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Les types de partenariat État-tiers secteur : au-delà d’une vision binaire

CHAPITRE 1 LA PROBLÉMATIQUE

1.3 Le partenariat État-tiers secteur : une dynamique paradoxale

1.3.3 Les types de partenariat État-tiers secteur : au-delà d’une vision binaire

Les écrits consultés nous apprennent que certains auteurs se sont intéressés à la question du partenariat entre l’État et le tiers secteur et aux différents types que ce partenariat peut prendre dans la pratique. Afin d’approfondir le sujet, les auteurs (Coston, 1998; Najam, 2000; Vaillancourt, 1997; White, Mercier, Dorvil et Juteau, 1992; Young, 2000) ont tenté d’organiser, de façon structurée, ces différents types de partenariat État-tiers secteur afin d’en tirer une compréhension générale. Une démarche de recherche effectuée par Proulx, Bourque et Savard (2005), s’est notamment intéressée aux différents types de partenariat entre l’État et le tiers secteur. Les auteurs y dressent une recension des différentes typologies partenariat État-tiers secteur rencontrées dans la littérature qu’ils présentent sous forme de tableau synthèse. Le tableau suivant, produit par les auteurs, dresse un bilan des différentes typologies développées (Proulx, Bourque et Savard, 2005).

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Tableau 1. Synthèse des principales typologies du partenariat État-tiers secteur

Source : Proulx, Bourque et Savard (2005), p. 11.

Ainsi, comme on peut le voir dans le tableau synthèse, les différentes typologies retenues présentent différents types de relation pouvant être instaurés entre les deux parties, allant d’une extrémité à l’autre, c’est-à-dire, d’un type de partenariat inégalitaire entre les parties impliquées à un partenariat plutôt égalitaire. On remarque que la plupart ne proposent qu’un nombre restreint de types de partenariat, allant de deux à trois types différents. Certaines proposent, quant à elles, plusieurs types pouvant prendre forme dans la relation de partenariat État-tiers secteur. Ces typologies montrent que le partenariat entre l’État et le tiers secteur peut prendre une multitude de formes.

Auteurs 1 2 3 4 5 6 7 8

Clark

(1991) Opposi-tion Complémen- tarité Réforme Commuri

(1995) Répression Régulation Neutralité Facilitateur Supporteur Eisher

(1998) Répression Cooptation Ignorance Avantage» «Prend Collabora-tion Young (2000) Adversai -re Complémen- taire Supplémen- taire P- Raymond et Bourque (1991) Pater-nariat Partenariat réel White et coll. (1992) Complémen- tarité Alliances Collabora- tion Vaillan- court (1997) Approche Néoproviden- tialiste Approche Néolibérale Approche solidaire Lowndes et Skelcher (1998) Régulation hiérarchique Régulation de marché Régulation en réseau Coston

(1998) Répression Rivalité Compéti- tion Contractuelle Tiers parti Coopération Complémen- tarité Collabora-tion Najam

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De cette recension, Proulx, Bourque et Savard (2005) retiennent la typologie de Coston comme principal modèle pour évaluer le partenariat État-tiers secteur. La typologie suggère huit types de partenariat différents pouvant unir l’État et le tiers secteur, allant du type répression à celui de collaboration. La typologie de Coston propose de déterminer les types de partenariat à l’aide de trois composantes d’analyse des rapports que sont l’ouverture de l’État au pluralisme institutionnel, la symétrie des rapports de pouvoir et le formalisme des relations. Cette typologie sera abordée plus en détail à la section du cadre conceptuel.

Afin d’utiliser la typologie développée par Coston, Proulx, Bourque et Savard (2005) adaptent la typologie au contexte québécois. À l'aide de la typologie adaptée, les auteurs analysent les relations de partenariat dans huit domaines d’activités différents tels que les services aux jeunes de la rue, le logement pour personnes ayant une déficience intellectuelle, les organismes de soutien aux « aidants naturels », les centres communautaires de loisirs (Proulx, Bourque et Savard, 2005). L’analyse des relations de partenariat issue de chacun des domaines d’activité révèle que les projets sélectionnés s’inscrivent dans quatre types de partenariat. Les types identifiés sont : sous-traitance, coexistence, supplémentarité et coconstruction. Cette étude démontre donc que le partenariat État-tiers secteur au Québec prend des formes multiples. Ainsi, les auteurs soulignent que le modèle utilisé permet d’apporter une nuance dans l’analyse des différents rapports et d’aller au-delà de la dynamique binaire présentée précédemment, comme l’extrait suivant l’exprime :

En effet, cette typologie permet un plus grand raffinement dans l’analyse des rapports entre l’État et le tiers secteur et nous permet de sortir d’une analyse le plus souvent binaire, à savoir : ou bien les organismes du tiers secteur sont instrumentalisés économiquement ou politiquement dans un rapport de sous- traitance; ou bien ils sont partie prenante d’un partenariat véritable avec l’État et dans lequel ils ont un certain pouvoir (Proulx, Bourque et Savard, 2005, p. 12).

La typologie adaptée par Proulx, Bourque et Savard (2005) a été reprise dans différents travaux portant sur les relations de partenariat État-tiers secteur au Québec. C’est notamment le cas de Gauvreau, Savard, Tremblay et Diadou (2010) qui reprennent la typologie de Coston pour analyser les relations entre un CSSS et une entreprise d’économie sociale dans la région du Saguenay. Les travaux révèlent que la relation entre les deux acteurs s’inscrit dans le type de partenariat dit de sous-traitance.

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La recherche de Proulx et Savard (2012) s’avère également intéressante pour comprendre les relations de partenariat État-tiers secteur présentes de nos jours. L’étude, effectuée auprès de 52 d’organismes communautaires au Québec, consistait à l’envoi d’un questionnaire auto administré acheminé aux organismes du tiers secteur et fortement inspiré de la typologie de Coston adaptée au contexte québécois. Les résultats obtenus démontrent qu’une majorité de relations État-tiers secteur à l’étude sont entretenues sous forme d’un partenariat favorable aux organismes. Le tableau suivant, tiré des travaux de Proulx et Savard (2012) présente la répartition des types de partenariat dans le cadre de la démarche de recherche effectuée pour 33 des organismes ayant répondu au sondage.

Tableau 2. Les types de partenariat État-tiers secteur observés

Type de rapport Nombre %

Compétition 0 0 Sous-traitance 3 9% Tiers parti 1 3% Coexistence 2 6% Supplémentarité 17 52% Coconstruction 4 12% Hybride Supplémentarité/coexistence 4 12% Hybride Supplémentarité/coconstruction 1 3% Hybride Compétition/coexistence 1 3% TOTAL 33 100%

Source : Proulx et Savard (2012), p. 38.

Le tableau révèle que l’on retrouve une variété de types de partenariat entre l’État et le tiers secteur au Québec. Les résultats obtenus démontrent que les relations de partenariat État- tiers secteur s’inscrivent majoritairement (52%) dans une logique de supplémentarité (Proulx et Savard, 2012). On définit cette logique de la façon suivante :

L’organisme public met en place des services publics en fonction des « préférences moyennes » de la population, mais accepte de soutenir en partie les « préférences minoritaires » prises en charge par les organismes du tiers secteur. Ceux-ci répondent donc à une demande laissée vacante par les services publics, et il y a reconnaissance mutuelle du rôle joué par les deux types d’organisation (Proulx et Savard, 2012, p. 28).

Cette même recherche souligne que les professionnels œuvrant dans les organismes communautaires se sentent aujourd’hui davantage respectés et reconnus dans leurs actions. L’augmentation du nombre de lieux de concertation aurait permis d’établir un dialogue entre

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l’État et les organismes, ce qui assure une plus grande représentation des besoins de la société civile dans les orientations gouvernementales (Proulx et Savard, 2012).

Enfin, l’article de Savard, Bourque, Lachapelle (2015) portant sur la question du partenariat État-tiers secteur dans le contexte d’émergence de fondations privées tel que la Fondation Lucie et André Chagnon (FLAC), propose quelques observations quant à l’influence du type de partenariat dans le domaine du développement local. En effet, les auteurs observent que le type de partenariat établi entre l’État et le tiers secteur varie selon le domaine d’activité dans lequel l’action prend place. Ainsi, dans le domaine du développement local, les partenariats développés se situeraient davantage dans un modèle de type coconstruction. Ce modèle suggère notamment que l’État et le tiers secteur travaillent en étroite collaboration dans un modèle de complémentarité. En effet, l’article souligne que les professionnels qui interviennent en partenariat en développement local auraient un degré d’autonomie élevé et endosseraient un rôle plus important dans le processus de prise de décisions. En comparaison, les partenariats établis avec des organismes issus du domaine de la santé et des services sociaux s’inscriraient, de façon générale, davantage dans des relations de l’ordre de l’instrumentalisation par le secteur public. L’article souligne également l’importance, pour les organismes du tiers secteur, de s’inscrire dans un partenariat qui agit en soutien aux initiatives locales de développement, et ce, sans tomber dans le piège de la planification technocratique. Ce faisant, les organismes du tiers secteur sont encouragés à militer en faveur de programmes sociaux adaptés aux réalités locales et qui s’inscrivent dans un partenariat qui permet aux organismes du tiers secteur de représenter la population et ses besoins. Les auteurs affirment qu’un tel partenariat agira en faveur des communautés, et soutiennent que « l’efficacité des programmes est plus grande quand ceux-ci prennent en considération les enjeux locaux plutôt que les exigences fondées sur des données probantes provenant de l'extérieur » (traduction libre tirée de Bourque, Proulx et Savard, 2015, p. 39).