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Types de fonctionnement des dispositifs locaux de prise en charge des MNA en Languedoc-Roussillon

DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE

MNA DEMANDEURS D ' ASILE EN E UROPE

3.3. Types de fonctionnement des dispositifs locaux de prise en charge des MNA en Languedoc-Roussillon

Tous les départements du Languedoc-Roussillon déclarent considérer les MNA comme relevant « pleinement » de la protection de l’enfance. Mais l’augmentation soudaine des effectifs MNA liée à la répartition nationale prévue par la circulaire Taubira a contraint ces départements à mettre en place, sans anticipation et sans moyen suffisant, des modalités d’hébergement et d’accompagnement, se différenciant de la prise en charge ordinaire de la Protection de l’Enfance, comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau 5 : Dispositifs d’évaluation, mise à l’abri, accompagnement et

Mise à l’abri chez ASFAM pour les moins de 13 ans Hérault Évaluation : service spécialisé associatif à

Montpellier un service dédié de jour du FDE (SMIE) Suivi centralisé par un responsable MNA

Ouverture prochaine d’une structure associative avec hébergement dédié de 15 places

Projet d’ouverture d’une structure avec hébergement dédiée, d’une vingtaine de places

Dans un premier temps, les départements ont fait appel aux structures classiques de l’ASE, la priorité étant donnée aux Foyers de l’Enfance (FDE), que ce soit pour la phase de mise à l’abri, d’évaluation, d’orientation et d’accompagnement, complétées pour les hébergements par les placements en MECS, lieux de vie et chez les ASFAM.

Compte tenu d’une embolisation rapide des foyers de l’enfance qui n’étaient plus en capacité de remplir leur mission d’accueil d’urgence vis-à-vis des publics traditionnels du territoire, les départements ont, dans un second temps, mis en place progressivement des dispositifs alternatifs, avec des prestations d’accueil et d’accompagnement minimales, particulièrement pour les garçons de plus de 15 / 16 ans, jugés moins vulnérables et suffisamment autonomes. Sont alors apparus des créations de services de jour dédiés émanant des FDE (AMIE dans le Gard et SMIE dans l’Hérault et élargissement de l’équipe d’évaluation du FDE des Pyrénées-Orientales) avec en complément un glissement vers les hébergements en hôtels, colocations en appartements diffus, foyers de jeunes travailleurs (FJT) et auberges de jeunesse.

L’objectif de ces prestations, à la fois peu attractives et en même temps ciblées, était d’éviter l’effet « appel d’air » tout en mettant en place des projets opérants et efficaces pour ces jeunes. C’est-à-dire des parcours visant une autonomisation et une

indépendance financière rapides par l’apprentissage de la langue, de formations professionnelles courtes dans des secteurs porteurs et l’accès à l’emploi et au logement, plutôt que des projets d’études longues, couteuses et incertaines. Ces paramètres sont en effet considérés comme des éléments favorisant l’octroi d’un titre de séjour à la majorité.

Actuellement, la tendance est de plus en plus à la création de structures spécifiques adossées ou non à des établissements existants (l’Hérault, la Lozère et prochainement l’Aude).

Nous avons pu identifier deux types d’accompagnement parmi les établissements et services que nous avons enquêtés.

• Un accompagnement centré sur les objectifs d’autonomisation et de régularisation ;

• Un accompagnement plus généraliste ;

Dans le premier cas, l’accompagnement, proposé par les services et structures spécialisés, est centré sur l’insertion professionnelle et la régularisation administrative du jeune. Son encadrement éducatif est réduit à son strict minimum et l’hébergement se situe en appartement diffus en colocation ou en hôtel. Certains établissements, comme celui de Montpellier, proposent un plateau technique axé sur l’alphabétisation, la remise à niveau et la formation professionnelle. Ce type de prestation présente l’avantage de développer l’expertise des professionnels dans ces deux domaines, incontournables de l’accompagnement des MNA. L’inconvénient de ce type de prise en charge réside dans le manque de mixité des publics et dans l’absence de traitement de la dimension psycho-affective.

Dans le second cas, proposé par les MECS, la prise en charge est plus globale, l’encadrement éducatif plus soutenu et sécurisant, la dimension des soins psychiques n’est pas éludée, l’accès à la culture, aux loisirs, aux vacances est proposé. Certaines MECS auxquelles sont adossées des centres éducatifs professionnels (CEP) ont l’avantage de compléter cet accompagnement éducatif, de formations en interne dans l’hôtellerie ou le bâtiment, voire d’enseignement en Français langue étrangère. Une

attention particulière est donnée à la transmission des valeurs républicaines, parfois au détriment d’une compréhension fine des enjeux d’identité culturelle et d’exil. Ce type de prise en charge a l’avantage de favoriser la mixité des publics, paramètre que l’on peut penser vecteur d’acculturation mutuelle, et donc d’intégration et de socialisation. Cette imprégnation dans un environnement social avec des jeunes du territoire local, peut faciliter l’apprentissage de la langue française. En revanche, l’accompagnement par les équipes des MECS présente l’inconvénient majeur d’un déficit de connaissance des professionnels sur les besoins spécifiques des MNA en termes de santé, de droit des étrangers, d’insertion et de compréhension des effets du parcours migratoire sur le jeune. De plus le cadre de l’institution avec ces règles strictes peut dans certains cas être trop infantilisant pour des jeunes dont la maturité et l’autonomie sont plus développées que leurs pairs français en raison des épreuves de leurs parcours migratoires.

Au final, seule une minorité des MNA accueillis par les départements a été confiée aux MECS classiques, limitée à 10 % des effectifs des établissements. Craignant que les MECS ne favorisent les admissions de ce public plus valorisant et en apparence plus attractif, au détriment des « incasables ou cas complexes », les départements ont fait le choix de centraliser la gestion et le suivi de ces jeunes, plutôt que de maintenir une référence territorialisée, gardant ainsi le contrôle sur leur orientation. À cette crainte était associée la peur d’une perte de l’expertise éducative des professionnels, développée au contact de publics traditionnels de l’ASE.

Parallèlement, les départements tiennent des discours évoquant la particularité des profils et des besoins distincts des MNA, qui viendraient légitimer ces traitements différenciés et inégaux, à moindre coût (prix de journée trois fois moindre que dans une MECS). Cette logique favorise l’émergence de concurrence entre opérateurs et entre publics de l’ASE. Elle interroge également sur la pertinence de ces choix de modalités d’accompagnement, dont les taux d’encadrement éducatifs sont de fait largement réduits.

En revanche, les départements moins impactés par les flux migratoires, ont réussi jusqu’à présent à éviter ces différences de traitements et notamment les hébergements

en hôtel (Aude et Lozère) en maintenant les MNA dans les dispositifs de droit commun de l’ASE. Ceci étant, même si ces deux départements affichaient jusqu’alors une volonté claire de poursuivre une prise en charge de qualité, plus généraliste et diversifiée, se profile, avec la création ou l’extension d’établissements dédiés aux MNA, un certain ciblage du public et de son accompagnement avec une volonté également de baisser les prix de journée par jeune.

On note donc des disparités territoriales dans l’accompagnement des MNA, et entre établissements, qui viennent mettent en lumière l’absence d’universalité de la prise en charge de ce public dans la protection de l’enfance et souligner les inégalités territoriales.

Ces choix de modalités d’accompagnement à moindre coût, pour certains, et parfois aux méthodes à priori discutables sur le plan éducatif, soulèvent donc les questions suivantes :

Les départements tiennent-ils des discours opportunistes pour justifier des rationalisations budgétaires ou s’agit-il de véritables choix techniques, correspondant à des besoins nouveaux ?

Qu’entend-on finalement par besoins nouveaux, spécificités du public MNA ?

Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, nous avons interrogé les acteurs des services et établissements concernés par l’évaluation, la mise à l’abri et l’accompagnement, sur leurs représentations des besoins de ce public, en termes de modalités d’accompagnement et sur les difficultés qu’ils ont rencontrées pour les mettre en œuvre.

3.4. Enjeux de l’accompagnement des MNA pour les acteurs de la protection de