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3.3 Modes propres de la cavité complexe

3.3.2 Transmission extraordinaire de la lumière

Dans le domaine de l’optique, l’intérêt pour les réseaux métalliques à été récemment ressuscité par la découverte du phénomène de la transmission extraordinaire de la lumière (en polarisation TM), faite par T.W. Ebbesen en 1998 [96]. Dans cet article on décrit des expériences avec un réseau rectangulaire de trous cylindriques perforés dans une mince couche métallique en Argent (épaisseur ≈ 200 nm), posée sur un substrat de quartz (figure

3.5(a)). Le diamètre des trous était de 150 nm, très faible par rapport aux longueurs d’onde utilisées pour sonder la transmission à travers le réseau (200 nm 6 λ 6 1200 nm). La transmission mesurée (figure 3.5(b)) était supérieure de plusieurs ordres de grandeur à la valeur prédite par la théorie classique de Bethe, développée en 1944 [97].

Pour expliquer ce phénomène, on a d’abord évoqué l’excitation de plasmons de surface [95], [98], point contesté car les fréquences des plasmons correspondaient plutôt aux mi-nima de la transmission [99]. Un modèle théorique plus avancé à été proposé par Moreno et al. en 2001 [100]. Dans ce modèle, on considère deux modes guidés contra-propageants dans les trous. Les modes sont évanescents car les trous sont sub-longueur d’onde, leur interférence engendre un flux de Poynting à travers les trous par le mécanisme décrit dans le paragraphe 1.4.2.

Plus récemment, un modèle qui met en jeu la partie évanescente du champ, obtenu par diffraction de l’onde plane incidente sur le trou semble bien rendre compte des observations dans les réseaux métalliques et diélectriques, ces derniers ne soutenant pas de plasmons de surface [101]. L’analyse du champ diffracté par le trou est analogue à l’analyse du rayonnement dipolaire par la décomposition en ondes planes.

Les phénomènes dans les réseaux 2D ont sollicité l’étude des réseaux métalliques de fentes rectangulaires, considérés comme systèmes modèles plus simples. Cependant, il s’avère que la présence des modes guidés propagatifs dans les fentes rend leur étude légè-rement plus complexe. La première étude dans le contexte des résultats d’Ebbesen à été publiée par Porto et al. en 1999 [89] : il s’agit du modèle simple déjà mentionné. Dans cette article on observe aussi une transmission extraordinaire, qu’on explique par l’excitation des modes photoniques propres supportés par le réseau. Une étude plus approfondie de ces modes, en termes de propriétés de dispersion, à été donnée par Collin et al. [102], [84]. Dans ces travaux, on distingue deux types de modes, qu’on appelle "modes horizontaux" et "modes verticaux".

Pour illustrer le phénomène de transmission extraordinaire, considérons un réseau de fentes entouré entièrement de l’air. Les paramètres du réseau sont ceux de la référence [89] : période d = 3.5 µm, ouverture a = 0.5 µm et une épaisseur h variable. La transmission d’ordre 0, en incidence normale (α = 0, β = 0), pour la polarisation TM, est tracée à la figure 3.6, en fonction de la longueur d’onde, en utilisant les résultats de calcul de la partie précédente. Trois valeurs de l’épaisseur sont utilisées : h = 1.2 µm, 3.0 µm et 5.0 µm. Les longueurs d’onde utilisées sont dans le proche infrarouge.

Le résultat est obtenu avec seulement le mode TMm=0 guidé dans les fentes. Nous avons vérifié numériquement que l’inclusion des modes supplémentaires ne change pas les courbes obtenues. Nos résultats sont identiques avec ceux de Porto et al. [89].

Sur la graphique on observe des maxima pour lesquels la transmission est très proche de l’unité, ce qui est justement le phénomène de "transmission extraordinaire".

Lorsqu’on varie l’épaisseur h, le premier maximum, très fin, situé autour de λ = 3.8 µm, ne change quasiment pas de position. En outre, la longueur d’onde du maximum est quasiment égale à la période de réseau (rappelons que d = 3.5 µm) :

λmax ≈ d (3.85)

Fig. 3.6 – Spectres de transmission dans le proche infrarouge pour une réseau de fentes rectangulaires de période d = 3.5 µm, ouverture a = 0.5 µm, et d’épaisseur h variable. Les courbes, obtenues avec notre modèle, sont identiques aux résultats de Porto et al. [89].

le réseau. Il est associé à l’excitation d’un "mode horizontal" du réseau, car des études de la distribution de l’énergie électromagnétique montrent que le champ est localisé au voisinage des surfaces horizontales du réseau pour cette longueur d’onde [94], [84] . La présence de ce mode est parfois associé à l’excitation du plasmon de surface du métal ; cependant la même résonance existe aussi dans le cas du métal parfait, qui ne supporte pas des plasmons de surface.

Lorsqu’on augmente l’épaisseur du réseau, des résonances supplémentaires apparaissent. On peut vérifier aisément que les longueurs d’onde de ces résonances λmax satisfont à la condition :

d < λmax2h

n , n = 1, 2, ... (3.86)

L’étude des cartes de champ électromagnétique montrent que le champ est concentré à l’intérieur des fentes pour ces longueur d’onde. La condition (3.86) n’est rien d’autre que la condition d’excitation des résonances Fabry-Perot à l’intérieur des fentes, associé au mode TMm=0 qui est toujours propagatif17.

On peut comprendre, de manière très qualitative, l’existence de deux types de modes grâce à la structure de la matrice du système (3.59). Nous avons vu que les modes photo-niques du système sont donnés par les singularités de la matrice, décrites par l’équation (3.84). Une première source de singularités est la matrice des sommes infinies MS. Consi-dérons, pour simplifier, le cas du métal parfait η = 0, et remarquons que notre modèle fournit une solution exacte des équation de Maxwell dans ce cas là.

17Pour avoir une expression plus stricte de type (3.86), il faut, bien évidement, inclure aussi les réflec-tivités efficaces du mode TMm=0sur les ouvertures des fentes

Alors les quantités (3.70) intervenants dans la somme Sa(mee 0m) (équation (3.62)) de-viennent : 1 + ρen M a η =a γan, 1 − ρhn M a η = 2γan (3.87)

La somme va clairement diverger sur l’anomalie de Wood γan = 0. Remarquons que seulement la partie du champ TM est divergente, alors que la partie TE reste finie, ce qui explique pourquoi ce type d’anomalies ne sont observées qu’en polarisation TM. On peut alors associer les modes "horizontaux" aux singularités du champ qui apparaissent lorsqu’un ordre radiatif devient évanescent en polarisation TM.

Toujours dans le cas du métal parfait, les quantités ν

m (données par les équations (3.55)) sont égales. Alors une condition suffisante pour que les matrices M1 et M2 soient singulières est :

gm2 = e2iµmh = 1 (3.88)

qui n’est rien d’autre que la condition d’existence d’une résonance Fabry-Perot pour le mode guidé d’indice m dans les fentes. Le mode TMm=0 étant toujours propagatif, il existe toujours une épaisseur de réseau h pour que cette condition soit remplie en polarisation TM. On vient de décrire les "modes verticaux", qui sont aussi un autre type d’anomalies de Wood.

En conclusion, les résonances de transmission dans les réseaux de fentes métalliques sont bien expliquées dans le cadre des résonances photoniques, propres à la géométrie particulière du système.