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ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC UNE ÉDUCATRICE SPECIALISÉE EN CHARGE DE L’ÉVALUATION DES MNA

LA PRISE EN CHARGE DES MNA, UN RÉVÉLATEUR DE PARADOXES

ENTRETIEN INDIVIDUEL AVEC UNE ÉDUCATRICE SPECIALISÉE EN CHARGE DE L’ÉVALUATION DES MNA

Date de l’entretien : 2 mars 2016 Durée de l’entretien : 1h

1. Présentation du service (organisation et déroulement de la procédure)

Nous avons un service accueil d’urgence au Foyer départemental de l’enfance composé de deux travailleurs sociaux qui s’occupent de l’évaluation de tous les adolescents admis ici en urgence, qu’ils soient MIE ou non.

Notre mission pour les MIE c’est d’évaluer leur minorité et isolement sur cinq jours.

Pendant l’évaluation, les MIE sont hébergés sur le Foyer de l’enfance en interne (groupe ado urgence pourvu de 10 places normalement, mais on va au-delà, actuellement on propose 13 places pour tous les accueils ado en urgence).

Au début de la circulaire, des MECS s’étaient positionnées pour faire des groupes spécialisés pour les MIE, mais le CD n’a pas souhaité. Le groupe AMI n’a pas de lien avec les MECS.

Au début, après la décision du parquet, ils étaient accompagnés par le service AMI du FDE et hébergés en appartements et FJT. Mais vu la saturation du service AMI, un nouveau dispositif a été mis en place par le département.

Maintenant, les plus de 16 ans sont hébergés en hôtel, systématiquement au bout des cinq jours d’évaluation et accompagnés par une AS. Ils ne sont plus pris en charge par le

FDE, mais directement par le conseil départemental. Cette AS n’est pas rattachée à un secteur. Elle en a au moins une quinzaine à accompagner.

Pour les moins de 16 ans, ils restent dans le circuit des enfants de la protection de l’enfance ; pendant l’évaluation, les moins de 16 ans restent au FDE et même au-delà jusqu’à ce qu’on leur trouve une MECS une fois que le parquet a validé leur minorité et isolement. Ils bénéficient de la même prise en charge que les autres jeunes de l’ASE, un bilan scolaire. On ne les laisse pas sans rien faire. Il y en a qui démarrent des stages, qui apprennent le français avec une personne ici sur place, pendant tout ce temps-là. On espère que l’OPP parquet va tomber pour ensuite les inscrire à l’école et démarrer les démarches d’orientation en MECS (pour cela on attend même l’audience chez le juge).

En cas d’OPP, il y a toujours une audience chez le JE au début. Mais entre l’ordonnance de placement provisoire et l’admission en MECS il peut se passer plusieurs mois, grosso modo deux mois.

Après les évaluations de cinq jours, l’équipe continue son évaluation sociale et travail d’orientation le temps de trouver un accueil pérenne. On a la chance de pouvoir poursuivre l’évaluation au-delà des cinq jours. On fait la présentation de la situation à la MECS, on attire son attention sur leur situation sur leurs besoins. Ceux qui vont en MECS, ils ont comme référent un responsable du département et non un éducateur sur les CMS. Il n’existe pas d’instance de coordination entre les différents acteurs.

2. Effectifs, profils des jeunes

Avant la circulaire, on en accueillait max trois par an. On faisait une évaluation sociale classique. Puis on a assisté à une montée en charge progressive. Depuis les six derniers mois, c’est énorme. Certaines semaines il en arrive quatre à cinq.

On a beaucoup de Guinéen, Maliens, Ivoiriens, Pakistanais et Bengalis (ce sont les cinq principales nationalités) ; aussi quelques Algériens et Marocains.

On a fait une formation à FTDA. On s’est rendu compte que les nationalités variaient d’un département à l’autre.

En général, ils ont plus de 16 ans. Mais dernièrement, la tendance c’est qu’ils arrivent avec des papiers stipulant qu’ils ont moins de 16 ans. Car ça se sait qu’il est plus facile de les accueillir quand ils ont moins de 16 ans.

Ça dépend aussi des pays. Par exemple, les Bangladeshis, ils arrivent plus jeunes. Les jeunes filles il y en a très peu. Ça se compte sur les doigts de la main.

Les motifs de départ fluctuent en fonction de leur pays de provenance.

Les Guinéens : la majorité a un parent décédé ; ils ont dû arrêter l’école ; leur famille a dû se recomposer et ils n’ont pas trouvé de place. Leur départ a été préparé avec la famille, organisé.

Les Bangladeshis : la famille s’est organisée depuis longtemps pour qu’ils poursuivent des études ou un travail ; ils sont mandatés pour un projet de réussite, il n’y a pas de rupture familiale.

Les Maliens : c’est un peu comme les Guinéens.

Les Pakistanais : ils ont des difficultés économiques plus importantes que les Bangladeshis

On n’a pas repéré de jeunes provenant de mêmes villages.

Depuis janvier 2015, il n’y a plus de répartition nationale or depuis on en a toujours plus. Probablement, que cela est dû à un effet de filière. C’est un phénomène qu’on ne connaissait pas avant la circulaire. À Marseille on sait qu’il y a une filière d’Algériens venant de la même ville. On sait qu’à Marseille ils ne sont pas pris en charge pendant l’évaluation, pas même en hôtel. Il n’y a rien du tout.

On a aussi quelques jeunes Afghans. Zéro syriens, Zéro Iraniens.

3. Impact de ce type d’évaluation sur les pratiques professionnelles

C’est pas facile au niveau de la responsabilité de l’écrit, il a fallu réfléchir.

La grille d’évaluation n’est pas la même. On a mis en place le protocole, la grille d’évaluation de la circulaire. Les jeunes comprennent l’importance de cette évaluation, les enjeux, l’importance de donner des éléments détaillés du récit pour la décision du parquet.

On fait un à deux entretiens, seuls, (ES). C’est une question de moyens. On a une équipe pluridisciplinaire mais qui intervient qu’en indirect. La prise en charge en interne pendant l’évaluation permet d’avoir un regard extérieur de collègues. Mais on est seuls sur l’entretien et la rédaction. On doit l’écrire quand on a des doutes.

On a dû développer une autre façon de travailler, on est soutenus par notre chef de service. S’ils ne sont pas mineurs, alors ils ne relèvent pas de la protection de l’enfance.

Je me dis que s’ils mentent, cela ne les aidera pas pour la suite de les garder.

Je pense grosso modo qu’on évalue que la moitié de ceux qui se présentent ne sont pas mineurs et c’est ce qu’on renvoie au parquet. Y a très peu de jeunes qui ne poursuivent pas la procédure même s’il y a des doutes.

Le parquet ne prend pas de décision sans recourir à la PAF en cas de doute. Dans ces cas d’investigations complémentaires, les jeunes peuvent attendre deux mois avant la décision. Quand la PAF doit intervenir, certains jeunes partent avant, d’autres vont jusqu’au bout de leurs démarches même avec la PAF.

Je ne sais pas s’il y a des poursuites pénales. Ici, le département ne dépose pas plainte contre eux.

Le parquet nous suit lentement mais il nous suit. Quand la PAF intervient, il y a des examens médicaux systématiques. Quand on émet des doutes, le parquet confirme toujours la majorité.

Si possible on essaie par le biais du jeune de prendre contact avec la famille, en fait c’est juste pour lui. On l’encourage à faire cela. Nous, on ne cherche pas à contacter la famille directement, car on n’est pas sûr de qui on a au bout du fil. On s’est posé la question, mais cela pourrait fausser l’évaluation si on le faisait.

La circulaire Taubira a son sens si la répartition nationale fonctionne. Maintenant que cette répartition est suspendue, quel sens cela a-t-il ?

Avant la circulaire, l’évaluation n’avait pas le même but, maintenant on cherche s’il y a des failles, des doutes sur l’histoire, avant notre évaluation se situait plus au niveau familial. Maintenant cela n’a rien à voir. Ce qu’on nous demande c’est pourquoi le jeune arrive là, à ce moment de sa vie et s’il a besoin de l’aide de la protection de l’enfance ? Clairement, l’effet du nombre a changé la donne de l’évaluation. Nous, on fait un travail qu’on ne faisait pas avant, on est dans une autre posture. Et l’accompagnement au quotidien n’est pas le même.

Sur le quotidien, il n’y a pas de problème de comportement, ils sont autonomes, mais ce sont des enfants toujours tout seul, sans famille, donc des enfants qui ont besoin de soutien dans tous les domaines (affectif, scolaire, amical, sentimental). Donc ce n’est pas rien comme accompagnement. Ils sont toujours dans un déchirement entre le mandat familial et la réalité ici. Ou on les met à l’école alors que la famille demande à ce qu’ils travaillent.

4. Quelles préconisations pourriez-vous émettre pour améliorer le dispositif ?

On a besoin de plus de temps quand on en on accueille beaucoup d’un coup. On s’est battu pour qu’ils restent sur place (au FDE) pendant l’évaluation, cela permet qu’ils voient le médecin de suite, c’est plus facile.

On arrive à respecter les délais des cinq jours. Le fait qu’ils soient sur place permet d’avoir un apport complémentaire des autres collègues, ou de revenir voir le jeune dans un rapport autre que l’entretien formel.

Annexe 7