• Aucun résultat trouvé

Culture en milieu confiné – production de polysaccharides

Chapitre II : Concept DiCoFluV : principe et pilote

II.6 Conduite du procédé

II.6.3 Culture en milieu confiné – production de polysaccharides

polysaccharides

Lors de la première culture effectuée dans le réacteur, le bulleur central (voir II.1.3) n’avait pas encore été ajouté : le bullage se faisait uniquement à travers le fritté annulaire (vois également II.1.3) donc seulement sur une fraction de la section de la montée du réacteur. Après deux semaines de culture lorsque le faisceau a été retiré pour une inspection nous y avons découvert un amas de gel (à priori de la biomasse avec des exopolysaccharides, voir figure 27) localisé sur toute la hauteur du faisceau à la verticale de la boucle de retour liquide, au centre du faisceau. Si ce phénomène peut être très intéressant pour des équipes de recherche qui travaillent sur les polysaccharides, dans notre cas il faut l’éviter. En effet ces amas qui se forment entre les fibres fixent de la biomasse et posent alors de problèmes d’homogénéisation de la culture, provoquant certainement des gradients de concentration en minéraux et en oxygène dissous. Les cellules retenues dans cette matrice ne sont plus exposées aux mêmes conditions de culture que les cellules qui circulent librement, leur métabolisme est donc très certainement différent. Dans le réacteur deux populations de microalgues cohabitent : celle de la phase dite « circulante », à l’extérieur des amas de polysaccharides, et celle, fixée, contenue dans les amas de polysaccharide.

Figure 27 : Photographies des amas de polysaccharides qui se forment dans le faisceau de fibres optiques lors de cultures de Spiruline. Ces photos montrent principalement le bas du faisceau, là où se trouve le panier en inox qui maintient les fibres en position, cet endroit concentre l’essentiel des polysaccharides formés. La formation de ces amas reste présente mais a été nettement ralentie par l’ajout d’un bulleur central

Une extraction des polysaccharides a été effectuée par Céline Laroche sur deux types d’échantillons : d’une part sur un échantillon de suspension de microalgues de la phase circulante et d’autre part sur un échantillon d’amas prélevé au sein du faisceau de fibres, dans la phase fixée. Les polysaccharides extraits1 représentent 0,7% de la masse sèche de l’échantillon de la phase circulante et 7% de la masse sèche de l’échantillon de la phase fixe, soit un rapport 10 en relatif. Ces valeurs respectives semblent relativement faibles au regard de l’aspect visuel des amas dans le cas de la phase fixe, et au regard de données expérimentales et d’un modèle de composition de la biomasse (Cornet, 2007). Ces données devront être confirmées par d’autres méthodes de dosage. On peut néanmoins considérer que le facteur 10 obtenu entre la phase circulante et la phase fixe prouve que l’aspect gélifié des amas est bien du à la présence inhabituellement importante d’exopolysaccharides.

Une analyse de la composition des polysaccharides contenus dans ces échantillons a également été réalisée et a montré que les polysaccharides contenus dans les amas ont une composition très différente des polysaccharides présents dans la phase circulante (voir figure 28). Cela tend à confirmer qu’un métabolisme différent de celui de la phase « circulante » se met en place dans le réacteur.

Figure 28 : Composition des polysaccharides extraits de deux échantillons provenant d’une part de la phase fixe créée par la formation d’amas gélifiés dans le réacteur (voir figure 27) et d’autre part de la phase liquide circulante dans le réacteur. Les compositions des deux échantillons sont très différentes : les monosaccharides présents en majorité dans la phase

1 Il est très probable que l’extraction des polysaccharides n’extrait qu’une fraction du polysaccharide

fixe sont le glucose et le galactose, alors ce sont le fucose et le rhamnose dans la phase circulante.

Pour éviter la formation de ces amas, l’expérience acquise au laboratoire GEPEA semble montrer que la distribution du gaz tient une place de premier plan : les surfaces en contact avec le milieu de culture doivent être balayées par des bulles de gaz pour éviter ces phénomènes d’adhérence. C’est ce qui a motivé la mise en place du bulleur central, et les résultats sont très satisfaisants : les amas ont dans leur très grande majorité disparu.

Figure 29 : Illustration de la problématique de formation de polysaccharide dans la partie centrale de la cuve (les parois de la cuve principale et le faisceau de fibres ne sont pas représentés). Illustration de gauche : sans le bulleur central il n’y a pas de bulles qui balayent les surfaces des fibres au centre du faisceau de fibres, des polysaccharides se forment. Illustration de droite : l’ajout du bulleur central permet de distribuer les bulles de gaz sur toute la section du réacteur, la formation de polysaccharides est nettement diminuée.

D’après nos observations expérimentales, nous pouvons formuler quelques recommandations pour éviter la formation de ces amas de polysaccharides dans un photobioréacteur en milieu confiné :

 La distribution du gaz doit se faire de sorte que toutes les surfaces sont balayées par des bulles d’air. Dans notre cas nous avons réparti le débit d’air total entre le fritté et le bulleur selon la fraction de section de la montée que chacun couvre (20 à 25% pour le bulleur central et le reste pour le fritté). En respectant cette répartition nous avons pu abaisser le débit total jusqu’à 0,2 vvm sans constater de problème important de formation de polysaccharide.

 Éviter au maximum les surfaces rugueuses : nous avons par exemple fait un effort particulier concernant l’extrémité immergée des gaines en polycarbonate. Nous avons observé que certaines des soudures qui fermaient les gaines (voir II.1.2) présentaient un

état de surface très rugueux, avec beaucoup d’aspérités. Lors du nettoyage nous retrouvions des amas de polysaccharide extrêmement compacts et difficiles à retirer autour de ces soudures. Elles ont donc été remplacées par des soudures mieux réalisées, plus lisses, sur lesquelles aucun polysaccharide ne se forme.

 Éviter dans la mesure du possible les structures qui gênent l’écoulement du liquide et du gaz. Dans la version actuelle du faisceau, l’élément qui concentre le plus de polysaccharides lors du nettoyage du faisceau est le panier (voir II.1.2) qui tient en place les gaines dans leur partie inférieure grâce à un câble fin qui reproduit la maille hexagonale. Sur ce câble du polysaccharide parvient à se fixer, mais les quantités accumulées sont très faibles en comparaison avec les quantités engendrées par la mauvaise répartition du gaz. Ces paniers étaient initialement au nombre de deux, nous avons fait le choix de conserver seulement celui du bas pour assurer la bonne position des fibres sans mettre trop d’obstacles à l’écoulement.

 Assurer une circulation liquide suffisante : dans une version précédente du capot, celui- ci était en acier inoxydable, il était donc impossible d’observer la circulation liquide au niveau de la surverse. Les amas de polysaccharide formés dans le faisceau qui se décrochent ont tendance à flotter : ils se sont accumulés en haut de la descente car la vitesse du liquide n’était pas suffisante pour les faire circuler (voir figure 30). Leur accumulation progressive ralentit encore plus la circulation du liquide, le processus est donc « auto-catalytique » et a conduit à des problèmes d’inhomogénéité très importants (voir II.1.3). Dans le cas du DiCoFluV la hauteur de liquide est la grandeur clé à surveiller : même avec un faible débit de gaz le mélange est assuré si la hauteur est correcte, en revanche des problèmes d’inhomogénéité peuvent apparaitre, même avec un débit gaz important (1 vvm) si la hauteur de liquide est insuffisante.

Grâce à ces considérations, dans sa version actuelle le réacteur supporte de fonctionner jusqu’à 4 semaines en continu sans nettoyage. Cependant la vitesse de formation de ces amas de polysaccharide semble augmenter avec la concentration en microalgues1.

1

Les travaux présentés n’ont pas inclus la mise au point d’une méthode de quantification de la quantité d’amas de polysaccharides présente dans le réacteur. Cependant nous avons observé que le bruit du signal renvoyé par la sonde de densité optique en ligne (voir II.2.6) permet d’estimer la quantité de petits amas circulants (ces amas sont ceux que l’on observe en filtrant grossièrement le contenu du réacteur). D’après nos observations, la quantité des ces amas « circulants » est liée à la quantité d’amas, de taille plus importante, piégés dans le faisceau de fibres.

Figure 30 : Illustration de la problématique du niveau de liquide dans la cuve et de la vitesse de circulation insuffisante. Dans le cas du schéma de gauche le niveau dans le réacteur est suffisamment haut pour que la circulation liquide soit assez rapide pour faire circuler et fractionner les amas de polysaccharides qui se forment entre les fibres (non représentées) dans la partie montée. Dans le cas de droite, La vitesse de circulation liquide est faible en raison du niveau de liquide trop bas, les amas de polysaccharides produits dans le faisceau de fibres et décrochés par le gaz s’accumulent en haut de la descente, où ils freinent encore plus la circulation liquide.

Cette problématique de formation d’amas de polysaccharides doit, pour une prochaine version de ce réacteur, être au centre d’une réflexion plus approfondie portant sur la conception du réacteur, en particulier la distribution du gaz et du retour de liquide en bas des fibres.

Si nous avons pu trouver une première solution technologique à ce problème pratique de formation de polysaccharides en milieu confiné, le problème théorique reste entier. Encore une fois, l’expérience acquise au GEPEA semble montrer que ces problèmes ne se posent pas pour des épaisseurs de culture supérieures à un centimètre. Il semble donc exister une dimension limite en dessous de laquelle ces phénomènes apparaissent. Cette limite semble se situer entre l’échelle du millimètre et celle du centimètre. Il est clair qu’en dessous de cette limite le métabolisme des cyanobactéries peut changer radicalement (voir chapitre 5), les causes restant entièrement à identifier (l’hydrodynamique constitue éventuellement une piste de réflexion).

II.7 Conclusion

Le premier pilote reposant sur le concept de Dilution Contrôlée du Flux en Volume (DiCoFluV) a été dimensionné et réalisé. Ce réacteur est un réacteur à airlift de 24 litres utiles réalisé en acier inoxydable. L’objectif expérimental de cette thèse est de réaliser des mesures de productivité volumique pour différents points de fonctionnement (en faisant varier la concentration, les résultats expérimentaux seront présentés au chapitre 5). Pour cela, un long travail de développement technologique a été mené. Le réacteur a également été caractérisé du point de vue de l’hydrodynamique et du transfert gaz-liquide avec des techniques usuelles du génie des procédés : mesure du taux de gaz, des temps de circulation et de mélange, ainsi que du . La géométrie particulière du réacteur (l’éclairage interne via des fibres à diffusion latérale notamment) impose des conditions de cultures particulières qui semblent modifier le métabolisme d’Arthrospira platensis d’une façon rarement observée jusqu’ici (voir chapitre 5). Une des conséquences de ces conditions est la formation d’amas de polysaccharides à l’intérieur du réseau de fibres. Le réacteur contient alors deux populations de microalgues : une population fixée dans ces amas gélatineux, et l’autre continuant à circuler sous l’effet de l’agitation pneumatique. Après analyse, il s’avère que la composition des polysaccharides contenus dans les amas est différente de la composition de ceux qui se trouvent dans la phase circulante. Un changement de métabolisme a donc lieu dans les conditions de cultures du réacteur. Une modification du système de distribution du gaz a largement participé à la diminution de formation de ces amas, qui restent néanmoins présents. Ces amas contraignent à nettoyer régulièrement les fibres du réacteur, sous peine de poser des problèmes d’homogénéité non négligeables.

Grâce au développement technologique du démonstrateur réalisé (l’automatisation de l’installation notamment), nous disposons d’un outil d’étude expérimental autonome, qui permet de mener des cultures de microalgues pendant plus d’un an, en fonctionnement continu. Cet objet d’étude sera central dans la suite des travaux présentés.