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Les travaux sur l’enveloppe du bâtiment

2. LA RESTAURATION DE 1987-1989

2.2. LA CONSERVATION D’UN MONUMENT

2.2.1. Les travaux sur l’enveloppe du bâtiment

L’autorisation de construire fut délivrée le 13 août 1987. Le chantier dura deux ans et se déroula en deux étapes : dans un premier temps, la consolidation des fondations ainsi que le ravalement et le changement des pierres des façades côtés place Neuve et rue Bartholoni – terminés en 1988 - puis la réfection des façades rues Calame et Général-Dufour et du mur d’enceinte.304 La restauration des façades marquées par les interventions précédentes avait pour principal objectif de leur rendre une certaine cohérence originelle par l’uniformité des matériaux employés.305 Il était primordial d’effacer les désordres ayant contrevenu aux intentions architecturales d’origine, ainsi que nous le montrent les relevés photogramétriques [fig. 198 à 201] réalisés à cette occasion : les façades étaient composées de matériaux différents, résultats des restaurations successives, engendrant ainsi des variations de couleurs et des décalages dus au vieillissement des pierres.306 La recherche d’une unité fut complétée par un choix de matériaux résistant mieux aux atteintes extérieures, comme le préconisait l’article 10 de la Charte de Venise.307

301 Cession par le CONSERVATOIRE DE MUSIQUE à l’ÉTAT DE GENÈVE, maître olivier Gampert, notaire, des 1er juin et 1er juillet, non paginé

302 Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 23

303 24 septembre 1979, commission des monuments, de la nature et des sites, Conservatoire de musique de Genève, bâtiment en cours de classement. Le DCTI conserve les procès verbaux des réunions relatives à la restauration projetée du bâtiment que nous avons choisi de ne pas mentionner dans cette étude. Nous renvoyons en outre le lecteur à la plaquette publiée à l’occasion de la restauration de 1987-1989, Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 19

304 Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 19. Voir aussi le dossier concernant la restauration de 1987-1989 déposé au DCTI

305 Ibid. 19, 21 et 25 ; voir aussi le rapport du 21 mai 1987 sur la restauration de 1987-1989, dossier DCTI

306 Les relevés photogramétriques furent réalisés par l’ingénieur géomètre Oettli. Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 18-19 et le dossier sur la restauration de 1987-1989 déposé au DCTI

307 Ibid., 21 ; voir aussi l’article 10 de la Charte de Venise (1964)

On procéda en outre à la consolidation des fondations. Lors des études géologiques, on constata en effet certaines instabilités : le Conservatoire reposait sur « une couche de remblais composée de gravier, sable et limon d’une profondeur d’environ 9,20 à 9,50 mètre » et la nappe phréatique sur laquelle le bâtiment avait été érigé se situant à 7 mètres de profondeur, une partie importante de la couche de remblais baignait ainsi dans l’eau.308 On renforça alors les semelles existantes par des poutrelles métalliques qui furent coulées dans du béton.309 L’abaissement de la semelle supportant l’édifice permit de récupérer 100 m2 de locaux pris dans le soutènement qui servit de dépôt à la bibliothèque.310 Parallèlement, une issue de secours fut créée dans le soubassement de la façade rue Calame. Dans cette intention, la cage de l’escalier existante fut prolongée jusqu’à la face latérale de l’aile et la barrière rallongée [fig. 202 et 203].

Certains éléments furent remplacés par de la molasse, tels que le dessus des couverts sur la fenêtre du Directeur et celle du haut de l’escalier côté place Neuve.311 On utilisa en revanche de la pierre blanche pour le socle des balustres d’une des travées de la belle façade, par souci de continuité avec les éléments contigus conservés. Quant aux bases des colonnes du premier niveau, elles furent conservées, pareillement au bandeau en pierre blanche de l’étage supérieur.312

On répara de même le perron avec de la roche Villebois et dans le but d’éviter les accidents, deux balustrades [fig. 204 à 206] furent montées dans le prolongement des colonnes attenantes à la porte d’entrée.313

Début mars 1987, les 43 statues qui ornaient l’édifice furent déposées [fig. 207 à 209].314 On restitua chez la plupart leur aspect d’origine - qui au cours des ans avait été altérés par les conditions météorologiques ainsi que par les restaurations315 - en remplaçant les éléments dégradés. Dix d’entre elles durent toutefois être entièrement retaillées dans du grès des

308 Les études géologiques furent menées par l’ingénieur géotechnicien Amsler. Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 19. Voir aussi le dossier concernant la restauration de 1987-1989 déposé au DCTI

309Idem

310 Procès verbal du Conservatoire de musique, 5 octobre 1987, archives du Conservatoire de musique

311 Rapport du 19 août 1987, dossier de restauration de 1987-1989, DCTI

312 Ces travaux ont été effectués sur la façade principale, voir le rapport du 8 septembre 1987, dossier de restauration de 1987-1989, DCTI

313 Rapport du 11 mai 1988 et lettre du 9 novembre 1988, dossier de restauration de 1987-1989, DCTI

314 Les noms des artistes–sculpteurs qui restaurèrent ces statues d’accompagnement sont : Dominique Bovy, Michel Moret, Olivier Scherly et Sonia Moumni, à ce sujet voir Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 29. Par ailleurs, Dominique Bovy précisa que les statues étaient toutes en plâtre de Paris, traitées à la peinture à l’huile, chose très rare à Genève. Le Matin, 17 juillet 1985, Coupures de presse, AEG

315 « Le travail n’est pas facile. Diverses réparations plus ou moins orthodoxes ont été faites au cours des ans. Ici, on a fabriqué un vilain nez en ciment, là on s’est contenté d’un coup de pinceau sur le plâtre », Tribune de Genève, 18 mai 1987

Vosges et de Bourgogne « avec le souci de se rapprocher le plus possible de l’original ».316 Quant aux niches, elles furent rétablies en grès sur le corps central côté place Neuve, alors que sur les trois autres façades, elles conservèrent leurs éléments en pierre blanche.317 Refait en 1963 avec des plaquages de pierre blanche de provenance différente, l’acrotère de la belle façade fut retaillé dans du grès allemand. Quatre nouveaux putti et deux nouvelles sirènes [fig. 210] furent sculptés dans du grès.318 On fit par ailleurs usage de ce matériau pour le remplacement des corniches claires, le fronton sur la rue Général-Dufour et les six chapiteaux situés au bas des couvertes cintrées, côté place Neuve. 319 La statue de l’Apollon [fig. 211 à 213], qui à l’origine trônait sur le faîte du bâtiment côté Général-Dufour, fut restituée sur la base de documents d’archives et d’après diverses études menées par le Musée d’Art et d’Histoire notamment au musée des moulages du Louvre.320 Quant aux huit muses situées sur la balustrade, elles présentaient un état trop avancé de pourriture pour qu’on puisse les conserver. Aussi décida-t-on de les retailler dans de la roche calcaire demi-dure. Une note mentionne qu’en 1969 M. Mussard avait exécuté le moulage qui servit à couler les huit muses en jurassite situées sur les balustres du Conservatoire, le moule ayant été fait sur une des sculptures originales restantes.321 De plus, les examens et sondages effectués sur la statuaire en vue du chantier de restauration de 1987-1989 ont révélé que les statues existantes étaient blanches et non peintes.322 Certaines statues au contraire, tel que deux griffons, purent se contenter d’une simple restauration.323 Enfin, les quatre colonnes de l’enceinte furent

316 La plaquette réalisée pour la restauration de 1987-1989 fournit quelques précisions à ce sujet : « Façade est-place Neuve : 2 sphinx (T.C.) de Garnaud restaurés, 2 sirènes (grès) de Dorcière refaites en grès des Vosges, 4 génies (T.C.) de Garnaud refaits en grès des Vosges, 6 personnages (moulages) de Desachy restaurés, 4 médaillons (grès) de Dorcière restaurés, 1 Apollon (disparu) de Dorcière restitution en grès des Vosges, 4 muses sur colonnes (T.C.) de Garnaud refaites en Beauvillon rubané. Façade ouest-rue G. Dufour : 2 griffons (pierre blanche) de Garnaud restaurés, 1 fronton (grès) de Dorcière refait en grès des Vosges, 2 personnages (moulages) de Desachy restaurés. Façade sud-rue Barholoni : 4 muses (simili) de Garnaud restaurées, 4 personnages (moulages) de Desachy restaurés. Façade nord-rue Calame : 4 muses (simili) de Garnaud restaurées, 4 personnages (moulages) de Desachy restaurés. », Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 25 et 27 ; voir aussi l’article intitulé « L’art de restaurer les muses » dans la Tribune de Genève en date du 18 mai 1987

317 Procès verbal M.N.S. n° 2 du 29 juillet 1987, dossier sur la restauration des façades de 1987-1989, DCTI

318 Procès verbal du 22 juillet et du 7 août 1987, idem

319 Dossier sur la restauration des façades de 1987-1989, DCTI

320 « M. Chamay (du Musée d’Art et d’Histoire) et Melle Nicod feront une recherche dans les collections du Musée permettant éventuellement le moulage d’une nouvelle œuvre, proche de l’originale qui présenterait un Apollon. », dossier du bâtiment du Conservatoire classé, DCTI Ms 209, 1982, 29 janvier. Toutefois dans une lettre rédigée par Sauty à l’artiste Bovy, celui-ci précise que « les recherches de copies ou reproduction de cette œuvre sont restées vaines », l’artiste devant ainsi se contenter des menues informations transmises, à savoir :

« Apollon assis sur sa base tenant une couronne d’une main et d’une lyre dans l’autre. Taille : m. 1,70 sur le socle existant. Matériau : grès. Inspiration : classique. Lettre du 22 février 1988, dans le dossier de la restauration façades de 1987-1989, DCTI. Par ailleurs la Société Auxiliaire se proposa d’offrir une statue pour orner le socle vide qui supportait jadis un Apollon. Procès verbal du Conservatoire de musique, 7 mars 1988

321 16 février 1982, dans : dossier du bâtiment du Conservatoire classement, DCTI

322 Atelier Saint-Dismas, Rapport statues en plâtre, Conservatoire Genève, décembre 1987, 2

323 La Suisse, 3 novembre 1989, Coupures de presse, AEG

ravalées, leur chapiteau, leur base et leur statue retaillés dans du grès.324 Une couche de badigeon blanc fut appliquée en dernier lieu sur ces statues, afin de leur rendre leur aspect d’origine, et une double protection composée d’une peinture à la pliolite et d’une dispersion acrylique-vinylique vint les recouvrir.325 Sur les conseils du restaurateur Eric-J. Favre-Bulle,

« on supprima les ombres ou les glacis qui auraient pu souligner certaines formes ou drapés des statues ».326

Les travaux de restauration comprenaient également les fenêtres dont on s’efforça de conserver celles qui ne présentaient pas de signes de détérioration. Pour les huisseries qui montraient un état de dégradation trop avancé on en fit de nouvelles à l’identique.327 Et, le procès verbal du 30 septembre 1987 de préciser que : « les vitres de la face place Neuve seront à conserver au maximum, avec enlevage du mastic et remasticage » et que :

« les fenêtres et portes-fenêtres de la face place Neuve seront retouchées aux endroits voulus et repeintes après décapage à la main ; (pas de décapage au bain ni de sablage).

En principe, sur faces Bartholoni et Dufour, où les vitrages existants sont en bon état, prévoir des survitrages intérieurs plutôt que des approfondissements de battues. Où cela n’est pas possible, envisager de modifier les battues pour verre feuilleté, avec pose d’éléments cuivre ou autre aux fermetures pour isolation phonique ». 328

Ainsi, comme le mentionne la plaquette, « la conception d’origine des fenêtres, notamment la finesse des divisions (petits bois) et la nature des matériaux furent conservés ».329 En dernier lieu, on choisit une couleur thermolaquée pour les survitrages intérieurs.330

Les terrasses [fig. 214] furent réparées ainsi que les cheminées et les lanterneaux qui bénéficièrent d’une nouvelle couche de peinture.331 La charpente reçut de même un traitement spécial et la toiture fut entièrement refaite en ardoise d’Angers – matériau d’origine - et habillée d’une couverture en cuivre [fig. 215].

324 Rapport du 20 mai 1988 ; rapport du 20 septembre 1989 ; dossier de restauration 1987-1989, DCTI

325 Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 27

326 Rapport de décembre 1987, dossier de restauration 1987-1989, DCTI ; voir aussi Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 27

327 Idem, 21

328 Procès verbal du 30 septembre 1987, dossier du chantier de restauration de 1987-1989, DCTI

329 Baertschi et Balmer (dir.), 1989, 21

330 Voir le rapport du 24 mai 1989, dossier sur la restauration de 1987-1989, DCTI ; il est précisé par ailleurs dans le rapport du 25 juillet 1989 que le verre choisi pour les survitrages est de 6 mm., dossier sur la restauration des façades de 1987-1989, DCTI

331 Rapport du 16 septembre 1987, dossier sur la restauration des façades de 1987-1989, DCTI

Enfin, les quatre façades furent revêtues d’un crépi gris-rose et l’on aménagea un système de rail sur l’escalier intérieur du fond ainsi qu’une plateforme [fig. 216] sur une des volées de l’escalier extérieur, rue Bartholoni, pour les accès handicapés.332

2.2.2 LES INTERVENTIONS À L’INTÉRIEUR DU BÂTIMENT

Parallèlement à la restauration de l’enveloppe, quelques interventions intérieures furent exécutées. Outre la réfection de l’escalier principal, les statues qui garnissaient les deux niches du premier étage ayant disparues, le directeur Viala proposa de les remplacer par des modèles qui autrefois décoraient l’enveloppe de l’édifice.333 Aujourd’hui, il est possible d’admirer une Aphrodite au pilier (ou Euterpe) près de l’escalier et une Julie dans la niche attenante au bureau du directeur.

Par ailleurs, des travaux furent entrepris dans certaines salles, ainsi que l’indiquent les rapports de chantier et les procès-verbaux du Département des Constructions et des Technologies de l’Information : « dans la salle 20, réfection complète des trois portes-fenêtres avec application d’un nouveau cadre sur le cadre existant et seuil de 10 cm. pour remontée de ferblanterie ; ces portes-fenêtres auront des battues plus profondes pour verre feuilleté ».334 Les sources mentionnent également des sondages effectués dans la salle de ballet, au sous-sol, en avril 1987, la pose d’une poutraison métallique le 1er février 1988 et la fin du chantier le 3 octobre de la même année.335

On décida en outre d’équiper les fenêtres qui demandaient des mesures de protection phonique d’une double fenêtre intérieure [fig. 217 et 218].336 Le rapport du 4 octobre 1988 mentionne en effet la pose de survitrages isolants du côté rue Bartholoni.337

332 Procès verbal du Conservatoire de musique, 6 novembre 1989, procès verbal du Conservatoire de musique, 27 juin 1988 et procès verbal du 8 mai 1987 : « détails de la composition des crépis concernant la réfection des murs du Conservatoire : 1° pour garnissage et empochements : sable 0.8 = 12 parts ; chaux hydratée ou en pâte = 1 part ; chaux hydraulique = 1 ½ part ; ciment portland HTS = ½ part.

2° pour accrochage et fonds : sable 0.3 = 12 parts ; chaux hydratée = 1 ¾ part ; chaux hydraulique = 1 part ; ciment portland HTS = ¾ part

3° pour finition : sable 0.3 = 12 parts ; chaux hydratée 2 ½ parts ; ciment portland HTS = ¾ part ou éventuellement ciment blanc = ¾ part » ; voir aussi le rapport sur la restauration des façades du 3 juin 1987, dossier sur la restauration de 1987-1989, DCTI

333 Procès verbal du 6 novembre 1989, DCTI

334 Dans salle 20, réfection complète des trois portes-fenêtres avec application d’un nouveau cadre sur le cadre existant et seuil 10 cm. pour remontée de ferblanterie ; ces portes-fenêtres auront des battues plus profondes, pour verre feuilleté. Procès verbal du 30 septembre 1987, dossier de restauration des façades, DCTI

335 Procès verbaux du 1er février 1988 et du 3 octobre 1988 ; voir aussi le procès verbal en date du 11 novembre 1987 du dossier de restauration de 1987-1989, DCTI

336 Dossier du bâtiment classé, 11 septembre 1981, DCTI

La bibliothèque, quant à elle connut un dernier réaménagement. La partie située à l’entresol au-dessus de la loge de l’huissier fut vidée pour réfection.338 La reprise en sous-sol des fondations permit de surcroît la création d’un local d’archives à l’étage inférieur de l’aile droite.339 À cet effet, on aménagea un monte-charge reliant le sous-sol au premier étage [fig. 5 et 9]. La bibliothèque fut ainsi inaugurée le 18 septembre 1989 et la réintégration officielle des ouvrages fut programmée pour le 8 novembre.340

337 Procès verbaux du 4 octobre 1988, dossier de restauration de 1987-1989, DCTI

338 Le rapport de restauration des façades du 14 juillet 1988 indique que du plasto, du plancher et les nouveaux rails furent installés, DCTI

339 Archives historiques du Temps, 1er juillet 1988

340 Procès verbal du 8 novembre 1989, archives du Conservatoire de musique

SECONDE PARTIE

LES INTERVENTIONS PROJETÉES (2010 - /) SUR LE CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE GENÈVE

1. DEUX PROJETS ARCHITECTURAUX (2010) POUR UN NOUVEAU