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par unité de consommation (par an, en euros)

3. Figures agricoles périurbaines : diversification en cours sur la base d’une trame héritée

3.3. Trajectoires nourricières

Ces agriculteurs se sont installés plus récemment, pour la plupart après 2010, en maraîchage diversifié (association polyculture/polyélevage), oléiculture, arboriculture fruitière ou encore élevage ovin. Ils vendent leurs produits en direct ou en circuits courts. Ils peuvent s’installer avec une base de foncier familial hérité, ou en constituant leur propre foncier, la plupart du temps sur des interstices contemporains (les friches en frange urbaine) et/ou historiques (que sont les ripisylves ou les garrigues). N’étant généralement pas autochtones, ils ont des difficultés à accéder à une base foncière sécurisée. L’intervention d’une tierce personne, physique (des propriétaires absentéistes désirant mettre en valeur leur foncier) ou morale (la SAFER, le CEN) s’avère cruciale dans le déclenchement de l’installation :

« J'ai cherché pendant très longtemps du foncier mais le problème c'est que les propriétaires pensent que même un secteur comme la Gardiole peut devenir constructible, les prix sont inaccessibles. […] Sans l’appel à candidature, ça n’aurait pas été possible, je ne serais pas là, je chercherais encore » (Eleveur ovin, 2017).

Ils ont en commun de développer des systèmes orientés sur les demandes alimentaires de proximité, ressenties comme étant en hausse ces dernières années. Ils s’installent progressivement, selon une logique d’apprentissage exploratoire des fonctionnements des milieux cultivés (ou pâturés) et des marchés (de proximité). Trois profils s’inscrivent dans ces trajectoires :

(6) « Le Maraîcher bio diversifié » - c’est la figure « nourricière » la plus médiatique, la plus

attendue. Le « maraîcher bio diversifié en AMAP » a émergé dans les années 2000-2010, conjointement à la structuration nationale et internationale du mouvement promouvant des « partenariats locaux solidaires entre producteurs et consommateurs »114. Dans le secteur, les installations se font après 2010 sur des espaces « de marges » : ripisylves, vignes arrachées, friches, garrigues. Ce groupe est composé d’une hétérogénéité de profils, de trajectoires : des héritiers du système viticole local en diversification ; des personnes en changement professionnel (avec un niveau élevé de formation, et des capacités différenciées d’accès au capital/ à la terre). Les cinq à dix premières années sont consacrées aux essais/erreurs, sur une base de production à l’année d’un « panier » de fruits et légumes. Le système est ensuite simplifié, en réduisant le nombre d’espèces cultivées, et en sélectionnant parmi les pratiques testées celles qui s’avèrent adaptées localement (aux milieux et aux marchés).

(7) « L’Arboriculteur périurbain » - Ce groupe se compose d’arboriculteurs fruitiers et

d’oléiculteurs. L’Arboriculteur fruitier développe une variété de fruits à noyaux et pépins

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Réseau URGENCI : international network for Community Supported Agriculture [https://urgenci.net/french/le-reseau], page consultée le 24/05/2018.

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dans l’optique d’une vente directe à la ferme, complétée d’une proposition de libre- cueillette, ce qui le distingue des exploitations arboricoles de grande taille tournées vers les circuits longs. Le système est ici entièrement orienté sur une réponse à la proximité urbaine. L’« Oliveron » est un mot utilisé par l’oléiculteur, sur la base d’un mix entre « oléiculteur » et « vigneron » : c’est celui qui produit son olive pour la transformer lui-même. Comme pour le centre équestre et les pratiquants amateurs d’équitation, cette figure est hybride, car composée d’amateurs (apportant leurs olives en moulin coopératif ou en moulin privé) et de professionnels en installation progressive, basant leur activité sur une régénération des oliviers en garrigues :

« Les oliviers qui sont morts en 1956 sont pour la plupart de 1830. On retrouve l’âge en regardant le veinurage. J’enlève des souquets quand je peux. Je reste à garder des variétés ancestrales. Je ne pratique pas de sur-greffe. Nous on travaille avec une centaine de variétés. […] Sur une même parcelle, je peux avoir plusieurs arbres, qui ne sont pas tous gérés pareils. J’ai commencé par découvrir ce que j’avais sur les parcelles, puis voir ce que je pouvais faire avec » (Oléiculteur, 2017).

(8) « L’Eleveur pastoral périurbain » – figure structurante du Languedoc, le pasteur (et ses

troupeaux) avait quasi-disparu à la fin des années 1970. Récemment, du fait de la reconnaissance de ses contributions en termes de gestion environnementale des milieux méditerranéens fragiles115, l’intérêt pour cette activité se renouvelle. L’éleveur gère son troupeau en relation à des objectifs environnementaux et à des fins de vente directe, sous forme de caissettes de viande livrées aux particuliers et/ou via les demandes de la communauté musulmane locale en matière d’agneaux et moutons (destinés à la fête rituelle de l’Aïd-el-kebir).

La figure 25 (Hasnaoui Amri et al., 2018a), inspirée de Robineau et Dugué (2017) propose de replacer l’émergence de cette diversité de figures agricoles dans le temps long. Les nouvelles figures d'agriculteurs « liées à la ville » ne peuvent émerger que dans les interstices du système viticole dominant spatialement et politiquement.

Si l’on compare ces figures avec la typologie de structures agraires du Bas Languedoc proposée par Dugrand (1963a), on constate la quasi-disparition des « moyennes et grandes

propriétés de propriétaires absentéistes », salariant un régisseur, la persistance (mais avec

une forte réduction démographique) des « petits coopérateurs microfundiaires pluriactifs » et de « grands domaines » (plus de 20 ha de vignes d’un seul tenant), et un renouvellement de la figure de « l’entrepreneur de domaines » (capable de gérer plusieurs propriétés en s’appuyant sur un pool mutualisé de main d’œuvre et de matériel). Cette dernière est à

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Les « paysages culturels de l’agro-pastoralisme méditerranéen des Causses et des Cévennes » ont été inscrits par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité en 2011.

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rapprocher de la figure du « nomade », à la différence qu’aujourd’hui ce nomadisme concerne les céréales, fourrages ou melons et semble avoir disparu en viticulture116.

* Le foncier public est constitué de terres communales (pour la plupart en garrigues)

et de terres acquises par les communes originellement comme réserve d’urbanisation ou de biodiversité.

** Les numéros entre parenthèses correspondent à la numérotation des « figures » agricoles périurbaines présentées (et non à un effectif).

Figure 25. Généalogie des figures agricoles de la plaine Ouest

(Source: Hasnaoui Amri et al., 2018a).

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