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Résolution de l’équation de transfert radiatif avec diffusion multiple

Chapitre V : Culture de microalgues : transfert radiatif et loi de couplage

V.1 Analyse des propriétés radiatives

V.1.2 Modélisation

V.1.2.2 Résolution de l’équation de transfert radiatif avec diffusion multiple

Nous avons abordé le phénomène de diffusion à plusieurs reprises (aux chapitres 1 et 3) de manière qualitative. Nous avons évoqué son importance pour l’évaluation des performances de

photobioréacteurs. Nous allons voir ici en détail comment ce phénomène est modélisé et les conséquences sur le suivi des photons utilisé pour déterminer le champ de rayonnement.

Comme expliqué au chapitre 1, la diffusion des photons par les micro-organismes est un phénomène qui modifie la direction de propagation des photons. Elle est due aux variations d’indice optique entre le microorganisme et le milieu de culture. Ces variations d’indice optique perturbent la propagation des photons dans la suspension qui ne se déplacent plus en ligne droite : leur trajectoire change lorsqu’ils sont diffusés.

Pour modéliser la diffusion des photons par un microorganisme nous avons besoin de deux informations contenues dans les propriétés radiatives : sa section efficace de diffusion et la fonction de phase pour toutes les longueurs d’onde du domaine visible (400 – 700 nm).

La section efficace de diffusion est un scalaire qui reflète la capacité d’une microalgue à diffuser un photon de longueur d’onde donnée. dépend donc de la longueur d’onde du rayonnement considérée : certaines longueurs d’ondes sont plus facilement diffusées que d’autres. De la même manière que la section efficace d’absorption nous permettait d’obtenir la distribution des longueurs d’absorption (voir chapitres 1, 3 et 4), la section efficace de diffusion nous permet d’échantillonner des longueurs de diffusion. Plus la section efficace de diffusion est grande, plus la distance moyenne parcourue par un photon entre deux diffusions successives est petite. La fonction de densité de probabilité des longueurs de diffusion est :

(V.6)

Avec la longueur de diffusion et le coefficient d’absorption linéique défini par :

(V.7)

On peut également définir la section efficace d’extinction , qui somme les deux phénomènes : absorption et diffusion :

(V.8)

On définit alors le coefficient linéique d’extinction :

(V.9)

Et la fonction densité de probabilité des longueurs d’extinction :

Par la méthode de Monte Carlo, lorsqu’on « lance » un photon, une longueur d’extinction est échantillonnée selon la fonction de densité de probabilité des longueurs d’extinction. La position d’interaction du photon avec le milieu est alors obtenue. Afin de déterminer la nature de cette interaction, l’albédo de diffusion simple est utilisé :

(V.11)

L’albédo de diffusion simple est la probabilité qu’un photon qui interagit avec une microalgue soit diffusé plutôt qu’absorbé (la probabilité pour que le photon soit absorbé est donc égale à ).

Après avoir échantillonné une longueur d’extinction, une roulette russe est implémentée : un nombre aléatoire compris entre 0 et 1 est généré uniformément, pour déterminer la nature de l’interaction. Si le photon est absorbé, si le photon est diffusé1. La position où a lieu la diffusion est donc connue, il reste à déterminer une direction de diffusion. Cette information est contenue dans la fonction de phase.

Figure 50 : Illustration des notations utilisées pour décrire la fonction de phase d’un microorganisme. Lorsqu’un photon se propageant selon l’axe est diffusé par un microorganisme (en vert) orienté selon une direction , la fonction de phase donne la

probabilité qu’il soit diffusé selon une direction comprise dans un élément d’angle solide .

La fonction de phase est la distribution des directions de diffusion : sachant qu’un photon qui se propage selon l’axe sur un micro-organisme orienté selon une direction est diffusé (voir figure 50 pour les notations), la fonction de phase est la densité de probabilité qu’il soit diffusé selon la direction . Nous avons vu au chapitre 1 que la probabilité qu’un photon soit absorbé à un endroit très précis du volume est strictement égale à zéro : il faut raisonner en probabilité qu’un photon soit absorbé dans un élément de longueur. Dans ce problème de diffusion il en est de même : la probabilité qu’un photon soit diffusé très précisément dans une direction est

1 Une autre procédure parfaitement équivalente consiste à échantillonner d’une part une longueur

d’absorption (suivant la fonction densité de probabilité des longueurs d’absorption) et une longueur de diffusion d’autre part (suivant la fonction densité de probabilité des longueurs de diffusion). Le type d’interaction est alors déterminé par la longueur la plus courte : si alors le photon est absorbé avant d’être diffusé, et inversement.

strictement égale à 0, il faut raisonner en probabilité qu’un photon soit diffusé dans un élément d’angle solide autour de la direction .

Les fonctions de phases calculées par la méthode décrite au paragraphe V.1.2.1 sont moyennées sur les orientations avec une distribution isotrope. Dans ces conditions, la fonction de phase ne dépend que de l’angle formé par la direction d’incidence et la direction de diffusion. En pratique, dans la procédure d’échantillonnage des chemins optiques, lorsqu’un photon se propageant selon une direction est diffusé en un point du milieu (voir figure 51), deux angles et sont tiré aléatoirement : le premier angle est échantillonné selon la fonction de densité de probabilité donnée par la fonction de phase. Le deuxième angle est échantillonné uniformément dans . La direction de diffusion est ainsi obtenue.

Figure 51 : Schéma de l’échantillonnage d’une direction de diffusion. Lorsqu’un photon se propageant suivant une direction subit une diffusion au point , un premier angle est échantillonné selon la fonction densité de probabilité donnée par la fonction de phase. Un deuxième angle est ensuite échantillonné selon la densité de probabilité homogène . Les angles et déterminent la direction de diffusion .

Lors de la mise en œuvre d’algorithmes de Monte Carlo, la prise en compte de la diffusion impacte essentiellement la procédure d’échantillonnage des chemins optiques. En ajoutant la diffusion à procédure d’échantillonnage des chemins optiques 2 du chapitre précédent, nous obtenons la procédure suivante, qui permet de réaliser l’intégration sur l’ensemble des chemins optiques de diffusion multiple :

Procédure d’échantillonnage des chemins optiques 2 : échantillonnage direct avec

absorption, diffusion et réflexion

(1) Depuis une position donnée d’émission sur les surfaces éclairantes, une direction d’émission est tirée aléatoirement selon le type d’émission souhaitée :

a. Si l’émission est lambertienne la direction d’émission est échantillonnée sur le demi-hémisphère sortant de la fibre selon une densité de probabilité

lambertienne

b. Si l’émission est normale, il n’y a pas d’échantillonnage : le photon est émis en suivant la normale à la surface de la fibre au point d’émission.

c. Si l’émission se fait dans un angle solide d’ouverture angulaire ,

l’échantillonnage est le même que pour une émission lambertienne, jusqu’à ce que la direction échantillonnée et la normale à la surface forment un angle inférieur ou égal à .

(2) EDStar nous donne le premier point d’intersection avec la géométrie du réacteur, la distance et la réflectivité de la surface .

(3) Une longueur d’extinction est échantillonnée selon la fonction de densité de probabilité donnée par l’équation V.10

a. Si la longueur d’extinction est supérieure à la distance , le photon interagit avec la surface au point : un nombre aléatoire est tiré uniformément entre 0 et 1

i. Si : le photon est réfléchi, une direction de réflexion est échantillonnée selon une densité de probabilité lambertienne et l’échantillonnage continue en retournant à l’étape (3) en incrémentant les indices d’une unité.

ii. Si : le photon est absorbé par la paroi, l’échantillonnage du chemin optique s’arrête.

b. Si la longueur de diffusion est inférieure à la distance , le photon interagit avec le milieu : un nombre aléatoire est tiré uniformément entre 0 et 1

i. Si

le photon est diffusé au point , une direction de diffusion est échantillonnée selon la fonction de phase et

l’échantillonnage continue en retournant à l’étape (3) en incrémentant les indices d’une unité.

ii. Si

le photon est absorbé dans le volume, l’échantillonnage du chemin optique s’arrête.

Dans le cas des microalgues les contrastes d’indice sont faibles, les angles de diffusion sont donc en moyenne faibles (voir figure 52). Les probabilités correspondantes aux angles très grands sont donc très faibles, on dit que les fonctions de phase sont très « orientées vers l’avant », à chaque diffusion la direction de propagation est en moyenne peu perturbée. Une grandeur permet de quantifier cette tendance : le paramètre d’asymétrie noté . Ce paramètre, compris entre -1 et 1, est définit comme la moyenne des cosinus des angles de diffusion (voir notation figure 51) pondéré par la densité de probabilité :

(V.12)

Par exemple, pour une fonction de phase isotrope1 (la même probabilité est affectée à toutes les directions), . Autre exemple : pour une fonction de phase qui conserve dans tous les cas la direction incidente, . Dans le cas des microalgues, des valeurs du paramètre d’asymétrie se situent (selon la souche considérée) aux alentours de , ce qui signifie bien qu’à chaque diffusion la trajectoire de propagation des photons est peu modifiée.

Figure 52 : Tracé de la fonction de phase d’Arthrospira platensis calculée à 550 nm. On constate que les angles de diffusion importants ont une densité de probabilité très faible, en moyenne un photon est peu dévié lorsqu’il est diffusé par une microalgue.

En résumé, la diffusion est caractérisée par deux grandeurs : la section efficace de diffusion qui permet d’évaluer la probabilité qu’un photon soit diffusé lorsqu’il parcourt une unité de longueur, et la fonction de phase qui donne une distribution des angles de diffusion. Nous avons vu au chapitre 1 la notion d’épaisseur optique d’absorption. Rappelons que cette épaisseur optique d’absorption vaut , avec le coefficient linéique d’extinction et l’épaisseur de culture. Cette grandeur permet de comparer, en ne tenant compte que des phénomènes

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d’absorption, des situations optiques très différentes (épaisseur de culture, concentration en micro-organismes, nature du microorganisme). De façon analogue, une épaisseur optique de diffusion peut être définie, elle vaut . Plus ce nombre est grand, plus les trajectoires de photons sont modifiées par les phénomènes de diffusion. Cette fois le paramètre d’asymétrie est inclus, ce qui permet de tenir compte de l’information angulaire de la fonction de phase. Si en absorption ou peuvent être considérés seuls pour avoir une idée de l’importance de l’absorption par unité de longueur, en diffusion, ou sont indissociables de . Ainsi, à épaisseur constante, une solution dans laquelle les photons subissent en moyenne peu de diffusion (car est petit) mais avec des angles de diffusion en moyenne grands (car est loin de ) peut avoir la même épaisseur optique de diffusion qu’une solution où les photons subissent beaucoup de diffusion par unité de longueur parcourue ( grand) mais avec des angles de diffusion petits ( proche de ). En effet, plus la fonction de phase est « orientée vers l’avant », plus tend vers , ce qui fait tendre l’épaisseur optique de diffusion vers 0. Une épaisseur optique de diffusion proche de 0 traduit le fait que la diffusion impacte peu la trajectoire des photons1. À l’opposé, même si dans un photobioréacteur, est généralement suffisamment élevé (lors d’un fonctionnement proche du champ de rayonnement optimal, voir chapitre 1) pour que la diffusion joue un rôle significatif. Chaque diffusion perturbe peu, en moyenne, la trajectoire d’un photon mais le nombre de ces diffusions est suffisamment élevé pour que finalement le photon soit significativement dévié de sa direction d’incidence (Dauchet et al., 2016).

Du point de vue de la physique du transport, une suspension de microalgues dans un photobioréacteur est un milieu complexe à modéliser car la suspension présente une épaisseur optique de diffusion intermédiaire . Dans une suspension de microalgues éclairée, la diffusion est suffisamment importante pour modifier le champ de rayonnement, elle n’est pas négligeable, mais elle n’est pas assez importante pour pouvoir utiliser des approximations macroscopiques adaptées aux fortes épaisseurs optiques de diffusion (milieu optiquement épais). Ceci ne pose pas de problème dans la présente thèse puisque nous résolvons l’équation de transfert radiatif de manière rigoureuse, quelle que soit l’épaisseur optique, par la méthode de Monte Carlo.

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Un cas extrême est celui où la fonction de phase est un Dirac vers l’avant : la probabilité d’être diffusé dans la direction incidente vaut 1, et celle d’être diffusé dans d’autres directions 0. Dans ce cas, quelque soit la valeur de ou de , l’épaisseur optique de diffusion vaut 0 car . En d’autres termes, quelque soit le nombre de diffusion subies, la direction de propagation n’est jamais modifiée.

Nous sommes maintenant en mesure de modéliser les phénomènes de diffusions. Nous pouvons donc résoudre l’équation de transfert radiatif dans les cas où le milieu est absorbant et diffusant, dans le cas de la cuve de spectrophotomètre utilisée pour les mesures de transmittance.

V.1.2.3 Influence de la géométrie utilisée pour modéliser le