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algérienne en métropole (1945-1963)

II. Compter les familles : sources, méthodes, résultats

Finalement, c’est A. Zehraoui qui propose la chronologie des grandes phases de l’immigration familiale algérienne la plus complète et qui intègre le contexte politique et social, laissé de côté par A. Sayad. Il distingue ainsi une première période, entre 1927, année approximative de l’arrivée des premières familles, et 1953, avec des familles qui migrent en nombre limité, et une augmentation à partir de 1950. « Au cours de la deuxième phase, qui se situe de 1954 à 1962, pendant la guerre d'Algérie, on assiste à l’arrivée en masse des familles algériennes, en particulier dans la région parisienne »75. Cette période de « migration-refuge » voit des familles s’installer en France pour fuir la guerre. La dernière phase commence aux lendemains de l’indépendance, qui voit une amplification des départs76

. Cette approche macrosociologique ne permet cependant pas de se faire une idée précise des conditions de départ des familles – en dehors du contexte politique de la guerre – qui conditionne en grande partie leurs conditions d’installation.

Du point de vue de la temporalité, il est intéressant de constater que la date de 1947, qui marque le début du droit pour les familles de s’installer en France, n’est mise en valeur par aucun des auteurs étudiés. En revanche, 1952/1953 apparait de façon récurrente comme un tournant marquant les débuts de l’immigration familiale. Peut-on expliquer pourquoi, dès lors qu’il ne s’agit pas du début de la guerre ? Pour préciser la chronologie de l’arrivée des familles algériennes en France, il est nécessaire de se pencher sur l’évolution du nombre des arrivées.

II. Compter les familles : sources, méthodes, résultats.

La circulation des « Français musulmans d’Algérie » fait l’objet d’une surveillance intense dans l’entre-deux-guerres, par le Service d’assistance aux indigènes nord-africains notamment en raison de la menace nationaliste qui s’est développée en métropole. Bien que les Algériens soient, après la Seconde Guerre mondiale, des citoyens français(,) théoriquement libres de circuler entre la France et l’Algérie et de s’installer en France, ils font

75 Ibid., p. 42. 76

46 toujours l’objet d’une surveillance particulière. D’ailleurs la mise en place d’un fichier des Algériens fut un enjeu de premier ordre pour la police77. L’arrivée d’un nombre croissant de familles en métropole, suite à la libéralisation de l’immigration en 1947, a rapidement fait l’objet d’une surveillance également. Bien qu’il s’agisse d’un enjeu secondaire par rapport à l’immigration des hommes, ce phénomène devient un enjeu social, politique et même militaire à mesure que l’on approche de la fin des années 1950. Ainsi, en plus des recensements généraux de la population, on dispose d’un certain nombre d’enquêtes périodiques menées par divers services.

Les données récoltées ne sont pas fiables pour autant et les acteurs administratifs ont conscience de la difficulté de l’exercice. En 1960, Joseph Leriche, directeur des ESNA, insiste ainsi auprès du délégué à l’action sociale pour les FMA en métropole, sur la nécessité « d’éclaircir quelque peu l’obscurité qui plane sur cette question de la présence familiale nord-africaine en France »78. Les données qu’il a lui-même établies apparaissent peu fiables79

. Pour notre propos, il est fondamental de disposer de données fiables sur la présence familiale algérienne en métropole, afin de pouvoir mesurer par la suite l’ampleur de certains phénomènes.

On dispose de plusieurs types de recensements concernant la population algérienne en métropole dans les années 1950. Nous nous focaliserons dans un premier temps sur les conditions de production de ces recensements, qui témoignent tout à la fois d’une dimension policière de la gestion de la population algérienne et de méthodes problématiques (1). Leurs résultats seront examinés dans un second temps et nous chercherons à évaluer la fiabilité des données dont on dispose. (2). Bien qu’ils ne soient pas précis, ces recensements donnent une idée des rythmes de l’évolution de l’immigration familiale algérienne en métropole, à mettre en rapport avec la situation politique (3).

77 Emmanuel BLANCHARD, « Le fichage des émigrés d’Algérie (1925-1962) », in Fichés ? Photographie et

identification, 1850-1960, Paris, Perrin, 2011, pp. 235‑241. 78

CAC 19770391 art. 4. Études générales, Mouvements migratoires entre la France et l’Algérie 1959-1962, Note de J. Leriche à M. Massenet, le 5 octobre 1960, « Essai d’estimation approximative du nombre de familles nord-africaines en France et dans la région parisienne ».

79 Joseph Leriche propose, pour calculer la population familiale algérienne d’appliquer à la population des travailleurs algériens actifs un coefficient correspondant aux arrivées de femmes et enfants entre 1954 et 1959, soit 15.8% de femmes et 23.9% d’enfants, sans tenir compte du fait que l’essentiel du stock de la population algérienne est masculine et s’élevait déjà à plus de 150 000 individus au début des années 1950. Sachant que la population de travailleurs algériens actifs est de 189 700 individus fin 1959, Leriche arrive, au prix de cette méthode très contestable, au résultat de 314 500 algériens au total, dont 49 700 femmes et 75 100 enfants en 1960. Ibid.

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1- Les modalités de recensement des familles

Les recensements des étrangers sont généralement considérés comme peu fiables. Les recensements généraux de la population (RGP) auxquels procède l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) à des fins de comptabilité publique sous-estimeraient la population étrangère tandis que les recensements du ministère de l’Intérieur, qui s’appuient sur le décompte des cartes de séjour, la surestimeraient. Pour recenser la population algérienne, qui bénéficie d’un statut particulier puisqu’elle est française d’un point de vue juridique, l’administration déploie des méthodes spécifiques qui ne sont guère plus fiables.

a- Les familles algériennes dans les recensements de l’INSEE

Trois RGP ont lieu pendant la période qui nous intéresse : en 1946, 1954 et 1962 – des dates qui scandent parfaitement les étapes de la décolonisation algérienne. Aucune source ne peut les remplacer, dans la mesure où leur régularité permet de mesurer les évolutions et où il s’agit de la source la plus complète, permettant de travailler à plusieurs échelles. Pour autant, le décompte de la population « FMA » pose plusieurs problèmes, fréquemment évoqués. La critique des conditions de production et de l’usage des RGP en sciences sociales constitue un genre en soi : qu’il s’agisse de problèmes de catégorisation80

, de la façon de procéder au recensement, ou des cadres de pensée des prescripteurs du recensement, tout fait problème81.

Le premier enjeu est ici celui de la mobilité des recensés. Comme les étrangers, les « FMA » sont plus mobiles que le reste de la population française en raison de leur situation professionnelle souvent instable82. Andrée Michel détaille les difficultés liées à leurs conditions de logement :

« Les recensements concernant les Algériens en France ont toujours été entachés d’incertitude, par suite des difficultés de dénombrer toutes les unités de cette population, les principales provenant des conditions particulières de logement des Nord-africains en France. Signalons seulement qu’au cours du recensement effectué en mai 1954, une partie seulement des Algériens demeurant dans la Seine a été dénombrée, la plupart vivant en hôtel dans des conditions d’entassement inimaginables ; les hôteliers n’ont déclaré que les locataires

80

Alain DESROSIERES et Laurent THEVENOT, Les catégories socio-professionnelles, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2002, 121 p.

81Cf. l’introduction de l’ouvrage de Geneviève MASSARD-GUILBAUD, Des Algériens à Lyon, op. cit., 22‑30. Sa source principale est constituée par les listes nominatives des recensements quinquennaux de population. Elle consacre pas moins de huit pages à la justification de l’utilisation de cette source. Cf. aussi Françoise BARROS (DE), L’État au prisme des municipalités : une comparaison historique des catégorisations des étrangers en

France (1919-1984), Thèse de doctorat de sciences politiques, sous la direction de Michel Offerlé,

Panthéon-Sorbonne, 2004, p. 493 ; Alexis SPIRE, Étrangers à la carte, op. cit., p. 371 ; Omar CARLIER, « Pour une histoire quantitative de l’émigration en France dans la période de l’entre-deux-guerres », in Les Algériens en France,

Genèse et devenir d’une migration, Paris, Publisud, 1983, pp. 159‑162. Les remarques d’Omar Carlier portent sur les recensements quinquennaux de l’entre-deux-guerres mais restent pertinentes pour la période suivante. 82

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inscrits sur les registres de police mais non pas les nombreux « clandestins ». D’autre part, l’opinion était répandue chez les Algériens en France que ce recensement avait un objectif qui n’était pas uniquement démographique : aussi beaucoup se sont-ils abstenus volontairement de se faire recenser »83.

Ce jugement négatif sur le RGP1954 est confirmé par un chef de service de l’INSEE qui a supervisé le recensement :

« Les chiffres du recensement de 1954 concernent des personnes dont la présence a été effectivement constatée. Ils constituent donc un minimum. Les spécialistes de l’INSEE admettent que le chiffre sur la population nord-africaine est entaché de fortes causes d’erreur, et qu’un certain pourcentage de cette population a échappé au recensement. Ils estiment ce pourcentage de 20 à 30% […] »84.

Enfin, un autre élément plaide pour la méfiance vis-à-vis de ces recensements : la majorité des Algériens est analphabète et il est difficile de garantir que les agents recenseurs prennent toujours le temps de remplir leurs feuilles de ménage85. Les consignes spécifiques concernant les « FMA» données à l’occasion du RGP 1962 confirment ces difficultés et indiquent à quel point la population algérienne fait l’objet d’une gestion différenciée par rapport au reste de la population :

« Il est à craindre que les agents recenseurs éprouvent quelques difficultés en ce qui concerne les Français Musulmans, du fait, soit de l'instruction précaire des intéressés, soit de leur incompréhension de la nécessité de cette opération, soit des consignes d'abstention qui auraient pu leur être données »86.

Pour limiter ces difficultés, il est demandé aux conseillers techniques aux affaires musulmanes87 (CTAM) et aux officiers des services d’assistance technique88

(SAT) de

83 Andrée MICHEL, Les travailleurs algériens en France, Paris, CNRS éditions, 1956, pp. 47‑48. 84

Georges Rösch « les Africains du Nord dans la Seine, enquête hospitalière et sociale », Cahiers

nord-africains, n°56-57, février-mars 1957, p. 24. C’est nous qui soulignons.

85 Cf. Kamel Kateb, « À la veille du début de la guerre d'Algérie, […] le bilan éducatif des indigènes algériens n’était guère brillant : neuf personnes âgées de 10 ans et plus sur dix étaient analphabètes et quatre enfants d’âge scolaire sur cinq n’étaient pas scolarisés », in Ecole, population et société en Algérie, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 17.

86 AN, F1a 5035. Circulaire du 19 février 1962, « organisation des opérations relatives au recensement national ».

87Les CTAM ont été créés en 1952. Ces administrateurs civils de l’Algérie, qui sont quatre au départ, sont placés auprès des Inspecteurs généraux de l’administration en mission extraordinaire (IGAME) pour « faciliter l’adaptation des citoyens français musulmans en métropole et réaliser leur promotion sur le plan professionnel et social », selon la circulaire du 1er février 1952. Cf. Vincent VIET, La France immigrée, op. cit., p. 180. En 1957, leurs compétences sont encore limitées aux questions sociales, mais les instructions du ministère de l’Intérieur de février 1958 leur enjoignent de s’occuper, sous l’autorité des IGAME de « toute question se rapportant aux affaires musulmanes » au sein du SAMAS. Selon Viet, « les CTAM se voyaient ainsi confier des tâches de renseignement, a priori peu compatibles avec l’action sociale dont ils se réclamaient auprès de la population musulmane », p 187. Cf. aussi Françoise BARROS (DE), « Contours d’un réseau administratif « algérien » et construction d’une compétence en « affaires musulmanes » », Politix, 2006, vol. 76, no

4, pp. 97‑117 ; Jim HOUSE, « Contrôle, encadrement, surveillance et répression des migrations coloniales : une décolonisation difficile (1956-1970) », Bulletin de l’IHTP, Juin 2004, no

83.

88 Les SAT sont des antennes du bureau de renseignements spécialisés (BRS), aux attributions « psychologiques et sociales », créés en août 1958 auprès de la PP. Le BRS était constitué d’officiers des affaires algériennes ayant effectué de longs séjours en sections administratives urbaines (SAU) ou sections administratives spécialisées (SAS). Les responsables des SAT étaient quant à eux tous d’anciens officiers de l’armée d’Afrique. Cf. Vincent

49 « fournir éventuellement […] aux agents recenseurs, les conseils et indications qui pourraient leur être utiles pour agir avec le maximum de chances de succès, et à leur faciliter le cas échéant l'entrée des bidonvilles, foyers ou autres agglomérations musulmanes »89. L’existence d’une telle circulaire montre que les pouvoirs publics ont eux-mêmes conscience des limites de l’entreprise. Par ailleurs, un autre enjeu est celui des méthodes utilisées pour distinguer les Algériens du reste de la population, dès lors qu’ils possèdent la nationalité française. On peut lire dans les prescriptions faites à l’occasion du RGP1962 : « Bien que juridiquement de nationalité française au moment du recensement, les musulmans originaires d’Algérie ont été distingués des autres personnes nées en Algérie par le nom et le prénom »90. Cette méthode de distinction empirique, fréquemment utilisée, y compris par les chercheurs en sciences sociales contemporains, ne va pas sans poser problème. En effet, si dans la plupart des cas l’onomastique, articulée à l’étude des lieux de naissance, semble permettre de différencier les « musulmans » des « Européens », cette méthode ne tient pas compte de la complexité du réel : les mariages mixtes, bien que rares, ne sont pas totalement inexistants, et il est bien difficile de différencier certains noms musulmans et hébraïques, parfois identiques. Enfin, au moment où l’enquête est menée, en mars 1962, l’indépendance de l’Algérie est acquise, et les Algériens ne sont donc plus que virtuellement Français, ce qui ajoute encore à la confusion. Le RGP de 1962 n’est donc généralement pas considéré comme fiable pour estimer la population algérienne.

Appréhender les familles algériennes à travers les RGP pose encore davantage problème, en raison des catégories utilisées : la catégorie « famille » n’apparaît pas en tant que telle dans les RGP, qui procèdent par « ménage »91. Or de nombreux ménages algériens sont composés de plusieurs individus de sexe masculin. Pour identifier les familles, il faudrait pouvoir se reporter à la catégorie « ménage composé d’une famille ». Or les publications du RGP ne font pas apparaître cette catégorie par nationalité avant 1968. Pour se faire une idée du nombre de familles algériennes en métropole à cette époque, la seule méthode possible est

VIET, La France immigrée, op. cit., p. 188. La continuité entre l’encadrement militaire en Algérie et l’encadrement civil en métropole apparait ici clairement.

89 AN, F1a 5035. Circulaire du 19 février 1962, « organisation des opérations relatives au recensement national ».

90 INSEE, Recensement général de la population de 1962, résultats du sondage au 1/20è pour la France entière, Structure de la population totale, Direction des journaux officiels, Paris, 1965, p. 72. Cf. Françoise BARROS (DE), « L’État au prisme des municipalités », op. cit., encadré « Les mécomptes des étrangers : une conséquence des catégorisations étatiques concurrentes ».

91Selon l’INSEE, « Un ménage, au sens du recensement de la population, désigne l'ensemble des personnes qui partagent la même résidence principale, sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté. Un ménage peut être constitué d'une seule personne. Il y a égalité entre le nombre de ménages et le nombre de résidences principales ».

50 donc de s’appuyer sur le nombre de femmes « musulmanes » dénombrées92

. Mais les fascicules départementaux qui donnent la structure par sexe de la population FMA ne la croisent pas avec la structure par âge avant 1968, de telle sorte qu’il est impossible de distinguer les femmes adultes des mineures93. L’absence de données précises sur les familles algériennes à l’échelle des départements indique qu’elles n’apparaissent alors pas comme une préoccupation publique.

On peut néanmoins émettre l’hypothèse que les femmes disposent de logements plus stables que les travailleurs isolés et que dès lors, la méthode de recensement systématique par domicile peut se révéler plus fiable concernant les familles algériennes que les travailleurs, en particulier pour 1954, date à laquelle il n’existe pas encore de grands bidonvilles. Les recensements menés par les administrations centrales font appel à des méthodes bien différentes.

b- Les statistiques ministérielles : des méthodes contestables

L’administration avait besoin de recensements plus fréquents que ceux menés tous les 8 ans par l’INSEE, dont l’exploitation ne permettait pas de se faire une idée précise de la répartition des familles. Néanmoins, alors que la police parisienne n’a eu de cesse de ficher un maximum de travailleurs algériens à partir des années 1950, l’immigration familiale fait l’objet d’une surveillance plus large. Il s’agit avant tout pour le MSPP et le ministère de l’Intérieur de connaître l’évolution globale du nombre de familles. La finalité de ces enquêtes n’est pas claire au départ, puis visent dans certains cas à évaluer les besoins en action sociale. Les enquêtes de 1951 et 1953

Des recensements de la population algérienne en métropole ont été commandés en 1951 et 1953, respectivement par le MSPP94et par le ministère de l’Intérieur95

. Ils témoignent

92

Les fascicules départementaux de 1954 ne font pas apparaître le nombre de « musulmanes » par département. Il faut attendre le recensement de 1962.

93 Au RGP de 1954, la stratification de la population « musulmane originaire d’Algérie » par sexe n’apparaît que pour la population active. Ceci est révélateur de la place qui est assignée aux femmes algériennes dans les années 1950 et du peu d’intérêt suscité par la population familiale. Il est d’ailleurs remarquable qu’à l’inverse, dans les fascicules départementaux, les étrangers et naturalisés soient soigneusement triés par nationalité, âge et sexe, signe de leur intérêt sur le plan démographique. A partir du RGP de 1982, on trouve une catégorie « familles dont la personne de référence est de nationalité étrangère » dans les fascicules départementaux.

94

Circulaire n° 202 du 3 décembre 1951 du MSPP aux directeurs départementaux de la Population, « Sur la présence des familles musulmanes, des ménages mixtes algérien-européens et des unions libres ». À noter que la catégorie « musulman » se superpose ici avec ce que nous appelons « Algérien ». Ceci apparaît clairement dans la précision concernant les mariages « algérien-européenne ». L’immigration familiale tunisienne et marocaine est alors pratiquement nulle.

51 à la fois de l’intérêt que ces migrants suscitent et de la concurrence qui oppose les deux ministères pour la gestion de cette population96. Tandis que le ministère de l’Intérieur est plutôt favorable à l’immigration familiale qu’il juge susceptible de stabiliser les travailleurs isolés, le MSPP considère que les familles algériennes sont inassimilables97. De son côté, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MTSS) est plutôt défavorable à l’arrivée des familles en général qui rendrait les travailleurs moins mobiles et donc moins flexibles98. Ces deux enquêtes sur la population algérienne s’inscrivent donc dans des logiques différentes.

Le MSPP commande l’enquête de 1951 à titre exceptionnel, pour appréhender un phénomène neuf qui le concerne au tout premier chef et l’inquiète : l’immigration familiale algérienne. L’enquête est menée en 1952 et on peut affirmer que c’est ce qui conduit la plupart des chercheurs à voir dans l’année 1952 le début de l’immigration algérienne, puisque c’est la première fois qu’elle est recensée. Cette enquête est cependant présentée comme très approximative par les chercheurs de l’INED :

« Quant au recensement des familles demandé par le ministère de la Santé publique et de la Population, il est basé, lui aussi, sur des estimations. Les directeurs de la Population qui devaient le fournir, n'ont pas les moyens de procéder à une enquête précise en ce domaine. Les chiffres qu'ils donnent reflètent l'impression des diverses services sociaux qui ont à connaître des cas de ce type, et ils sont intéressants à ce titre, apportant, à défaut de renseignements plus précis, une impression sur les proportions respectives de familles musulmanes, de familles mixtes et d'unions libres »99.

Basée sur des enquêtes départementales, le recensement des familles par le MSPP en 1952 n’est sans doute pas fiable, mais donne des ordres de grandeur.