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DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE

MNA DEMANDEURS D ' ASILE EN E UROPE

3.2. Le profil des MNA en Languedoc-Roussillon

3.2.1. Les nationalités, âges et sexes

À travers les cinq départements du Languedoc-Roussillon, on comptabilise une vingtaine de nationalités présentes, avec une majorité des MNA en provenance de l’Afrique subsaharienne et du subcontinent indien (avec en tête des pays les plus représentés la Guinée, la République du Congo, le Mali, le Cameroun, le Nigéria, la Côte-d’Ivoire, l’Angola, le Maroc, l’Algérie, le Bangladesh, l’Inde).

Plus récemment, sont arrivés des jeunes en provenance du Soudan, du Tchad et d’Albanie. L’association montpelliéraine en charge de l’évaluation constate une diversification toujours plus importante des pays de provenance 60. Sont arrivés également par le dispositif de dispatch des Calaisiens dans les centres d’accueil et d’orientation (Hérault et Lozère) huit jeunes Afghans. En revanche, malgré le contexte actuel, il n’y a eu aucune arrivée de jeunes en provenance de Syrie ou d’Erythrée.

Les Marocains sont les premiers MNA à être arrivés en Languedoc-Roussillon par la voie de l’Espagne, bien avant même l’apparition de la circulaire Taubira.

Plus de 90 % des jeunes sont des garçons et la majorité arrive entre 15 et 16 ans.

3.2.2. Les motifs et contextes de départ

Les jeunes évalués et pris en charge par les services de l’ASE en Languedoc-Roussillon invoquent les motifs et contextes de départ suivant :

60 Association Réseau accueil insertion Hérault (RAIH), Rapport d’activité 2014

• Pour certains, il s’est agi d’échapper à des menaces de mort, à la torture, à des maltraitances émanant de conflits familiaux, ethniques ou tout simplement d’un contexte de guerre ;

• Pour d’autres, des cas plus isolés, il était question de fuir des coutumes (mariages forcés en Égypte) ;

• Plus couramment, certains quittent leur pays natal pour échapper à la pauvreté et envisager une ascension sociale en Europe. Ces départs font pour la plupart l’objet de préparation et d’organisation de la part de la famille qui peut s’appuyer sur l’intermédiaire d’un passeur. Des sommes importantes pouvant aller jusqu’à 10 000 euros sont alors dépensées pour financer le voyage, que le jeune devra rapidement rembourser en travaillant dès son arrivée en Europe ;

• Certains jeunes sont déjà dans l’errance dans leur pays natal et pour subvenir à leurs besoins à travers leurs parcours ont sombré dans la délinquance ;

• Les départs ont souvent lieu au moment du décès de l’un ou des deux parents, d’une re-composition familiale dans laquelle l’enfant n’a pas trouvé sa place ;

• Enfin, et cela semble toucher plus particulièrement les filles, il est suspecté des départs via des réseaux prostitutionnels.

Les récits de la trajectoire migratoire sont évoqués dans un premier temps lors de la phase d’évaluation, puis parfois plus tard et progressivement dans le cadre de la prise en charge ASE si le jeune est parvenu à construire une relation de confiance avec les adultes qui l’entourent. Mais souvent, les professionnels constatent que les jeunes dévoilent très peu d’éléments sur le contexte du départ et du voyage.

Ces facteurs très variés renvoient à la typologie des cinq catégories qu’a construite Angélina Etiemble, chercheuse sociologue, à partir d’une étude réalisée en 2002 à la demande de la Direction de la population et des migrations (DPM)61.

61 ETIEMBLE Angélina, « Les Mineurs isolés étrangers en France », Migrations Études, n°109, septembre 2002

Ainsi, le mineur exilé quitte son pays pour fuir les répressions dans un contexte de guerre / conflits ethniques. Il fait partie d’une ethnie pourchassée et souvent son entourage familial, ses parents ont disparu ou sont morts. Certains ont tenté d’échapper à leur enrôlement comme enfants soldats. Dans cette catégorie, A. Etiemble y ajoute ceux qui fuient également les accusations de sorcellerie.

Le mineur mandaté est celui qui porte la mission que lui a confiée sa famille de réussite sociale et économique en Europe. Il s’agit pour ce jeune de pourvoir aux besoins de ceux restés au pays. Il est souvent attendu que cet adolescent poursuive ses études.

Le mineur exploité se retrouve pris dans des situations de prostitution, mendicité, vol, atelier clandestin à une échelle plus souvent artisanale, pour le compte d’une ou deux personnes également migrantes, que celle d’un trafic de plus grande envergure. Les familles sont souvent trompées, pensant avoir confié leurs enfants à des personnes qui leur permettraient d’accéder à des études ou un travail en Europe.

Le mineur fugueur quitte son domicile ou l’institution dans laquelle il était accueilli pour fuir des conflits familiaux endémiques, de la maltraitance.

Les mineurs errants sont des enfants de la rue dans leur propre pays. Leur errance est plus longue et distendue que celle des fugueurs, elle devient un mode de vie fait de mendicités, de petits boulots et de prostitution. Progressivement, leur errance locale devient internationale, en quête de mieux être. Ces jeunes basculent souvent dans la délinquance et la toxicomanie.

Dix ans plus tard, l’auteur a enrichi ses premiers travaux, à la demande du ministère de la Justice, alerté par l’amplification du phénomène, rendant cette typologie plus opératoire et moins réductrice pour les professionnels en charge de cette population.

Désormais, Angélina Etiemble fait apparaître quatre types de mineurs isolés (les exilés, les mandatés, les aspirants et les exploités 62) et deux axes, l’un éclairant sur les motifs du jeune à quitter son pays (s’agit-il d’un choix personnel ou celui de sa famille/communauté ?) et l’autre, sur sa formulation ou non de demande de protection.

62 ETIEMBLE Angélina et ZANA Omar, op. cit. p. 15

Il s’agit bien là de catégorisation dont il convient de se garder d’enfermer jeunes et professionnels, les motifs pouvant en effet être multiples et plus complexes et évoluer avec le temps et au cours du trajet. Prendre en compte les attentes formulées par les jeunes à leur arrivée en Europe revêt autant d’importance pour guider au plus près l’accompagnement professionnel.

3.2.3. Attentes des MNA en Languedoc-Roussillon

Notre dizaine d’entretiens avec des jeunes placés dans les départements du Gard, de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales mettent en lumière les attentes suivantes :

• Travailler immédiatement en France pour aider financièrement la famille restée au pays, rembourser les passeurs et subvenir à ses propres besoins matériels ;

• Ne rentrer au pays pour revoir ses proches qu’une fois ces objectifs atteints. Sur la question du retour au pays, un travail réalisé par l’association montpelliéraine en charge de l’évaluation, à partir d’ateliers participatifs avec les MNA, montrait que 80 % d’entre eux souhaitaient retourner au pays mais seulement après

« avoir réussi » ;

• « Devenir autonome » ;

• « S’intégrer », c’est-à-dire : « Se mélanger aux Français, apprendre la langue et la culture française, comprendre comment les institutions fonctionnent, devenir Français, être Français. » Ces propos sont tenus par des jeunes placés dans des structures géographiquement isolées, éloignées des grands centres urbains. Cette volonté d’imprégnation dans le pays d’accueil ne signifie pas pour autant un désir de renoncement à sa culture et sa langue d’origine. Ainsi, les jeunes placés dans des MECS et séparés de leurs compatriotes, à la différence de ceux hébergés dans des services dédiés, expriment le besoin de retrouver des jeunes de leur

communauté pour partager des pratiques culturelles, religieuses ou tout simplement la langue maternelle » ;

• Continuer de bénéficier des libertés et de l’autonomie acquise dans le pays d’origine ou pendant le trajet migratoire : les jeunes évoquent une difficulté à devoir respecter certaines règles (horaires, déplacement) qui leur semblent infantilisantes compte tenu de la maturité et des compétences qu’ils ont déjà développées. Ils expriment le sentiment de régresser, étant déjà pour la plupart capables de se débrouiller seuls dans de nombreux domaines ;

• Obtenir des informations claires et précises sur les possibilités de séjour et d’insertion en France. Les jeunes sont très angoissés par rapport à leur perspective de régularisation en France et l’attente est souvent longue et incertaine avant d’être renseigné avec précision. Ils souhaiteraient que leurs référents éducatifs puissent les informer plus rapidement, sans mesurer forcément que ces derniers ne disposent pas toujours des éléments recherchés.

3.3. Types de fonctionnement des dispositifs locaux de prise en charge des MNA