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1.4 Compatibilité entre les points de vue classique et quantique

1.4.1 Cas d’une cavité métallique planaire

Le premier exemple qu’on va considérer est une cavité métallique planaire constituée de deux miroirs métalliques en or, supposés d’épaisseur infinie, qui enferment une couche d’indice de refraction n1 = 3.6 (valeur pour GaAs) et d’épaisseur L = 10 µm. Cette cavité est représentée à la figure 1.3a. On va confronter les approches classique et quantique pour le calcul de la modification de l’émission spontanée d’un dipôle vertical (perpendiculaire aux miroirs de la cavité) placé à l’intérieur de la cavité.

La position du dipôle dans la cavité est repérée par la distance L1 du miroir supérieur. Étant vertical, le dipôle n’est couplé qu’au modes de polarisation TM supportés par la cavité. Rappelons que contrairement aux modes TE, les modes TM ont une composante du champ électrique perpendiculaire aux miroirs [48]. Leur relation de dispersion est tracée à la figure 1.3b. Dans le chapitre 2 nous expliquons comment on peut l’obtenir numériquement. Avec une épaisseur de L = 10µm, les fréquences des modes tombent dans le domaine infrarouge moyen et lointain, où la réflectivité des métaux est proche de l’unité (comme dans le cas du métal parfait). Les relations de dispersion sont assez bien

(a) (b)

Fig. 1.3 – (a) Cavité plane simple entre deux miroirs métalliques en or, enfermant une couche diélectrique d’épaisseur L = 10 µm et d’indice n1 = 3.6. Un dipôle vertical est placé dans la cavité. (b) Fréquence des 5 premiers modes TM en fonction du vecteur d’onde parallel kP.

décrites par la formule :

ωm(kp) = c n1 r π2m2 L2 + k2 p (1.70)

Ici m est l’entier qui compte le nombre des nœuds du champ électrique du mode. On peut noter que le mode fondamental TM0 n’a pas de coupure dans la domaine des basses fréquences ω → 0.

Nous n’allons pas expliciter ici le calcul du taux d’émission spontanée dans les deux approches, qui sera détaillé dans le chapitre 2 dans un cadre plus général. On se contentera de fournir directement les résultats.

Ainsi, dans l’approche classique basée sur la théorie de Prock, Silbey et Chance (formule (1.64)) et la décomposition du rayonnement du dipôle en ondes planes on obtient :

Γ Γ0cl = 1 + 3 4πn1k0Re Z Z R2(eiγ1L1 + eiγ1(L−L1))2 1 − R2e2iγ1L 1 − γ2 1 γ1 d 2 kP (1.71)

Ici R est la réfléctivité TM à l’interface or-diélectrique. L’intégrale est la composante z du champ rétro-réfléchi sur le site du dipôle, obtenue par resommation des ondes planes qui sont issues du dipôle après leur réflexion sur les miroirs métalliques.

Pour le calcul quantique, on commence par le calcul de la distribution du champ électrique pour chaque mode et on calcule la densité d’états du mode à partir des relation de dispersion (1.70) (les détails seront donnés dans le chapitre 2). L’énergie électromagné-tique du mode est normalisée à une fluctuation du vide4 :

Z cavite0ε1 2 |E|2+ 10|H|2odV = 2 (1.72)

(a)

(b)

Fig. 1.4 – (a) Différents taux d’émission spontanée en fonction de la position du dipôle à l’intérieur de la cavité (paramètre L1), pour une fréquence ω/2π = 20 T Hz. (b) Différents taux d’émission spontanée en fonction de la fréquence, la source étant placée au centre de la cavité.

On obtient ensuite le rapport Γ/Γ0 pour chaque mode de la cavité à partir de la règle d’or de Fermi : Γ Γ0 = 6πε0ε1 pk3 0 |Ez(z = L1)|2ρ(~ω) (1.73)

Avec Ez(z = L1) la composante selon z du champ électrique normalisé du mode, prise sur le site du dipôle.

A la figure 1.4a on a représenté les variations des différents taux en fonction de la position du dipôle par rapport aux miroirs pour une fréquence ω/2π = 20 THz (longueur d’onde λ = 15 µm). Les cinq premiers modes sont alors présents dans la cavité. La ligne épaisse en rose est la somme de l’émission sur tous les modes. La ligne en noir est le calcul classique à partir de l’expression (1.71).

Conformément à l’expression (1.73) le taux d’émission dans chaque mode de la cavité suit la morphologie du champ électrique du mode. Ainsi, au centre de la cavité, l’émission vers les modes impairs est totalement inhibée à cause de la présence d’un nœud du champ à cet endroit.

La somme sur les taux d’émission dans les modes guidés dans la cavité est presque partout équivalente avec la courbe obtenue par le champ rétro-réfléchi. Cependant, le calcul classique diverge au voisinage immédiat des miroir. Nous allons voir plus loin que cette divergence est due à l’absorption dans les miroirs. On peut conclure donc sur cet exemple que les calculs classique et quantique de la modification de l’émission spontanée sont équivalents lorsque l’absorption des miroirs est négligeable.

Cette conclusion est confirmée par la figure 1.4b. Ici le dipôle est placé au centre de la cavité et on varie la fréquence de l’émission. A cet emplacement seulement les modes pairs contribuent à l’émission spontanée. Chaque fois qu’un nouveau mode apparaît, on observe un saut dans la courbe du calcul classique.

Ces figures illustrent aussi la différence qui existe entre les deux démarches. Le calcul classique fournit immédiatement une solution globale du problème (ici on obtient d’em-blée la somme sur tous les modes), intégrant toutes les voies possibles de désexcitation de la source. Au contraire, pour mettre en ouvre le calcul quantique, il faut avoir une information détaillée sur le système (distribution du champ électrique dans chaque mode, propriétés de dispersion, etc.).

Revenons sur la figure 1.4b. D’une part, le calcul classique tend vers la valeur asymp-totique unité pour les grandes fréquences (longueurs d’ondes faibles, ou encore une cavité très large par rapport à la longueur d’onde). Cependant, une importante observation est que bien que le taux d’émission dans les modes supérieurs reste fini pour tous les longueurs d’onde, l’émission spontanée dans le fondamental TM0 diverge pour les faibles fréquences (grandes longueurs d’onde).

Comment expliquer cette divergence ? A l’aide de la relation de dispersion (1.70) on peut facilement montrer que la densité d’états de tous les modes reste finie, et même tend vers zéro pour les grandes longueurs d’onde. L’explication ne peut venir alors que du champ électrique normalisé dans le mode. En effet, on voit à la figure 1.4a que la distribution du champ du mode TM0 est quasiment homogène. Alors le champ du mode normalisé, qui intervient dans là règle d’or de Fermi, peut être estimé à partir de (1.72)

à :

Ez21

L (1.74)

C’est donc le confinement de plus en plus accru du mode TM0 dans les cavités sub-longueur d’onde qui est responsable de la divergence. En plus, grâce à la formule (1.74), on peut affirmer que le taux d’émission spontanée croît comme l’inverse de l’épaisseur L de la cavité planaire.

Cette dernière conclusion est importante car c’est précisément cet effet qu’on cherchera à mettre en évidence tant théoriquement qu’expérimentalement dans les dispositifs THz étudiés dans ce travail de thèse.

Il reste à élucider la différence entre les calcul classique et quantique pour des faibles distances dipôle miroir ("faible" se référant ici à la longueur d’onde de l’émission). Une explication fait l’objet du paragraphe 1.4.2.