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Les cités de transit : une contradiction des pouvoirs publics (1956-1962) Dès 1954, les Cahiers nord-africains avaient imaginé le concept des cités de transit :

algérienne en métropole (1945-1963)

Carte 2-2: Répartition des Algériens par îlot parisien au RGP 1954 22

III. Les cités de transit : une contradiction des pouvoirs publics (1956-1962) Dès 1954, les Cahiers nord-africains avaient imaginé le concept des cités de transit :

« Peut-être [...] faudrait-il faire appel à certains stages dans des cités de transition en bâtiments légers, dans lesquels ces familles –avec d’autres qui ne seraient pas toutes nécessairement, répétons-le, nord-africaines – feraient l’apprentissage du logement à l’occidentale grâce au concours de Métropolitains et de services sociaux ou éducatifs spécialisés »187.

L’article en question entrevoyait d’ailleurs déjà ses limites: « Cette technique des cités de transition est très controversée en raison du danger "d’incrustation" des bénéficiaires. Nous ne pouvons ici que signaler la discussion sans y entrer »188. Pourtant, entre 1954 et 1962, de nombreuses cités de transit vont être construites en métropole.

Le cas des cités de transit souligne ainsi de façon spectaculaire les contradictions de la politique du logement des familles algériennes. Alors que l’ensemble des discours des administrateurs chargés de la gestion des familles algériennes insistent depuis le début des années 1950 sur la nécessité de les « disperser » et d’empêcher tout « regroupement », les premières cités de transit rassemblent au sein de petits lotissements les familles issues des bidonvilles algériens jugées insuffisamment adaptées à l’habitat moderne pour accéder aux logements sociaux.

L’idée d’action socio-éducative, le caractère temporaire du séjour et les normes réduites du bâti donnent à la formule des cités de transit une cohérence toute relative dont nous décrirons ici la genèse. La cité de transit est à la fois le résultat d’un héritage multiforme (1) et d’expérimentations menées par les associations spécialisées dans les « affaires nord-africaines » dans les années 1950 (2). Les réalisations se sont multipliées à partir des années 1960, sans toujours correspondre aux projets initiaux (3)189.

187

Cahiers nord-africains, « Le logement des nord-africains », n°35-36, décembre 1953- janvier 1954, p. 47. 188 Ibid.

189 Muriel COHEN et Cédric DAVID, « Les cités de transit : le traitement urbain de la pauvreté à l’heure de la décolonisation », Métropolitiques, 29 Février 2012, url : www.metropolitiques.eu/Les-cites-de-transit-le-traitement.html

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1- Héritages : une double genèse sociale et coloniale

L’origine des cités de transit métropolitaines peut être recherchée dans plusieurs directions : le logement à vocation éducative à destination des classes populaires, le logement social à norme réduite, et enfin les expériences urbaines coloniales190. Nous reviendrons rapidement sur les deux premiers cas, déjà étudiés, avec quelques nouveaux exemples, mais c’est surtout sur le cas des cités de recasement coloniales que nous insisterons.

a- Le logement social à norme réduite

Dans le contexte de crise du logement qui suit la Libération, on assiste à l’apparition de nouvelles formules de logement dont la durée et le coût de construction sont réduits. Des logements provisoires, parfois des baraquements sont construits en matériaux légers pour des populations sans logement, afin de parer au plus pressé191. Dans les années 1950, on assiste au développement de formes d’infra-habitat dans le parc social. Des cités d’urgence sont rapidement construites en 1954 pour reloger des familles vivant en taudis, à la suite de l’appel de l’abbé Pierre. Les logements économiques de première nécessité (LEPN) sont construits à partir de 1954 en quantité beaucoup plus importantes (12 000 unités). Conçus comme des habitats transitoires avant l’accès aux HLM, ils sont cependant solides car ils doivent accueillir plusieurs générations de locataires, souvent de jeunes couples avec enfants192. Les logements populaires et familiaux (LoPoFa), créés en 1955, constituent une amélioration des logements économiques normalisés (LEN). Le besoin de logements de transition ne s’arrête pas avec la reconstruction. Au contraire, il augmente avec le développement de la rénovation urbaine à partir de 1958. En 1960, un arrêté met en place les immeubles sociaux de transition (IST) « réservés en priorité aux familles et aux personnes expulsées par décision judiciaire ou occupant des immeubles à démolir en vue de la réalisation d’opérations de rénovation urbaine »193. Les programmes sociaux de relogements (PSR), destinés aux ménages à faible ressource issus d’îlots rénovés, sont inaugurés en 1961 et 5 500 sont construits par an, à la périphérie des villes. Face à la crise du logement, de nombreuses formules de logements sociaux à normes réduites ont donc été mises en place pour reloger les mal-logés qui n’ont pas

190 Marie-Claude BLANC-CHALEARD, « Des bidonvilles à la ville », op. cit., pp. 106‑117. 191 Ibid., p. 112.

192 Gwenaëlle LE GOULLON, Les grands ensembles en France : genèse d’une politique publique (1945-1962),

Thèse de doctorat d’histoire, sous la direction d’Annie Fourcaut, Panthéon-Sorbonne, Paris, 2010, pp. 302‑305 ; Gwenaëlle LEGOULLON, La politique des cités d’urgence 1956-1958, mémoire de maîtrise d’histoire, sous la

direction d’Annie Fourcaut et Jean-Louis Robert, Panthéon-Sorbonne, Paris, 2000, 250 p.

193 « Conversion et aménagement de locaux existants en vue de la réalisation de logements d’habitation à loyer modéré de transition », ministère de la Construction, Arrêté du 9 février 1960.

135 les moyens d’accéder aux HLM. Ce type de logement devient dans les années 1960-1970 « partie intégrante de la politique du logement social » malgré les nombreuses critiques dont il fait l’objet194

.

b- Le logement à vocation éducative

Les cités de transit s’inscrivent également dans la continuité de l’habitat à vocation éducative. Le thème du « contrôle des populations logées et de leur éducation par le logement »195 n’est en effet pas spécifique aux familles algériennes. Voici un exemple de discours tenu au début du XXesiècle sur les manières d’habiter des familles ouvrières :

« On croit généralement qu’il suffit de donner à une famille des locaux propres, hygiéniques et gais, pour qu’aussitôt les habitudes de désordre disparaissent et que le but désiré soit atteint. Il n’en est malheureusement pas ainsi. A cette famille transplantée d’un milieu malsain dans un immeuble confortable, en contact même avec une majorité de locataires soigneux, une acclimatation longue et progressive est nécessaire »196.

En vertu de cette conception, certains considèrent alors que « la forme d’habitat homogène, monoclassiste, s’impose lorsqu’il s’agit de reloger des populations en provenance de quartiers hautement insalubres, de taudis, de la zone, et pour lesquelles un effort particulier doit être fait en matière d’éducation à une forme de logement décent, de même qu’à de nouvelles formes de sociabilité […] »197

. Après la Première Guerre mondiale se développe la pratique des visiteuses du foyer. Celles-ci font le partage des « relevables » et des « irrelevables » sur la base du rapport de la famille au logement. A côté d’autres critères, la décoration du logement sert ainsi d’indicateurs sur le « niveau moral de la famille ».198

Dans les années 1930 s’impose plus profondément encore l’idée que le logement social doit permettre une action éducative. Il ne s’agit pas seulement de fournir un logement salubre, d’organiser un contrôle social, et de fournir des équipements sanitaires, mais aussi de pénétrer dans la vie quotidienne des familles. C’est le rôle des assistantes sociales199

. Enfin, l’habitat de transition a été pensé à la fin des années 1940 par R. Auzelle comme un habitat temporaire pour familles déshéritées, dont le séjour permettrait une rééducation sociale200. Un article de la revue Construire évoque en 1959 le « transit de réadaptation sociale ». Il souligne les formes de l’action socio-éducative menée dans l’IST des Marguerites à Nanterre, où des

194 Marie-Claude BLANC-CHALEARD, « Des bidonvilles à la ville », op. cit., p. 112. 195 Jean-Paul FLAMAND, Loger le peuple, op. cit., p. 131.

196 Compte-rendu du groupe des maisons ouvrières de 1909, cité par Ibid., p. 134. 197

Ibid., p. 130.

198 René BALLAIN et Claude JACQUIER, Politique française en faveur des mal-logés (1945-1985), Paris, Ministère de l’Equipement, du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, 1987, p. 153. 199 Choukri HMED, « Loger les étrangers « isolés » en France », op. cit., p. 96.

200

136 travailleuses sociales font le point chaque semaine sur « l'état social » des familles201. Il donne encore l'exemple de la rue Pannoyeau à Paris, où le transit est utilisé pour sélectionner les familles, mais aussi pour leur apprendre l’usage des « douches et lavoirs »202

.

Finalement, la fragmentation de l’habitat social à laquelle on assiste dans les années 1950 impose l’idée de la nécessité d’une « propédeutique de l’habitat »203

, pour des familles qui ne seraient pas prêtes à résider dans le confort moderne. Progressivement, les mal-logés ne sont plus considérés comme des victimes de la crise du logement, mais comme des inadaptés. Cette idée est très présente dans la conception des cités de transit, en raison du public qu’elles visent : des familles issues du monde colonial, perçues comme nécessairement inadaptées et archaïques. Les cités de transit ont d’ailleurs également été en partie importées de la colonie algérienne, où le logement de la population « musulmane » est progressivement devenu un enjeu.

c- Une origine coloniale aux cités de transit : les cités de recasement

La circulation des modèles architecturaux entre métropole et colonie n’a rien de surprenant204. Maurice Lemaire, ministre du MRL, déclare ainsi en 1954 que les logements d’urgence qu’il propose sont inspirés « des logements très simples construits en Algérie pour la population indigène et dont le coût ne dépasse pas 500 000 F. »205. Les logements en question sont ce qu’on appelle alors généralement des « cités de recasement ». D’autres auteurs mentionnent des cités « indigènes », des cités « évolutives horizontales »206, ou encore des « appartements évolutifs »207. La continuité entre ces « cités de recasement » algériennes – des cités de ce genre ont également existé au Maroc et en Tunisie208 – et les « cités de

201

Jean-Paul Imhof, “le transit de réadaptation sociale”, Construire, novembre 1959.

202 Ibid. L’auteur fait également allusion à des « maisons de transit » créées en Allemagne après la guerre pour pallier aux destructions et à la désorganisation de la vie sociale et permettre la réadaptation de plusieurs milliers de familles.

203

René BALLAIN et Claude JACQUIER, Politique française en faveur des mal-logés (1945-1985), op. cit., p. 153. Les auteurs se réfèrent à l’article de Tricart sur les cités de transit et à Michel Pialoux, « Politique du logement et genèse de l’habitat dépotoir », Centre de sociologie européenne et centre de sociologie de l’éducation et de la culture, juillet 1977.

204 Frédéric DUFAUX et Annie FOURCAUT (dirs.), Le monde des grands ensembles, Paris, Creaphis, 2004, 251 p. 205 Le Monde du 24 janvier 1954, p. 1 du supplément économique. Cité par Gwenaëlle LE GOULLON, « Les grands ensembles en France », op. cit., p. 301.

206 Jean-Claude REVERDY, Recherche sur les attitudes du sous-prolétariat algérien à l’égard de la société

urbaine, Aix-en-Provence, CASHA, 1963, p. 2.

207 Jean PELLETIER, « Un aspect de l’habitat à Alger : les bidonvilles », Revue de Géographie de Lyon, 1955, XXX, no 3, p. 286.

208 Robert ESCALLIER, « Espace urbain et flux migratoire : le cas de la métropole économique marocaine, Casablanca », Méditerranée, 1980, vol. 38, no 1, p. 10.

137 transit » métropolitaines apparait très forte à deux niveaux : il s’agit de logements à norme réduite et destinés spécifiquement au relogement des habitants des bidonvilles.

Les logements à norme réduite destinés aux populations à faibles revenus que nous avons observés en métropole sont, dans le contexte colonial, réservés dans la plupart des cas aux populations « musulmanes ». Après avoir longtemps été laissées de côté par l’urbanisme colonial, un tournant se produit dans l’entre-deux-guerres, notamment en raison de l’exode rural qui amène un nombre croissant d’Algériens en ville. L’architecte urbaniste Henri Prost, déjà auteur d’un vaste plan d’aménagement au Maroc, se penche sur le plan d’Alger dans les années 1930. Sous l’influence du Maréchal Lyautey, qui l’avait engagé au Maroc, une de ses ambitions est alors de « créer et organiser des cités nouvelles destinées aux travailleurs indigènes où ceux-ci puissent trouver le milieu et le cadre d’existence correspondant à leurs mœurs et à leur religion »209. Si la prise en compte des besoins en matière d’habitat des populations coloniales marque une avancée, la mise en avant de besoins qui leurs seraient spécifiques conduit à développer des formes de logement inférieures à celles de la population européenne. C’est dans ce contexte que la « cité indigène » de Sainte Corinne est inaugurée en 1937 dans le quartier algérois d’El Harrach. Elle rassemble 210 logements, tous composés d’une salle commune de 12m², d’une chambre de 10m², d’une cour fermée de 20m² et de toilettes extérieures. L’existence d’une cour fermée et la construction en maçonnerie de moellons s’inscrivent dans une tentative de respect de l’architecture traditionnelle. Au total, ces logements disposent d’une surface de 42 m², ce qui n’est donc pas négligeable, mais reste très limité, surtout pour des familles qui se composent souvent de plusieurs enfants. Surtout, cette surface est très éloignée des normes métropolitaines : en 1922, la surface de base d’un HBM en métropole est de 54m² 210. Selon J. J. Deluz, architecte-urbaniste le plus prolixe sur le sujet, « ces logements inaugurent ce qui se généralisera plus tard dans les cités de "recasement" : logements minuscules avec points d’eau et WC extérieurs »211

.

Après la Seconde Guerre mondiale, qui s’est conclue en Algérie par les massacres de Sétif et Guelma, une attention plus forte est portée à la composante algérienne de la population. Malgré les débats qui ont lieu en 1952 lors du Congrès national d’habitation et d’urbanisme entre les partisans d’une ségrégation « raisonnée » des Européens et des Algériens prêts à construire des logements modernes pour les « musulmans évolués », et les

209 Jean-Jacques DELUZ (dir.), L’urbanisme et l’architecture d’Alger : aperçu critique, Alger, Office des

publications universitaires, 1988, p. 20.

210 René BALLAIN et Claude JACQUIER, Politique française en faveur des mal-logés (1945-1985), op. cit., p. 124. 211

138 partisans d’une modernisation accompagnée d’une assimilation de la population algérienne, c’est la première position qui l’emporte212

. Les Algériens sont confinés aux cités de recasement ou « évolutives ». Le respect de l’architecture traditionnelle prend rapidement fin : « Les premières "cités de recasement" d’après-guerre, comme les 200 logements du Climat de France réalisés en 1950 par M. Socard, inaugurent l’ère des baraques préfabriquées »213

. En outre, les cités de recasement sont désormais construites à l’écart du centre. C’est dans les hauts de Bab-el-Oued, dans la vallée du Frais Vallon, qu’est construit en 1957-1958, l’ensemble de « Djenan el Hassan ». L’architecte Roland Simounet s’appuie sur des projets de maisons de villégiature dessinés par le Corbusier pour construire sur des coteaux dont la pente va de 50 à 100%. La cellule de base est constituée d’une pièce unique de 12m² complétée par une loggia de 4m² sur laquelle se trouvent un WC et un point d’eau. Jean-Jacques Deluz décrit l’équipement des logements en question et leur devenir :

« La construction est en murs porteurs de parpaings surmontés d’une voûte en brique de 9 trous, la finition sur les murs est un badigeon de chaux, l’équipement électrique une lampe. Les jolis espaces graphiques, les proportions et les dimensions du Modulor, sont impuissants à cacher la misère et la surdensité de l’occupation. Les loggias seront colmatées, récupérées comme espaces supplémentaires de logement »214.

Malgré ces défauts, la cité Djenan-el-Hassan est restée la plus célèbre des cités de recasement, en raison de ses qualités architecturales215.

Par la suite, les cités de recasement vont combiner petite surface, inconfort et disgrâce. Dans le cadre du plan de Constantine (à partir de 1958), la résorption des bidonvilles s’accélère et la construction des cités de recasement également. La cité de Diar-es-Schem est construite par la municipalité d’Alger dans le quartier du Clos Salembier et une autre est construite à Mahieddine (90 logements), à proximité du plus grand bidonville d’Alger. Bien que ses logements disposent d’une surface de 35m², J.J. Deluz considère que « la cité de Diar es Chem, est, par son type d’implantation, par la nudité des espaces et la laideur des vis-à-vis, par le système d’organisation des coursives et l’aspect inhumain des casiers de béton, une "cité de recasement" par excellence »216. Ces différents éléments se retrouveront en partie dans les cités de transit métropolitaines.

212 Annie FOURCAUT, « Alger-Paris : crise du logement et choix des grands ensembles autour du XIIème Congrès National d’habitation et d’urbanisme d’Alger (mai 1952) », in EPAU (dir.), Alger, lumières sur la ville. Actes du

colloque de mai 2001, Alger, Dalimen, 2004, pp. 128‑133.

213 Jean-Jacques DELUZ, L’urbanisme et l’architecture d’Alger, op. cit., p. 78. 214 Ibid.

215 Cf. documents n° 6 en annexe. 216

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Figure 2-1: La cité Djenan el Hassan à Alger

source : Zeynep ÇELIK, « Bidonvilles, CIAM et grands ensembles », in Alger : paysage urbain et architectures,

1800-2000, Besançon, Les ditions de l’Imprimeur, 2003, pp. 186‑227.

Le deuxième élément de continuité des cités de transit avec les cités de recasement est leur vocation immédiate : résorber les bidonvilles. « Recasement » renvoie en effet à la notion de relogement. Le terme est fréquemment utilisé dans les sources de l’époque, sans que les auteurs ne jugent nécessaire de le définir, signe qu’il fait alors parti du vocabulaire courant. Le géographe André Prenant évoque ainsi en 1953 la cité Bel Air à Sétif destinée à « recaser les 876 habitants du Village nègre »217. Le lecteur a peut-être également noté l’emploi de ce terme par Michel Massenet, en 1959, à propos des bidonvilles métropolitains218. « Recaser » et « recasement » n’apparaissent pourtant ni dans les dictionnaires de l’époque, ni dans les dictionnaires actuels. La racine « case » pose question. Bien qu’en espagnol, italien ou portugais, casa renvoie simplement à la maison, au domicile, le mot est moins courant en français et beaucoup plus précis. Le dictionnaire étymologique d’Albert Dauzat paru en 1938 signale que le terme case vient du latin et désigne au départ une maison rurale, mais qu’à partir du XVIIIème siècle, il renvoie aux « cases de nègres »219. Caser peut aussi signifier compartimenter et viendrait de l’espagnol casa. Le Littré de 1950 définit également la case

217 André PRENANT, « Facteurs du peuplement d’une ville de l’Algérie intérieure : Sétif », Annales de

Géographie, 1953, vol. 62, no 334, p. 435.

218 Cf. supra p. 34. La seule autre occurrence de l’expression « cité de recasement » pour la métropole apparaît dans le compte-rendu d’une réunion préfectorale le 19 mai 1959 concernant la suppression des bidonvilles. Cf. APP, Ha 59, 4530-9. Réunions départementales d’action sociale (1961-1962).

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140 comme une « petite et chétive maison. Une case de nègre ». Il est dès lors tentant de considérer que « recasement » est un néologisme formé pour désigner les opérations de relogement des « villages nègres », autrement dit les quartiers arabes des villes coloniales.

La première mention que nous avons retrouvée de la pratique du recasement date de 1936. Il est question d’un « immeuble de recasement », pour reloger les habitants du quartier juif de la Hara à Tunis, dans un article de L’Afrique du Nord illustrée220

. L’habitat concerné par les opérations de recasement s’apparente à des taudis verticaux. Par la suite, les cités de recasement sont dans la plupart des cas associées à l’existence des bidonvilles : elles sont construites pour accueillir les habitants des bidonvilles qui grossissent à la périphérie des villes. Selon Jean de Maisonseul, ancien directeur de l’Institut d’urbanisme de l’université d’Alger, le but poursuivi par la régie foncière de la ville d’Alger lors de la construction de l’ensemble de Djenan el Hassan est « de récupérer à vil prix des terrains de bidonvilles bien situés et de les rentabiliser par de nouvelles constructions avec le recasement de l’ancienne population »221. La construction des cités de recasement a donc comme souvent dans ce genre d’opération pour objectif de libérer des terrains de valeur.

Il semble cependant que les opérateurs aient également poursuivi une ambition sociale. Les cités de recasement semblent avoir été conçues, au moins en partie, comme des logements provisoires avant l’accès à des formes de logement plus confortables. Selon Jean de Maisoneul, avec la construction de Djenan el Hassan, « il s’agissait de réaliser une cité de recasement ou, plus exactement, une cité de transit, qui devait permettre de reloger provisoirement des habitants de bidonvilles en attendant un logement plus évolué »222. Un