Chapitre 2 Le réseau territorialisé : les proximités
2.3 Le modèle français de système productif localisé (SPL) : un outil d’action publique
publique
)nspire par les approches italiennes, le concept de «syste me productif localise »
SPL est a la base d un nouveau cadre d analyse de la dynamique territoriale en France.
)l cherche e galement a montrer le poids des e changes sociaux et de l environnement sur
les strate gies industrielles. Les caracte ristiques principales d un SPL peuvent e tre ainsi
re sume es: il rele ve, d abord, de la ge ographie, mais aussi de l histoire et des traditions
locales qui favorisent la solidarite sociale et l accumulation d un patrimoine culturel par
une collectivite . D ou l esprit entrepreneurial affirme dans un SPL, sur la base d une forte
identite professionnelle et du sentiment pour l individu d appartenance a la
communaute .
Mais le fondement du fonctionnement du SPL re side dans les e conomies externes
re sultantes de la proximite territoriale entre les firmes, chacune be ne ficiant, dans les
termes de Benko et Lipietz , p. , d un «effet d émerveillement, d émulation,
d échanges informels, d interaction non tarifée, qui est propre de l agglomération». Cette
proximite est a l origine d une division de la production entre les industriels et de leur
e change d informations dans un cadre souvent informel: «Nous parlons de l information
au sens propre: le nouveau, le contingent, l improbable, qui émerge du bruit de fond des
routines. … pour saisir les opportunités, il faut être là, être sur place, se rendre compte de
ses yeux, face à face » Lipietz, , p. . Soumis aux me mes proble matiques
technologiques et e conomiques, les acteurs se de veloppent collectivement et partagent
des informations lie es aux contraintes externes, sur les proble mes a re soudre ainsi que
sur les solutions possibles Gilly et Torre, .
Une autre caracte ristique du SPL est l orientation sociale du marche . )l est constitue
par un ensemble culturel de valeurs et de re gles commune ment partage es par la
communaute de producteurs et qui s articulent a l activite e conomique. Le territoire se
re ve le ainsi comme un milieu de vie sociale ou les liens entre les entreprises
transcendent la sphe re du marche . Ce type d organisation pre suppose «l existence de
relations interpersonnelles de réciprocité, relations qui ne sont pas formés de manière
spontanée et peuvent être utilisées par les acteurs à des fins diverses.» Bagnasco, , p.
Finalement, un SPL est largement entretenu par l environnement institutionnel dont
les acteurs principaux sont les candidats, les associations, les organismes de recherche
et d innovation et le pouvoir politique local. «Le rapprochement des acteurs industriels,
scientifiques et de la formation dans un même territoire … constitue en effet : une source
d innovation la proximité stimule la circulation de l information et des compétences et
facilité ainsi la naissance de projets plus innovants .» C)ADT,
27.
Ce cadre d analyse sugge re e galement des strate gies diffe rentes sur le plan politique
au niveau des me canismes de re gulation d une e conomie locale.
Figure 4. Le système local de régulation
Source : Schéma adapté de Courlet (1997)
D après ce schéma, à l inverse d une politique centrée sur l entreprise, c est
l ensemble des unités de production concentrées géographiquement qui sont au cœur
des politiques industrielles locales, car des unités plus petites et au champ d action plus
circonscrit relèvent de centres de décision publics locaux Aydalot, . L objectif de
ces politiques est de créer un environnement favorable à la croissance des PME, en
stimulant les entrepreneurs à collaborer.
Cette politique tournée désormais vers la sphère locale se présente comme une
manière de s adapter et de résister face au contexte de mondialisation progressive des
marchés. Cela veut dire qu un système local peut gérer un « mode de gouvernance »,
basé sur des solidarités qui favorisent l union des partenaires locaux face aux
partenaires extérieurs au site.
Cette perspective est à l origine d une nouvelle politique industrielle menée par
l Etat français, à partir de la fin des années , visant à la promotion des SPL
28. On
reconnaît dès lors l importance de certains facteurs endogènes dans la dynamique de
certains sites industriels (cf. Encadré 2) labellisés alors SPL : « une organisation
productive particulière localisée sur un territoire correspondant généralement à un bassin
d emploi. Cette organisation fonctionne comme un réseau d interdépendances constituées
d unités productives ayant des activités similaires ou complémentaires qui se divisent le
travail (entreprises de production ou de services, centres de recherche, organismes de
formation, centre de transfert et de veille technologique » (DATAR, 2005, p. 3). Cette
politique a débouché plus tard sur la création du club des districts industriels « France
Cluster », voire un réseau d échange d expériences entre SPL au départ puis entre pôles
de compétitivité aujourd hui.
Encadré . L’action publique d’aménagement des territoires : la DATAR (2010, p. 60)
D abord, son aptitude à s adapter et à innover grâce à des connaissances techniques parfois très anciennes, l innovation est favorisée par les effets d une concentration géographique d activités liées à un même métier: la mobilité de la main d œuvre locale est à l origine de la
circulation de connaissances non formalisées (savoirs tacites).
La croissance endogène dépend aussi de l intensité des relations entre les acteurs locaux et
des échanges d informations et de services sur la base de relations non marchandes, liées aux
proximités professionnelles ou familiales. Les acteurs sont habitués à travailler ensemble et entretiennent des contacts fréquents et réguliers. En plus, au-delà des habituelles divergences
d intérêts et d opinions, les acteurs individuels et institutionnels partagent un même système de
valeurs.
Le développement du territoire est presque toujours soutenu par des institutions publiques et privées, dès les organisations professionnelles de type consulaire ou syndical
jusqu aux associations socio-économiques, politiques et culturelles.
)l est à noter que le développement endogène ne s oppose en rien à une démarche de
mondialisation. Tout au contraire, son objectif est justement de renforcer les avantages
concurrentiels d un territoire à partir d une spécialisation locale souvent de longue date, d une recherche de différenciation des produits, des projets d innovation, pour faire face à la compétition accrue sur le marché mondial.