Chapitre 2 Le réseau territorialisé : les proximités
3.2 Les relations entre firmes
3.2.3 Les relations de pouvoir : la hiérarchie du réseau
Dans un contexte d interdépendance, comme c est le cas d un réseau, l action de
chaque membre visant à atteindre ses objectifs particuliers affecte celle des autres, que
ceux-ci soient des collaborateurs ou des concurrents (Mintzberg, 1982b ; Friedberg,
2009). Les transactions effectuées peuvent alors se caractériser par des liens de
réciprocité ou par des rapports de pouvoir, ces derniers pouvant constituer une sérieuse
limitation au fonctionnement d un réseau Jameux, . Le détenteur du pouvoir
dispose de moyens pour essayer de contrôler le comportement des organisations
(Mintzberg, 1982b . C est-à-dire que plus un membre a de pouvoir, plus il aura
d influence sur le réseau.
Comme le montre l encadré ci-dessous, même si une organisation en réseau suppose
interdépendance et coopération, elle implique également des enjeux de pouvoir, dans la
mesure où les entreprises ne renoncent pas à leurs intérêts individuels.
Encadré 3. Pouvoir et influence dans un réseau
Crozier et Friedberg (1977, p. 69) définissent le pouvoir comme un « rapport de force, dont
l un peut retirer plus d avantage que l autre, mais o‘, également, l un n est jamais totalement démuni face à l autre». Pour Thorelli (1986, p. 38) le pouvoir est « la capacité d influencer les
décisions et les actions des autres ». D après Mintzberg b, p. 39) le pouvoir est « la capacité à produire ou modifier les résultats organisationnels». Cependant, d après cet auteur, il n est pas important de définir le terme pouvoir , mais oui d analyser les conditions selon lesquelles il
s exerce au sein d un réseau. Pour ce faire, il faut savoir «qui le détient, quand, comment et
pourquoi, et non pas ce qu il est en tant que tel» (Mintzberg, 1982b, p. 35)
D autres auteurs considèrent que le terme pouvoir est synonyme d influence. Thorelli affirme que le pouvoir constitue un aspect central dans l analyse des relations du réseau,
car un acteur plus influent qu un autre peut être mobilisé pour accomplir une action. D après
lui, la question est de savoir comment l entreprise vit les pressions de pouvoir dans ses relations d échange.
A l intérieur de l entreprise, c est le PDG qui détient plus de pouvoir, ceci est d autant plus
quand vrai quand il s agit d une PME, car il centralise à lui seul toutes les décisions stratégiques.
A l extérieur de l entreprise41, plusieurs acteurs peuvent avoir de l influence sur les actions de
celle-ci : les associés, les syndicats, ainsi que les différents publics (les clients, les partenaires, les concurrents, etc.) (Mintzberg, 1982b), appelés également « stakeholders » (Freeman, 1984).
Mintzberg (1982b, p. 39) distingue encore deux types de pouvoir, le pouvoir informel qui
exige plus d effort pour en faire usage «s il l on ne peut pas donner des ordres, il faudra gagner
des batailles » et le pouvoir formel, lié à la fonction exercée.
Deux typologies décrivent le type de rapport interentreprises qui peut s établir dans
un réseau. D abord, celle de Paché et Paraponaris , qui distingue trois formes de
relations d échanges dans un réseau :
• Contrôle : relation de quasi hiérarchie entre le donneur d ordre et la PME.
• Coordination : une firme pivot « orchestre » les contributions des autres
firmes.
• Coopération : c est l association de partenaires dans le cadre d une activité
commune collaborant à des relations d interdépendance des parties.
Ensuite, la typologie de Gastaldi (2000) qui montre les configurations les plus
largement traitées dans les travaux sur les réseaux. Selon cet auteur, les réseaux
d entreprises adoptent, en général, deux formes :
• L une, l organisation « étoile », structurée autour d une firme pilote qui
fédère les firmes périphériques. Elle suppose une configuration d entreprises,
également appelée réseau star, constituée d une entreprise pivot, normalement
une grande entreprise, qui fédère une constellation de sous-traitants spécialisés
dans une activité. Cette entreprise centrale a une importance stratégique pour le
réseau, puisqu elle va coordonner les transactions entre les entreprises Snow et
Thomas, 19 . )l s agit d une organisation centralisée autour d une entreprise
qui délègue des tâches aux partenaires du réseau. Ce type de structure présente
41Mintzberg b a fait une différenciation entre les détenteurs d influence internes, le PDG, les salariés, la fonction support, etc. et les détenteurs d influence externes constitués par tous les publics pouvant exercer du pouvoir sur le comportement de l entreprise, plus indirectement et qui ne situent pas
des relations de pouvoir inégales, du fait que l entreprise centrale se situe dans
une position dominante dans la hiérarchie.
• L autre, l organisation « communautaire », est composée de plusieurs
entreprises de taille similaire qui partagent le pilotage des projets et le pouvoir
au sein du réseau. Dans ce type de réseau, aucune firme dominante n apparaît,
c estsouvent l appartenance à une communauté entre pairs qui est mise en avant,
en particulier dans les réseaux territorialisés. Fréry (1997) et Ehlinger et alii
(2007), soulignent que la gouvernance du réseau est représentée par des
associations, corporations, syndicats et agents spécialisés.
En comparant ces deux typologies , il nous semble que l organisation « étoile »
comporte des caractéristiques de coordination et contrôle telles qu elle sont définies
dans la première typologie, tandis que l organisation « communautaire » repose plutôt
sur des rapports de coopération entre ses membres.
)ndépendamment du type de structure d un réseau étoile ou communautaire , c est
le pouvoir de négociation de chacun qui sera prépondérant dans la fixation des accords
de coopération ou même dans son entrée dans le réseau Jameux, . C est-à-dire
que même si l une des parties se trouve en situation défavorable lors de l échange, la
capacité à négocier peu inverser la position des acteurs.
En somme, le pouvoir n est pas simplement avoir de l autorité, mais il représente
également un moyen de réduire l incertitude Jameux, . C est le cas lorsque, dans
une dynamique de réseau, le pouvoir est utilisé, non pour imposer des intérêts
individuels, mais pour amener les membres à négocier en vue d'objectifs collectifs
42.
Ainsi, selon Le Berre et Castagnos (2003), le processus de négociation va orchestrer des
intérêts divergents entre les parties. D o‘ le rôle de la gouvernance locale répartie entre
les principaux acteurs du réseau comme le soulignent les approches territoriales.
42 Dans cette conception, « l acteur n existe pas en dehors du système définissant sa liberté et sa rationalité d action», car d un côté le système se dissout dans les relations entre les acteurs. De l autre côté, l acteur disparaît, écrasé par les lois du système et de sa structure Le Berre et Castagnos, , p. . En d autres mots, la négociation qui s établit entre les acteurs est limitée entre la volonté de faire changer les choses et les normes du système.