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Le Conservatoire de musique de Genève (1856-1858): un édifice culturel en mutation

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Master

Reference

Le Conservatoire de musique de Genève (1856-1858): un édifice culturel en mutation

GAZZOLA, Virginie

Abstract

L'histoire de la construction et des transformations apportées au Conservatoire de musique sont retracées à travers ce mémoire. Les campagnes successives menées pour agrandir et rénover l'édifice montrent avec quelle habileté les intervenants successifs ont su tenir compte du bâtiment d'origine. L'auteur se questionne aussi sur l'avenir de ce monument-instrument, sur la question de l'authenticité et développe une approche de la conservation du décor peint.

GAZZOLA, Virginie. Le Conservatoire de musique de Genève (1856-1858): un édifice culturel en mutation. Master d'études avancées : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:34254

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(2)

Mémoire rédigé par Virginie Gazzola,

dans le cadre du Master of Advanced Studies (MAS) en conservation du patrimoine et muséologie des Beaux-Arts,

sous la direction de la Dr. Leïla El-Wakil et de David Ripoll

U n i v e r s i t é d e G e n è v e - F a c u l t é d e s L e t t r e s - D é p a r t e m e n t d ’ h i s t o i r e d e l ’ a r t – M a s t e r o f A d v a n c e d S t u d i e s e n c o n s e r v a t i o n d u p a t r i m o i n e e t

m u s é o l o g i e d e s B e a u x - A r t s A n n é e a c a d é m i q u e 2 0 1 0 - 2 0 1 1

Le Conservatoire de musique de Genève (1856-1858) : un édifice

culturel en mutation

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TABLE DES MATIÈRES

Remerciements……….…...…....………..………...……….…..2

Avant-propos……….……….………..………...………3

Introduction……….…………..………...……….………...5

1. LES SOURCES……….…….……….……….5

1.1. LES SOURCES À DISPOSITION………….………....…...…….….………..…..5

1.2. LA GENÈSE DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE LA PLACE NEUVE (1835-1856)...6

1.3. RECONSTITUER LE CONSERVATOIRE D’ORIGINE : UNE POSSIBILITÉ……….…….10

1.3.1. Les auteurs de la construction……….…….….…..….10

1.3.2. Le Conservatoire de musique de Genève : son architecture et son décor d’origine..11

1.3.2.1. La belle façade………..………...….………..……13

1.3.2.2. La façade de la rue du Général-Dufour……….………...….13

1.3.2.3. Les façades latérales…….………...…….…….……14

1.3.2.4. La statuaire d’accompagnement……….………...………..……...……….14

1.3.2.5. Le décor intérieur : peinture et moulure………..…….…...…………17

1.3.3. L’organisation architecturale intérieure……….……….18

(4)

1.4. LES LIMITES IMPOSÉES PAR LA DOCUMENTATION………..…….21

2. PROBLÉMATIQUE : LE CONSERVATOIRE, MONUMENT OU INSTRUMENT ?…………..……..23

(5)

Première partie – l’évolution morphologique (1858-1989) du Conservatoire de musique

de Genève……….………25

1. LES INTERVENTIONS SUR LE CONSERVATOIRE DE MUSIQUE (1858-1979) : ENTRETIEN, RESTAURATION, CONSTRUCTION ET DESTRUCTION……….…....…26

1.1. LES PREMIERS TRAVAUX SUR LE CONSERVATOIRE DE MUSIQUE (1858-1909)………...………27

1.1.1. Les interventions à l’intérieur du bâtiment………..…………..……..28

1.1.2. Les travaux sur l’enveloppe du Conservatoire………...………...32

1.1.3. Adrien Peyrot et son projet de réparation du Conservatoire……….……..…….32

1.1.4. Du neuf pour fonctionner mieux………..…………...…….……...34

1.2. LES CAMPAGNES DE 1910-1911 ET 1920 : POUR UNE CONSTRUCTION ANALOGIQUE………35

1.2.1. Les travaux d’agrandissement de 1910/1911………...………..……..35

1.2.2. La surélévation de 1920……….………...…..37

1.2.3. Lesueur ou Peyrot ? Quand l’architecture devient une affaire d’imitation……...39

1.3. UN CLIMAT FRAGILE DE PROTECTION PATRIMONIALE (1918-1940)…………...…………...41

1.3.1. Les travaux à l’intérieur de l’édifice………..……….….…………..42

1.3.1.1. La grande salle………...…………...………42

1.3.1.2. Les salles de cours………...………...…...……...……44

1.3.1.3. La loge du concierge………...………...……...……….45

1.3.2. Les interventions sur l’enveloppe du bâtiment……..…….………..46

(6)

1.4. UNE MODERNITÉ REVENDIQUÉE : LE PROJET D’AGRANDISSEMENT DU CONSERVATOIRE DE

MUSIQUE PAR L’ARCHITECTE CHARLES SCHOPFER (1954-1961)………...………..47

1.4.1. Le projet de Charles Schopfer………..………47

1.4.2. Contextualisation : la protection du patrimoine genevois des années cinquante…..49

1.5. UN CONSERVATOIRE MODERNISÉ (1960-1970)……….…………...52

1.5.1. Les travaux à l’intérieur du bâtiment.………...……….……53

1.5.1.1. La grande salle……….………...…53

1.5.1.2. Les salles de cours………..……….……….54

1.5.1.3. Les autres locaux………..……….……..……….55

1.5.1.4. L’extension de la bibliothèque………….………..……….57

1.5.2. Les travaux sur l’enveloppe de l’édifice……….……57

2. LA RESTAURATION DE 1987-1989………...…………...……....60

2.1. L’AUTHENTICITÉ, UN CONCEPT KALÉIDOSCOPIQUE………..………60

2.2. LA CONSERVATION D’UN MONUMENT………...………...62

2.2.1. Les travaux sur l’enveloppe du bâtiment………..……..66

2.2.2. Les interventions à l’intérieur du bâtiment……….….……70

(7)

Seconde partie – les interventions projetées (2010 - /) sur le Conservatoire de musique de

Genève………..72

1. DEUX PROJETS ARCHITECTURAUX (2010) POUR UN NOUVEAU CONSERVATOIRE……….…73

1.1. LE PROJET D’AMÉNAGEMENT DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE……….74

1.2. LE PROJET D’EXTENSION DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE………...75

2. UNE PROBLÉMATIQUE SPÉCIFIQUE : LA CONSERVATION DES FAUX- MARBRES………...………..………..79

2.1. L’ÉTAT ACTUEL DU DÉCOR INTÉRIEUR………..………....79

2.2. LA CONSERVATION DES FAUX-MARBRES………...81

2.2.1. La mise au jour des faux-marbres d’origine………...……….83

2.2.2 Le recouvrement des faux-marbres………..………..84

Conclusion………...……….85

Bibliographie………..……….………..88

Annexe : Illustrations

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« La forme prise par l’intervention dépend d’un récepteur donc d’un individu, selon sa culture, son âge et son pays, ou d’un groupe qui ne peut être neutre : son action reflète les idées du temps de la réception dans une aire géographique donnée. »

Ségolène Bergeon1

1 Bergeon, dans : Monod, 1997, 17

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REMERCIEMENTS

Howard Samuel Becker écrivit que la création d’une œuvre n’est pas le fruit d’un seul protagoniste mais résulte du « parcours du réseau des liens coopératifs au long duquel s’organise l’activité créatrice » 2. L’étude qui suit est l’aboutissement d’un semestre principalement dévolu à la théorie de l’Histoire de la conservation du Patrimoine, placé sous la direction de la Docteur Leïla El-Wakil, et d’une belle expérience professionnelle de trois mois à l’Office du patrimoine et des sites (OPS).

Ce travail n’aurait cependant pas pu voir le jour sans les précieux conseils de David Ripoll, historien de l’art et de l’architecture, qui m’a enseignée les rudiments en matière de collecte des sources. Je lui exprime en outre toute ma gratitude pour m’avoir accordé sa confiance ainsi que pour m’avoir guidée tout au long de ce chemin.

J’exprime ma reconnaissance envers Reto Ehrat et Eric-James Favre-Bulle qui, lors de nos entretiens, m’ont éclairée sur les diverses méthodes d’intervention sur le monument classé de la place Neuve, ainsi qu’à Guy Dériaz pour m’avoir ouvert les archives de sa famille.

Mes recherches ont en outre été facilitées grâce à la générosité de Nicolas Wirth, Jacques Tchamkerten et son équipe ainsi que Martin Colucci, qui m’ont accueillie in situ.

Je remercie par ailleurs Sabine Nemec-Piguet qui m’a accordée le stage au sein d’une équipe de qualité et Maurice Lovisa pour m’avoir introduit à la pratique de la conservation du patrimoine.

Enfin, je tiens à remercier une fois de plus les équipes de l’Inventaire des Monuments d’Art et d’Histoire de Genève (IMAHGe) et du Service des Monuments et des Sites (SMS) pour leur accueil, leur disponibilité et leur indispensable réunion du lundi.

2 Pierre Michel Menger, préface à l’ouvrage de Howard Samuel Becker, Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, 2006, 11

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AVANT-PROPOS

Cette étude s’inscrit dans la continuité d’un stage effectué à l’Inventaire des Monuments d’Art et d’Histoire de Genève (IMAHGe)3 lors duquel un travail de recherche historique sur le Conservatoire de musique de Genève nous avait été confié. Il s’agissait pour cette recherche préparatoire4 de donner l’image la plus précise de la morphologie primitive du bâtiment de la place Neuve et de tracer ses modifications successives depuis son édification en 1856-1858 jusqu’en 2011. Basé sur un dépouillement systématique des sources ainsi que sur une analyse in situ, cet historique avait pour objectif de rappeler la valeur patrimoniale du monument et partant d’aiguiller au mieux les choix qui dirigeront les interventions projetées.

Pour le 175ème anniversaire de la Fondation du Conservatoire de musique, des travaux de rafraîchissement des vestibules et des couloirs du rez-de-chaussée et du premier étage ont été entrepris à la fin de l’année 2010. Classé en 19795 le bâtiment fait toutefois l’objet d’une attention particulière selon la Loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites6 et son Règlement général d’exécution7. Une première étude des revêtements peints intérieurs a dès lors été effectuée en septembre 2010 par l’Atelier de restauration/conservation Saint- Dismas qui mit au jour une partie du décor d’origine.8 Cette opération raviva une conscience patrimoniale, la Fondation souhaitant dès lors conserver les « faux-marbres ». Par ailleurs, l’entreprise de rafraîchissement des parties communes fut réalisée en accord avec le

3 Office du patrimoine et de sites, Département des constructions et des technologies de l’information, Genève

4 L’étude a été déposée auprès de l’Office du patrimoine et des sites

5 Monument classé MS 209 par l’Arrêté du Conseille d’Etat le 24 janvier 1979 « au titre de monument d’intérêt historique et artistique » et « s’inscrivant parmi les meilleures réalisations de l’expression de l’architecture italienne du XIXe siècle ». Une copie de l’Arrêté a été déposée au Département des constructions et des technologies de l’information, dossier du bâtiment classé. Par ailleurs, selon la cartographie du patrimoine genevois, seul le bâtiment est classé, ne comprenant ni l’enceinte ni son muret. Voir http://etat.geneve.ch/geopatrimoine/, en date du 5 août 2011

6 Article 15, section 3, chapitre II : « 1) L’immeuble classé ne peut, sans l’autorisation du Conseil d’Etat, être démoli, faire l’objet de transformations importantes ou d’un changement dans sa destination. […] 3) les simples travaux ordinaires d’entretien et les transformations de peu d’importance peuvent être autorisés par l’autorité compétente, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’un préavis favorable de la part de la Commission des monuments de la nature et de sites et d’une demande d’autorisation ordinaire au sens de l’article 3, alinéa 1, de la loi sur les constructions et installations diverses, à l’exclusion des procédures accélérées prévues à l’article 3, alinéa 7 et 8 de ladite loi. […] », sur : http://www.geneve.ch/patrimoine/welcome.asp, en date du 5 avril 2011

7 Article 24, section 3, chapitre II : « 1) L’exécution de travaux sur un immeuble ou meuble classé est subordonnée à l’autorisation du Conseil d’Etat. Le département peut cependant autoriser des travaux d’importance secondaire qui, sans modifier l’aspect de l’immeuble ou du meuble, sont nécessaire à sa conservation. 2) une requête doit être adressée à cet effet au département, accompagnée d’un descriptif indiquant de manière suffisamment précise la nature et l’importance des travaux projetés. Le cas échéant, elle mentionne l’autorisation de construire requise. […] », sur : http://www.geneve.ch/patrimoine/welcome.asp, en date du 5 avril 2011

8 Les sondages effectués sont réversibles. Entretien avec Eric-James Favre-Bulle ; voir aussi le dossier réalisé à ce propos par l’Atelier Saint-Dismas le 30 septembre 2010

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Département des Constructions et des Technologies de l’Information (DCTI) ainsi que sur les conseils avertis du restaurateur Eric-James Favre-Bulle qui veilla à ce que le produit utilisé soit réversible et compatible avec la nature du support.9 Parallèlement à cette intervention et sur la demande de la Fondation, l’Atelier d’Architectes Ehrat conçut deux projets architecturaux pour un nouveau Conservatoire, soit un projet d’aménagement et un projet d’extension.

Le sujet ciblé de notre étude historique préliminaire laissait de côté certaines questions notables, tels que l’histoire de la conservation des monuments historiques, le contexte patrimonial genevois des XIXe et XXe siècles, la question des valeurs patrimoniales attribuées aux monuments ou encore le concept d’authenticité. Ce présent travail a ainsi été l’occasion de traiter de ces thématiques et de participer à la réflexion sur la conservation et la mise en valeur d’un objet classé.

Virginie Gazzola Genève, le 23 janvier 2012

9 Entretien avec Yves Peçon du DCTI en date du 5 avril 2011. Eric-James Favre-Bulle dirige l’Atelier de restauration Saint-Dismas

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INTRODUCTION

1. LES SOURCES

1.1. LES SOURCES À DISPOSITION

Le Conservatoire de musique de Genève a fait l’objet de nombreuses publications sur l’histoire de sa Fondation, de son architecture et de ses protagonistes. Toutefois, un chapitre manque à l’ouvrage que nous nous proposons d’étudier ici : ses mutations consécutives à l’interprétation qu’en firent les propriétaires successifs.

Pour ce faire, nous avons en premier lieu consulté différentes sources primaires grâce auxquelles il nous a été possible de reconstituer le Conservatoire de musique lors de son érection puis d’établir une chronologie des différents travaux effectués sur le bâtiment.

L’essentiel de la documentation est conservé aux archives du Conservatoire qui renferment des plans, des devis, des factures et des correspondances relatifs à l’entretien de l’édifice et à ses diverses transformations, ainsi que les procès verbaux de la Fondation. Par ailleurs, l’Institution possède un précieux ouvrage, le Livre des comptes de la construction, rédigé à la fin du chantier par Jean Abraham Maunoir, architecte contrôleur des travaux de construction10. Ce document renferme les différents corps de métier qui ont pris part au chantier [fig. 2 et 3], rapporte les matériaux11 utilisés, détaille pour chacun des locaux les éléments constructifs et décoratifs ainsi que le mobilier et rapporte les dépenses occasionnées par l’édification du Conservatoire. Sources auxquelles vient s’ajouter le Journal de 1858, rédigé par le décorateur genevois Jean-Jaques Dériaz (1814-1890), qui relate en partie ses travaux au Conservatoire et fournit quelques renseignements sur la réalisation de

10 Ce Livre n’est ni paginé ni daté, archives du Conservatoire de musique

11 Concernant l’architecture, nous avons relevé les matériaux suivants : béton, molasse du pays (Lausanne, Crissier et Cully), roches moulées en maçonnerie, libages en roche, brique, grès du Voiron, tuf et remblais. Les matériaux utilisés pour les statues d’accompagnement sont cités dans le texte. Par ailleurs, les sources nous apprennent que pour l’érection de son monument voué à la musique, Bartholoni souhaitait récupérer les matériaux de démolition de la Porte Neuve et du mur d’escarpe. Il dut toutefois essuyer un refus car, selon le Conseil d’État, l’édifice n’aurait pas pu être défait à temps pour la construction du Conservatoire. Les matériaux de la Porte neuve furent finalement utilisés pour l’édification de la maison Rillet-Pelletier A ce sujet voir : 30 janvier 1855, AEG, Registre du Conseil d’Etat, 1855, vol.1, R.C. 395 ; 23 février 1855, AEG, Registre du Conseil d’Etat, vol. 1, R.C. 395 et Leïla El-Wakil, « Pour Rillet-Pelletier : une maison à partir d’une porte de ville », dans Jean-Daniel Blavignac, 1817-1876, catalogue d’exposition, El-Wakil (dir.), Carouge, Petite Bibliothèque Carougeoise, 1990, 104, 148-150

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l’ornementation de la grande salle, des vestibules et des couloirs [fig. 4].12 Les Archives d’État et les autorisations de construire, les dossiers de classement (1979) et de la dernière campagne de restauration (1987-1989) sont venus compléter ces premiers matériaux.

Les archives historiques du journal Le Temps, quant à elles, relatent, outre les origines de la construction du Conservatoire, les grandes entreprises de transformations qu’a connu l’édifice de la place Neuve, tels que le comblement des évidements latéraux achevé en 1911 et leur surélévation en 1920, les restaurations de l’enveloppe remontant aux années 1944, 1964-1965 et 1987-1989, ainsi que les travaux importants de réfection intérieure des années 1960.13

Enfin, composé de photographies anciennes et de gravures, le support iconographique présente l’architecture extérieure du Conservatoire peu après son édification ainsi que quelques années plus tard flanqué de sa nouvelle paire d’ailes.

À cette documentation de première main s’ajoutent les textes historiques majeurs sur la conservation des monuments des XIXe et XXe siècles, ainsi qu’une littérature secondaire relative à l’histoire du Conservatoire, à son architecture, au contexte patrimonial genevois et à la législation en matière de conservation du patrimoine local et international.14 Ces écrits nous ont permis d’expliciter les mutations dont le bâtiment a fait l’objet en les insérant dans un contexte particulier.

Nos investigations se sont en outre poursuivies sur le terrain. Grâce à une étude in situ, nous avons établi un relevé de l’état existant des lieux que les plans réalisés en 2010 par l’Atelier d’Architectes Ehrat sont venus confirmer [fig. 5 à 11].

En dernier lieu, les entretiens passés avec différents spécialistes de la conservation du patrimoine, des protagonistes travaillant pour le Conservatoire et des descendants de Jean-François Bartholoni (1796-1881) sont venus compléter nos données et clarifier certaines zones d’ombre.15

1.2. LA GENÈSE DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE LA PLACE NEUVE (1835-1856)

Créé en 1835 par le financier Jean-François Bartholoni16 (1796-1881) [fig. 12], le Conservatoire de musique de Genève, premier de Suisse, dispensa son enseignement jusqu’en

12 Archives privées de la famille Dériaz. Ce Journal nous a généreusement été prêté par Guy Dériaz

13 Se référer aux sources en annexe du rapport

14 Voir les sources en annexe du travail

15 Voir les sources sous le chapitre intitulé « Personnes/Institutions contactées »

16 Jean-François Bartholoni (1796-1881, parfois orthographié Bartholony) descend d’une famille originaire de Florence qui s’établit à Genève au XVIe siècle. Banquier et économiste, il se lança dans le développement des

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1858 au Casino de Saint-Pierre [fig. 13 et 14].17 Désireux toutefois d’offrir aux Genevois un monument singulier dans lequel s’épanouirait cet art, le 12 novembre 1852, le généreux mécène demanda au Conseil d’État, en vertu de la Loi générale sur les Fondations du 22 août 1849, la concession gratuite d’un terrain, aux fins d’y élever à ses frais le nouveau Conservatoire. 18 Divers emplacements furent envisagés pour l’édification de cet établissement, tels que le lieu dit Polygone à l’entrée du Bastion Bourgeois, le Cavalier Micheli et le Bastion du Pin [fig. 15].19 Bartholoni envoya les plans de la Ville à son architecte français, Jean-Baptiste-Cicéron Lesueur (écrit aussi Le Sueur, 1794-1883), et dans une lettre adressée au Conseil d’État, rapporta que celui-ci préconisait l’emplacement de la place Neuve pour la construction du Conservatoire de musique.20 C’est ainsi qu’après d’interminables tergiversations, l’État concéda : « […] une parcelle d’un terrain situé en cette ville, au centre et au bas de la nouvelle place Neuve, figurées sur le plan d’agrandissement de la ville, rive gauche, approuvé par le Conseil d’État le 26 7bre 1854. Cette parcelle ayant la forme d’un rectangle avec évidemment sur les grandes faces est d’une superficie de 132 ½ toises environ. […] ».21 [fig. 16]

La loi prévoyait en outre une clause sur la construction des bâtiments alentours qui stipulait qu’ :

chemins de fer et fut l’instigateur de la voie Lyon-Genève. Si ce financier établit sa fortune en France, et notamment à Paris, où il élut domicile, son rayonnement atteint Genève. En mécène, passionné des arts, il fit ériger deux monuments majeurs, une résidence au bord du Lac (la Villa de la Perle du Lac, dite Villa Bartholoni, 1828-1832) et un lieu d’enseignement musical (le Conservatoire de musique, 1856-1858). Pour tout complément au sujet de sa biographie nous renvoyons le lecteur à Bartholoni, 1979 et Cattaneo, 2006

17 Campos, 2003, 38. Le Casino Saint-Pierre n’existe plus aujourd’hui

18 Jean-François Bartholoni s’adjoignit son frère Aimé-Bernard-Constant Bartholoni pour cette entreprise.

Toutefois, ainsi que le souligne Rémy Campos, ce dernier ne prit en aucune façon part à la gestion du Conservatoire. Campos, 2003, 38. Voir aussi le Registre du Conseil d’État, 1852, page 557, AEG ; et Tappolet, 1972, 49

19 L’emplacement du Cavalier Micheli fut finalement « abandonné vu que suivant les plans du nouveau Conseil d’État il doit être abattu pour faire place à un passage sur le prolongement de la rue St Léger : les travaux de fondations auraient d’ailleurs entraîné à des dépenses trop fortes […] »,voir Travaux Aa 11, « lettre du Chancelier Marc Viridet à François Bartholoni , en date du 1er décembre 1854 » ; voir les procès verbaux du Conservatoire de 1853 à 1855, ainsi que les registres du Conseil d’État de 1849 à 1856

20 AEG, Travaux Aa 11, Lettre de Jean-François Bartholoni adressée à Jean-Baptiste Cicéron Lesueur, Paris le 10 décembre 1854. Pour tout complément d’information sur la réception de l’architecture française à Genève au XIXe siècle, nous renvoyons le lecteur aux articles de David Ripoll, « Genève francophile. L’architecture et la ville dans la deuxième moitié du XIXe siècle », dans El-Wakil et Vaisse (dir.), Genève-Lyon-Paris, relations artistiques, réseaux, influences, voyages, Genève, Georg, 2004 ; et Leïla El-Wakil, « ‘Cet homme qui nous fut envoyé par le ciel pour rénover l’architecture égarée depuis des siècles’. Relecture de quelques cas genevois », dans Lüthi et Cassina (dir.), La profession d’architecte en Suisse romande (XVIe – XXe siècle), 2009, 35-56

21 Les tergiversations concernaient notamment l’emplacement définitif du nouvel édifice. Nous renvoyons le lecteur aux procès verbaux de 1847 à 1855 ainsi qu’au dossier du bâtiment classé, DCTI. Voir par ailleurs le Livre des Comptes de la construction de Jean-Abraham Maunoir, non paginé, non daté, archives du Conservatoire de musique

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« […] Il ne pourra être élevé sur ce terrain d’autres constructions que celles servant au dit Conservatoire de musique […] et à ce que les corniches supérieures des deux groupes de maisons situés au Nord-Ouest et au Sud-Est du bâtiment du Conservatoire ne dépasse pas la hauteur de 15 mètres, comptés à partir du sol contigu du côté de la place Neuve ; les toits des dits groupes ne pouvant avoir au maximum plus de 4 m. en hauteur sous réserve de la pente de 1 pour 2 et à ce que la distance entre les faces saillantes du Conservatoire et les murs des faces opposées des dits groupes soit au moins de 21 mètres 50 […] ».22

Le financier genevois s’assura les services d’un architecte établi à Paris dont la réputation n’était plus à faire : Jean-Baptiste-Cicéron Lesueur [fig. 17], élève des architectes Auguste Famin (1776-1859) et Charles Percier (1764-1838), co-lauréat du Grand Prix de Rome d’architecture de 1819 avec Félix-Emmanuel Callet23 (1791-1854) était l’auteur de l’église de Vincennes et avait participé à l’agrandissement de l’Hôtel de Ville de Paris avec Etienne-Hippolyte Godde (1781-1869) et Victor Baltard (1805-1874).24 Il obtint le poste de professeur de théorie de l’architecture à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1853 et fut élu membre de l’Institut de France. 25 Lesueur réalisa les premiers plans du nouveau Conservatoire de musique parallèlement à la réfection de l’hôtel particulier parisien des Bartholoni.26 Il envoya ses calques en janvier 1855 à l’architecte local Samuel Darier (1808- 1884), chargé de leur exécution et de la surveillance du chantier. Les autorités genevoises demandèrent toutefois à l’architecte français de revoir son projet car trop audacieux. Le Registre du Conseil d’État fait mention de cette demande de modification :

« […] Passons maintenant au bâtiment et à la terrasse qui l’entoure, nous devons vous faire observer que la surface totale qui serait occupée est de 435 toises carrées, tandis que le bâtiment n’en occupe que 142. Or le Conseil d’État n’est autorisé par la loi de donation qu’à accorder une surface de 140 toises environ ; il pourrait certainement prendre sous sa responsabilité quelques toises de plus si elles étaient nécessaires, mais non aller au-delà sans recourir au Gd Conseil qui verrait peut-être de mauvais œil disposer d’un aussi grand espace sans nécessité absolue, surtout dans un quartier où le

22 Livre de Maunoir, non paginé, non daté, et AEG, Travaux Aa11 « extrait de l’acte de donation par l’État à la Fondation du Conservatoire de musique, 24 mai et 8 juin 1855 »

23 Il remporta le prix ex-aequo pour un « Cimetière »

24 El-Wakil, 1988, 101-102

25 Vallet, Zevi, Musy, Leymarie (dir.), 1981, 290

26Hôtel rue de la Rochefoucauld, voir El-Wakil, 1988, 102 et Vallet, Zevi, Musy, Leymarie, (dir.), 1981, 290

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terrain aura une grande valeur par sa position, et pour lequel l’État a déjà des demandes. […] »27

De même, le Journal de Genève du 28 décembre 1883 rapporte que : « les plans [de Lesueur]

comportaient une décoration d’ensemble de la Place voisine de ce monument ; malheureusement cette partie du programme dut être sacrifiée à des raisons de convenance utilitaire […] ».28 C’est ainsi que dans un courrier du 24 août 1855, Samuel Darier soumis au Conseiller d’État, Président des travaux publics, une copie du plan définitif revu par Lesueur, afin d’obtenir l’approbation des nouveaux alignements et la poursuite de l’entreprise.29

Le 14 juillet 1856 à trois heures de l’après midi, la cérémonie de la pose de la première pierre fut célébrée. Jean-François Bartholoni était accompagné de son frère, de ses fils et d’autres membres de sa famille. Furent conviés également le pasteur Munier qui présida les festivités, M. Breittmayer, délégué du Conseil d’État et du comité d’administration du Conservatoire, Lesueur et quelques amis proches. On plaça dans une boîte le procès-verbal de cette cérémonie, les actes relatifs à la concession du terrain [fig. 18], une première médaille frappée en 1839 en l’honneur de la Fondation du Conservatoire et une seconde frappée par M. Bovet pour la fête helvétique de musique, ainsi que diverses pièces de monnaie suisses [fig. 19 et 20]. La boîte fut ensuite scellée, placée dans une cavité et recouverte par une pierre.30

Les travaux de construction31 s’étendirent sur deux ans, de 1856 à 1858, non sans peine : suite à la hausse des prix des matériaux de construction, un différent financier sépara l’entrepreneur Vaucher-Tournier de l’architecte entrepreneur général Jean Franel (1824-1885) qui les conduisit devant le Tribunal de Commerce. L’affaire trouva toutefois une issu

27 AEG, Travaux Aa 11, lettre du chancelier Marc Viridet, Genève le 24 février 1855 ; Journal de Genève, 28 décembre 1883 et El-Wakil, 1984, 69-70

28 Journal de Genève, 28 décembre 1883

29 AEG, TP 363, Travaux A 72

30 Journal de Genève, 15 juillet 1856

31 Occupé à Paris, l’architecte distingué se rendit sporadiquement sur le chantier du Conservatoire pour veiller au bon déroulement des travaux et apporter certaines modifications au projet de départ. Dans son Journal Dériaz rapporte les visites de Lesueur : « […] je reçois la visite de M. Lesueur, accompagné de Darier, ils regardent bien nos peintures et nous convenons de mettre quelques unes en place […] » et « […] Lesueur change d’idée et il revient à désirer ses ornements imitation bois blanc sculpté sur fond couleur or […] », Journal de 1858, 17 et 19 mars. Leïla El-Wakil précise en outre qu’au moment de l’édification du Conservatoire de musique de Genève, Lesueur était « au faîte de sa carrière parisienne au service de Napoléon III » et n’accordait de fait qu’une

« importance toute relative au chantier pris essentiellement en charge par un architecte local […] S. Darier […] », El-Wakil, 1988, 293

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favorable aux deux parties, comme l’indiquent les jugements arbitraux et le Livre de Maunoir.32

1.3. RECONSTITUER LE CONSERVATOIRE D’ORIGINE : UNE POSSIBILITÉ

Les sources collectées sont une manne qui nous a permis de reconstituer en partie le bâtiment d’origine. Des protagonistes qui ont participé à l’érection du nouveau bâtiment de la place Neuve aux décors peints et sculptés en passant par l’organisation intérieure, les documents que nous avons rassemblés renferment de riches informations sur le Conservatoire d’origine.

1.3.1. LES AUTEURS DE LA CONSTRUCTION

Dans son Livre des comptes, Maunoir cite les différents corps de métiers ainsi que les artistes et artisans qui ont œuvré à l’édification du Conservatoire. Y figurent des intervenants locaux pour les travaux de maçonnerie, de gypserie, de charpenterie, de menuiserie, de serrurerie ou encore de vitrerie.33 On mandata de même le sculpteur genevois Louis Dorcière (1805-1879), pour la réalisation du tympan de la façade sud et de la statue sommitale de l’Apollon, et le décorateur genevois Jean-Jaques Dériaz (1814-1890), pour les ornements de la grande salle de concert [fig. 21 à 25], la peinture des corridors et des corniches des salons du première étage, les interventions de la cage de l’escalier principal et de l’escalier de service, le décor des classes (bureau de Direction, salon de Direction, salon du Comité, salle de Bibliothèque, salon Quatuor) et des dépendances (vestiaires, escaliers du sous-sol, réduit

32 Le coût des travaux s’éleva à 534'626,70 francs, voir le Livre de Maunoir qui détaille le différent financier entre Vaucher-Tournier et Franel et qui présente la lettre justificative de Franel, non paginé, non daté. Pour les jugements arbitraux voir : AEG, Jur.Civ.Ccf25 et AEG, Jur.Civ. Ccf26

33 Sont ainsi mentionnés : pour la maçonnerie Vaucher-Tournier ; pour la gypserie et la peinture faux-bois Chuit, pour la charpenterie Gran, Wogt et Pfluger ; Turian, Delavoet et Schouler pour la menuiserie ; Monnier et Sailer pour les parquets ; Foulquier pour la vitrerie ; Durand pour la serrurerie ; Staib pour le chauffage ; Benoit pour la plomberie et la zinguerie ; Schittenhelm pour la couverture d’ardoise et Weber pour les poêles ; Dizerens pour les marbres ; Deleyderrier pour l’installation de l’éclairage au gaz en provenance de Paris ; Buscarlet pour les papiers-peints et glaces ; Raidellet pour les papiers-peints ; les sculpteurs Dufaut et Bertauld pour les décors architecturés intérieurs et extérieurs ; l’Huillier et Rigollot pour la peinture imitation faux-bois, Giavina pour les stucs et Rigollot pour les peintures « faux-marbres », Grezet pour l’asphaltage des terrasses et Mégevet pour les cheminées ; Meyseux pour les lustres et lampes à gaz et Saëgé pour la décoration florale, voir le Livre des comptes de la construction de Maunoir, non paginé, non daté

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salon Quatuor).34 Notons cependant que la peinture sur bois et imitation bois fut confiée à l’Huillier et Rigollot, ce dernier ayant par ailleurs exécuté les « faux-marbres » des vestibules du rez et du premier et ceux de la cage de l’escalier principal.35 Bartholoni fit venir en outre de Paris les papiers-peints de Raidellet, les lustres et les lampes à gaz de chez Meyseux.

S’adjoignirent à ces premiers ouvriers les artistes parisiens Alexandre Desachy36 et Garnaud pour les statues d’accompagnement intérieures et extérieures [fig. 26, 27 et 28, 30 à 46 et 49 à 61] et les médaillons de la belle façade [fig. 62 à 65], ainsi que Nicolas Auguste Hesse qui réalisa certains motifs du plafond de la grande salle [fig. 66 à 68]. Dans son Journal, Dériaz mentionne par deux fois l’ouvrage de son confrère. Ainsi, le 31 janvier, le décorateur genevois écrit qu’il n’a pas à « s’occuper des figures allégoriques du Conservatoire, que c’est un ami de M. Lesueur qui les fait, […] ».37 Et à la date du 10 juillet, il signale la présence de l’ouvrage de Hesse au Conservatoire.38 Insérées dans un médaillon, ces figures représentent des putti musiciens sur fond bleu. Le Livre de Maunoir en conserve une esquisse [fig. 69] : deux enfants, numérotés 4 et 5, jouent du triangle et de l’aulos39, alors qu’un troisième, le numéro 6, semble tenir une partition musicale dont on devine les lignes d’une gamme. Par ailleurs, la sculpture de tous les chapiteaux et des balustres extérieurs fut réalisée par MM.

Dufaut et Bertauld, ce dernier ayant également exécuté les décors en plâtre du plafond, des murs et de la première galerie de la grande salle ainsi que du vestibule d’entrée, du foyer du premier et du grand escalier.40

1.3.2. LE CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE GENÈVE : SON ARCHITECTURE ET SON DÉCOR D’ORIGINE

Les archives de l’École des Beaux-arts de Paris conservent des dessins et des gravures [fig. 70 à 72] que Lesueur réalisa lors de ses voyages en Italie.41 Il s’agit de plans de

34 Dans le Journal de 1858 de Jean-Jaques Dériaz, Charles-Frédéric-Martin Brechtel est mentionné à plusieurs reprises concernant les travaux du Conservatoire confiés à Dériaz. Ce dernier commanda également les services de Poggi et Morganti pour l’exécution des décors du Conservatoire ; voir aussi le Livre des comptes de la construction de Maunoir et Marquis, 1983, 123, 125 et 136

35 Livres de Maunoir, non paginé, non daté

36 Alexandre Desachy (ou de Sachy) fut mouleur de l’Ecole des Beaux-arts de Paris de 1848 à 1886

37 Journal de 1858, 31 janvier 1858

38 Ibid., 31 janvier et 10 juillet

39 L’aulos est une flûte à deux tuyaux

40 Livre de Maunoir, non paginé, non daté. Maunoir ne mentionne que les matériaux des chapiteaux ioniques réalisés dans du grès

41 Lesueur réalisa des dessins des villes de Loreto, Ancone, Pesaro, Forli, Ravenne, Bologne, Parme, Modène, Ferrare, Padou, Venise, Vicence, Vérone, Brescia, Milan, Pavi, Oreno, Turin, Gênes, Naples, Pompéi, Terracina,

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monuments antiques et de jardins, de vues partielles d’édifices ainsi que d’éléments de décor.

Par ailleurs, lors de son séjour à Rome avec Callet, Lesueur visita Pompéi, dont témoignent ses esquisses qui nous sont parvenues.42 Son intérêt pour l’architecture antique se révèle également à travers ses écrits : en 1827, il co-rédigea avec Alaux un recueil des Vues choisies des monuments antiques de Rome suivi deux ans plus tard de l’Architecture italienne qu’il publia avec Callet. Dans son célèbre Histoire et théorie de l’architecture de 1879, il retrace en outre l’origine de l’architecture moderne, à travers l’analyse des architectures antiques égyptienne, grecque et romaine.43

Conformément à ses goûts italianisants, Lesueur traita son monument genevois dédié à la musique dans un style néo-palladien.44 Les photographies prises à la clôture du chantier [fig. 73 à 76] montrent un édifice d’un étage sur rez avec sous-sol et combles sis au milieu d’un terrain vague en légère déclivité, à l’emplacement des anciennes fortifications.45 À l’inverse du monument aux flancs généreux qui se dresse aujourd’hui sur la place Neuve, le Conservatoire de 1858 était composé d’un corps central déployant dans ses angles quatre pavillons46 qui marquaient sa silhouette échancrée [fig. 73 à 77]. L’enveloppe préfigurait ainsi son organisation intérieure : une distribution hiérarchique avec au centre la grande salle de concert qui s’élevait sur deux niveaux et à chacune de ses extrémités les salles de cours.47 Ces dernières étaient reliées entre elles par des couloirs latéraux [fig.78].48

Circonscrit sur trois de ses côtés par un muret, l’édifice déployait en outre son faste décoratif : façades, balustrades, muret et toiture étaient enrichis de statues d’accompagnement ; les édicules des fenêtres avec frontons triangulaires reposant sur des consoles en forme de volute agrémentaient les pavillons ; des corps de moulures, pilastres et colonnes doriques et ioniques structuraient les façades ; de nombreux jours enfin allégeaient l’imposante construction et illuminaient ses entrailles.

etc. Voir les archives de l’école nationale supérieure des Beaux-arts de Paris numérisées sur le site Cat’zArts, en date du 24 mars 2011

42 Vallet, Zevi, Musy, Leymarie, (dir.), 1981, 290

43 Idem

44 El-Wakil, 1988 et 1884

45 Le Conservatoire s’élevait à l’origine « sur la demi-lune à laquelle aboutit le 1er pont », procès verbal du Conservatoire de musique du 17 février 1855, archives du Conservatoire de musique

46 Le terme de pavillon est tiré du Livre de Maunoir, non paginé, non daté

47 El-Wakil, 1988, 112

48 Voir le pan dessiné par Peyrot en 1911 pour le comblement des évidements latéraux

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1.3.2.1. LA BELLE FAÇADE

Orientée en direction de la place Neuve, la belle façade [fig. 79] s’apparente dans une certaine mesure à la face principale de la Villa Bartholoni (1828-1832) composée d’un péristyle d’entrée et d’une loggia [fig. 80]49. En effet, sur les deux niveaux en légère saillie, de grandes baies cintrées ouvrent le Conservatoire sur l’extérieur. Le premier est traité en ordre dorique, surmonté d’une colonnade ionique qui soutient l’imposante corniche. Par sa tripartition et sa symétrie axiale, il émane de l’ensemble un certain équilibre.

Lesueur agrémenta cette façade d’une richesse décorative50 : dans les parties latérales, quatre copies de moulages antiques ont été disposées dans des niches. Au-dessus de chacune d’entre- elles, des médaillons aux effigies de Beethoven [fig. 62], Mozart [fig. 63], Rossini [fig. 64] et Grétry [fig. 65]. Le monument est couronné d’un acrotère marqué d’une inscription51 aux lettres dorées indiquant l’année de la Fondation et son patronyme. Deux sirènes ailées viennent s’appuyer contre l’élément sommé de deux sphynx.52 Placés de part et d’autre, des putti musiciens [fig. 26 et 27], qui rappellent les peintures de Hesse, complètent ce décor. A cette profusion ornementale, s’ajoutent quelques détails architecturaux qui soulignent la finesse du dessin : les intrados sont ornés de pointes de diamants disposées en alternance avec des fleurs53 et alors que les balustres et les denticules de la corniche supérieure paraissent avoir été découpés dans de la dentelle [fig. 81], les clefs de voûtes soulignées d’entrelacs [fig. 82], les chapiteaux ioniques, les queues et les ailes des sirènes [fig. 28] déploient leurs courbes.

1.3.2.2. LA FAÇADE DE LA RUE DU GÉNÉRAL-DUFOUR

A l’opposé, face à cette vaste étendue de terre de laquelle sortaient jadis une à une des constructions, la façade sud54 [fig. 83 et 84] en légère saillie et traitée en ordre dorique au rez-

49 La villa Bartholoni fut construite dans un style renaissance italienne sur les plans de Callet. Lesueur participa à la réalisation de cette demeure, voir à ce sujet El-Wakil, 1988, 111

50 Cette ornementation n’évoque que succinctement la musique

51 Inscription réalisée par le sculpteur Bertauld, voir le Livre de Maunoir, non paginé

52 « Conservatoire de musique, Fondation Bartholoni, 1835 ». L’année 1835 est celle de la naissance du Conservatoire au Casino Saint-Pierre

53 Nous retrouvons le langage floral dans les éléments architecturés des vestibules et de la bibliothèque

54 Nous avons choisi de garder l’orientation du bâtiment de Maunoir qui situe la belle façade au nord et la façade sur la rue général Dufour au sud. En réalité, le nord se situe exactement à l’angle de la belle façade et de la rue Alexandre-Calame ainsi que l’a dessiné l’architecte Reto Ehrat sur ses plans du bâtiment de 2010 [fig. 7]. Par

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de-chaussée et ionique à l’étage supérieur fut conçue plus modestement. Derrière un escalier à deux volées, l’architecte reproduisit au centre le modèle de la grande baie cintrée, perçant dans les parties latérales deux plus petits jours cintrés eux aussi. À l’étage supérieur, Lesueur plaça trois fenêtres à chambranle mouluré coiffées d’un fronton triangulaire, déclinaison du fronton principal. Ce dernier [fig. 29] accueille une importante composition du sculpteur genevois Dorcière : des divinités fluviales, le Rhône et l’Arve, flanquent les armoiries de la Ville supportées par deux génies. Au sommet de la composition, trônait un Apollon, une lyre à la main.

1.3.2.3. LES FAÇADES LATÉRALES

Pour les parties latérales [fig. 73, 74 et 76], Lesueur conçu des évidements aux grandes baies vitrées disposées sur trois niveaux, laissant ainsi pleinement pénétrer la lumière naturelle à l’intérieur du bâtiment. Ces ajournements conféraient une légèreté à l’édifice et s’opposaient aux murs pleins des annexes aux allures de tourelles défensives [fig. 73]. Au rez-de-chaussée, l’architecte avait disposé en alternance cinq portes fenêtres en plein cintre et des pilastres doriques, l’agencement rappelant alors les façades nord et sud. Les grandes baies vitrées étaient en outre percées de vasistas permettant l’aération des pièces. Un bandeau qui courait sur le pourtour de l’édifice marquait la limite entre les deux étages. Le second niveau accueillait quant à lui des fenêtres rectangulaires géminées séparées par des colonnettes ioniques. Cet ordonnancement fut reproduit pour l’attique.

1.3.2.4. LA STATUAIRE D’ACCOMPAGNEMENT

Lesueur amena avec lui de Paris deux artistes, Garnaud et Dessachy, à qui fut confiée la réalisation de l’ornementation des façades. Le premier réalisa huit muses en terre cuite [fig. 30 et 31] figurant la Musique, la Comédie, la Poésie et la Tragédie qui couronnaient les annexes. Aujourd’hui, celles-ci ont été remplacées par des copies identiques d’un même moule qui correspond probablement à la statue située à l’origine au-dessus de l’aile droite de

ailleurs la plaquette réalisée pour la restauration de 1987-1989 situe la belle façade à l’est et la façade de la rue du général-Dufour à l’ouest. Voir Baertschi, Balmer (dir.), 1989, 25

Cette façade rappelle en outre le fronton de la Porte Neuve orienté jadis face à la campagne

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la façade est, à l’angle gauche de la balustrade.55 Pour la face principale, Garnaud exécuta en outre les quatre putti56 en terre cuite [fig. 26 et 27] et, sur les six griffons [fig. 32 et 33] qu’il sculpta dans le même matériau, quatre furent placés au sommet de l’édifice. On lui attribue de même les muses en terre cuite représentant la Musique et la Poésie [fig. 34 à 37], qui s’élevaient sur les colonnes aux quatre angles du Conservatoire.

Dessachy réalisa des moulages en plâtre de statues antiques que Maunoir cite dans son Livre des comptes.57 Pour le vestibule d’entrée, l’artiste exécuta une Vénus Genitrix [fig. 38 et 39]

au couchant, une Diane de Gabie [fig. 40 et 41] au levant, une Joueuse de lyre (Terpsichore) au centre et une Polymnie (l’éloquence) à l’escalier [fig. 42 et 43]. Quant au foyer du premier, il y plaça une Julie [fig. 44] au couchant et une Euterpe au levant [fig. 45 et 46]. Certains de ces modèles furent reproduits pour le décor extérieur.58 Au rez-de-chaussée, nous pouvions ainsi admirer deux Flore [fig. 49 et 50] et deux Faune du Capitole [fig. 51 et 52], un Faune tymbalier [fig. 53] et un Faune dansant, une Diane de Gabie, une Vénus Genitrix, une Vénus Fale et une Pudeur [fig. 54]. À l’étage supérieur, avaient été placés une Flore, un Hygie [fig. 55]59, une Pudeur, un Cyparis [fig. 56], deux Vénus Médicis60 [fig. 57], un Appollino [fig. 58 et 59], une Euterpe, une Julie61 [fig. 60] et une Ariane [fig. 61]62.

La majorité de ces moulages a pu être identifiée et située à partir d’anciennes photographies puis comparée aux statues qui décorent aujourd’hui l’enveloppe. Cette étude nous a permis de constater que certaines statues, telles que la Venus Genitrix et la Diane de Gabie qui ornaient la belle façade, ou encore le Faune dansant, le Faune tymbalier et l’Hygie des faces

55 M. Albert Huber, travaillant au musée du Vieux Genève, précise que les 8 muses placées sur les balustres autour du bâtiment sont 8 copies identiques du même moule et ont dû être érigées en remplacement des œuvres originales disparues, ceci aux environs de 1959, par les services de la Ville de Genève, voir le dossier du bâtiment du Conservatoire classé, sous la date du 29 janvier 1982, DCTI Ms 209

56 Ces statues que nous appelons putti sont dénommées génies par Maunoir dans son Livre, non paginé, non daté

57 Nous avons respecté l’orthographe des noms telle qu’elle se présente dans le Livre de Maunoir. Par ailleurs, Maunoir cite Desachy comme « mouleur selon les procédés Collas et Sauveur », voir son Livre, non paginé, non daté

58 Lors de nos recherches nous avons remarqué qu’aujourd’hui plusieurs moulages identiques à ceux du Conservatoire demeurent à la villa Bartholoni : ainsi ont été placées dans les niches de la partie latérale droite de la belle façade une Euterpe ainsi qu’une Julie [fig. 47]. Par ailleurs, un cliché noir-blanc figurant les appartements présente une Diane de Gabie sur un socle devant un grand miroir cintré [fig. 48]

59 Déesse grecque de la santé, de la propreté et de l’hygiène

60 Nous pensons que la Vénus Fale, qui ressemble à la Flore du Capitole, est une des statues ornant aujourd’hui la façade principale du Conservatoire. À l’origine toutefois, Maunoir la situe dans la partie rentrante de la façade est. En agrandissant une photographie ancienne il est possible de reconnaître cette figure aux bras tendus et tenant dans la main gauche un élément végétal

61 Cette statue d’accompagnement est présente également sur une des façades de la villa Bartholoni à Sécheron

62 Il semblerait que cette statue tenant un thyrse et une grappe de raisin représente Ariane, amante de Dionysos, avec les attributs de ce dernier

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latérales63, ont été remplacées par une copie de modèles existants.64 Et les niches accueillent aujourd’hui des statues qui à l’origine ne leur étaient pas destinées. On peut toutefois se demander si Lesueur avait envisagé un agencement particulier pour cette statuaire d’accompagnement, puisqu’une incohérence demeure entre les indications que donne Maunoir dans son Livre et les photographies de l’édifice prises au terme des travaux : l’Ariane qu’il situe dans le ressaut vertical nord-est est substituée sur un cliché par ce qui semble être un Appollino. Or ce modèle n’est cité qu’une seule fois dans le Livre des comptes et situé primitivement sur la façade principale, les photographies anciennes confirmant cet emplacement. Aussi serions-nous enclins à imaginer que l’Apollino fut réalisé deux fois.65 Le Livre de Maunoir précise également que l’Huillier recouvrit par une peinture marbrée les statues en plâtre de Desachy et que le décorateur Dériaz appliqua un enduit au silicate sur celles de Garnaud.66 Par ailleurs, jusqu’en 1896, leur socle n’était pas scellé redoublant alors le risque de chute.67 Quant aux moules, tout comme les plans de Lesueur, nous n’en conservons pas de trace à Genève. Selon le procès verbal de la Fondation du 17 avril 1944, ceux-ci se trouveraient à l’étranger. Il est possible qu’il s’agisse là de Paris, les sculpteurs Garnaud et Dessachy étant parisiens et ayant conçu leurs moules dans la capitale française, ainsi que le confirme le Livre des comptes de Maunoir qui retranscrit les frais de transport et de douane. Aucune source récente n’est cependant venue confirmer ces indications ni leur existence.

Enfin, la façade arrière [fig. 29, 83 et 84] de l’édifice accueillait une composition exécutée par Dorcière représentant des divinités fluviales. L’artiste sculpta le Rhône représenté sous les traits d’un homme barbu à la puissante musculature, couché, sa main gauche lui servant d’appui et tenant dans sa main droite un trident. Celui-ci regarde l’Arve, une femme à la poitrine dénudée et aux cheveux relevés. L’amphore sur laquelle elle s’accoude déverse son eau et, comme un drap, recouvre délicatement ses jambes. En dessous, figure une simple

63 Selon nos recherches le Faune dansant et le faune tymbalier peuvent être une seule et même figure. Les photographies anciennes lacunaires ne parviennent pas à le confirmer

64 L’Apollon et les quatre putti disposés de part et d’autre de l’acrotère de la façade principale disparurent pendant un certain temps. Voir les illustrations de 1938 [fig. 85]. Par ailleurs, il est toutefois possible d’admirer une reproduction de la Diane de Gabie dans le hall du numéro 5 de la Promenade du Pin, bâtiment qui abrite la bibliothèque d’art et d’archéologie et le Cabinet des estampes, à Genève

65 L’agrandissement de la photographie nous a permis de constater que cette statue en contrapposto, un bras relevé et plié, ressemblait fortement à l’Appollino de la façade principale illustré dans une photographie plus tardive

66 Livre de Maunoir, non paginé, non daté

67 Dans le procès verbal du 22 octobre 1896, après que des statuettes sont tombées lors d’un orage, le Comité a découvert que celles-ci étaient en réalité privées de tout scellement. Le Président ordonna ainsi qu’on les fixe après réorganisation de l’ensemble

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inscription qui rappelle la fonction de l’édifice.68 Assis sur le faîte, les cheveux longs et une lyre à la main, un Apollon taillé dans du grès dominait à l’origine la composition.69

1.3.2.5. LE DÉCOR INTÉRIEUR : PEINTURE ET MOULURE

En ce qui concerne l’ornementation intérieure, le bâtiment n’a conservé que quelques éléments d’origine : le plafond de la grande salle [fig. 21 à 25 et 66 à 68] est demeuré intact et les « faux-marbres » décorant jadis les vestibules et la cage de l’escalier principal [fig. 86 à 93] ont été retrouvés.70 Les sources nous ont permis de restituer en partie ces décors et d’identifier leurs auteurs. Dans son Journal de 1858, Dériaz relate de façon régulière ses travaux de décoration exécutés dans son atelier et in situ. Le décorateur cite en outre ses collaborateurs employés à certaines tâches, tels que Brechtel71 occupé à « la réalisation des moulures à la hauteur du pont supérieur », à « entreprendre les fausses moulures des cadres des premières loges du Conservatoire » et « à battre les fils à plombs des pilastres des corridors supérieurs » ; Jurgensen qui « encolle les petites soffites du vestibule du premier » ou encore Mûnier à qui revient la tâche de « broyer de la terre verte pour les passages et escaliers ». Dériaz, lui, se consacre à l’« ébauche des griffons » ainsi qu’à « la frise des Paons » de la grande salle, à la réalisation du « dessin des loges », à la production des

« échantillons de filets dans les corridors du Conservatoire » ou encore à « piquer un dessin de frise ».72 Dans son Livre, Maunoir a relevé toutes les parties de l’édifice sur lesquels Dériaz est intervenu et fournit de menus détails sur les teintes employées : pour les décors de la grande salle, le décorateur usa du bleu et du rouge ; pour les décors des vestibules d’entrée et du premier étage, il peignit les corniches au plafond et les soffites en jaune ; il réalisa par ailleurs de larges filets verts et jaunes sur les murs des couloirs et des dépendances ; enfin, il exécuta une frise et des filets bleus aux plafonds des grandes pièces (sous-entendu les

68 Il est inscrit « Conservatoire de musique ». Contrairement à l’inscription qui figure sur l’acrotère de la belle façade, celle-ci n’a pas été peinte en doré. Enfin, cette inscription a été réalisée par le sculpteur Bertauld, voir le Livre de Maunoir, non paginé

69 Exécutée également par Dorcière, cette sculpture disparut mystérieusement. Il n’existe pas en effet, à notre connaissance, d’information sur sa disparition. Probablement celle-ci fut-elle enlevée à cause de son mauvais état, sans qu’une nouvelle ne vienne la remplacer jusqu’à la restauration de 1987-1989 (voir le chapitre concernant cette intervention). Par ailleurs, d’après les sources que nous possédons, l’ancienne sculpture ne semble pas avoir été conservée.

70 Se référer au rapport de l’Atelier Saint-Dismas sur les « faux-marbres », bibliographie en annexe du travail

71 Charles-Frédéric-Martin Brechtel (1823-1871) était le principal collaborateur de Dériaz. Voir le Journal (1858) de ce dernier ainsi que Marquis, 1983, 123

72 Journal de 1858, 9 et 10 mars, 1er et 14 avril, 24 août, 1er, 2, 21 et 24 septembre, 15 et 19 octobre, 10 et 16 décembre

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classes). 73 Par ailleurs, grâce au Livre des comptes, nous apprenons l’identité de l’exécuteur des « faux-marbres » ainsi que leur teinte et leur emplacement. En ce qui concerne la grande salle, Rigollot recouvrit le fût des dix colonnettes situées devant les doubles fenêtres d’un

« faux-marbre » vert campan [fig. 94 et 95].74 Pour ce qui est des espaces de passage, il est rapporté que pour le vestibule du rez-de-chaussée le même Rigollot exécuta « 6 panneaux du haut en marbre blanc, 9 panneaux du haut en marbre blanc, 2 panneaux concierge marbre campan, 10 panneaux stylobate marbre brèche, 4 panneaux dessus de portes inscriptions » ; pour la cage d’escalier : « 7 panneaux du haut marbre blanc, tour du stylobate, 1 panneau de rampe vert campan, 1 panneau en suivant vert campan [cité six fois]75, 1 panneau sous colonnes du palier, 1 panneau du noyau vert campan [cité trois fois]76 » ; et pour le vestibule du premier étage : « 6 panneaux du haut marbre blanc, 9 panneaux en suivant marbre blanc, 2 panneaux Direction marbre campan, 10 panneaux stylobate marbre campan, 3 panneaux dessus de portes inscriptions ». À ces indications, Maunoir rapporta les mesures de chacun des panneaux ainsi que leur coût.77

Enfin, le décor pictural comprenait la peinture faux-bois de certaines parties de l’édifice exécutée par l’Huillier et Rigollot ainsi que par l’artisan Chuit. Les deux premiers intervinrent par l’application d’une peinture imitation chêne dans la grande salle de concert, à la bibliothèque, aux vestiaires et dans les vestibules et couloirs. Quant au troisième, il exécuta une peinture façon chêne pour des locaux du rez-de-chaussée, à savoir les corridors, les chambres n°1, 2, 3 et 4, le foyer (salle n°7), ainsi que pour certains espaces du premier étage, soit les corridors, la chambre n°9, la bibliothèque (salle n°11) et la salle des Quatuors (n°8). Il réalisa de même la peinture imitation érable à la direction (salle n°6) et son salon ainsi que sur les portes des galeries des corridors est et ouest.78

1.3.3. L’ORGANISATION ARCHITECTURALE INTÉRIEURE

Deux documents datés d’octobre 1857 [fig. 96] et du 4 janvier 1858 font office de programme79 : le premier, intitulé Conservatoire de musique : nouveau bâtiment. Indication

73 Livre de Maunoir, non paginé, non daté

74 Sur la base de nos source nous ne sommes pas en mesure d’affirmer si ces colonnes furent l’objet d’une quelconque intervention

75 Nous ajoutons

76 Idem

77 Livre de Maunoir, non paginé, non daté

78 Chapitres sur l’Huillier et Rigollot, ainsi que sur Chuit, Livre de Maunoir, non paginé, non daté

79 El-Wakil, 1984, 112 ; voir aussi les archives du Conservatoire, Hb 16 et 38

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des salles et emplacements nécessaires pour le service de l’établissement, dresse la liste des salles.80Une pièce complète cette source, qui mentionne le mobilier pour chacun des locaux.

Quant au second fascicule, il présente l’agencement intérieur du monument du rez-de- chaussée au premier étage.81 Par ailleurs, le 29 mars 1900, Adrien Peyrot (1856-1918) dressa un bilan de l’état des lieux et des travaux de réparation de l’ensemble du bâtiment à envisager sur plusieurs années.82 Ce rapport est particulièrement intéressant en ce qui concerne l’intérieur de l’édifice, puisqu’à défaut de photographies, il nous permet de reconstituer en partie l’aspect du bâtiment de la fin du XIXe siècle. Enfin, le plan de 1910 [fig. 78] que l’architecte exécuta pour la création des deux ailes latérales est le dessin le plus ancien de l’ensemble du rez-de-chaussée qui nous est parvenu. Il nous donne une idée de l’agencement primitif des salles, car aucune modification typologique du rez n’est mentionnée avant 1910.83 En étudiant conjointement ce dessin aux programmes d’octobre 1857 et janvier 1858 ainsi qu’au Livre de Maunoir, il est dès lors possible de reconstituer en partie l’organisation architecturale intérieure.

Le Genevois d’antan grimpait les marches du perron abrité par une marquise et accédait au vestibule d’entrée en pénétrant par le tambour84 [fig. 97 à 100]. Ce dernier, nous disent les sources, comprenait une double porte extérieure dont une en tapisserie qui prévenait l’engouffrement de l’air froid dans le bâtiment.85 Des banquettes étaient disposées dans le vestibule d’entrée orné de « faux-marbres » ; sise dans la niche en face de l’entrée, une Joueuse de Lyre accueillait les musiciens ; des crochets et des chevilles étaient fixées au mur et des porte-parapluies placés près de la loge du concierge pour se défaire des affaires personnelles ; un cadre accroché sur une des cimaises affichait les avis et règlements ; une horloge au cartel indiquait l’heure et un plan de situation donnait l’emplacement des salles.

80 Y figurent ainsi : « Une salle de réunion du Comité, le bureau de direction et une chambre contiguë, le logement du concierge, le vestibule d’entrée, cinq salles de moyenne grandeur pour les leçons de musique et de solfège, une salle un peu plus grande pour les examens, concours, une grande salle pouvant contenir 100 personnes artistes, une grande salle de concert, un foyer pour les musiciens de l’orchestre (en communication avec l’orchestre), un foyer particulier pour les dames artistes, une bibliothèque pour la musique et les instruments du Conservatoire, un vestiaire, des resserres diverses et des lieux d’aisance séparés et cabinets semblables au premier étage », archives du Conservatoire de musique, Hb 16

81 Archives du Conservatoire de musique, Hb 38

82 Rapport sur un projet de réparation du bâtiment daté du 29 mars 1900. Archives du Conservatoire de musique, Hb 163

83 Le 24 décembre 1862, le Comité de la fondation décida de boucher l’accès entre la salle 5 et 7 et d’en faire une armoire. Toutefois, cette intervention n’eut qu’un léger impacte sur l’architecture intérieure du Conservatoire et n’en modifia pas la disposition primitive des salles, procès verbal, archives du Conservatoire de musique

84 Le tambour a fait l’objet d’une restauration en 1887, procès verbal du 27 janvier 1887, archives du Conservatoire de musique

85 « Indication des salles et emplacement nécessaire pour le service de l’établissement », octobre 1857, archives du Conservatoire de musique, Hb 16

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