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Chapitre V : Culture de microalgues : transfert radiatif et loi de couplage

V.1 Analyse des propriétés radiatives

V.1.1 Protocoles expérimentaux

Sur un échantillon de culture d’Arthrospira platensis Nous mesurons la transmittance normale hémisphérique et les paramètres physiologiques nécessaires à l’obtention prédictive des propriétés radiatives : la forme, la distribution de taille et les teneurs en pigments.

V.1.1.1 Mesure de spectres de transmittance

La mesure de la transmittance est une mesure utilisée pour de nombreuses applications. Le principe est le suivant : une source émet un faisceau à la longueur d’onde spécifiée par l’utilisateur, le faisceau traverse une cuve d’épaisseur connue qui contient l’échantillon. Derrière l’échantillon, un détecteur mesure l’atténuation du rayonnement, déterminant ainsi la fraction de photons transmis ou transmittance. Dans le cas où l’échantillon absorbe les photons sans les diffuser, la distance entre le capteur et la cuve n’influence pas la mesure (voir figure 47, cas a), donc tous les appareils donnent le même résultat, à la précision de mesure près. En revanche dès que des phénomènes de diffusion apparaissent (dans le cas des microalgues par exemple, voir figure 47, cas b), la direction de propagation des photons à la sortie de la cuve est différente de la direction du faisceau incident. Les mesures effectuées sur des spectrophotomètres classiques sont difficilement interprétables, car elles ne sont pas reproductibles d’un appareil à l’autre. En effet la mesure dépend de l’angle solide perçu par le capteur, qui dépend de la configuration de l’appareil, notamment de la distance entre la cuve et le capteur et de la taille du capteur (photomultiplicateur). Pour cette raison, les corrélations du type de celle donnée au chapitre 2 (entre la densité optique à 750 nm et la concentration en biomasse par exemple), réalisées sur des spectrophotomètres classiques, sont dépendantes de l’appareil utilisé. En

d’autres termes, avec un spectrophotomètre classique il est difficile de distinguer les photons absorbés des photons diffusés qui traversent l’échantillon mais ne rencontrent pas le capteur.

Figure 47 : Schématisation de la problématique du dispositif expérimental utilisé pour mesurer la transmittance d’un échantillon. Cas a : lorsque l’échantillon (en vert) est purement absorbant (pas de diffusion) les photons transmis se propagent selon la même direction que le faisceau incident (traits orange). Dans ce cas la position du capteur (en rouge) n’influence pas la mesure, tous les spectrophotomètres donnent le même résultat (quel que soit le trajet optique du rayon transmis). Cas b : si l’échantillon diffuse les photons, les différents spectrophotomètres ne donneront pas le même résultat, en fonction de la position du capteur (en rouge). Il est impossible de distinguer les photons perdus car absorbés et ceux perdus car diffusés. Dans ce cas, seules des corrélations (transmittance en fonction de la concentration par exemple) peuvent être établies. Ces corrélations sont spécifiques à chaque appareil. Cas c : l’utilisation d’une sphère d’intégration (cercle noir) permet de collecter les photons diffusés et de les rediriger vers le capteur. Ainsi la fraction des photons effectivement absorbés est mesurée.

Pour étudier une suspension de microalgues, ou plus généralement d’un échantillon qui contient des particules diffusantes, on préférera mesurer la transmittance normale hémisphérique avec une sphère d’intégration (voir figure 47, cas c). Ce dispositif permet de renvoyer vers le détecteur les photons transmis avec des directions différentes de la direction d’incidence. De plus l’ouverture de la sphère d’intégration est très grande devant le diamètre du faisceau incident (d’un facteur 5 environ) et du même ordre de grandeur que l’épaisseur de la cuve (1,6 fois plus grande).

Une cuve de spectroscopie (cuve 40x40x10 mm, Hellna Analytics en quartz SUPRASIL)1 est remplie d’une solution de microalgues. La transmittance de cette cuve est mesurée grâce à un spectrofluorimètre (Flx Safas, Monaco) couplé à une sphère d’intégration (Labsphere, États- Unis). La mesure est effectuée pour des longueurs d’ondes allant de 350 à 820 nm.

V.1.1.2 Dosage des pigments photosynthétiques

Les concentrations des différents pigments contenus dans les microorganismes ont une importance capitale dans la détermination des propriétés radiatives des microalgues. Les principaux pigments d’Arthrospira platensis sont la phycocyanine c et l’allophycocyanine

1 Une autre cuve d’épaisseur 1mm a également été utilisée : cuve en quartz (40x40x1 mm, Safas,

(pigments bleus), ainsi que la chlorophylle a, et les caroténoïdes (photosynthétiques et de protection) (Dauchet et al., 2015).

Leur dosage s’effectue de la manière suivante :

 Congélation d’un échantillon de 15 mL dans un tube Falcon par immersion dans de l’azote liquide.

 Décongélation pendant quelques minutes de l’échantillon dans un bain d’eau thermostaté à 37°C. Le temps de décongélation doit être minimum, elle s’arrête dès que les derniers cristaux de glace ont disparus.

 Ajout de chlorure de calcium solide pour atteindre la concentration de 6 g/L, puis attendre entre 45 minutes et une heure en maintenant l’échantillon sous agitation grâce à un agitateur magnétique et un barreau aimanté.

 Centrifugation à 10 000g pendant 5 minutes.

 Détermination des concentrations en phycocyanine c et allophycocyanine dans le surnageant grâce aux densités optiques (ou absorbances) à 615 et 652 nanomètres et à la corrélation suivante (Bennett, 1973) :

(V.1) (V.2)

 Extraction des chlorophylles et caroténoïdes du culot à l’acétone à 80% puis centrifugation à 10 000g pendant 5 minutes. À la suite de cette centrifugation le culot doit être blanc.

 Détermination des concentrations en chlorophylles a et b1

et caroténoïdes dans le surnageant grâce aux densités optiques (ou absorbance) à 470, 663,2 et 646,8 nanomètres et à la corrélation (Porra, 2002) :

(V.3) (V.4)

1 Porra (2002) donne une corrélation pour déterminer une concentration en chlorophylle b, absente chez Arthrospira platensis, nous pouvons donc nous assurer que cette corrélation donne une concentration

(V.5)

Les caroténoïdes se répartissent entre caroténoïdes de protection (43% massiques) et caroténoïdes photosynthétiques (57% massiques). Cette répartition est considérée constante (Cornet, 2007; Dauchet et al., 2015).

Les concentrations dans les échantillons sont ramenées au poids sec, mesuré d’autre part grâce au protocole décrit à la section II.2.4. Si des dilutions (en particulier lors de l’extraction à l’acétone) ont lieu, elles sont prises en compte. Les fractions massiques (en pourcentage massique de biomasse sèche) sont ainsi obtenues.

Les fractions massiques en pigments attendues sous faible éclairement (Cornet, 2007, 1992; Dauchet et al., 2015) sont environ : 15 à 17% en phycocyanines (phycocyanine c + allophycocyanine) et 1% en chlorophylle a.

Ce protocole permet d’effectuer un dosage des pigments en quelques heures, ce qui est satisfaisant dans le cadre de notre étude des propriétés radiatives (d’autant plus que le calcul des fractions massiques requiert d’attendre 24 heures le résultat de la mesure du poids sec). Une méthode de dosage plus rapide permettrait d’effectuer des dosages plus fréquents, et donc d’analyser finement l’évolution des teneurs en pigments, en fonction des conditions de culture notamment (voir V.2.2). D’autres méthodes de dosage sont en phase de mise au point à l’Institut Pascal, par chromatographie notamment.

V.1.1.3 Mesure de la forme et des distributions de taille

Arthrospira platensis a une structure pluricellulaire, en chapelet (voir figure 48). Nous

considérerons que la longueur de chaque individu est indépendante de son diamètre. Les spirulines que nous avons utilisées ont la particularité de ne pas être spiralées1, elles sont assimilées à des cylindres droits. Les distributions de longueurs et de diamètres sont mesurées en effectuant des clichés d’une lame sur laquelle une goutte d’un échantillon de culture a été déposée. Nous souhaitons obtenir une distribution des longueurs d’une part et une distribution des diamètres d’autre part. Ces deux dimensions ne sont pas du même ordre de grandeur, deux grossissements différents sont utilisés (x10 pour les longueurs et x100 pour les diamètres). Les spirulines les plus longues pouvant dépasser 200 micromètres, il n’est pas toujours possible de les photographier en un seul cliché, plusieurs clichés sont superposés en post traitement. Sans cette opération la mesure des algues les plus longues est impossible, ce qui introduit un biais

1

dans la mesure de distribution des tailles. En effet, si les algues qui n’apparaissent pas entièrement sur des clichés (pris à des positions aléatoirement réparties de manière uniforme sur la lame) sont ignorées, les algues les plus longues, qui ont une probabilité plus grande de ne pas apparaitre entièrement sur les clichés, ne sont pas comptées. Prendre des séquences d’images contigües pour les recoller ensuite est donc une contrainte à ne pas négliger. Afin que les microalgues bougent le moins possibles entre deux clichés, la lamelle a été rodée avec du vernis à ongles transparent1. Le rodage permet d’éviter l’évaporation du liquide sur les bords de la lamelle qui provoque des mouvements importants dans le liquide. Une fois les images obtenues et recollées, les mesures des longueurs et des diamètres ont été réalisées manuellement grâce au logiciel Fiji (Schindelin et al., 2012).

Figure 48 : Compilation de clichés d’Arthrospira platensis réalisés au microscope otique. On constate la structure pluricellulaire de chaque individu. Le nombre de cellule détermine la longueur le l’individu, indépendamment de son diamètre, qui est déterminé par la taille des cellules.

De la même manière que pour les pigments, la morphologie des microalgues est modifiée par les conditions de culture, il est donc important d’être en mesure de la mesurer rapidement sur de nombreux échantillons. Contrairement au protocole de dosage des pigments, qui est facilement réalisable, la mesure de la distribution des diamètres et des longueurs a posé des difficultés pratiques, principalement à cause de dysfonctionnements matériels. L’importance de la distribution morphologique pour la détermination des propriétés radiatives est l’une des conclusions du travail d’analyse présenté dans les parties suivantes. L’acquisition de matériel et

1 Des essais avec de la paraffine (plus classique pour cette utilisation) ont été faits mais se sont révélés

l’optimisation du protocole permettant une mesure rapide des distributions de taille va donc devenir un axe de travail dégagé par ces travaux.