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Les milieux innovateurs : le savoir- faire d’un réseau

Chapitre 2 Le réseau territorialisé : les proximités

2.4 Les milieux innovateurs : le savoir- faire d’un réseau

Parmi toutes les externalités liées à la dynamique des réseaux territorialisés, il y a

celles liées à la circulation d informations et de savoir-faire. Ces dernières sont

difficilement échangeables, sinon transférées à des coûts élevés, et ce, malgré le progrès

des technologies de l information. D o‘ l importance de la proximité physique entre les

producteurs qui seront ainsi plus à même d effectuer, formellement ou informellement,

ces échanges.

On retrouve cet argument dans les approches basées sur l analyse de la dynamique

des concentrations « high tech», à l origine de la théorie des milieux innovateurs qui

analyse les interactions entre les réseaux territoriaux et le processus d innovation. Cette

approche soutient l idée selon laquelle l innovation est «toujours enracinée dans

l expérience et la tradition » (Aydalot, 1985, p. 148). Ce raisonnement va encore plus loin

dans la mesure o‘ l auteur affirme que l entreprise ne préexiste même pas au milieu

local, mais est justement un produit de ce milieu. Bref, pour lui, ce n est ni

l entrepreneur, ni l entreprise qui innove, mais le milieu Aydalot, .

Cela signifie que l innovation, loin d avoir un caractère universel suivant des

paramètres techniques d application générale , se trouve en fait imbriquée dans un

environnement particulier. C est-à-dire que le progrès technique a besoin de proximité

dans la mesure o‘ l innovation est le fruit d un apprentissage cumulatif plutôt que de

l adoption de techniques et de procédés déjà existants.

Mais l innovation n est pas seulement une question technique. D après Scott ,

c est la combinaison intelligente des ressources qui démarque les territoires qui

réussissent. L auteur définit comme région « intelligente » celle où trois facteurs jouent

un rôle essentiel :

• la mise en œuvre de l innovation par le cadre institutionnel règles, habitudes,

confiance) ;

• la proximité et l organisation de type horizontal ;

Toutes ces idées se traduisent dans le concept de milieu innovateur : « un ensemble

territorial formé de réseaux intégrés, composé de ressources matérielles et immatérielles

détenues et gérées par une pluralité d acteurs entreprises, institutions de formation et de

recherche, collectivités publiques locales dotés d une certaine autonomie décisionnelle,

dominé par une culture historiquement constituée, vecteur de savoirs et de savoir-faire et

reposant sur un système relationnel de type coopération/concurrence des acteurs

localisés » (Maillat et alii, 1991).

Cette définition montre l importance de la proximité spatiale dans le processus

d apprentissage, en particulier lorsqu on est en présence de connaissances tacites et non

codifiées. Le contact personnel permet d exploiter des informations non codifiées et

génère des synergies et des opportunités d interactions amplificatrices qui sont de loin

supérieures à celles qui résultent des échanges à travers des interfaces-machines

(Camagni et Maillat, 2006).

Maillat relève deux conditions essentielles pour qu un milieu soit considéré

comme « innovateur » :

• Lorsqu il est capable de s ouvrir à l extérieur et d y recueillir les informations et les

ressources spécifiques dont il a besoin. Cette ouverture démontre une réceptivité au

changement ;

• Lorsque les relations de coopération dans un milieu s établissent entre plus de deux

acteurs et qu elles ont pour objet précis l innovation. Ces relations sont basées sur la

confiance réciproque et durent dans le temps.

Ces facteurs sont à la base de la création d un environnement propice à l innovation

qui dépasse les possibilités des entreprises individuelles. Comme le montre Feldman

(1994, p. 2) : « la connaissance traverse les couloirs et les rues plus facilement que les

continents et les océans». C est l apprentissage collectif qui assure « l innovation, la

création d entreprises, la production de savoir-faire spécifiques et assure une certaine

régulation du système de production » (Maillat et alii, 2006, p. 5).

Quant au savoir-faire d un milieu, il constitue une ressource immatérielle qui peut

être la maîtrise manuelle de techniques particulières, les connaissances liées à un

domaine industriel ou tertiaire, etc. (Maillat, 2006). Ces ressources créées au niveau

territorial, deviennent des avantages compétitifs (Crevoisier, 1993) pour les entreprises

locales.

Par la notion de « spécificités territoriales », on montre qu il s agit de ressources

difficilement imitables, car il s agit de savoirs uniques qui échappent à la concurrence

par le marché (Colletis et Pecqueur, 1993) : ils sont créés à partir de l interaction des

agents d un territoire et contribuent ainsi à différencier un milieu d un autre.

Selon Gumuchian et Pecqueur , il s agit ici d une « ressource territoriale » qui

dépasse une approche triviale de la ressource, car elle est le fruit de l action des acteurs

locaux lorsqu ils combinent leurs ressources et se concertent pour mettre en œuvre des

projets en commun souvent sous la coordination d institutions publiques. En somme, ce

sont les acteurs impliqués qui activent les ressources « latentes » d un territoire et leur

octroient en ce faisant de la valeur.

Figure 5. Le cercle vertueux : Ressource/Territoire/Projet

Source : Adapté de Lajarge et Roux (2007, p. 134)

L'idée de base est que l'attractivité d'un territoire ainsi que sa permanence sont

d'autant plus forts qu'il dispose d'actifs spécifiques. En effet, le réseau, dans sa forme

territorialisé, développe des dispositifs permettant la construction d une ressource

spécifique, en l occurrence la capacité à innover, essentielle pour le développement des

***

L innovation serait ainsi fruit de l action collective des acteurs situés dans un même

territoire, o‘ les contacts en face à face faciliteraient la transmission d informations et

les relations de confiance. Alors que l innovation dans les réseaux territorialisés en

Europe est souvent conçue comme l héritage d un savoir-faire local, aux Etats-Unis, les

clusters sont fondés sur une logique différente : la concentration d entreprises high-tech