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CHAPITRE 3 PRÉSENTATION DES RÉSULATS

3.3 Le partenariat État-tiers secteur

3.3.3 La symétrie des rapports de pouvoir

Afin de qualifier le type de partenariat qui unit le tiers secteur à l’État, Bourque, Proulx et Savard (2005) suggèrent d’évaluer la symétrie des rapports de pouvoir dans la relation de partenariat entre l’État et le tiers secteur. Il s’agit ici de la troisième composante de la typologie. Plus précisément, la symétrie des rapports de pouvoir est définie de la façon suivante: « la capacité des organismes du tiers secteur et des établissements et organismes publics à influencer et à déterminer la nature et l’orientation du partenariat de même que des services offerts à une population commune » (Proulx et Savard, 2012, p. 34). On parlera donc d’une relation de pouvoir symétrique lorsque les différentes organisations impliquées dans la relation de partenariat ont une capacité d’influence et de prise de décision équivalente. Les entrevues menées auprès des participants, ainsi que les périodes d’observation, ont permis d’approfondir la façon dont s’articule la symétrie des relations de pouvoir entre les acteurs. Pour ce faire, la collecte de données s’est orientée autour d’indicateurs précis soient, le type de consultation des partenaires dans la planification des actions et la perception des acteurs interrogés quant à leur capacité d’influence dans la prise de décision.

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La consultation des partenaires dans la planification des actions

Les entrevues menées au cours de la période de collecte de données ont permis de documenter la composante de symétrie des relations. Afin de dresser un portrait des rapports de pouvoir en place dans le cas à l’étude, les participants ont été questionnés sur les mécanismes de consultation présents dans le processus de prise de décisions.

Nous souhaitions ainsi approfondir notre connaissance quant à la participation de chacun des acteurs dans le procédé de prise de décision afin de déterminer si les partenaires sont consultés lorsque vient le temps de planifier les actions à mettre en œuvre. Les éléments de réponses fournies par les participants démontrent que les actions sont planifiées et déterminées par l’ensemble des partenaires qui participent à la démarche. En effet, des mécanismes de consultation sont prévus pour assurer une prise de décision collective. Ces mécanismes s’actualisent notamment par la rédaction d’un plan d’action commun où s’inscrivent les actions envisagées et par des rencontres de suivi où l’ensemble des partenaires est présent et peut échanger sur le travail en cours, son évolution et les actions à venir.

Dans les premières rencontres, on s’était fait une espèce de plan de match, avec un échéancier, en déterminant ensemble ce qu’on a à faire et quand dans le calendrier. Et, on respectait ça. Donc on se donnait des devoirs, si je peux dire, à chacun, pour arriver à date là-dedans. (Participante #2)

Les entrevues nous permettent également de déterminer que la consultation des partenaires s’est effectuée dès le départ, avant même de démarrer la démarche de développement des communautés. En effet, les différents milieux ont été interpellés, dans un premier temps, pour valider l’intérêt d’une démarche de développement des communautés dans le milieu puis, face à leur volonté de s’impliquer dans une telle démarche. De là, les acteurs intéressés ont suivi une formation sur la démarche de développement des communautés et son actualisation. Cette formation a permis de préciser l’intention de travailler en concertation. Une intention claire et partagée par l’ensemble des partenaires.

La décision qui a également été prise, ce n’est pas une chasse gardée du Centre de santé ou du milieu communautaire ou de qui que ce soit d’autre. Alors, on

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savait d’avance que l’on voulait faire une démarche concertée avec ça. […] Alors c’est à la formation qu’on se dit : oh, on fait ça ensemble. Et dès lors, tout le monde était déjà intéressé à s’impliquer pour le quartier. (Participante #1)

Par la suite, ce désir de concertation et « de faire ensemble » s’est actualisée sur le terrain, et ce, par la participation de tous à la démarche et à l’identification de la marche à suivre et des orientations à prendre comme l’exprime les propos de certains participants rencontrés :

Si on veut concerter, si on veut travailler ensemble, si on veut être en partenariat, ben il faut aussi que chacun amène du sien, selon ses intérêts et ses compétences […] chacun y trouve son compte et chacun est libre de s’exprimer pis, on en arrive toujours à des consensus pis chacun sa part et on trouve que c’est une juste part parce qu’on l’a décidé ensemble, parce qu’on la convenu ensemble. (Participante #4).

Il apparaît clair dans les propos entendus que les partenaires se sentent consultés dans la planification des actions relatives à la démarche de développement des communautés. Le processus de consultation utilisé semble efficace et convenir à l’ensemble des participants, qui tiennent des propos positifs sur la façon dont ils sont consultés depuis les touts débuts du travail en partenariat.

Capacité d’influence dans la prise de décision

La composante de symétrie des relations a également été documentée selon un second indicateur soit, la perception des acteurs quant à leur capacité d’influence dans le processus de prise de décision. Ainsi, les entrevues ont permis à chacun d’exprimer leur perception personnelle à ce sujet. Les participants rencontrés soulignent d’abord l’importance qui est accordée à discuter des points de vue de chacun avant de prendre des décisions qui orienteront la démarche. On comprend, grâce au discours tenu en entrevue par les répondants, que les partenaires considèrent que leurs opinions sont prises en considération lorsque vient le moment de prendre une décision. Une participante expose sa perception de la façon suivante en faisant référence au choix des quatre priorités d’intervention identifiées à l’issu de la consultation citoyenne :

Moi, je dirais vraiment oui, nos opinions sont écoutées, parce que, tu sais, c’est large les quatre volets qui sont ressortis fait que, quand on s’est réuni pour savoir lequel des quatre on choisit, il fallait, veut veut pas, il fallait que tout le monde présent choisisse leurs intérêts. (Participante #1)

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Les entrevues révèlent plus précisément que les partenaires se sentent à l’aise d’exprimer leur façon de voir, que celle-ci soit convergente ou divergente avec l’opinion du groupe.

Si j’ai un point de vue qui est différent, je suis très à l’aise de l’énoncer. Une fois qu’il est énoncé, quand on est dans un mode consensuel, bien je suis parmi les premières à tenir contre qu’il faut se rallier aussi à quelque chose qui fait du sens pour tout le monde. (Participante #4)

Ainsi, le climat instauré entre les partenaires permet l’affirmation et l’expression de propos divergents comme l’indique l’extrait suivant :

On a tous des visions différentes, et des missions différentes dans nos organisations, et des façons de voir aussi. Puis, ça arrive souvent, que quelqu’un lève la main et dit : ben moi je ne suis pas d’accord. J’aimerais mieux qu’on fasse ça comme ça. Là, dans l’activité de reconnaissance, il y a plein de choses où on a eu à prendre des décisions, sur la structure, sur la forme, sur l’horaire… Souvent ça arrivait qu’on n’était pas d’accord et c’était vraiment bien reçu. Chacun peut expliquer son point et c’est ça, souvent ça évolue et ce qu’on amène comme désaccord, ben ça fait évoluer que finalement, c’était peut-être pas un désaccord, mais une méchante bonne idée tu sais. » (Participante #5)

Les entrevues permettent également d’approfondir les mécanismes qui sont utilisés dans le processus de prise de décision. D’abord, le discours tenu par les participants, ainsi que les périodes d’observation, démontrent que le climat est propice à la discussion. En effet, au cours des périodes d’observation, nous avons pu constater que le type d’animation préconisé lors des rencontres entre les partenaires en est un d’ouverture. Les membres sont sollicités à prendre la parole et à exprimer leurs points de vue. Une attention particulière est même portée à l’expression des opinions de tous, notamment en effectuant un tour de table pour entendre chacun des partenaires. Les entrevues appuient nos observations et démontrent même que les opinions différentes sont perçues d’un bon œil par le groupe pour faire avancer les réflexions en vue d’une prise de décision éclairée.

Ben oui, il y a des oppositions, mais je pense que c’est le fun. On n’est pas gêné de se remettre en question. Tu sais, un exemple, cette semaine on parlait, c’est vraiment niaiseux, mais qu’est-ce qu’on allait offrir comme collation au comité. Et on était tous pas d’accord. Mais tu sais, chacun on avait toute une façon de voir ça, et le voyait tous différemment dans notre tête, mais finalement, on en a

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parlé, pis on a évolué et on arrive tous à la même réponse. Fait que, il y a place à la discussion. (Participante #5)

Les entrevues révèlent que cette façon de faire est appréciée par les membres, qui se sentent impliqués à part entière dans la démarche. Le temps et l’espace accordé pour discuter les décisions et déterminer les orientations à venir permettent aux participantes de se sentir parties prenantes du projet. Après plusieurs années de travail en équipe, les partenaires soulignent avoir appris à travailler ensemble, dans le respect de chacun. Lorsque questionné sur les modes de prise de décision utilisés dans la démarche, le groupe affirme que le consensus est privilégié comme mode de prise de décisions. Une participante rencontrée expose son point de vue à ce sujet :

Quand on remet des choses en question, ou on se questionne, ben on réfléchit ensemble. Chacun apporte ses arguments puis au bout du compte, ça fait ben du sens. C’est vraiment le consensus, tout le monde est d’accord. Puis, s’il y a de gens qui sont plus ou moins d’accord, ben c’est nommé aussi. Les gens nomment les choses. Même si les points de vue sont différents, il y a place pour en parler. (Participante #6)

La recherche du consensus n’est cependant pas sans amener une certaine complexité à la démarche. L’atteinte du consensus requiert du temps, mais tous sont en accord sur l’importance d’accorder du temps dans les rencontres pour en arriver à une décision unanime. Les participants souhaitent que l’ensemble des décisions prises dans la démarche de développement des communautés soit accepté par tous. Pour y arriver, l’atteinte du consensus est basée sur la capacité de chacun à faire des compromis en vue d’une décision commune finale. Les propos d’une participante rencontrée illustrent la façon dont les partenaires « travaillent leur consensus » :

On ne peut pas juste jaser pour jaser pour être sur un consensus tout le temps. De part et d’autre, il y a des : ‘Oh oh, ouf,’, tu sais, il faut se raplomber, il faut avancer, il faut trancher. Mais je crois que majoritairement, la façon dont sont prises les décisions, c’est par consensus, on n’a jamais passé au vote. Mais, à l’ensemble des discours, il y a peut-être des gens qui se sont ralliés sans nécessairement qu’on ait à passer au vote, mais qui n’étaient pas non plus un consensus mur à mur non plus là. Mais, on n’a jamais eu à trancher, une gang contre une gang. Ça été vraiment par consensus. Mais c’est le partenariat qui veut ça comme ça aussi. Et les gens qui sont autour de la table je crois qu’ils ont un plaisir à venir travailler ensemble, justement à cause de ça. (Participante #4)

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En résumé de cette section sur la symétrie des rapports de pouvoir, les discours tenus par les participants permet de déterminer qu’un processus de consultation est présent dans le cadre de la démarche. Nous sommes également en mesure d’affirmer que les participants se sentent à l’aise de formuler leur point de vue, qu’il soit convergent avec le groupe ou non. Les partenaires croient en leur capacité d’influence dans le processus de prise de décisions et considèrent que tous ont un degré d’influence équivalent sur les décisions prises dans la démarche. Sur la base des propos tenus par les participants et les observations effectuées, il apparaît possible de situer le rapport de pouvoir en présence dans la démarche de développement des communautés. En effet, les relations établies semblent mettre en scène des relations de pouvoir symétriques entre les membres et ce, peu importe leur origine.

Les observations effectuées dans la cadre de la démarche de recherche corroborent les propos tenus par les participants et appuient la conclusion formulée. En effet, on constate, dans la cadre des rencontres, une ouverture des participants à écouter le point de vue des autres et une volonté claire de bâtir les décisions sur la base des discussions tenues en rencontre. Au cours de la première période d’observation, nous avons pu constater cette ouverture, notamment lorsqu’est venu le moment de prendre la décision d’impliquer des citoyens dans l’activité de reconnaissance en cours de planification. Au départ, les opinions divergeaient quant à la façon d’impliquer les participants dans cette activité. Après que chacun eut exposé son point de vue, l’animatrice a rapidement formulé une proposition rejoignant les points de vue de chacun. À l’issue de cette discussion, tous étaient d’accord sur le rôle octroyé aux citoyens dans l’activité. L’espace à la discussion était présent et a permis l’atteinte du consensus. Ce procédé de prise de décisions est utilisé à plusieurs reprises au cours des périodes d’observation effectuées.