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Le transfert radiatif à l’échelle de l’élément de volume

Chapitre I : Contexte et positionnement du problème

I.5 Éléments de transfert radiatif

I.5.3 Le transfert radiatif à l’échelle de l’élément de volume

sur le rayonnement dans le volume, c'est-à-dire sur le champ de rayonnement. Dans un premier temps, pour des raisons de commodité, nous considérerons une suspension de microalgues dont le comportement est dit gris, c'est-à-dire que les propriétés optiques (les sections efficaces spécifiques d’absorption et de diffusion, ainsi que la fonction de phase présentées à la section I.5.2) ne dépendent pas de la longueur d’onde. Ainsi la dépendance spectrale du champ de rayonnement est évacuée afin de faciliter la compréhension. Dans les chapitres 4 et 5, pour les calculs de cinétique chimique et de transmittance, nous prendrons bien sûr en compte le fait que tous les photons qui entrent dans la suspension de microalgues n’ont pas la même longueur d’onde : nous utiliserons alors les spectres de et de évoqués à la section I.5.2. Pour le modèle gris nous utilisons les valeurs moyennes sur le spectre et .

Considérons tout d’abord le phénomène d’absorption : plus on s’éloigne des sources de lumière dans le milieu, moins la quantité de photons qui parvient jusqu’à la position considérée est importante, du fait de l’absorption du rayonnement par les microalgues qui se situent entre la

position considérée et la source de lumière. On peut considérer le profil d’irradiance locale (la quantité de photons disponibles), ou le profil de vitesse d’absorption des photons locale (la quantité de photons effectivement absorbés).

Figure 5 : Schéma de la propagation de photons dans une solution purement absorbante. a) cas d’une source plane collimatée normale : tous les photons sont émis selon la même direction (la normale à la surface). est la distance d’une position quelconque B à la surface émettrice. b) Cas d’une source ponctuelle. est la distance entre la source et une position quelconque B. c) Cas d’une source plane diffuse : chaque point de la surface est une source ponctuelle comme celle de la situation b. Les photons reçus à une position B quelconque proviennent de l’ensemble des points de la surface.

Considérons premièrement le cas a) de la figure 5, qui présente l’exemple d’une suspension de microalgues de concentration homogène éclairée par une source plane dont l’émission est collimatée normale (tous les photons sont émis dans la même direction). En l’absence de diffusion, la quantité de lumière disponible (c'est-à-dire l’irradiance ) en un point du milieu dépend de sa distance à la source lumineuse z selon la loi de Bouguer (souvent appelée à tort Lambert ou Beer) :

(I.32)

Avec l’irradiance à la source, le coefficient d’absorption linéique (défini ci dessous) et la distance parcourue par les photons depuis la source, ici la distance entre le point et la source de rayonnement (voir figure 5).

contient l’information sur la capacité de la suspension de microalgues considérée à absorber le rayonnement. Il s’exprime en m-1, il est égal au produit de la section efficace spécifique d’absorption massique et de la concentration massique en microalgues :

(I.33) Ainsi si la concentration augmente, l’atténuation est plus forte (voir figure 4), et, à concentration égale, si un microorganisme absorbe plus qu’un autre, sa section efficace d’absorption sera plus élevée. Le coefficient linéique d’extinction contient donc à la fois l’information sur la quantité de microorganismes (la concentration ) et sur la capacité du microorganisme considéré à absorber le rayonnement (sa section efficace spécifique d’absorption).

Les grandeurs physiques et sont liées par le coefficient d’absorption linéique :

(I.34)

La quantité de photons absorbés en suit la même décroissance exponentielle que l’irradiance :

(I.35)

Avec la quantité de photons absorbés au plus près de la source.

Toujours dans le cas extrêmement simple illustré par la figure 5 cas a, c'est-à-dire une émission collimatée normale à la surface, on a, près de la source, en termes d’irradiance :

(I.36)

et en termes de vitesse d’absorption des photons :

(I.37)

avec la densité de flux incidente à la suspension, qui s’exprime en micromoles de photons par mètre carré et par seconde. Ainsi dans ce cas très simple, on obtient une expression analytique du champ de rayonnement :

(I.38)

en termes d’irradiance, ou :

(I.39)

en termes de vitesse locale d’absorption des photons.

La décroissance le long d’une trajectoire suit une loi de Bouguer, le facteur exponentiel étant en fait la transmittance d’une solution purement absorbante :

(I.40) est la proportion de photons absorbés par une épaisseur de suspension de microalgues éclairée par une source collimatée (figure 5 cas a). Cette fraction ne dépend pas du flux incident : que l’on soit à fort ou faible flux, le même pourcentage du flux sera absorbé. En l’absence de diffusion il est facile de faire le parallèle avec l’exemple d’une cuve de spectrophotomètre remplie d’une solution purement absorbante. Pour une suspension de microalgues donnée, la fraction de photons absorbés dépend donc uniquement de l’épaisseur de la solution. Dans les chapitres 3 à 5, lorsque nous échantillonnerons des longueurs d’absorption, nous considérerons cette atténuation d’un point de vue probabiliste. En effet nous ne suivrons qu’un photon à la fois, nous ne raisonnerons donc plus en termes de proportion de photons absorbés, mais en termes de probabilité d’absorption. Le détail des calculs de l’échantillonnage des longueurs d’absorption est donné à l’annexe 1, mais nous pouvons d’ores et déjà donner la fonction de densité de probabilité des longueurs d’absorption :

(I.41)

Cette fonction de densité de probabilité nous permettra d’échantillonner des longueurs d’absorption. Elle contient le même terme de décroissance exponentielle que les profils donnés par les équations I.38 et I.39 et que l’expression de la proportion de photons absorbés (équation I.40). Ainsi si augmente (si la concentration augmente par exemple), les longueurs d’absorption échantillonnées seront en moyenne plus petites.

Figure 6 : Illustration de la notion d’épaisseur optique. Trois récipients cylindriques de diamètres différents ont été remplis avec des cultures d’Arthrospira platensis à des concentrations différentes afin d’assurer la même épaisseur optique. La part de rayonnement absorbé est la même dans les trois cas : c’est bien l’épaisseur optique (et non la concentration seule ou l’épaisseur de culture seule) qui permet de comparer des configurations différentes.

Ces constatations qualitatives nous amènent au concept d’épaisseur optique d’absorption : c’est la grandeur adimensionnelle contenue dans l’exponentielle de l’équation I.40 : ( ). Cette grandeur regroupe des informations sur trois paramètres de la suspension de microalgues : la quantité de microalgues présentes, leur capacité à absorber le rayonnement et l’épaisseur de culture. Ce sont bien ces trois paramètres combinés qui donnent une idée de l’importance de l’atténuation du rayonnement dans une configuration radiative donnée, une seule de ces données ne peut suffire. L’épaisseur optique permet donc de comparer la capacité d’absorption de situations très différentes les unes des autres comme par exemple :

 Une épaisseur de culture mince mais où la concentration est élevée, qui peut absorber une forte proportion du flux incident (voir figure 6, repère c). Dans ce cas le milieu est dit « optiquement épais ».

 Une culture diluée mais dans une géométrie où l’épaisseur de culture est grande, qui peut également absorber une grande partie du flux incident (voir figure 6, repère a). On est là encore dans le cas d’un milieu dit optiquement épais, bien que la géométrie soit différente.

L’équation I.40 lie l’épaisseur optique et la transmittance.

L’équation I.39 donne le champ de , c'est-à-dire la valeur de la vitesse volumique d’absorption des photons en tout point du réacteur, de façon analytique. En divisant cette équation par la concentration en microorganismes , on obtient l’expression analytique du champ de la vitesse spécifique d’absorption des photons (voir encart page 25), qui est injectée dans l’équation I.19 afin d’obtenir une expression de la vitesse de production de biomasse en tout point du volume. Il suffit d’intégrer ces valeurs locales sur le volume (voir équation I.23) pour obtenir la vitesse moyenne de production de biomasse, qui est la valeur mesurée expérimentalement et que l’on souhaite optimiser.

Considérons maintenant les cas schématisés par les cas b) et c) de la figure 5. La difficulté conceptuelle à laquelle on se heurte en passant du cas a) à l’un de ces deux cas, est que les photons ne se déplacent plus selon une unique direction. Il devient alors difficile de raisonner directement en irradiance, il faut utiliser la luminance, qui est la grandeur physique qui caractérise la quantité de photons qui arrive en un point de l’espace selon une direction donnée1. Nous n’utiliserons pas, dans la suite de ce manuscrit, la luminance. Nous ne donnerons donc pas les expressions du champ de rayonnement dans les cas b) et c) de la figure 5. Il s’agit seulement de comprendre que traiter des problèmes dans lesquels les photons se déplacent selon différentes directions nécessite de raisonner en termes de luminance, ce qui apporte une difficulté conceptuelle supplémentaire.

Jusqu’à présent, dans cette section nous n’avons pas tenu compte de la diffusion. En effet ne pas tenir compte de la diffusion dans un premier temps permet de se familiariser plus facilement avec le concept et le formalisme de l’absorption qui domine dans les photo-procédés. Dans les calculs de transfert radiatif, il est cependant primordial de tenir compte des phénomènes de diffusion, car leur impact sur le champ de rayonnement n’est pas négligeable. (voir figure 4 : comparer deux cas identiques en épaisseur optique d’absorption avec et sans diffusion).

En l’absence de diffusion, les trajectoires des photons (ou chemins optiques) sont rectilignes entre l’émission du photon et son absorption (voir figure 5), la résolution de l’équation de transfert radiatif demande d’intégrer la luminance sur l’ensemble des directions d’émission. En

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présence de diffusion, les photons sont déviés de leur trajectoire d’incidence, ce qui rend les chemins optiques plus complexes (voir figure 7). L’intégration de la luminance d’autant plus complexe car en tout point du milieu, les photons peuvent provenir de toutes les directions (pas seulement des direction d’incidence), en fonction des diffusions subies entre la source et le point considéré.

Figure 7 : Schéma de la propagation de photons en présence de diffusion. a) Cas d’une source plane collimatée. b) Cas d’une source ponctuelle.

Lorsque la diffusion est considérée, les considérations relatives à l’absorption sont toujours valides : la quantité de photons absorbés dépend toujours de la distance parcourue dans le milieu, cependant les trajectoires des photons ne sont plus rectilignes, la relation I.39 qui donnait la vitesse d’absorption des photons en un point quelconque de la suspension dans le cas a de la figure 5 n’est plus valide. En effet, d’une part les photons n’arrivent plus en selon une direction unique (il faut donc intégrer la luminance selon toutes les directions de l’espace), mais d’autre part la distance parcourue par un photon dans la suspension avant d’arriver en est supérieure à la distance entre et la source, du fait de la complexité des chemins optiques (voir figure 7). La diffusion multiple pose non seulement un problème conceptuel majeur, mais elle constitue également un obstacle important lorsqu’il s’agit de résoudre rigoureusement l’équation de transfert radiatif.

Il est possible de faire certaines approximations pour résoudre l’équation de transfert radiatif malgré ces difficultés et ainsi estimer la productivité d’un réacteur. Parmi ces approximations on peut notamment citer la méthode à deux flux (Cornet et al., 1995), revisitée par Cornet (2007) et par Dauchet et. al (2016). Cette approximation a été en particulier utilisée pour établir une relation simple, qui permet d’estimer les performances maximales d’un photobioréacteur (Cornet and Dussap, 2009). En s’appuyant sur les avancées récentes de la méthode de Monte

Carlo dans le domaine du transfert radiatif, nous proposerons au chapitre 5 un algorithme qui permet de résoudre sans approximation l’équation de transfert radiatif dans le cas d’une géométrie complexe et en tenant compte de la diffusion multiple.

Nous avons vu dans les deux parties précédentes les cinétiques de respiration et de photosynthèse ainsi que leur lien étroit avec le transfert radiatif. Au cœur de cette articulation entre transfert radiatif et réactions de respiration/photosynthèse se trouve la vitesse d’absorption des photons (ou ). Grâce aux ces notions que nous venons d’introduire, il apparait clairement que le transfert radiatif tient une place prépondérante parmi les phénomènes mis en jeu dans un photobioréacteur. L’optimisation des photobioréacteurs passe donc par l’optimisation du transfert radiatif.