• Aucun résultat trouvé

Détermination des sections efficaces d’absorption en diffusion simple

Chapitre V : Culture de microalgues : transfert radiatif et loi de couplage

V.1 Analyse des propriétés radiatives

V.1.2 Modélisation

V.1.3.6 Détermination des sections efficaces d’absorption en diffusion simple

Il est possible d’estimer les sections efficaces d’absorption directement à partir de mesures de transmittance (FédEsol, 2015). En effet, en diluant les échantillons, la concentration diminue et donc le nombre moyen de diffusions subies par un photon lors de la traversée de la cuve. En dessous d’une certaine concentration (qui sera déterminée par la suite), on peut toujours faire l’approximation de la diffusion simple. De plus, les microorganismes ont une fonction de phase très « orientée vers l’avant » (le paramètre d’asymétrie est très proche de 1). Nous pouvons donc faire l’hypothèse que les photons rétrodiffusés (diffusés une seule fois et vers l’arrière) sont négligeables. Les photons diffusés sont captés dans la sphère d’intégration et donc comptés comme transmis. Dans ce cas on peut considérer que :

(V.14) Avec la transmittance normale hémisphérique à la longueur d’onde , l’absorbance (ou densité optique) à la longueur d’onde , et l’épaisseur de la cuve du spectrophotomètre. Donc :

(V.15)

Pour pouvoir utiliser ces formules on doit pouvoir négliger les photons rétrodiffusés, c'est-à-dire que les phénomènes de diffusion perturbent peu les chemins optiques. Ainsi, dans le cas des microorganismes pour lesquels la fonction de phase est très orientée vers l’avant, même si des diffusions ont lieu, les photons sont en moyenne peu déviés, si bien qu’ils sont tout de même collectés dans la sphère d’intégration, et donc comptés comme transmis. Pour évaluer l’importance des phénomènes de diffusion nous disposons de l’épaisseur optique de diffusion définie à la section V.1.2.2 comme égale à . Pour pouvoir utiliser l’équation V.15 il faut que cette épaisseur optique de diffusion soit négligeable devant 1, nous nous sommes fixé comme critère qu’elle doit être inférieure à . En termes de concentration, puisque , et que (voir figure 59), cela nous impose de maintenir la concentration dans la cuve inférieure à .

La difficulté de ce genre de mesure réside dans le fait que plus on dilue l’échantillon, plus la transmittance tend vers 1. Avec un matériel peu précis, il y a de fortes chances pour que la transmittance mesurée ne puisse pas être distinguée de 1, à cause de la précision expérimentale. Grâce au dispositif expérimental rare dont nous disposons, la précision est suffisamment bonne pour pouvoir analyser avec confiance les transmittances mesurées à , ( est toujours significativement plus grand que la précision expérimentale).

Figure 59 : Traits continus : valeurs des sections efficaces d’absorption identifiées pour différentes configuration optiques. Dans tous les cas l’épaisseur optique de diffusion est inférieure à 0,07, on peut donc bien négliger les photons rétrodiffusés et utiliser l’équation V.15 afin d’obtenir des valeurs expérimentales des sections efficaces d’absorption. Pointillés : Valeurs des sections efficaces d’absorption données par le calcul prédictif des propriétés radiatives, valeurs obtenues avec la composition pigmentaire 4 et la distribution de tailles 1.

Le critère que nous nous sommes fixé en termes d’épaisseur optique de diffusion (donc en termes de concentration dans notre cas) est très sévère puisqu’en considérant des cas dans lesquels l’épaisseur optique est plus de dix fois supérieure à , nous retrouvons des valeurs de compatibles avec les valeurs obtenues lorsque le critère est bien respecté. Cela montre que la fraction rétrodiffusée reste négligeable pour des épaisseurs de diffusion supérieures à (i.e. pour des concentrations supérieures à dans le cas des microorganismes étudiées et dans la configuration du banc de spectrophotométrie).

Les valeurs des sections efficaces d’absorption identifiées sont bien supérieures (d’un facteur 1,4 au niveau du pic d’absorption des chlorophylles a (440 nm) et d’un facteur 2 au niveau du pic de la phycocyanine c (620)) aux valeurs prédites par le modèle. Ce décalage plus prononcé dans la zone du pic d’absorption de la phycocyanine c nous pousse à valider le spectre d’absorption du pigment pur utilisé pour déterminer la partie complexe de l’indice de réfraction des microalgues. Une étude est actuellement en cours su ce sujet.

Les sections efficaces d’absorption ont été mesurées par inversion deux fois, à 11 jours d’intervalle, lors d’un fonctionnement en régime cinétique, donc avec une grande variation temporelle des teneurs en pigments (mesurée), et des distributions de taille (supposée). Ces mesures montrent qu’avec des teneurs en pigments plus faibles (-30% en phycocyanines notamment : 23,3% et 16,1% respectivement), les sections efficaces d’absorption mesurées

peuvent être plus importantes (+30% environ : 262 et 341 m².kg-1 respectivement). Pourtant les sections efficaces d’absorption varient comme les teneurs en pigments car les pigments sont les seules espèces absorbantes. Cet exemple laisse à penser que la distribution de taille (non mesurée dans le cas évoqué) a un impact tel qu’il peut contrebalancer une baisse des teneurs en pigments.

Jusqu’à présent les teneurs en pigments étaient considérées comme ayant un fort impact surtout sur l’absorption des photons, et la forme et la taille des particules considérées comme pilotant principalement la diffusion. Cette vision plutôt cloisonnée entre : absorption et pigments d’un côté et taille, diffusion et forme de l’autre est remise en cause, dans le cas d’Arthrospira platensis par plusieurs exemples basés sur des mesures. Il semble bien que la distribution de taille ait un effet non négligeable sur l’absorption.

De plus, on constate que les sections d’absorption mesurées par inversion dans le domaine proche infra rouge (au-delà de 720 nm) ne sont pas nulles (100 m².kg-1 environ). Pour les calculs des propriétés radiatives nous utilisons une base de données qui nous fournit les spectres d’absorption des différents pigments purs. Or, dans cette base de données, aucun pigment n’absorbe au-delà de 720 nm, les sections efficaces d’absorption sont donc nulles au-delà de 720 nm1. Avec ces données nous ne pouvons pas expliquer que les sections efficaces d’absorption mesurées ne soient pas nulles au-delà de 720 nm. Ce décalage dans le domaine proche infrarouge entre mesure et modèle pose de nombreuses questions en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures et le calcul des propriétés radiatives. La cause de ce décalage est peut-être aussi à l’origine de celui observé dans le domaine visible.

V.1.4 Conclusion

Il est important d’être en mesure de calculer de manière prédictive les propriétés radiatives, à, partir de données physiologiques et morphologiques mesurées. Cela est d’autant plus important que de fortes variations en termes de compositions pigmentaires et de distributions de tailles ont été constatées, en particulier dans des fonctionnements en régime cinétique. Ces changements morphologiques et physiologiques conduisent à des variations des propriétés radiatives et donc de champ de rayonnement dans un photobioréacteur. Le modèle doit donc être capable de prédire ces modifications.

Parallèlement à leur calcul, nous avons cherché à valider les propriétés radiatives expérimentalement en choisissant comme observable une grandeur du transfert radiatif : la

1 En revanche nous soupçonnons que la chlorophylle a, « in vivo » (c'est-à-dire dans les conditions dans

lesquelles elle se trouve dans une cellule vivante), absorbe jusqu’à 780 nm. Un travail sur ce sujet est en cours.

transmittance. Cela permet de ne pas utiliser le couplage cinétique de la photosynthèse, qui fait l’objet de la seconde partie de ce chapitre. Pour relier les propriétés radiatives à la transmittance nous avons dû résoudre l’équation de transfert radiatif dans la configuration radiative d’une cuve de spectrophotomètre. Pour cela nous avons inclut la diffusion à notre modèle, ce qui nous a mené, entre autres, à la notion d’épaisseur optique de diffusion. Du point de vue de la physique du transport, ce qui caractérise le transfert radiatif dans les photobioréacteurs est justement une épaisseur optique de diffusion intermédiaire (proche de 1) : ni trop faible (on peut alors négliger la diffusion) ni trop importante (on dispose alors d’approximations adaptées aux milieux très diffusants). La méthode de Monte Carlo permet de traiter non seulement la géométrie complexe (voir chapitres 3 et 4) mais également de résoudre rigoureusement l’équation de transfert radiatif même pour des épaisseurs de diffusion intermédiaires. Pour résoudre l’équation de transfert radiatif nous avons profité des outils de simulation présentés à la section III.3 pour modéliser la cuve du spectrophotomètre non plus comme une lame infinie (hypothèse classique en spectrophotométrie) mais avec une géométrie plus précise. Nous avons en effet modélisé la cuve de spectrophotomètre entière, avec ses frontières et une émission non collimatée. La conclusion de la comparaison de ces deux géométries est que la lame infinie est un modèle pertinent pour modéliser notre banc de mesure dans les longueurs d’onde visibles. En revanche, dans le domaine de longueurs d’onde proches de l’infrarouge, un écart peut apparaitre. Si cet écart n’a pas d’impact dans le PAR, cela montre néanmoins l’intérêt des outils de modélisations, notamment la création de géométries compatibles avec EDStar à partir de CAO (procédure développée dans ces travaux, voir annexe 4). Ces outils nous permettent de raffiner facilement les géométries des configurations radiatives étudiées. Pour d’autres applications de spectrophotométrie, l’écart de transmittance observé dans le domaine proche infrarouge peut avoir une importance capitale. Par exemple lors du calcul des propriétés radiatives, nous avons besoin de connaitre la valeur du point d’ancrage, c'est-à-dire de la valeur de l’indice de réfraction réel des microorganismes pour une longueur d’onde non-absorbée (souvent prise à 820 nm). La valeur de ce point d’ancrage peut-être déterminée de manière prédictive, à partir d’une base de données des indices de réfraction des structures intracellulaires, lorsque les fractions volumiques de ces structures sont connues (ce qui s’avère rare en pratique). Lorsque les fractions volumiques ne sont pas connues, une mesure de transmittance à 820 nm est souvent utilisée pour déterminer, par inversion, le point d’ancrage (Dauchet et al., 2015). Dans ce cas, l’écart entre les deux modèles (lame infinie ou géométrie complexe) pourrait s’avérer déterminant pour le résultat final.

La méthode de calcul prédictive des propriétés radiatives utilisée est très satisfaisante dans le cas de micro organismes de forme sphérique, sphéroïde (Chlamydomonas reinhardtii) ou de cylindres courts (Rhodospirillum rubrum), mais dans le cas d’Arthrospira platensis, en forme de cylindre hélicoïdal, ce calcul reste problématique. L’écart entre les mesures et les valeurs prédites par le modèle était, dans Dauchet (2015) attribué à la difficulté théorique que représente la considération de l’hélice des spirulines. Pourtant, dans les travaux présentés ici, les mesures ont été effectuées avec des micro-organismes droits (l’origine de ce changement morphologique reste inconnue), la forme modélisée et la forme observée sont donc très proches. De plus à la différence de la méthode décrite dans Dauchet et. al (2015), les calculs de propriétés radiatives ont été modifiés pour inclure une distribution du facteur de forme au sein de la population de micro-organismes modélisée. Il semble donc que, dans le présent travail, la différence entre la forme modélisée et la forme des microorganismes ne soit pas responsable de l’écart entre le modèle et l’expérience. La détermination des propriétés radiatives d’Arthrospira

platensis reste un verrou à l’heure actuelle.

Les améliorations originales proposées dans ces travaux (résolution de l’équation de transfert radiatif en géométrie complexe et ajout d’une distribution d’élongation dans la population de spirulines) rendent le modèle plus proche de la situation étudiée mais ne permettent pas de retrouver de façon satisfaisante les données expérimentales. Deux principales perspectives de travail sur le calcul des propriétés radiatives d’Arthrospira platensis se dégagent. La première est un travail d’analyse des spectres d’absorption des pigments purs utilisés pour déterminer la partie imaginaire de l’indice de réfraction homogène (voir V.1.2.1). Le spectre des phycocyanines (allophycocyanine et phycocyanine c) notamment sont source d’incertitude. Du fait des techniques d’extraction et de purification des pigments et de l’insolubilité de certains pigments1 dans l’eau, les spectres sont souvent mesurés dans des conditions différentes des conditions in

vivo (notamment dans des solvants autres que l’eau), ce qui modifie la position des pics

d’absorption. La deuxième perspective de travail est la remise en cause de l’hypothèse de particule homogène. En effet les spirulines sont constituées de cellules indépendantes les unes à la suite des autres, plutôt que de les traiter comme des cylindres homogènes, on peut donc imaginer les traiter comme un chapelet de sphères homogènes (Mackowski and Mishchenko, 1996). Une autre piste est de pousser plus loin l’approximation de Schiff, déjà utilisée avec succès pour Rhodospirillum rubrum, pour modéliser Arthrospira platensis comme un cylindre hétérogène.

1

Si à la suite de ces travaux nous ne sommes pas en mesure de calculer des propriétés radiatives qui permettent de réconcilier mesures expérimentales et valeurs prédites par le modèle, le travail de questionnement et d’analyse mené au cours de la présente thèse a permis d’affiner le modèle et de dégager des pistes de travail pour la suite.

Propriétés radiatives retenues pour la suite des travaux :

Malgré la difficulté à calculer de façon prédictive et/ou mesurer des propriétés radiatives qui permettent de retrouver les résultats expérimentaux de mesure de transmittance, il est nécessaire de choisir un jeu de propriétés radiatives qui nous permette de modéliser au plus juste le transfert radiatif dans le réacteur DiCoFluV, dans lequel la question centrale sera la loi de couplage entre transfert radiatif et vitesse de production de biomasse.

Nous avons choisi de conserver les sections efficaces d’absorption mesurées tracées sur la figure 59, qui ont été obtenues avec la composition pigmentaire 4. Cette composition pigmentaire est proche de celles mesurées pour la plupart des régimes permanents présentés dans la deuxième partie de ce chapitre et utilisés pour l’étude du couplage cinétique.

Figure 60 : Sections efficaces spécifiques d’absorption et de diffusion retenues pour la suite des travaux présentés. Les sections efficaces spécifiques d’absorption proviennent d’une mesure en diffusion simple (voir V.1.3.6) et les sections efficaces spécifiques de diffusion proviennent du calcul prédictif. La fonction de phase associée à ces sections efficaces a un paramètre d’asymétrie moyen égal à 0,98.

En choisissant les sections efficaces d’absorption mesurées et en conservant les sections efficaces de diffusion et fonctions de phase calculées (voir figure 60)Figure 60 : Sections efficaces spécifiques d’absorption et de diffusion retenues pour la suite des travaux présentés. Les sections efficaces spécifiques d’absorption proviennent d’une mesure en diffusion simple (voir V.1.3.6) et les sections efficaces spécifiques de diffusion proviennent du calcul prédictif. La

fonction de phase associée à ces sections efficaces a un paramètre d’asymétrie moyen égal à 0,98., nous retrouvons évidemment1 les transmittances expérimentales pour les faibles concentrations (voir figure 61). Pour une concentration supérieure (0,55 g/L), lorsque la diffusion devient significative, les résultats restent satisfaisants. Nous conserverons ces données dans la suite du manuscrit.

Figure 61 : Transmittances expérimentales (traits continus) et calculées (pointillés) en utilisant les propriétés radiatives retenues pour la suite (voir texte).