Chapitre 2 Le réseau territorialisé : les proximités
2.5 Les clusters : les avantages compétitifs
3.1.1 Le transfert de connaissances
On définit le processus de transfert de connaissances comme « un modèle régulier
d interactions entre entreprises qui permet le transfert, la recombinaison, ou la création de
connaissances spécialisées » (Dyer et Singh, , p. . )l s agit d un processus dans
lequel chaque membre du réseau est influencé par l expérience de l autre Argote et
Ingram, 2000). Il peut se passer à différents niveaux, entre individus, groupes ou
organisations (Inkpen et Tsang, 2005), mais il débute, en fait, par l échange individuel :
« une connaissance au niveau individuel est transformée en une connaissance
organisationnelle valable pour l entreprise entière» Nonaka, , p. . C est à partir
du rapport entre les individus que l apprentissage évolue vers la dimension collective,
en touchant le groupe, les organisations et le réseau dans son ensemble.
Par ailleurs, le transfert de connaissances peut déboucher sur un processus
cumulatif d acquisition de compétences, car la répétition des relations entre les
membres augmente le potentiel des échanges
34(Inkpen et Tsang, 2005). En plus, les
relations s enrichissant avec le temps, les firmes peuvent faire appel à ces savoirs à long
terme, en plusieurs occasions et sans coût additionnel Dyer et (atch, . )l s agit
ainsi d un facteur important dans l évolution d une entreprise, en particulière des firmes
sous-traitantes qui peuvent ainsi développer leurs compétences dans le processus de
fabrication et devenir de plus en plus spécialisées.
Le transfert de connaissances inter firmes permet l augmentation de l avantage
compétitif de l entreprise, même lorsqu'il s'agit d entreprises sous-traitantes. Par leurs
échanges avec les donneurs d ordre, elles peuvent ainsi développer leurs compétences
dans le processus de fabrication et devenir de plus en plus spécialisées
35. Ce type de
démarche peut néanmoins représenter certains risques pour le donneur d ordre, comme
l utilisation détournée, par le sous-traitant, d un savoir-faire appris pour la fabrication
de produits destinés à des clients concurrents.
Les connaissances qui font l objet de ces interactions, ne sont pas toutes de même
nature. On distingue deux types de connaissances : la connaissance explicite et la
connaissance tacite (Nonaka, 1991) :
• La connaissance explicite est formelle et systématique. Pour cette raison, elle peut
être facilement diffusée par le biais des spécifications de produit, des formules
scientifiques ou des logiciels informatiques.
• A l'inverse, la connaissance tacite est fortement personnalisée car il s agit d un
savoir-faire que l individu a accumulé après des années d expérience dans le métier.
Bien que son expertise soit « sur la pointe des doigts », il lui sera difficile de
formaliser tout ce qu il sait Nonaka, . D o‘ la difficulté de la formaliser et, par
conséquent, de la diffuser aux partenaires
36.
)l est à remarquer que la manière selon laquelle le transfert s effectue dépend du
type de savoir qui fait l objet d un échange. S agissant d un savoir explicite, le transfert
peut être régulé par le biais d un contrat entre les parties impliquées, alors que dans le
cas d un savoir tacite, il passe par des alliances souvent informelles entre les entreprises.
Il semble que ces alliances présentent un avantage par rapport aux contrats
conventionnels du fait que les capacités technologiques sont souvent fondées sur un
savoir-faire tacite qui peut difficilement faire l objet d une formalisation explicite comme
l exige un contrat )nkpen, . Dans ce dernier cas, la confiance entre les partenaires
joue un rôle essentiel dans la mesure où elle aide à freiner les comportements
opportunistes des uns et des autres (Jarillo, 1988).
35Un exemple nous est fourni par le cas de Toyota, dont l augmentation de productivité résulte dun transfert de connaissances et de technologies vers son réseau de sous-traitants (fournisseurs). Cela lui a permis en outre d améliorer à la fois sa performance haute qualité et réduction des coûts et celle de ses sous-traitants.
36 Le processus de transfert de savoir-faire tacite a été abordé par Polanyi dans les années 1960. Il montrait que les connaissances tacites, sont seulement imitables par l observation, par la pratique et par l apprentissage, dans un rapport de face à face, vu la difficulté de les coder.
Les différentes dimensions de la démarche de transmission des savoir-faire sont
illustrées dans le tableau suivant.
Tableau 10. Les dimensions sociales des relations dans les réseaux
Dimensions sociales Alliances stratégiques Districts Industriels Liens structurels du réseau Liens forts construits à
travers la répétition des relations
Proximité avec les autres membres
Configuration du réseau Des multiples connexions de
connaissance entre les
membres
Liens faibles pour maintenir la connexion avec plusieurs partenaires
Stabilité du réseau Absence de compétitivité lors du transfert de connaissances
Relations personnelles stables
Objectifs partagés Transparence des objectifs La logique d interaction
dérive de la coopération Culture partagée Diversité culturelle Les normes et les règles
régissent les l échange
informelle de connaissances Confiance Shadows of future : gros
risques en cas de
comportement opportuniste par une des parties
Les relations commerciales sont encastrées dans les liens sociaux
Source : Adapté de Inkpen et Tsang (2005, p. 148)