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Le partenariat État-tiers secteur : une étude de cas en développement des communautés

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Academic year: 2021

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Le partenariat État-tiers secteur

Une étude de cas en développement des communautés

Mémoire

Amélie Michaud

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada

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Le partenariat État-tiers secteur

Une étude de cas en développement des communautés

Mémoire

Amélie Michaud

Sous la direction de :

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Résumé

Depuis le milieu des années 1980, les rapports entre l’État et le tiers secteur ont plus ou moins évolué vers un modèle de type partenarial. Dans le domaine de la santé et des services sociaux, la redéfinition des relations s’actualise notamment par un plus grand partage des responsabilités avec le tiers secteur. La présente démarche de recherche s’intéresse à la façon dont s’articulent les relations de partenariat État-tiers secteur dans le contexte actuel. Plus précisément, les objectifs poursuivis par la recherche sont l’identification des principaux éléments qui caractérisent les relations de partenariat établies entre l’État et le tiers secteur ainsi que les éléments favorables et limites qui y sont associés. Pour ce faire, la démarche de recherche s’est orientée vers l’analyse des relations de partenariat État-tiers secteur dans le domaine du développement des communautés.

L’étude des relations de partenariat a été approfondie dans le cadre d’une initiative de développement des communautés au Québec. À l’issue de la période de collecte de données, le cas étudié fournit certains éléments de réflexion pertinents en regard de l’objet d’étude. En effet, les résultats obtenus révèlent les principales caractéristiques de la relation de partenariat observé dans le cas à l’étude, qui correspond au type supplémentarité-coconstruction. L’analyse des résultats permet d’identifier les principales caractéristiques associées à ce type de partenariat notamment en ce qui a trait à l’autonomie du tiers secteur et au degré d’institutionnalisation de la relation. Les résultats obtenus démontrent que la relation de partenariat étudiée s’inscrit dans une logique complémentaire entre l’État et le tiers secteur. On constate également que les organismes du tiers secteur impliqués ont pu conserver leur caractère autonome au cours de la démarche d’intervention. L’identification de facteurs favorables et de certaines limites au travail en partenariat fournit certains outils qui peuvent être utilisés par les professionnels dans l’intervention en développement des communautés.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations, sigles et acronymes ... ix

Remerciements ... xi

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 - LA PROBLÉMATIQUE ... 5

1.1 Un bref historique des relations entre l’État et le tiers secteur en santé et services sociaux au Québec (de 1960 à aujourd’hui) ... 6

1.1.1 Les années 1960 : une décennie orientée vers le changement ... 6

1.1.2 Les années 1970 : application de la loi sur la santé et les services sociaux ... 7

1.1.3 Les années 1980 : la crise de l’État providence ... 9

1.1.4 Les années 1990 : l’usager au centre du système ... 11

1.1.5 Les années 2000 : la Réforme du système de santé et services sociaux de 2003 et la recentralisation des services ... 13

1.1.6 La réforme du système de santé et de services sociaux au Québec de 2015 ... 17

1.1.7 Synthèse de l’évolution des rapports entre l’État et le tiers secteur en santé et services sociaux ... 19

1.2 La recension des écrits ... 20

1.2.1 Stratégie de recherche documentaire ... 20

1.2.2 Le développement des communautés ... 21

1.3 Le partenariat État-tiers secteur : une dynamique paradoxale ... 30

1.3.1 Le partenariat État-tiers secteur : une forme de contrôle social ... 31

1.3.2 Le partenariat État-tiers secteur : un levier de développement ... 33

1.3.3 Les types de partenariat État-tiers secteur : au-delà d’une vision binaire ... 35

1.4 La pertinence sociale et scientifique de l’objet d’étude ... 39

1.5 Le cadre conceptuel ... 41

1.5.1 La définition du concept de partenariat ... 42

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1.5.3 La typologie de Coston ... 45

1.5.4 Les questions précises de recherche ... 47

1.5.5 L’opérationnalisation des concepts ... 48

CHAPITRE 2 - LA MÉTHODOLOGIE... 50

2.1 La logique et le type de recherche dans la démarche ... 51

2.2 La population à l’étude et l’échantillonnage ... 52

2.3 Les modes de collecte des données ... 53

2.4 Le recrutement des participants ... 54

2.5 Portrait des répondants ... 55

2.6 Le traitement des données et leur analyse ... 56

2.7 Les aspects éthiques ... 57

2.7.1 Le consentement éthique ... 57

2.7.2 La confidentialité et la vie privée ... 58

CHAPITRE 3 - PRÉSENTATION DES RÉSULATS ... 59

3.1 Présentation du cas à l’étude ... 60

3.1.1 Brève mise en contexte ... 60

3.1.2 Portrait du quartier à l’étude ... 61

3.1.3 Historique de la démarche ... 63

3.1.4 Les partenaires impliqués dans la démarche de développement des communautés ... 71

3.2 L’intervention en développement des communautés ... 73

3.2.1 La participation des acteurs ... 74

3.2.2 La concertation entre les acteurs ... 77

3.3 Le partenariat État-tiers secteur ... 78

3.3.1 L’intensité des relations inter organisationnelles ... 78

3.3.2 Le formalisme des relations ... 83

3.3.3 La symétrie des rapports de pouvoir ... 88

3.3.4 L’ouverture au pluralisme institutionnel ... 93

3.4 Les facteurs favorables et les limites au travail en partenariat dans la démarche de développement des communautés ... 101

3.4.1 Les facteurs favorables au partenariat en développement des communautés ... 101

3.4.2 Les limites au partenariat en développement des communautés ... 103

CHAPITRE 4 LA DISCUSSION ... 106

4.1 Synthèses des principales caractéristiques de la relation de partenariat à l’étude selon les quatre dimensions d’analyse retenues ... 107

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4.2 Le type de partenariat identifié dans le cas à l’étude ... 110

4.3 L’institutionnalisation des interventions dans le cas à l’étude ... 114

4.4 L’autonomie des organismes du tiers secteur dans le cas à l’étude ... 116

4.5 Quelques considérations pour les relations État-tiers secteur en développement des communautés dans une perspective macrosociologique ... 117

4.6 Les dynamiques paradoxales du partenariat État-tiers secteur ... 119

4.7 Les facteurs favorables et les limites au partenariat dans l’intervention en soutien au développement des communautés ... 120

CONCLUSION ... 123

Bibliographie ... 129

Annexe 1: le guide d’entrevue ... 137

Annexe 2: la grille d’observation ... 139

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Liste des tableaux

Tableau 1. Synthèse des principales typologies du partenariat État-tiers secteur ... 36

Tableau 2. Les types de partenariat État-tiers secteur observés ... 38

Tableau 3. Les indicateurs relatifs au type de partenariat État-tiers secteur ... 49

Tableau 4. Synthèse des principales caractéristiques de la relation de partenariat ... 110

Tableau 5. Synthèse de la typologie de Coston, adaptée au contexte québécois ... 112

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Liste des figures

Figure 1. Organisation d'un réseau local de services (RLS) ... 14

Figure 2. Dynamique paradoxale des relations de concertation et de partenariat ... 44

Figure 3. Continuum des rapports États-tiers secteur de la typologie de Coston ... 45

Figure 4. Les principales étapes de la démarche de développement des communautés ... 64

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Liste des abréviations, sigles et acronymes

ASSS : Agence de la santé et des services sociaux

ASSS MCQ : Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie-Centre-du- Québec

CALACS : Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel CDC : Corporation de développement communautaire

CER: Comité d’éthique et de la recherche

CERUL: Comité d’éthique et de la recherche de l’Université Laval CHSLD: Centre d’hébergement et de soins de longue durée

CISSS: Centre intégré en santé et service sociaux

CIUSSS: Centre intégré universitaire en santé et service sociaux CLD: Centre local de développement

CLSC: Centre local de services communautaires

COCQ: Coalition des organismes communautaires du Québec CRÉ: Conférence régionale des élus

CSS: Centre de services sociaux

CSSS: Centre de santé et de services sociaux

CTROC: Coalition des Tables régionales d’organisme communautaires DRSP: Direction régionale de santé publique

DPJ: Direction de la protection de la jeunesse

GRASP: Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention

INSPQ: Institut national de santé publique du Québec MSSS: ministère de la Santé et des Services Sociaux OBNL: Organisme à but non lucratif

OMS: Organisation mondiale de la Santé PNSP: Programme national de santé publique

PROS: Programme régional d’organisation de services RMJQ: Regroupement de maisons de jeunes du Québec RQDS: Réseau québécois de développement social

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RQIIAC: Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire

RRASMQ: Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec

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Remerciements

Au terme de ce travail, je tiens d’abord à remercier ma directrice de mémoire, Madame Martine Duperré, pour son accompagnement et ses précieux conseils tout au long de la réalisation du présent travail.

Un merci tout particulier aux intervenants qui ont accepté de participer à ce projet de recherche. Vos disponibilités et votre générosité ont été d’un grand appui tout au long de la démarche.

Je remercie également tous ceux qui, de près ou de loin, m’ont offert leur soutien au cours de chaque étape ayant mené à la réalisation de mon mémoire de maîtrise. Un merci tout spécial à Mathieu, pour sa patience et ses encouragements tout au long de mon parcours. À mes parents, mes partenaires d’études, Justine et Bruce, et mes collègues de travail, un grand merci pour l’intérêt que vous avez porté à mon projet et pour votre soutien indéfectible.

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INTRODUCTION

Au Québec, les rapports qui unissent l’État à la société civile dans le champ de la santé et des services sociaux ont connu au fil du temps et des réformes une multitude de transformations. L’État interventionniste, autrefois principal responsable des soins de santé et des services sociaux et assurant ainsi le bien-être des individus et des communautés, a graduellement cédé la place à un modèle de gouvernance axé sur le partage des responsabilités avec les acteurs de la société. On peut se demander dans quel sens a évolué ce modèle. De ces acteurs nouvellement appelés à contribuer aux services de santé et de services sociaux, l’on retrouve les réseaux de solidarité locaux formés des proches et des familles, le secteur privé ainsi que les organismes du tiers secteur. Par tiers secteur, nous faisons ici référence à « tout organisme à but non lucratif (OBNL) issu de la communauté, incluant les organismes communautaires, autonomes et, au sens large, les associations de bénévoles, les coopératives, les entreprises de l’économie sociale, etc. » (Proulx et Savard, 2012, p. 40).

La présente démarche de recherche souhaite ainsi documenter les nouveaux rapports au sein desquels l’État et les organismes du tiers secteur s’inscrivent dans le domaine de la santé et des services sociaux. Les interventions en partenariat y sont nombreuses et présentes dans une multitude d’interventions. Nommons par exemple les partenariats établis dans le domaine de l’aide domestique pour les personnes en perte d’autonomie, de la santé mentale, des services de garde à l’enfance. Plus précisément, nous nous intéressons aux relations établies entre l’État et le tiers secteur dans la pratique en développement des communautés. L’intervention en soutien au développement des communautés est inscrite au Programme national de santé publique (PNSP) en 2003. Il s’agit d’une stratégie d’intervention qui vise à soutenir l’amélioration des conditions de vie des citoyens sur un territoire donné notamment grâce à la participation citoyenne. Pour s’actualiser, la pratique du développement des communautés sous-tend la nécessité d’établir des partenariats entre les différents acteurs de la communauté tels que les établissements publics, les municipalités, les organismes du tiers secteur et la société civile. (Bourque et Favreau, 2003). Depuis sa reconnaissance par la santé publique en 2003, ce type d’intervention connaît un certain essor au Québec (Parent, 2014). Afin d’approfondir le partenariat État-tiers secteur dans ce contexte de pratique, la démarche

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de recherche s’est orientée vers l’étude d’un cas concret d’intervention. Ainsi, le cas étudié permet d’analyser les rapports entretenus directement entre un établissement public (CSSS) et les organismes du tiers secteur qui travaillent en partenariat dans le cadre d’une démarche d’intervention en soutien au développement des communautés au Québec. Plus précisément, le présent mémoire intitulé : « le partenariat État-tiers secteur : une étude de cas en développement des communautés » s’intéresse aux réalités vécues par les intervenants qui sont appelés à travailler en partenariat dans la cadre d’interventions en soutien au développement des communautés. La question de départ à l’origine de notre démarche est la suivante : de quelle façon s’articulent les relations de partenariat entre l’État et le tiers secteur dans l’intervention en soutien au développement des communautés?

Un regard sur le contexte de pratique des dernières décennies révèle que le tiers secteur jouit d’une nouvelle forme de reconnaissance de la part de l’État et d’un plus grand financement depuis le milieu des années 1980. Par contre, ce nouveau type de rapport, où les organismes sont invités à travailler dans un modèle de complémentarité avec le secteur public, provoque des inquiétudes quant à la préservation de l’autonomie des organismes. Plusieurs auteurs se questionnent sur les retombés de telles relations pour le tiers secteur. Certains suggèrent que le partenariat État-tiers secteur serait une tentative de contrôle social de la part de l’État envers le tiers secteur en vue d’un désengagement graduel du gouvernement québécois dans la gestion du social. Au contraire, d’autres auteurs soutiennent que le partenariat État-tiers secteur représenterait une occasion à saisir pour les organismes du tiers secteur en vue d’une gestion plus démocratique (Bourque, 2008; Caillouette, 1994; René et Gervais, 2001). Plus récemment encore, la Réforme de la santé et des services sociaux de 2003, intervenue alors que M. Philippe Couillard était Ministre de la Santé et des Services sociaux, ne fait qu’accentuer les craintes d’un désengagement de l’État. En effet, loin de rassurer les organismes du tiers secteur face à la protection de leur autonomie, la Réforme causerait également des craintes face à une plus grande importance de la logique marchande dans l’offre de services en santé et services sociaux et à des rapports plutôt hiérarchiques entre l’État et le tiers secteur (Caillouette et coll., 2007a; Gauvreau, Savard, Tremblay et Diadou, 2010; Proulx et Savard, 2012). La réforme de 2003 fait ainsi craindre une volonté accentuée de désengagement de la part de l’État pouvant ainsi entraîner un affaiblissement progressif

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des relations État-tiers secteur (Proulx, Bourque et Savard, 2005). Autant d’éléments de réflexion qui sont au cœur de ce travail de recherche et qui nous amènent à préciser notre problématique de recherche. En effet, nous cherchons à comprendre comment les relations de partenariat se construisent entre les acteurs issus des organismes du tiers secteur et ceux du secteur public afin de favoriser, soutenir et bonifier ce partenariat. Pour ce faire, nous souhaitons approfondir nos connaissances de la pratique en développement des communautés ainsi que fournir des pistes de réflexion quant aux relations de partenariat établies et aux éléments favorables qui y sont associés.

Ce travail, réalisé dans le cadre d’un parcours de maîtrise en service social, s’articule autour de quatre chapitres. Le premier chapitre de ce mémoire présente un bref historique sur les différentes réformes du système de la santé ainsi qu’une recension des principaux écrits concernant l’objet d’étude. Il structure et justifie la problématique autour de la question et des objectifs de recherche qui viennent d’être rapidement exposés. S’ensuit le cadre conceptuel qui permet d’approfondir notre compréhension de l’objet d’étude, comportant les assises théoriques de ce projet. On y retrouve ainsi une définition détaillée du concept de partenariat qui, on le verra, prend différentes formes. Puis, les deux cadres d’analyse utilisés sont présentés, soit le schéma des dynamiques paradoxales de la concertation et du partenariat puis la typologie de Coston (1998), adaptée au contexte québécois. Enfin, l’opérationnalisation du concept ainsi que les questions précises de recherche sont exposées.

Ensuite, le chapitre méthodologique permet d’expliciter les choix préconisés dans la démarche de recherche et d’exposer les éléments relatifs à l’approche qualitative. Les notions de population à l’étude, d’échantillonnage et de méthode de collecte de données y sont abordées tour à tour en plus de préciser le déroulement du recrutement des participants et le portrait des répondants. Puis, l’analyse de contenu thématique est abordée selon les étapes suggérées par Paillé et Mucchielli (2008). Les considérations éthiques sont par la suite exposées, présentant ainsi le souci porté au respect des principes relatifs au consentement éthique et à la confidentialité dans le cadre de la démarche de recherche.

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Vient par la suite le chapitre de la présentation des résultats. Cette section du mémoire se divise en quatre rubriques. D’abord, la présentation du cas à l’étude est effectuée à l’aide des éléments fournis par les répondants rencontrés. Cette section permet d’approfondir notre compréhension de la démarche d’intervention en développement des communautés étudiée. Puis, les résultats relatifs à la définition de la pratique en développement des communautés y sont abordés selon les perceptions des participants concernant les principales composantes de l’intervention que sont la participation et le partenariat. Ensuite, les résultats entourant le partenariat État-tiers secteur sont exposés selon les quatre dimensions de la typologie de Coston, adaptée au contexte québécois par Proulx, Bourque et Savard (2005). Pour terminer, les facteurs favorables et les limites au partenariat dans l’intervention en soutien au développement des communautés sont présentés selon l’expérience des répondants rencontrés.

Les données obtenues grâce aux périodes d’observation et aux entrevues effectuées dans le cadre de la démarche de recherche sont par la suite reprises dans le chapitre de discussion des résultats. Ce chapitre reprend les principaux résultats obtenus et les éléments du cadre conceptuel afin de fournir des éléments de réflexions aux questions précises de recherche formulées.Cette section a ainsi permis l’identification du type de partenariat à l’étude et de ses principales caractéristiques. On y présente également une synthèse des principaux facteurs favorables et limites du travail en partenariat dans le cadre d’interventions en développement des communautés.

Pour terminer, la conclusion permet de faire un retour sur les principales étapes franchies ainsi que les résultats obtenus dans le cadre de la présente démarche de recherche. Les limites de l’étude ainsi que certaines recommandations pour de futurs travaux y sont également présentées.

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CHAPITRE 1 - LA PROBLÉMATIQUE

Dans un parcours de recherche, l’étape de la problématique est décisive. Comme le rappelle Jacques Chevrier dans l’ouvrage sous la direction de Benoit Gauthier « présenter la problématique de recherche dans un projet, un rapport ou un article de recherche, c’est fondamentalement répondre à la question suivante : pourquoi avons-nous besoin de réaliser cette recherche et de connaître les résultats qu’elle propose? » (Chevrier, 2003, cité dans Gauthier 2009, p. 53). Afin de bien répondre à ce questionnement, nous présenterons dans un premier temps un historique du système de santé et de services sociaux. L’objectif étant de bien saisir notre objet d’étude en cherchant à approfondir son évolution. Cet approfondissement historique permet par la suite de mieux identifier un autre moment important de l’étape de la problématique, à savoir la recension des écrits. Il est essentiel dans un travail de recherche de faire le point sur l’état des connaissances acquises et ce que pense et dit la communauté scientifique de notre problématique. Ce travail sera concentré autour de deux concepts clés au cœur de notre démarche : le partenariat et le développement des communautés. Cet approfondissement théorique nous permettra de mieux nommer la pertinence sociale et scientifique de notre recherche, une étape importante du processus de problématisation. En effet, on ne saurait investir en recherche sans avoir au préalable fait la démonstration de l’intérêt pour la communauté scientifique et la société de notre questionnement. Enfin, nous présentons le cadre conceptuel de notre recherche. Cette section permet d’approfondir les principaux concepts abordés ainsi que les éléments qui composent notre cadre d’analyse, soit la dynamique paradoxale des relations de concertation et de partenariat ainsi que la typologie de Coston (1998), adaptée au contexte québécois par Proulx, Bourque et Savard (2005).

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1.1 Un bref historique des relations entre l’État et le tiers secteur en santé et services sociaux au Québec (de 1960 à aujourd’hui)

Pour bien saisir l’objet d’étude, la section suivante présente l’évolution des rapports entre l’État et le tiers secteur dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec. Cette section aborde notamment les différentes réformes survenues dans le système de santé et des services sociaux de la province depuis 1960 et l’impact de ses réformes sur les modes de gestion des rapports établis entre l’État et le tiers secteur au cours de cette même période. L’historique permet également de situer l’objet d’étude dans le contexte actuel.

1.1.1 Les années 1960 : une décennie orientée vers le changement

Les années 1960 sont le théâtre de nombreux changements dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec. En effet, cette période fort mouvementée représente un moment de transition important dans le modèle de gestion des services de santé et services sociaux au Québec. On passe alors d’un modèle de soin de type privé, administré principalement par les communautés religieuses et basé sur des principes d’entraide et de bienfaisance, vers un modèle de soins publics, où l’État québécois est dorénavant responsable du système de santé et services sociaux dans la province. Ces changements emboîtent le pas au virage mondial qui s’effectue dans la majorité des pays industrialisés de l’époque vers un modèle de type État-providence. Pour François-Xavier Merrien, auteur de plusieurs écrits sur l’État-providence, le concept se définit de la façon suivante :

La notion d’État-providence évoque clairement l’une des nouvelles fonctions de l’État moderne : s’occuper du bien-être social des citoyens, et non plus seulement de la police, de battre la monnaie, de gérer ses relations internationales ou de faire la guerre. En second lieu, elle suggère la rationalisation et l’objectivation du droit au secours que constitue le passage d’une solidarité subjective (en mon âme et conscience) à une solidarité objective, fondée sur des droits des citoyens et/ou travailleurs. Elle met en évidence enfin le fait que dans les États-providence, lorsque les solidarités primaires sont défaillantes, les citoyens (et parfois les résidents) peuvent compter sur la puissance publique, émanation de la solidarité nationale (Merrien, 2007, p. 3).

Au Québec, les manifestations populaires au cours de la Révolution tranquille ainsi que l’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral de Jean Lesage représentent un des moments phares de la transition vers l’État-providence. Cette période est notamment caractérisée par

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un large mouvement citoyen où sont revendiquées de meilleures conditions de vie et de réduction des inégalités sociales par une plus grande intervention de l’État. Le gouvernement de Jean Lesage entame, dès son arrivée au pouvoir, un vaste mouvement de redéfinition du rôle de l’État qui se manifeste principalement par plusieurs changements dans les politiques sociales du Québec. Ces changements s’effectuent à un rythme effréné et provoquent une transformation majeure de la société québécoise. Notons entre autres la création d’hôpitaux publics (1961), la création de la Régie des rentes du Québec (1965) et la mise sur pied du système d’assistante médicale (1966). Bien que plusieurs lois soient modifiées et de nouveaux programmes sont implantés à cette époque, la décennie 1960 en est une de transition et d’idées nouvelles. Il faut attendre les années 70 pour voir de réels changements s’opérer dans le modèle de soin de santé québécois (Gaumer 2008; Mayer, 1994).

Pour le tiers secteur, la décennie 1960 est caractérisée par l’apparition des premières initiatives issues du mouvement populaire et communautaire autonome québécois (Jetté, 2008; Panet-Raymond et Bourque, 1991; Proulx, 1997). Bien qu’il existe déjà nombre d’organismes bénévoles issus des institutions religieuses avant cette période, les années 1960 sont caractérisées par la création ce qu’on appelle les comités de citoyens. C’est en 1963 que l’on voit apparaître les premiers comités de citoyens dans la région de Montréal. Groupes composés de citoyens issus principalement de quartiers défavorisés et accompagnés par des animateurs sociaux, ces comités visent à promouvoir la participation et l’implication des citoyens dans leur milieu. Pour Doré (1992, p. 132) ces comités de citoyens représentent l’« expérience fondatrice du mouvement populaire et communautaire au Québec ». Les citoyens, ainsi regroupés, souhaitent s’impliquer dans leur communauté et développer leur propre autonomie afin d’être consultés par les décideurs lorsque vient le temps de prendre des décisions qui les concernent. Il s’agit là d’actions collectives entamées en vue de donner du pouvoir à la société civile et de créer un « contre poids » avec l’État (Jetté, 2008).

1.1.2 Les années 1970 : application de la loi sur la santé et les services sociaux

Au Québec, c’est au cours de la décennie 1970 que les changements prennent réellement forme dans l’organisation des services de santé et de services sociaux. Une des pierres

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angulaires du nouveau système de santé qui sera mis en place est le rapport produit par la Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social (CESBES), présidée par Claude Castonguay. Ce rapport dresse une critique peu élogieuse sur le modèle de soins de santé au Québec en soulignant « l’absence d’un véritable système de distribution des soins » (Gaumer, 2008, p. 114). Le rapport de la Commission établit les bases du nouveau système qui seront reprises, et quelque peu modifiées, par la loi sur la santé et les services sociaux adoptée à l’Assemblée nationale en 1971.

La loi confirme l’État dans son rôle de principal responsable du système de santé et services sociaux. Ce nouveau rôle, endossé par l’État, amène une série de modifications dans la façon dont est pensé le système de santé et de services sociaux, notamment sur les aspects d’égalité dans l’accès aux soins pour tous et l’universalité des services dispensés dans l’ensemble des régions du Québec. On assiste entre autres à la création des centres locaux de services communautaires (CLSC), des centres de services sociaux (CSS) et des centres hospitaliers. Grâce à cette refonte du système de santé, l’État souhaite favoriser l’égalité d’accès aux soins pour tous en instaurant un système de santé public et universel. Les années qui suivent seront consacrées à la consolidation de ce nouveau système de santé et services sociaux sur l’ensemble du territoire de la province (Gaumer, 2008; Proulx, 1997).

Pendant ce temps, des changements surviennent également dans le milieu communautaire au Québec. En effet, certains groupes populaires se consolident et on voit alors apparaître de plus en plus de groupes de défense de droits. D’autres formes d’organismes sont implantées telles que les cliniques communautaires et les maisons de quartier. Au cours de cette période, les interfaces entre les groupes populaires et l’État sont caractérisés par deux tendances différentes « d'un côté, on continue de revendiquer des services étatiques dans le prolongement de l'État-Providence; et de l'autre, des groupes remettent en cause les services étatiques en développant eux-mêmes des services autogérés et proposent des alternatives » (Proulx, 1997, p. 13). On observe au cours de cette période, une volonté d’institutionnalisation de certains organismes par l’État, notamment par l’inclusion des services offerts par les groupes communautaires au sein des CLSC. Cette volonté de l’État est loin de faire l’unanimité dans le milieu communautaire qui y voit alors un risque de perte

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d’autonomie pour les groupes communautaires. L’adhésion des groupes communautaires dans les CLSC résultera d’un compromis avec l’État (Jetté, 2008).

1.1.3 Les années 1980 : la crise de l’État providence

Le système de santé et de services sociaux québécois prévu dans la loi de 1971 fait peu à peu l’objet de controverse. Le modèle de soins de santé instauré au Québec par la Commission Castonguay, fortement influencé par le modèle de providence étatique, est alors remis en question. Au-delà du modèle de santé québécois, c’est le modèle providentialiste qui est remis en question à l’échelle mondiale. Cette période est connue sous l’appellation de « crise de l’État providence » (Jetté, 2008; Proulx, 1997).

D’abord, le modèle d’État providence semble de plus en plus difficile à supporter par le gouvernement québécois dans le contexte économique de la fin des années 1970. En effet, le contexte de crise économique en cours au Québec et à l’échelle mondiale est loin d’être favorable au développement d’un État interventionniste. Les finances des gouvernements occidentaux sont fortement affectées par la crise économique, ce qui amène une remise en question de la capacité de l’État à intervenir de façon soutenue dans la gestion des services de soutien à la population. La pression financière causée par les politiques sociales mises en place dans la dernière décennie amène de sérieux questionnements sur la viabilité du modèle interventionniste. Comme l’indique Jetté (2008, p. 145) la récession des années 1980 « éclate comme un coup de tonnerre après l’euphorie sociopolitique et économique qui avait marqué le Québec des années 1960 et 1970 et qui avait permis la constitution d’un État-providence façonné par le mouvement national et les acteurs de la critique sociale ». Dans ce contexte, prend de l’importance un courant mondial d’idées qui souhaite le retour à la place prépondérante qu’avait le marché au début du 20e siècle, nommé le néolibéralisme. Ce courant qui remet en question la perspective de Keynes qui avait guidé la plupart des États occidentaux après la deuxième guerre mondiale, prône notamment un État minimal qui intervient peu dans la gestion de la sphère sociale et prône plutôt la privatisation des services de santé et de services sociaux. Ce courant est notamment mis de l’avant aux États-Unis et

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en Angleterre, mais également dans plusieurs pays industrialisés (Gaumer, 2008; Jetté, 2008; Pierson, 2007).

Ensuite, au niveau social, les critiques envers l’État-providence sont nombreuses. La crise économique aurait en fait permis de dévoiler au grand jour les nombreuses lacunes de l’État providence et du système de santé et services sociaux québécois. Certains affirment alors que le providentialisme aurait provoqué la mise sur pied d’un modèle de soins de santé et services sociaux technocratique qui ne permet pas de soutenir adéquatement les besoins de la société civile. Pour ces critiques, « centralisation excessive, déshumanisation des services, rigidités des rapports de travail, etc. » font partie prenante des effets pervers du système de santé et de services sociaux québécois développé selon les principes de l’État-providence (Jetté, 2008, p. 143). Par des mécanismes de gestion bureaucratique, l’institutionnalisation et la professionnalisation de la sphère sociale, l’État providence aurait causé une dépendance et une déresponsabilisation des personnes face aux problèmes qu'elles peuvent rencontrer. Selon les tenants de cette critique, l'État-Providence, au lieu de stimuler l'initiative communautaire, aurait provoqué « apathie, individualisme et aliénation » (Groulx, 1993, cité dans Proulx, 1997, p. 8).

La solution pour sortir de cette crise serait alors de faire plus de place aux solidarités naturelles et au mouvement communautaire dans la gestion du social afin de donner plus de pouvoir à la société civile sur son propre développement, l’État poursuivant alors un rôle d’encadrement général des soins dispensés et de financement aux différentes initiatives sociales. C’est du moins ce que soutiennent certains critiques de l’époque tels que les groupes de défense de droits des citoyens et les tenants de la critique sociocommunautaire (Jetté, 2008; Proulx, 1997).

Pour le tiers secteur, les années 1980 sont une période d’expansion. En effet, un nombre important d’organismes communautaires voient le jour ainsi que des groupes d’usagers dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il s’agit également d’une décennie où le mouvement communautaire se regroupe dans des instances de concertation qui lui sont propres. Notons parmi ces instances, la création du Regroupement provincial des centres

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d’aide et de lutte contre les agressions sexuelles (CALACS), du Regroupement des maisons des jeunes du Québec (RMJQ), du Regroupement des Ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ) et plus encore. Avec l’ampleur que prennent le mouvement communautaire et le contexte de crise de l’État-providence, on assiste également à une plus grande reconnaissance du mouvement de la part de l’État. Cela n’est pas sans causer des défis pour le milieu communautaire qui craint pour son autonomie face à l’État. Dans ce contexte, le tiers secteur se dote d’une instance de concertation provinciale, la Coalition des organismes communautaires du Québec (COCQ), afin notamment de représenter ses intérêts auprès de l’État vers une reconnaissance de son autonomie et un plus grand soutien financier (Jetté, 2008).

1.1.4 Les années 1990 : l’usager au centre du système

Vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, le gouvernement du Québec entame des modifications dans la gestion du système de santé et de services sociaux de la province. Tel que mentionné, le modèle précédent, basé sur les principes de l’État-providence ne semble plus correspondre aux réalités sociales et économiques du Québec. Les changements prévus s’actualisent dans le cadre de la Réforme Côté, qui s’inscrit tout de même en continuité des travaux de Castonguay-Nepveu, mais a pour objectif de donner un pouvoir plus important aux usagers. Elle s’inspire fortement des travaux de la commission Rochon qui, après une vaste consultation populaire, suggérait de laisser une plus grande place aux citoyens dans le réseau de la santé et des services sociaux. L’usager devait alors se retrouver au centre du système, lui-même plus accessible et offrant des lieux de participation démocratique. Le Rapport produit par la Commission insistait également sur l’importance de la concertation avec le tiers secteur dans une relation où l’État et le tiers secteur s’influencent mutuellement sur les différentes décisions à prendre (Jetté, 2008). La Réforme Côté, qui traduit ces orientations dans la Loi 120, prévoit ainsi une plus grande place pour la société civile et le tiers secteur dans le réseau. Cette modification du rôle des organismes du tiers secteur passe notamment par une reconnaissance officielle des organismes communautaires et de leur autonomie ainsi que par un plus grand financement. Les articles 334 et 335 de la Loi 120 démontrent la volonté de reconnaissance du tiers secteur par l’État :

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334. Dans la présente loi, on entend par « organisme communautaire » une personne morale constituée en vertu d'une loi du Québec à des fins non lucratives dont les affaires sont administrées par un conseil d'administration composé majoritairement d'utilisateurs des services de l'organisme ou de membres de la communauté qu'il dessert et dont les activités sont reliées au domaine de la santé et des services sociaux.

335. Un organisme communautaire qui reçoit une subvention en vertu du présent titre définit librement ses orientations, ses politiques et ses approches (Gouvernement du Québec, 1991, p. 97).

La Loi prévoit également une plus grande participation du mouvement communautaire dans le nouveau modèle de santé et services sociaux qui s’inscrit dorénavant dans un modèle décentralisé. La création des Régies régionales représente un des éléments vers cette décentralisation des services. On y retrouve d’ailleurs une représentation du milieu communautaire sur le conseil d’administration des Régies régionales (20 % des sièges réservés aux organismes communautaires). En somme, on dénote au cours de cette période un processus de régionalisation qui vise alors à donner plus de pouvoirs localement (Bozzini et Bourgault, 1992; Jetté, 2008). Notons que la décennie 1990 au Canada est également caractérisée par une diminution importante des budgets provinciaux due à la réduction du paiement des transferts de la part du gouvernement fédéral vers les provinces. En effet, le gouvernement fédéral entame une démarche de lutte au déficit vers le milieu des années 1990, qui se caractérise notamment par une restructuration du programme de transfert fédéral à l’endroit des provinces. Ceci a pour effet de diminuer considérablement les budgets du Québec dans différents domaines, dont celui de la santé et des services sociaux, provoquant alors une pression additionnelle sur les finances québécoises et la recherche de nouveaux modes de fonctionnement dans une logique de réduction des coûts (Mayer, 2002).

Les réactions du mouvement communautaire face aux changements ayant lieu au cours de la décennie 1990 sont partagées. D’un côté, les organismes considèrent que la Réforme Côté ne permet pas une réelle participation des citoyens et n’est, en réalité, qu’une simple tentative de désengagement de la part de l’État. D’autres considèrent quant à eux que la Réforme répond en partie aux revendications du mouvement communautaire des dernières années vers l’obtention d’une reconnaissance officielle de la part du gouvernement dans le but de jouer un rôle plus important dans les programmes et services sociaux. La Réforme prévoit entre

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autres la mise en place de nouveaux lieux de participation et une opportunité de faire connaître et entendre le mouvement communautaire par l’État. De façon générale, le mouvement communautaire soutient que la Loi 120 répond en partie à leurs revendications en affirmant l’autonomie des organismes communautaires, mais en prévoyant des modalités d’évaluation et de rattachement du mouvement communautaire à l’État dans une perspective de complémentarité, un risque potentiel d’atteinte à l’autonomie du milieu communautaire est présent (Jetté, 2008). À ce sujet, Fournier et ses collaborateurs (2001) résument la situation dans laquelle les organismes du tiers secteur se retrouvent à ce moment.

Dès le départ, ces orientations gouvernementales placent le mouvement communautaire dans une situation paradoxale. D’une part, le fait que l’État invite les organismes communautaires à entreprendre un partenariat témoigne de la reconnaissance enfin obtenue de ces acteurs. En ce sens, cette invitation à participer à l’organisation et à la planification des services augmente la légitimité de leurs actions ainsi que leur pouvoir d’influencer l’orientation des modes de gestion du social. D’autre part, l’appel à leur contribution fait craindre aux groupes communautaires qu’ils héritent des problèmes que l’État ne parvient pas à gérer. En effet, ces groupes craignent que le réseau public ne s’intéresse qu’aux services qu’ils peuvent dispenser à moindre coût, pour remplir les fonctions qui ne sont pas (ou plus) assurées par les établissements publics. Aussi, ils redoutent que la recherche de complémentarité justifie une prise de contrôle accrue de l’État sur leur développement les contraignant à adapter leurs pratiques aux modalités de la planification intégrée de services (Fournier et coll., 2001, p. 114). On constate, au cours de cette période, une tendance claire de la part de l’État à confier au tiers secteur la prestation de plus en plus de services destinés à la population. À titre d’exemple, notons les services d’aide-domestique pour les personnes âgées. Dans ce contexte, les occasions d’établir des relations de partenariat État-tiers secteur se multiplient. Ces changements dans la gestion de la sphère sociale entraînent ainsi une redéfinition des rapports et des rôles endossés par chacun des acteurs (Jetté, 2008; Proulx et Savard, 2012).

1.1.5 Les années 2000 : la Réforme du système de santé et services sociaux de 2003 et la recentralisation des services

Suite à l’arrivée au pouvoir des libéraux sous la gouverne de Jean Charest en 2003, une reconfiguration du système de santé et de services sociaux québécois est entamée. Avec la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (Loi 25), une réorganisation générale du système est enclenchée. Cette

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réorganisation passe notamment par la création des Centres de santé et services sociaux (CSSS), qui regroupent de façon générale les Centres hospitaliers, les CLSC et les CHSLD dans une même entité. Ces fusions marquent un changement important dans l’organisation du système de santé et de services sociaux québécois, car on touche alors directement à l’organisation des services vers un modèle centralisé. Parmi les éléments de la restructuration, les CSSS sont responsables de l’arrimage de l’ensemble des services de santé et de services sociaux offerts sur un territoire, y compris les services dispensés par le tiers secteur. Avec leur nouveau mandat de responsabilité populationnelle1, chaque CSSS agit dès lors comme « assise du réseau local de services assurant l'accessibilité, la continuité et la qualité des services destinés à la population de son territoire local » (MSSS, 2011, p. 3). Un Réseau local de services (RLS) représente l’ensemble des acteurs présents sur un territoire déterminé qui offre des services de santé et services sociaux. La figure 1 expose l’organisation des RLS au Québec (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2004).

Figure 1. Organisation d'un réseau local de services (RLS)

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux (2004).

1Approche essentiellement fondée sur la conviction que la santé est une richesse collective qu’il faut maintenir et développer. À cet

égard, elle reconnaît les nombreux facteurs individuels qui influencent la santé et cherche à réduire les inégalités sociales qui constituent une autre barrière en matière de bien-être et de santé. Son objectif étant d’assurer un état de santé maximal chez la population d’un territoire, compte tenu des ressources disponibles, elle vise à coordonner l’offre de services en fonction d’une population donnée plutôt qu’en fonction des individus qui consomment les services. Enfin, elle suppose que les autorités régionales et locales ont une responsabilité vis-à-vis la santé des individus de leur territoire, particulièrement en ce qui a trait à l’accessibilité aux services appropriés et à l’efficacité des interventions et des actions dans les milieux de vie (Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, 2004, p. 4).

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Ainsi, les acteurs d’un même territoire (public, privé, communautaire) sont appelés à travailler dans une logique intégrée, pour offrir une gamme de services variés et complémentaires aux populations. Cette réforme crée de nouvelles forment d’interfaces entre les CSSS et le tiers secteur, car le CSSS a dorénavant la responsabilité de coordonner l’ensemble des services d’un territoire local (Proulx et Savard, 2012; Richard, 2006). Cette situation n’est pas sans amener plusieurs enjeux pour le milieu communautaire qui craint alors que son autonomie et son identité ne soient compromises dans ce nouveau système où l’État joue un rôle de coordination pour l’ensemble des territoires de CSSS. Parmi ces enjeux, notons entre autres la possible dérive de ce modèle vers une privatisation des services dans le contexte où l’État prioriserait des ententes de services avec le secteur privé dans certains domaines (par exemple, le logement pour aînés) ainsi qu’une possible perte d’influence du tiers secteur dans la prise de décisions (Richard, 2006). À ce sujet, un groupe de chercheurs québécois s’intéressant à la question formule le constat suivant :

De plus, alors que le CSSS définit les modalités de services qu’il veut sous-traiter aux groupes communautaires et aux entreprises d’économie sociale, il est illusoire de considérer que les groupes seront en mesure d’accepter librement ces ententes de service, particulièrement dans un contexte de sous-financement du communautaire (Matte et coll., 2004). Aussi, comme le souligne Matte et coll. (2004), l’absence d’obligation de dispensation de services par le public représente « un glissement bien amorcé vers la privatisation et la communautarisation des services » (p. 3). D'autres problèmes sont soulevés par le nouveau rôle de coordination des CSSS qui devra gérer deux types de rapports. Alors que d’une part, il détient la balance du pouvoir dans ses relations avec le réseau local de services, entre autres par le financement, la reddition de compte et le contrôle de la qualité des services, d’autre part, il doit continuer à entretenir des rapports de collaboration avec les acteurs et partenaires locaux dans d’autres projets n’impliquant pas d’ententes de service (Richard, 2006, p. 17).

Pour Bolduc (2013), la réforme de 2003 serait fortement influencée par l’approche néolibérale prônant l’État minimal et la privatisation de certains services dans une logique de diminution des coûts. Cette approche serait préconisée par le gouvernement libéral de Jean Charest dans plusieurs domaines au Québec tels que l’éducation et la santé et les services sociaux. Selon Fournier (2005), la Réforme proposée ne serait qu’une façon habile utilisée par le gouvernement pour détourner le débat social du vrai problème de système de santé et de services sociaux québécois soit le manque de ressources. Cette réforme, qui serait

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déconnectée des réels problèmes, serait imposée par le haut (État) et fortement remise en question par les intervenants et partenaires en santé et services sociaux. Cette réforme aurait pour effet notamment de démotiver les travailleurs et de fragiliser le travail entamé dans les communautés. À ce sujet, l’auteur exprime le danger d’une telle réforme :

Le sociologue Guy Rocher disait que pour qu’une réforme réussisse, il faut « une poussée d’en haut et une poussée d’en bas » (Fournier, 2004c). Cette réforme est un coup de pied désinvolte dans une fourmilière qui avait mis du temps à développer un sentiment d’appartenance et à tricoter un tissu humain serré et efficace, proche des usagers et des usagères. Quel gâchis ! (Fournier, 2005, p. 181).

Concernant plus spécifiquement la Loi 25, différents regroupements québécois (Conseil du statut de la femme, la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires) dénoncent « l’absence de certains éléments fondamentaux à l’intérieur de la loi, notamment la notion de promotion dans la définition des services de première ligne et la référence au développement communautaire local et à la diversité des déterminants de la santé » (Richard, 2006, p. 15). Les regroupements se disent donc inquiets du manque de considération de ces principes dans la nouvelle loi et de l’effet potentiel pour le tiers secteur. Par la fusion des CLSC avec les établissements à vocation hospitalière, on craint que la mission sociale de prévention des CLSC ait moins d’espace dans les nouveaux CSSS. Ceci pourrait avoir comme impact la perte des secteurs de CLSC comme territoire de référence, et donc, une perte des spécificités locales et du sentiment d’appartenance à une communauté pouvant ainsi nuire à la mobilisation et à la participation citoyenne, comme le précise l’extrait suivant :

En effet, l’organisation des réseaux locaux en fonction des bassins de desserte des centres hospitaliers crée des territoires peu significatifs d'un point de vue social et communautaire, alors que les partenaires des réseaux locaux se reconnaissent en fonction d’un territoire vécu, en général celui d'un CLSC (Bourque, 2004). Sur un territoire vécu, les partenaires se sentent concernés par des problèmes communs et ont développé des rapports de proximité et de collaboration entre eux. À l’opposé, les territoires administratifs sont davantage déterminés par des frontières bureaucratiques et se caractérisent par l'amalgame d’acteurs sociaux qui ne sont pas confrontés aux mêmes réalités. Selon Bourque (2004), la mobilisation des acteurs dans un tel contexte est nettement plus difficile, voire compromise, puisqu'un des moteurs principaux de la mobilisation des communautés est le sentiment d'appartenance (Richard, 2006, p. 16).

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1.1.6 La réforme du système de santé et de services sociaux au Québec de 2015

Une nouvelle réforme du système de santé et de services sociaux a été annoncée pour l’année 2015 à la suite de l’élection du parti libéral gouverné par M. Philippe Couillard. Avec les différents changements prévus par cette réforme, notamment la création des Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS), le système de santé québécois est appelé à se trouver à nouveau dans une période de mouvance. Différents changements sont en cours dans l’organisation du système, notamment le regroupement des CSSS et des Agences de santé et de services sociaux en un seul établissement (le CISSS ou CIUSSS) par région administrative (à l’exception de la région de Montréal) (Gouvernement du Québec, 2015a). Il est cependant trop tôt pour connaître l’ampleur de la Réforme et les impacts réels d’une telle réorganisation sur l’objet d’étude. Par contre, il nous est possible de dégager certains éléments envisagés par cette réforme et les réactions de différents acteurs face aux changements annoncés par le gouvernement.

D’abord, la restructuration envisagée maintient le mandat de responsabilité populationnelle dans les nouvelles structures de services. Ainsi, le CISSS ou CIUSSS demeurerait responsable de la coordination des services de santé et services sociaux sur l’ensemble du territoire desservi. Pour ce faire, il est prévu que la coordination s’effectue à l’échelle régionale, dans un réseau régional de services (RRS), et ce, en vue d’une meilleure intégration des services (Gouvernement du Québec, 2015a). L’objectif poursuivi par la réorganisation est « de favoriser et de simplifier l’accès aux services pour la population, de contribuer à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d’accroître l’efficience et l’efficacité de ce réseau » (Gouvernement du Québec, 2015b, p. 2).

Différents regroupements ont pris la parole pour dénoncer certains aspects de la réforme suggérée par le gouvernement. C’est le cas notamment de la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires (CTROC), qui formulent certaines critiques dans le cadre d’un mémoire présenté à la Commission de la Santé et des services sociaux sur la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales en novembre 2014. On y reproche notamment l’octroi d’une plus grande responsabilité entre les mains du ministre de la Santé

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et des Services sociaux et la diminution du nombre de conseils d’administration. Cette situation inquiète plusieurs organisations et regroupements qui y voit alors de possibles dérives pour le système de santé et de services sociaux québécois à la faveur de décisions partisanes et au détriment de la participation citoyenne au sein des établissements (Coalition des tables régionales d’organismes communautaires (CTROC), 2014; Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), 2014).

Ensuite, concernant plus précisément les interfaces entre l’État et le milieu communautaire, on peut lire, à l’article 122 du projet de loi 10 que le gouvernement formule son intention de travailler en collaboration avec le milieu communautaire pour établir ses priorités d’action en fonction des besoins de la population.

122. Le plan d’action régional élaboré par un établissement régional en application de l’article 11 de cette loi doit comprendre des mesures qui tiennent compte des spécificités locales de la population de la région. Ces mesures sont élaborées en concertation, notamment, avec les autres établissements publics de la région, le cas échéant, ainsi qu’avec les organismes communautaires concernés (Gouvernement du Québec, 2015b, p. 31).

Cependant, cette réforme et les dispositions libellées dans le projet de loi 10 ne sont pas accueillies de façon favorable par le tiers secteur. En effet, on craint que cette Réforme ne soit qu’une tentative de désengagement de l’État au détriment de l’accessibilité des services de santé et de services sociaux gratuits. La CTROC formule également des inquiétudes face à la perte de la mission préventive au profit d’une approche médicale ainsi que la perte des spécificités locales des communautés en raison des fusions au sein d’entités régionales. La CTROC dénonce également « la disparition des Conseils d’administration des CSSS, car ces derniers permettaient une participation citoyenne au sein d’instances locales bien informées des particularités du territoire » (CTROC, 2014, p. 13). Pour le tiers secteur, la réforme s’ajoute aux nombreuses insatisfactions accumulées depuis l’arrivée du gouvernement libéral au pouvoir en avril 2014 et les politiques de rigueur budgétaire implantées. Le tiers secteur a, depuis 2014, manifesté à plusieurs reprises son insatisfaction face aux décisions du gouvernement notamment par des journées de grèves et des manifestations (CTROC, 2014;

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Kettani, 2014; Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MEPACQ), 2015)

La Réforme ainsi entamée ne permet pas pour le moment de juger directement de son efficacité. Elle est cependant, et de façon générale, mal accueillie par les associations professionnelles, les syndicats et les partis politiques d’opposition. Pour certains, la réforme proposée par le ministre Gaétan Barrette ne serait qu’une continuité des actions entamées dans la réforme de 2003 en vue d’un système de santé et de services sociaux orientés vers la performance et la réduction des coûts dans une logique de privatisation des services (FIQ, 2014).

1.1.7 Synthèse de l’évolution des rapports entre l’État et le tiers secteur en santé et services sociaux

L’historique des interfaces entre l’État et le tiers secteur en santé et services sociaux permet de dresser un portrait de l’évolution des rapports au fils du temps et des réformes survenues. On voit ainsi que l’État est passé d’un modèle de type providentialiste, où il est le principal responsable des soins de santé et des services sociaux dispensés au Québec, vers un modèle de gestion de type partenarial observé au milieu des années 1980, où d’autres acteurs (privé, tiers-secteur) sont sollicités à contribuer à l’offre de services en santé et services sociaux. Les organismes du tiers secteur sont ainsi sollicités par l’État pour jouer un rôle de plus en plus important dans le système de santé et de services sociaux au cours des années 1990 (Jetté, 2008; Proulx et Savard, 2012). Par le fait même, le tiers secteur jouit d’une nouvelle forme de reconnaissance de la part de l’État et d’un plus grand financement. Les années 2000 sont quant à elles caractérisées par deux Réformes majeures où l’État poursuit ses visées de gestion de type partenariale, en accordant notamment une place de plus en plus importante au secteur privé et à la logique marchande dans l’offre de services. On assiste au cours de cette période à une recentralisation des pouvoirs (Gauvreau, Savard, Tremblay et Diadou, 2010; Proulx et Savard, 2012).

Ainsi, on peut constater que le partage des responsabilités avec la société s’est poursuivi au fil du temps. L’État va même jusqu’à intensifier ce type de gestion dans différents domaines

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en santé et services sociaux. Dans un tel contexte, le partenariat État-tiers secteur est de plus en plus présent dans l’offre de services. La prochaine section permettra de poser un regard attentif sur les interfaces entre l’État et le tiers secteur au Québec et plus précisément dans le domaine de l’intervention en développement des communautés.

1.2 La recension des écrits

Afin d’approfondir l’objet d’étude, nous avons procédé à une recension des principaux écrits. Cette étape permet de situer l’objet d’étude selon les connaissances actuelles produites dans les écrits scientifiques. Cette démarche fournit une quantité importante d’informations et d’éléments d’analyse pertinents à la recherche. Afin d’en faciliter la compréhension, ces éléments sont synthétisés puis répartis en différentes catégories. Dans un premier temps, la recension des écrits porte sur le concept de développement des communautés et ses principales composantes pertinentes à l’objet d’étude. Dans un deuxième temps, une présentation des informations concernant le partenariat entre l’État et le tiers secteur est exposée. Cette section permet d’explorer les éléments relatifs aux différentes logiques que l’on retrouve dans les interfaces entre l’État et le tiers secteur ainsi que leurs effets pour les partenaires impliqués. Puis, la section expose les résultats de différentes démarches de recherche québécoise qui s’intéressent aux types de partenariat État-tiers secteur.

1.2.1 Stratégie de recherche documentaire

La recherche s’intéresse particulièrement aux relations de partenariat État-tiers secteur établies dans un contexte précis, soit dans le cadre d’interventions en soutien au développement des communautés. La démarche de recherche documentaire a débuté par l’identification des principaux concepts à l’étude. Ces principaux concepts sont « partenariat », « développement des communautés » et « organisation communautaire ». Ensuite, la production d’un plan de concepts a permis l’identification de mots-clés. Afin de procéder à l’identification de mots-clés pertinents, nous avons utilisé le dictionnaire des synonymes du logiciel Antidote. En guise de synonyme du concept de partenariat, les mots clés identifiés sont les suivants : « concertation » et « collaboration ». Pour ce qui est de la

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notion de développement des communautés, les synonymes identifiés sont « développement local », « développement social » et « approche socioéconomique ». Certains de ces mots-clés ont été identifiés à l’aide d’ouvrages de référence en organisation communautaire (Bourque, Comeau, Favreau et Fréchette, 2008; Lamoureux, Lavoie, Mayer et Panet-Raymond, 2008). Enfin, les mots clés identifiés pour le concept d’organisation communautaire sont « action communautaire » et « intervention collective ». Afin de compléter adéquatement le plan de concepts, les mots clés identifiés ont été traduits en anglais grâce au dictionnaire français-anglais Larousse et au Répertoire de Vedette-Matière (RVM). Les principales bases de données utilisées sont Social Services Abstracts, FRANCIS, ERIC et Érudit. L’utilisation de certaines plateformes de recherche a également été effectuée dans l’identification de documents, notamment PROQUEST et Google Scholar.

1.2.2 Le développement des communautés

Pour saisir la pratique du développement des communautés, la présente section dresse un bilan des principaux écrits consultés sur le sujet. D’abord, la définition du concept de développement des communautés est abordée. Par la suite, un bref historique de l’évolution de la pratique sera réalisé. Ensuite, les composantes de participation et de concertation et de partenariat sont exposées afin de présenter les propos des principaux auteurs sur le sujet.

1.2.2.1 Définition et historique du concept de développement des communautés au Québec L’appellation « développement des communautés » fait officiellement son apparition au Québec au début des années 2000. Le concept est alors utilisé par le MSSS dans le domaine de la santé publique pour définir les pratiques de développement social et économique mises en place sur un territoire (Bourque et Favreau, 2003; Parent, 2014). Plus précisément, c’est en 2003 que cette appellation fait son apparition au Québec. Le développement des communautés est alors inscrit dans le Programme national de santé publique (PNSP) comme une « stratégie prometteuse » pour intervenir sur les inégalités sociales de santé en vue de l’amélioration de l’état de santé générale des populations (Parent, O’Neil, Roy et Simard, 2012). Aux fins de la présente démarche de recherche, nous retenons la définition du concept de développement des communautés proposée par l’Institut national de santé publique

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(INSPQ), définition qui atteint un certain consensus dans la littérature consultée. Le développement des communautés est donc défini de la façon suivante :

un processus de coopération volontaire, d’entraide et de construction de liens sociaux entre les résidents et les institutions d’un milieu local, visant l’amélioration des conditions de vie sur les plans physique, social et économique. (INSPQ, 2002, p. 16).

Dès 2003, on assiste à un essor de l’intervention en développement des communautés au Québec. La reconnaissance du potentiel de l’intervention pour agir sur les déterminants sociaux de la santé provoque une soudaine popularité pour la pratique professionnelle (Parent, 2014). L’intervention en développement des communautés n’est cependant pas complètement nouvelle dans le paysage de la santé et des services sociaux québécois. En effet, le développement des communautés tire ses origines du domaine du développement régional et de la pratique de l’organisation communautaire et, plus précisément, de l’approche de développement local. Le développement local, qui peut prendre différente forme (de type libéral ou communautaire) est une des quatre approches d’intervention en organisation communautaire au Québec (Comeau, 2008). Bourque et Favreau (2003, p. 297) définissent le développement local de type communautaire comme « la transformation des problèmes collectifs en projets collectifs en misant sur la mobilisation des communautés locales, en partenariat avec les principaux acteurs des différents secteurs ». Le développement local est pratiqué par différents acteurs au Québec notamment par les organisateurs communautaires en CLSC depuis les années 1980. Au fil des années, nombre de projets de développement local ont été mis sur pied par des organisateurs communautaires, en collaboration avec les communautés. À titre d’exemple, notons les expériences de cuisines collectives, le soutien dans la mise sur pied d’entreprises collectives et les expériences d’intervention de quartier (Bourque et Favreau, 2003; Comeau, 2008). Les organisateurs communautaires possèdent ainsi une expertise développée au fil du temps en ce qui a trait à la pratique du développement local. Ils sont d’ailleurs identifiés comme des acteurs clés dans l’intervention en soutien au développement des communautés par plusieurs auteurs (Bourque et Favreau, 2003; Parent, 2014; RQIIAC, 2009).

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Il importe cependant de préciser que bien que fortement apparentés, les concepts de développement local et de développement des communautés ne sont pas synonymes. En effet, Parent (2014, p. 26) exprime la différence entre les deux concepts de la façon suivante :

Nous proposons ainsi de réfléchir à l’ajout du soutien au développement des communautés dans la typologie des pratiques en organisation communautaire (RQIIAC, 2010), afin de l’identifier comme une pratique distincte. Cet ajout permettrait de ne pas le confondre avec le développement local, qui n’a pas de visée sanitaire, ni avec l’approche socio-institutionnelle, qui vise la mobilisation sociale à partir de programmes normés. Cela pourrait donc valoriser davantage les multiples approches et pratiques des organisateurs communautaires en CSSS et reconnaître la spécificité du soutien au développement des communautés dans ces approches et pratiques.

Le concept de développement des communautés emprunte également différents principes aux approches de santé publique issus notamment du champ de la promotion de la santé et du bien-être (Parent, 2014). L’Organisation mondiale de la santé (1986, paragr. 2) définit la promotion de la santé comme « un processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci ». L’intervention en développement des communautés, qui a pour finalité l’amélioration de la santé globale des individus, fait donc appel aux notions de réduction des inégalités sociales et de santé, d’intervention sur les déterminants sociaux de la santé (facteurs endogènes, habitudes de vie et comportements, organisation du système de soins et de services) et de création d’environnements favorables. Ces notions, issues du champ de la promotion de la santé et du bien-être, sont partie intégrante de la pratique en développement des communautés. Ainsi, selon les auteurs consultés, pour bien saisir le développement des communautés, on doit explorer ces deux domaines de pratique que sont l’organisation communautaire et la promotion de la santé et du bien-être en santé publique (Bourque et Favreau, 2003; INSPQ, 2002; Organisation mondiale de la santé (OMS), 1986; Parent, 2014).

Tel que mentionné précédemment, l’intervention en soutien au développement des communautés fait preuve d’une récente reconnaissance de son efficacité par le MSSS. De prime à bord, la reconnaissance de l’intervention en soutien au développement des communautés en tant que « pratique prometteuse » apparaît positive pour la pratique de l’organisation communautaire en CSSS, qui peut alors y voir une occasion de légitimation et de renforcement des interventions s’apparentant à l’approche de développement local. Par

Figure

Figure 1. Organisation d'un réseau local de services (RLS)
Tableau 1. Synthèse des principales typologies du partenariat État-tiers secteur
Tableau 2. Les types de partenariat État-tiers secteur observés
Figure 2. Dynamique paradoxale des relations de concertation et de partenariat
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