beau-père et elle. Pour cet autre participant, la qualité de la relation avec son beau-père a évolué puisqu’il vit certaines difficultés relationnelles avec sa quasi-fratrie :

Ouais ça va bien. C’est sûr qu’il y a juste certaines choses qui m’énervent. Mais c’est surtout que notre relation n’est plus aussi bonne qu’elle l’était. À cause que la relation avec mes demi-sœurs, c’est beaucoup moins que c’était. (Samuel)

Pour les quatre autres participants, la relation avec leur beau-père est demeurée positive tout au long de leur vie sans changement, période difficile ou conflit.

La seconde trajectoire relationnelle est plus marginale dans cette étude et elle est vécue par un seul participant. Il s’agit de la relation stable négative. Cette trajectoire est marquée par le rejet du beau-père et beaucoup de conflits. Dès le début de la relation, ce participant s’est fermé à la possibilité de développer une relation avec son beau-père :

Moi je ne voulais rien savoir. Pis de toute façon, ça ne me tentait pas de le rencontrer.

(Nathan)

Par la suite, lorsque la cohabitation a débuté, la situation a continué à être difficile :

On a commencé à habiter ensemble tout de suite […] C’était catastrophique. C’était le début de la fin. (Nathan)

Ce participant mentionne qu’il a vécu plusieurs conflits avec son beau-père et que pour cette raison, il a volontairement mis fin aux contacts avec ce dernier même si sa mère est toujours en couple avec lui. Cette trajectoire s’inscrit dans un parcours personnel et familial

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relativement difficile qui semble avoir contribué aux difficultés relationnelles vécues. Lors de l’arrivée de son beau-père, ce participant était au milieu de son adolescence et il vivait certains problèmes de comportement (fugues, refus de l’autorité). Il mentionne d’ailleurs avoir vécu dans une famille d’accueil peu de temps avant la recomposition familiale. De plus, ce participant indique que la relation avec son père a toujours été difficile et que la relation entre ses parents d’origine a été marquée par beaucoup de conflits avant la séparation conjugale. Dans cette situation, il appert que le développement d’une relation positive avec un beau-père soit beaucoup plus difficile.

La troisième trajectoire implique une relation instable qui s’est améliorée. Un nombre relativement élevé de participants se retrouve dans cette trajectoire (n = 6). Dans cette trajectoire relationnelle, la relation actuelle des participants avec leur beau-père est évaluée positivement, mais il y a eu une ou plusieurs périodes plus difficiles. Pour deux participantes, l’arrivée du beau-père s’est bien déroulée, mais elles ont éprouvé certaines difficultés dans leur relation à l’adolescence ou, comme pour cette participante, au début de la cohabitation :

Ça allait bien tant qu’ils n’habitaient pas chez nous. Avec nous, chez nous. C’est du moment qu’il est déménagé que ça a commencé à moins bien aller […] Avec Louis, moi personnellement je l’ai vécu vraiment difficilement. J’avais tout le temps l’impression que Louis, tout ce qu’il disait c’était contre moi. Je me sentais constamment attaquée par Louis. (Évelyne)

Pour les quatre autres participantes, la relation a été difficile au début puisque l’arrivée du beau-père a été marquée par des sentiments négatifs tels que le rejet du beau-père, le malaise en présence de ce nouveau conjoint, la crainte qu’il fasse du mal aux membres de la famille ou encore la jalousie envers lui. Certaines participantes mentionnent que la relation s’est même détériorée lors de l’adolescence. Avec le temps, toutes les participantes de ce groupe mentionnent que la qualité générale de leur relation a évolué vers une relation de plus en plus positive. Les propos de cette participante résument bien la situation :

Si je me fie plus en ce moment, il y a eu de l’amélioration. Au final, après tout ce qu’on a passé, c’est du positif. (Léanne)

Pour l’ensemble des participants de ce groupe, les modifications dans la relation se sont effectuées pour différentes raisons. Pour quelques participantes (n = 3), le fait de prendre de la distance en partant du foyer familial semble avoir été bénéfique :

Comme je n’ai pas été là souvent les dernières années, je ne restais pas chez moi, ça comme fait une espèce de distance à cause de ça. Feck ça c’est sûr que ça l’a aidé à la relation parce que quand je n’étais pas là, ben je m’entendais mieux avec eux. Feck là, ça va bien. (Sofia)

Pour une participante, c’est la prise de conscience de la permanence de la nouvelle union par un mariage et en voyant son parent heureux avec son nouveau conjoint qui semble avoir été déterminante dans la relation. Pour les deux dernières participantes, la relation avec leur beau-père s’est améliorée après quelque temps puisqu’elles ont finalement accepté la présence de leur beau-père dans leur vie. L’acceptation du beau-père leur a permis d’apprendre à le connaître et de passer du temps de qualité avec lui.

La quatrième et dernière trajectoire inclut une relation instable avec détérioration (n = 2). Après une courte période d’adaptation au début de la relation, ces deux participantes avaient une bonne relation avec leur beau-père. Cependant, leur relation s’est détériorée par la suite. Selon la perception de la première participante, la qualité de sa relation s’est détériorée lors de l’adolescence puisqu’elle a commencé à s’affirmer davantage et qu’elle a pris conscience des divergences entre son beau-père et elle :

À l’adolescence, ç’a changé parce que là tu commences à t’affirmer un peu plus. Pis là, c’est là que j’ai comme fait, ben le genre de personne qu’il est, ça fite pas avec comment je suis. Tsé, je le respecte, je l’aime quand même, mais ça ne marchait pas. C’était tout le temps tout le temps des chicanes. Tout le temps. (Florence)

Par la suite, un événement marquant a détérioré encore plus la relation. En effet, la participante a pu avoir accès aux pensées de son beau-père grâce à la découverte d’un journal intime. Cet événement a amené un point tournant dans leur relation :

J’ai trouvé un journal intime pis ça n’allait vraiment pas bien. […] Je l’ai lu. Et ça pas été long que ça parlait de moi. C’était vraiment négatif. Pis ça m’a vraiment fait

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mal. Parce que, autant on ne s’entend pas super bien, moi ça reste quelqu’un de ma famille. Ce qu’il pense de moi ça m’importe beaucoup. Pis c’était vraiment l’enfer là. (Florence)

Pour la seconde participante, un seul événement de vie perturbateur a changé la qualité générale de la relation. En fait, son beau-père s’est blessé au travail, ce qui l’a amené à être très présent à la maison et à avoir des problèmes de consommation. Ce changement brusque a amené une perte d’équilibre dans la relation qui est demeurée négative par la suite. Cette participante mentionne d’ailleurs de manière très explicite comment elle a vécu la relation suite à l’événement perturbateur:

Il nous engueulait, il nous disait de faire du ménage, des affaires de même. Feck oui, on s’est vraiment détaché. Pis à partir de ce moment-là, on n’était plus amis. C’était vraiment désagréable. (Clara)