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c) Les indicateurs de résultats et l’Accord

Chapitre 4. Conclusions de la première partie

4.2. Les forces et les faiblesses du marché du travail suisse

Tout d’abord, on notera que l’analyse du contexte socio-économique présentée dans le chapitre 2.1 n’est que partielle. L’analyse de type SWOT nous permet de synthétiser l’analyse du contexte suisse, pour pouvoir juger de la cohérence de la politique du marché du travail mise en œuvre par rapport au contexte.

Si les forces du marché du travail suisse sont connues par tout le monde, les faiblesses sont moins thématisées dans le débat politique. Pour cette raison, nous allons les présenter plus en détail. La qualité de l’offre de travail est fortement influencée par la présence en Suisse de personnes de nationalité étrangère. La politique des étrangers a été orientée trop souvent par les intérêts régionaux ou spécifiques à des entreprises ou à des branches (Sheldon, 1999b). Ainsi, on constate que, selon le recensement fédéral de 1990, la moitié de la population

étrangère résidante âgée entre 26 et 55 ans ne disposait d’aucune formation professionnelle. Il s’ajoute le fait que le système scolaire ne prend pas toujours en

considération les besoins spécifiques des élèves étrangers, notamment des élèves issus de

familles récemment immigrées (problèmes linguistiques) ; d’où la faible mobilité

intergénérationnelle137. Le niveau de formation de la main-d’œuvre est également le résultat

d’un sous-investissement dans la formation continue des personnes avec un bas niveau de formation initiale. En Suisse, il n’existe que peu d’incitations étatiques à la formation continue de personnes avec un faible niveau de littératie, tels que les immigrés et les « drop- out » du système de formation initiale. De telles mesures permettraient de prévenir le chômage et l’exclusion sociale.

Par ailleurs, nous considérons également comme une faiblesse du marché du travail suisse la

persistante disparité entre femmes et hommes en termes de formation, de participation à la

formation continue et de mobilité verticale ; d’où une ségrégation des femmes dans certaines professions féminines et un écart salarial important entre femmes et hommes, imputable au comportement discriminant des employeurs. Ces faits témoignent d’une politique d’égalité

137 En Suisse, les chances de réussite scolaire demeurent largement déterminées par le milieu familial.

Un jeune dont les parents ont obtenu un diplôme d’études post secondaires a 4 à 5 fois plus de chance d’obtenir lui-même un tel diplôme qu’un jeune dont les parents n’ont pas terminé le 2e cycle du secondaire. Ceci est le cas surtout des étrangers (OCDE, 1999d).

des chances assez limitée en Suisse (congé maternité, infrastructures pour la garde des enfants, etc.)138.

Face à ces faiblesses, la politique des étrangers et la loi sur la formation professionnelle ont notamment fait l’objet d’une mise en discussion. Les nouvelles lois devraient contribuer à l’amélioration du niveau de qualification de la main-d’œuvre. Il faut cependant être conscient que d’autres éléments pourront menacer le marché du travail suisse. En particulier, face à la mondialisation (et, en Suisse, à la tertiarisation croissante de l’économie), à l’utilisation de nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) et à la nouvelle organisation du travail (par exemple, mode d’exploitation horizontale) l’obsolescence des qualifications acquises s’accélérera ultérieurement et des nouveaux besoins en qualifications

se créeront (changement de type de compétences requises139). Avec l’augmentation de la

demande de main-d’œuvre très qualifiée et polyvalente, il existe le risque d’accentuation des écarts salariaux entre les travailleurs qualifiés et ceux non qualifiés. Ces derniers pourraient subir une baisse des salaires à un niveau inférieur à celui de subsistance. En outre, la baisse de la demande de main-d’œuvre non qualifiée pourrait favoriser l’exclusion sociale de certains groupes vulnérables, comme les personnes âgées faiblement qualifiées.

Par ailleurs, la mondialisation et le recul des comportements des entreprises visant la croissance à long terme, avec une baisse de leur responsabilité sociale, pourraient les amener à privilégier la mobilité externe au détriment de la mobilité interne, qui se base sur la formation continue des employés. Il y aurait donc une réduction des investissements en formation continue par les entreprises et le risque d’une précarisation du marché du travail avec une augmentation du travail atypique (par exemple, contrat à courte durée, travailleurs d’appoint, travail sur appel), intérimaire (avec des périodes intermittentes de chômage pour le travailleur) ou du travail au noir.

Face à ces menaces, les systèmes de formation initiale, de formation professionnelle et de formation continue devraient agir rapidement, mais le morcellement du système de décision rend difficile les approches pro-actives et favorise plutôt les actions réactives (OCDE, 1999d).

138 En 1990, moins d’un tiers des femmes avec un enfant en âge préscolaire travaillait au moins une

heure par semaine. En outre, 57% des femmes travaillaient dans les 5 groupes de professions typiquement féminines.

Actuellement, on constate que « L’apprentissage, comme mode de préparation professionnelle, ne perce pas dans les métiers porteurs de croissance comme l’informatique et les technologies de la communication » (OCDE, 1999d, p. 51). En outre, on observe pour l’heure l’absence d’un appareillage statistique performant qui permettrait un système d’orientation professionnelle à la hauteur des exigences accrues. En particulier, il faudrait un système de détection des besoins futurs du marché du travail, un observatoire de la transition des jeunes à la vie active par des études longitudinales et des centres de certification des acquis professionnels. Ces derniers rendraient également possible la réinsertion professionnelle des femmes après une interruption de leur carrière.

Parmi les opportunités du marché du travail suisse, on citera en particulier la révision de la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers. Cette loi, datant de 1931, est appelée à disparaître au profit d’une nouvelle Loi fédérale sur les étrangers, accompagnée, au cours de

l’an 2002, de l’entrée en vigueur de l’accord avec l‘UE140 sur la libre-circulation des

personnes. Dans le débat sur une possible réorientation de la politique des étrangers, un modèle d’admission de la main-d’œuvre en provenance de pays non-membres de l’UE, basé sur un système de points, privilégiant les personnes qualifiées, a été discuté. Dans tous les cas, il faudra définir une politique des étrangers qui serve les intérêts globaux et à plus long terme de l’économie.

139 La capacité de travail en équipe, les compétences sociales et de communication ainsi que la

polyvalence sont davantage demandées.

140 Annuellement, environ 60% des nouveaux permis de travail concernent des ressortissants des pays

Tableau 4-1 : Analyse de type SWOT du marché du travail suisse Forces

Flexibilité du marché du travail (faible protection de l’emploi, flexibilité salariale, mobilité

géographique, mobilité professionnelle des actifs141, flexibilisation des modèles du temps de travail, par exemple avec la nouvelle loi du travail)

Paix sociale

Partenariat tripartite : les partenaires sociaux participent à la définition de la PMT

Système de transition de la formation initiale à la vie active très performant (notamment grâce à un système de formation dual d’apprentissage enraciné dans l’économie suisse, soutenu par les organisations professionnelles avec des certificats reconnus) ;

Pas de retraite anticipée généralisée (qui se reflète dans un taux d’activité des personnes âgées élevé)

Faiblesses

Demande du travail :

Concurrence limitée sur le marché des biens et produits (McKinsey Global Institute, 1994) Offre du travail :

15% des jeunes n’acquièrent aucun diplôme après l’école obligatoire (DFE, 1999)

Bas niveau de qualification de la population active étrangère

Pénurie persistante de personnel hautement qualifié

Sous-investissement dans la formation continue Pas de transparence du marché de la formation continue

Disparités entre femmes et hommes

Opportunités

Accords bilatéraux avec l’UE et mesures

favorisant l’ouverture des marchés, telles que la loi fédérale sur le marché intérieur, la révision générale de la loi sur les cartels, la loi fédérale sur les obstacles techniques au commerce, et mesures concernant les infrastructures de base

(télécommunications, poste, chemin de fer, électricité)

Nouvelle politique des étrangers

Réflexion en cours sur la politique de valorisation des ressources humaines :

Réforme de la loi sur la formation

professionnelle (y compris pour la formation

continue à orientation

professionnelle),« Offensive de formation continue » (ressources à disposition pour inciter la formation continue des groupes les plus éloignés, vulnérables), campagne d’information avec le festival « Formation en fête »

Introduction des nouvelles technologies d’information et de communication pourrait faciliter l’accès à la formation continue pour les

Menaces

Privatisation de certaines entreprises publiques favorisant les restructurations internes

Précarisation du marché du travail (avec

augmentation de la mobilité externe)

Détérioration de la situation des non-qualifiés :

Risque d’exclusion professionnelle et sociale des non -qualifiés (par exemple, par un chômage à répétition)

Baisse des salaires des non-qualifiés à un niveau inférieur à celui de subsistance

141 Sheldon (1999b) observe une augmentation de la mobilité professionnelle des actifs dans les

dernières décennies. Dans les années 70, moins de 40% des actifs exerçaient une profession différente de celle apprise, aujourd’hui ils sont environ 50%.

groupes défavorisés: apprentissage à distance

4.3. Appréciation de la pertinence de la politique active du marché du