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Chapitre II : Concept DiCoFluV : principe et pilote

II.6 Conduite du procédé

II.6.2 Lyse cellulaire et fort débit de gaz

Les débits de gaz classiquement rencontrés en photobioréacteurs à airlift sont de l’ordre de 0,2 vvm. Lors de la conception du DiCoFluV une des grandes préoccupations était la qualité du transfert gaz-liquide (éventuellement dégradé par la présence des fibres) et de l’homogénéisation du volume liquide. En particulier les espaces confinés entre les fibres faisaient craindre la formation de biofilm sur les surfaces en cas d’agitation insuffisante.

Ces deux éventuels problèmes ont donc conduit à envisager initialement des débits de gaz supérieurs aux valeurs classiques : plutôt autour de 1vvm. En effet : un fort débit de gaz augmente le et augmente la vitesse de circulation du liquide (voir section II.3), ce qui va à la fois dans le sens d’un bon transfert gaz-liquide et de la prévention de l’adhérence des microalgues sur la surface des fibres.

Un fort débit de gaz pose cependant des problèmes de séparation gaz-liquide au sommet du réacteur. En effet en cas d’apparition de phénomènes de lyse cellulaire des composés contenus dans les cellules sont libérés dans le milieu : en particulier des protéines, qui combinées à un débit de gaz important sont à l’origine de l’apparition de mousse qui peut être extrêmement persistante1 (voir figure 25).

1 Ce phénomène nous a également poussés à nous détourner de la méthode de régulation du pH par

injection d’acide sulfurique 1M : l’injection induisait localement de la lyse et donc de la mousse en quantité non négligeable.

Figure 25 : Photographies de la mousse que l’on rencontre lors de l’apparition de phénomènes de lyse cellulaire. La persistance de la mousse peut être observée, elle pose beaucoup de problèmes, notamment d’écoulement dans les tuyaux. Photos prises à l’occasion d’un nettoyage du réacteur (le faisceau de fibres a été retiré)

Ce phénomène de mousse a été une vraie problématique expérimentale, à l’origine de plusieurs problèmes ou observations :

1. Cette mousse remplit le volume dédié à la séparation gaz-liquide et peut remonter très loin dans les canalisations normalement réservées au gaz, comme le condenseur et, plus grave, le panneau gaz menant à l’analyseur O2 qui peut-être détérioré si de l’eau liquide, même en faible quantité, pénètre dans la cellule de mesure. Cette problématique fait l’objet d’une sécurité dans la partie sécurité (II.4.3)

2. L’écoulement de cette mousse dans des tuyaux de sections prévues pour l’écoulement de gaz seul crée des pertes de charges supplémentaires. Cela se traduit par une montée en pression du réacteur d’abord assez lente, correspondant à la formation d’un bouchon de mousse de plus en plus obstruant, puis un pic de pression au moment où le bouchon obstrue complètement la sortie gaz, avant que la pression ne revienne à sa valeur initiale lorsque le bouchon est éliminé. Si les pressions absolues atteintes dans le réacteur restent faibles (inférieures à 1,1 bar) cela implique de prévoir une étanchéité

parfaite de tout le système, y compris au dessus de la surface de liquide, car les sauts de pression peuvent faire remonter du milieu de culture par des tubulures connectées sous la surface jusqu’à un mètre au dessus du niveau de liquide à l’intérieur du réacteur.

Figure 26 : Photographie de deux tubes remplis de suspension de microalgues provenant du réacteur (en haut) et du liquide provenant de la décantation de la mousse extraite par la sortie gazeuse du réacteur (en bas). On constate que la couleur des deux suspensions n’est pas du tout la même, et que la suspension du bas est beaucoup moins turbide que celle du haut, ce qui laisse penser que le nombre de cellules entière y est bien moindre. Cette observation est confirmée par une observation au microscope, où nous n’avons observé qu’un très faible nombre de microalgues entières et correctement pigmentées. Le flux de gaz sépare donc les cellules vivantes et les produits de lyse cellulaire.

3. Ce qui est remarquable c’est que le liquide obtenu après décantation de cette mousse n’est absolument pas représentatif de la phase liquide contenue dans le réacteur. A l’œil nu tout d’abord : la couleur diffère radicalement entre les deux échantillons (voir figure 26). Cela se confirme en observant les deux échantillons au microscope : il n’y a quasiment pas de cellules entières et bien pigmentées dans ce qui provient de la mousse. Il est donc possible de séparer (avec des performances qui restent entièrement à déterminer) les cellules entières et en bonne santé des cellules lysées ou dépigmentées dans une culture donnée. Nous avons pu d’ailleurs l’expérimenter lors des nettoyages du faisceau de fibres pendant lesquels les microalgues sont quasiment privées de lumière pendant environ une heure : à la reprise de la culture, il est nécessaire de baisser le débit de gaz initial de trois quarts et de le remonter par paliers afin d’éviter des sauts de pression trop importants en éliminant progressivement les produits de lyse cellulaire accumulés pendant la phase d’obscurité. De même, nous avons été amenés à stocker des cultures de spiruline concentrées dans des récipients clos à l’obscurité: nous avons pu constater qu’au moment de les réintroduire dans le réacteur il est nécessaire de commencer à aérer le milieu avec un débit très faible puis de l’augmenter par paliers afin d’éliminer les produits de lyse cellulaire.

4. Cette mousse doit être séparée de la phase gaz avant qu’elle ne pénètre dans le condenseur. Dans un premier temps nous avons installé un décanteur entre le réacteur et le condenseur sur la ligne gaz avec un retour de la phase liquide dans le réacteur.

Après avoir constaté la différence de composition entre la phase liquide sortant du décanteur et le contenu du réacteur (voir paragraphe précédent), il a été jugé préférable de retirer le retour liquide. En effet si les produits de lyse sont responsables de l’apparition de mousse et des problèmes associés il semble préférable de les retirer du réacteur et d’éviter ainsi leur accumulation. Dans le cas contraire un débit liquide entre le réacteur et le décanteur ne cesse de croître ce qui pose des problèmes d’écoulement (dans des tuyaux prévus pour un gaz seul). Cependant, en piégeant ainsi les produits de lyse liquides sans les renvoyer dans le réacteur on crée un soutirage liquide dont le débit dépend de l’amplitude de la lyse cellulaire dans le réacteur, or nous avons vu qu’il est nécessaire de maintenir le niveau de liquide dans le réacteur sous peine de faire face à d’importants problèmes d’inhomogénéité (voir II.1.3) : nous avons donc paramétré la régulation du poids (et donc du niveau) du réacteur pour qu’elle compense à tout instant les pertes par lyse cellulaire par un apport de milieu neuf. Ainsi, dès que des phénomènes de lyse apparaissent, le débit de liquide sortant devient non nul et ces pertes sont compensées par un apport de milieu neuf. Cela revient à faire fonctionner le réacteur en continu, avec un temps de séjour piloté par l’amplitude des phénomènes de lyse. En conséquence le réacteur, dans les résultats présentés, n’a pas pu fonctionner strictement en réacteur fermé lorsque des phénomènes de lyse sont apparus.

 Pour pouvoir faire les bilans matière lors des phases de régime continu nous avons mesuré séparément les débits de soutirage par lyse et par la pompe de soutirage. Lors des phases de mise au point du réacteur, nous avons mesuré des débits de soutirage par lyse atteignant parfois 80% du débit massique de soutirage total.

Ces problèmes de mousse et de lyse ont disparus en revenant à des débits de gaz plus faibles (correspondant à des débits de gaz de l’ordre de 0,5 voire 0,2 vvm) et en changeant le mode de régulation du pH (l’injection d’acide a été remplacée par l’ajout de CO2 dans le gaz de bullage). Le débit de soutirage par lyse est alors inférieur à 5% du débit de soutirage total. Comme la diminution du débit de gaz diminue également l’homogénéisation du volume réactionnel (voir section II.3.2), nous nous sommes assuré que la concentration reste bien homogène dans le réacteur. Nous avons effectué des mesures de poids secs sur trois prélèvements faits à trois endroits différents du réacteur (le haut, la boite à sonde et la purge en bas de réacteur) pour nous assurer que la concentration est bien homogène dans le réacteur : nous avons retrouvé trois fois le même résultat, à l’erreur de mesure près. Il reste à déterminer si la diminution de la

quantité de liquide dans la sortie gaz est due à la disparition de lyse ou à un débit de gaz insuffisant pour entrainer la mousse hors du réacteur.