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«Globalement, la réforme de l’assurance-chômage a été couronnée de succès. (…) Le système du gain intermédiaire pour les travailleurs qui acceptent une rémunération sensiblement inférieure au salaire

« convenable » semble aussi avoir eu des effets bénéfiques sur la réintégration des chômeurs. Cependant, il est encore trop tôt pour dire dans quelle mesure les différents programmes du marché du travail ont permis d’améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi ; les premières évaluations semblent relativement décevantes » (OCDE, 2000, p.25).

Dans cette dernière partie, nous procédons à une évaluation empirique de l’efficacité des instruments de la politique active du marché du travail en Suisse. Nous souhaitons considérer les spécificités du contexte suisse, telles que les disparités régionales en matière du marché du travail et la décentralisation de la mise en œuvre de la politique du marché du travail, et nous souhaitons analyser également les effets sur la stabilité de l’emploi retrouvé. Autrement dit, nous cherchons à vérifier la rapidité et la durabilité de la réinsertion des demandeurs d’emploi. Ainsi, après la présentation du modèle d’évaluation et des données utilisées, nous exposons les résultats relatifs à l’efficacité des mesures de formation et des programmes d’emploi temporaire ainsi que du régime du gain intermédiaire.

Chapitre 7. Le modèle et les données de l’analyse empirique

7.1. Introduction

Dans la première partie, nous avons présenté la réorientation récente de la politique suisse du marché du travail. Depuis 1997, conformément à la stratégie de l’OCDE pour l’emploi, la priorité est donnée à la réinsertion des demandeurs d’emploi par les mesures actives (concept

d’activation). Les mesures du marché du travail (MMT), en particulier, ont comme objectif

de favoriser la réinsertion rapide et durable des demandeurs d’emploi par une amélioration de leurs employabilité. En Suisse, les dépenses consacrées aux politiques actives du marché du travail (PAMT, selon la classification de l’OCDE) sont passées de 0,2% du produit intérieur brut (PIB) en 1990 à 0,8% en 1997. Le nombre des MMT, en terme de places-année réalisées,

s’est accru de 6'638227 en 1995 à plus de 30'000 en 1998. En 1998, les cantons ont donc

largement atteint l’objectif opérationnel fixé par le Seco de réaliser 25'000 places-année (offre minimale). A partir de 1998, la politique du marché du travail suisse peut donc être dite active228.

En 1998, l’année de référence pour notre analyse, les programmes d’emploi temporaires représentaient, en termes de places-année, la moitié des MMT réalisées. On notera qu’il ne s’agit pas de mesures exclusivement d’occupation. Avec le développement de la PAMT, l’importance de leur composante de formation a considérablement augmenté. Les cours de perfectionnement et de reconversion représentait environ un tiers de l’ensemble des MMT réalisées. Parmi les mesures de formation, ce sont surtout les cours de base, les cours de langues et les cours d’informatique qui revêtent une certaine importance. Ainsi, en 1998, environ 60% des demandeurs d’emploi ont profité au moins d’une MMT au cours de l’année. Le taux de couverture s’élève à 40% pour les cours de perfectionnement et de reconversion et à 22% pour les programmes d’emploi temporaires. Mais, chaque mois moins de 1 demandeur

d’emploi sur 5 profitait en 1998 d’une MMT229.

227 Une place-année correspond à 220 jours contrôlés. Le gain intermédiaire n’est pas considéré

comme une mesure active du marché du travail.

228 Cf. chapitre 3.3.

Le régime du gain intermédiaire n’est en revanche pas une nouveauté de la réforme de la PMT. Depuis 1952, la loi sur l’assurance-chômage (AC) prévoit le gain intermédiaire, mais

un paiement de compensation n’est prévu que depuis 1992230. La différence entre le salaire

perçu et le gain assuré est compensée par l’AC au taux de replacement de 70 ou 80% pour un maximum de 12 mois (ou la fin du délai-cadre) pour les demandeurs d’emploi sans obligations familiales et âgés de moins de 45 ans et pour 2 ans (ou la fin du délai-cadre) pour les autres demandeurs d’emploi. Au début de 1998, chaque mois, plus de 30'000 demandeurs d’emploi exerçaient un gain intermédiaire leur donnant droit à un paiement de compensation, c’est-à-dire environ 20% de l’ensemble des bénéficiaires de l’AC. Certains demandeurs d’emploi n’ont cependant exercé un gain intermédiaire que pour quelques jours. Bauer et al. (1999) calculent qu’environ 42% des demandeurs d’emploi, profitant du régime du gain intermédiaire en novembre 1997, ont travaillé pendant tout le mois.

Dans cette troisième partie, nous allons nous pencher sur l’analyse de l’efficacité de la PAMT pour les demandeurs d’emploi avec au moins sept mois de chômage. Plusieurs raisons ont influencé ce choix. Premièrement, avec le temps les demandeurs d’emploi victimes d’un simple chômage frictionnel quittent le chômage. Même dans une période de récession, la phase de recherche d’emploi pour un demandeur d’emploi apte au placement ne devrait pas dépasser les six mois. Il y a donc un phénomène d’écrémage des demandeurs d’emploi. Les chômeurs qui dépassent les sept mois de chômage ont probablement besoin d’un soutien dans leur re-insertion dans le marché du travail ; d’où l’intérêt d’analyser l’efficacité de la PAMT pour ce sous-groupe des demandeurs d’emploi. Deuxièmement, les demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs indemnités passives de chômage (150 jours pour les personnes de moins de 50 ans) doivent être prêts à participer à des MMT. Le conseiller en personnel doit vérifier leur disponibilité et, si nécessaire, sanctionner les comportements non conformes à la loi. Les demandeurs d’emploi qui reçoivent des indemnités spéciales de compensation sont donc éligibles et disponibles à profiter d’un instrument de la PAMT. Ils sont dans une situation d’attente d’une MMT adaptée à leurs besoins. Si un gain intermédiaire se présente, ils sont supposés l’accepter. Le gain intermédiaire a la priorité sur les MMT.

Le but de cette analyse empirique est d’estimer l’effet moyen de la participation à un programme de la PAMT sur la probabilité des participants de se réinsérer dans le marché du

travail et de se réinsérer de façon stable (« impact of treatment on the treated »). Nous utilisons le terme programme pour qualifier tous les instruments de la PAMT, c’est-à-dire toutes les MMT et le gain intermédiaire. Nous ne considérons pas les coûts de ces

programmes, car nous n’allons pas réaliser une analyse d’efficience231. Par ailleurs, on se

place dans un paradigme d’équilibre partiel, ne considérant pas les effets sur les autres demandeurs d’emploi et sur les actifs occupés (effet de remplacement et de substitution). On regarde l’efficacité de ces programmes par rapport à la situation contre factuelle d’attendre davantage au chômage (cf. infra). Nous ne pouvons ni comparer l’efficacité de chaque type de programme, la taille de l’échantillon ne le permet pas, ni analyser l’effet de plusieurs mesures combinées (par exemple, cours de langue suivis par des cours spécialisés et par un programme d’occupation temporaire).

Dans ce chapitre, nous allons tout d’abord présenter brièvement le modèle d’évaluation et la base de données que nous allons utiliser dans l’analyse empirique. Dans le huitième chapitre, nous présentons les résultats de l’analyse d’efficacité. Nous conclurons la troisième partie par la discussion des résultats et les implications politiques de cette analyse.

7.2. Le modèle d’évaluation