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Les conventions : un mode de coordination des relations du réseau

Chapitre 1 Les réseaux stratégiques : la firme et son environnement 31

1.2 Les théories de la firme : la réglementation des échanges

1.3.2 Les conventions : un mode de coordination des relations du réseau

L intérêt majeur, à notre sens, de cette approche, développée à partir des années

, est la reconnaissance de l influence de mécanismes informels dans la coordination

des échanges entre les agents. Elle fournit des éléments théoriques pour analyser les

formes non marchandes de coordination, de production et d allocation de ressources

approche critique par rapport à celle de l économie néo-classique et celle des

insuffisances des transactions du marché économique. En plus, la théorie des

conventions vise à intégrer toutes les parties prenantes en cause dans la coordination de

l action collective des transactions : les clients, les actionnaires, les organisations

institutionnelles, les collaborateurs, etc. (Montmorrolion, 1999).

D après Lewis , cité par Montmorrolion,

21

, la convention est un postulat

dont la nécessité découle de l incapacité de la logique marchande à rendre compte de

plusieurs situations économiques caractérisées par l interaction durable entre les

acteurs, par exemple dans le cadre d une coopération. Ainsi, la convention concerne les

membres d une population confrontés à une situation récurrente qui adoptent un

certain comportement compatible avec le jugement et le code de valeurs de cette

collectivité.

La définition du terme convention reste diffuse, car il était traité par des disciplines

distinctes, chacune lui attribuant des objectifs différents selon leurs champs

d observation. Malgré cette imprécision, Gomez (2006) souligne que, de même que le

modèle du marché, les conventions supposent une multiplicité de formes de régulation

sociale.

L économie des conventions, développée par un groupe d économistes en France,

avait pour objectif d apporter un nouveau regard sur l approche institutionnaliste en

s inspirant d autres disciplines comme le droit, la sociologie et la politique

22

. En ce sens,

Orléan (2004, p. apporte quelques précisions. Selon l auteur, une convention est «une

régularité R dans le comportement des membres dune population (P), placés dans une

situation récurrente (S) », si les six conditions suivantes sont satisfaites :

21 D. K. Lewis (1969), repris par B. Montmorillon , est à l origine de la conceptualisation de convention et la définit comme une « régularité dans le comportement » dans son ouvrage Convention : a philosophical study. In : Théorie des conventions, rationalité mimétique et gestion de l entreprise. De nouvelles théories pour gérer l entreprise du X)Xe siècle, Economica, Paris.

22Le groupe d économistes français à l origine du développement de la théorie des conventions est formé par Dupuy, Eymard-Duvernay, Favereau, Orléans, Salais, Thevenot, entre autres. Ces travaux sont mis en

Tableau 7. Les étapes de la construction d’une convention

1. chacun se conforme à R ;

2. chacun croit que les autres se conforment à R ;

3. cette croyance donne à chacun une bonne et décisive raison de se conformer lui-même à R ;

4. chacun préfère une conformité générale à R ;

5. R n est pas la seule régularité possible satisfaisant les deux dernières conditions ;

6. les conditions précédentes sont connaissance commune.

Source : Orléan (2004, p. 2).

Suivant cette même logique, Gomez , p. ajoute qu une convention «est un

référentiel commun sans autre raison d être que celle-ci : elle est adopté comme

référentiel » et contribue à la « co-construction des normes et des comportements ». La

connaissance commune est appelée common knowledge par Dupuy (1989), dans le sens

o‘ chacun connaît le jugement de l autre et agit sous l influence de cette conscience.

Cette dimension constitue, en fait, une donnée complémentaire pour l analyse de la

logique de la régulation des marchés et des entreprises (Gomez, 2006), car elle

incorpore la dimension humaine et les rapports de pouvoir derrière les transactions, des

aspects négligés par l approche contractualiste.

Fondé sur des contrats à la fois formels et informels, le réseau constitue un terrain

fertile pour l analyse des échanges entre les entreprises et la fixation collective de

normes de comportement. En effet, et cela touche de près notre étude, l approche des

conventions apporte des éléments supplémentaires pour comprendre le cas d une

relation de sous-traitance dans un réseau, qui ne se résume pas simplement à un

échange économique mais est soumise à des règles souvent non explicites. Elle nous

apprend, par exemple, que plus le produit devient complexe et sa qualité un critère

important, plus les normes de coordination, la durée de la relation et le comportement

des parties deviennent déterminants dans l échange, ce qui confirme la dimension

conventionnaliste de la relation.

En somme, la théorie des conventions tient compte de la dimension collective

(multiplicité des relations entre les parties) et dynamique (évolution dans le temps du

comportement des agents et de leurs relations) des échanges entre les firmes. Les

conventions constituent, avec les contrats, des facteurs de réduction de l incertitude

pour les entreprises engagées dans une transaction. L efficacité des conventions dépend

de l adhésion des parties impliquées dans un système de valeurs partagées, ce qui est

souvent le cas d un réseau.

En ce sens, la théorie des conventions et les théories de la firme plus utilitaristes

comme la théorie des coûts de transaction et la théorie positive de l agence , sont

complémentaires à la vision néo-classique, dans la mesure où elles permettent de mieux

saisir les relations, parfois très complexes, qui se nouent entre les acteurs du réseau.

Nous verrons justement, ensuite, que la nature des relations inter organisationnelles

peut adopter des formes différentes selon le type de transaction, la forme de

l organisation ou l intérêt de chacune des parties.