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La création de l’agriparc à l’épreuve

Encadré 3. Trois figures contrastées d’élus locaux.

L’opportunité de l’acquisition d’un ancien domaine viticole aux portes de la ville David Jules Pagézy a été maire de la ville de Montpellier de 1852 à 1869. Parmi ses descendants, certains investissent dans la viticulture, comme le fait au cours du XIXème une part représentative de la bourgeoisie régionale et nationale. Ils gèrent plusieurs « domaines » autour de Montpellier. Un de ces domaines est celui de Viviers. Il est constitué d’un bâti important, avec une maison de maître et des dépendances, de bois et garrigues, de

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terres arables et d’un vignoble conséquent (pour une superficie totale d’environ 200 ha). Alors que la petite propriété foncière domine en Languedoc (Boinon, 2011), ce domaine fait partie des quelques « grands domaines » qui entourent la ville de Montpellier.

Des années plus tard, pour des raisons de mauvaise gestion puis de désaccord entre enfants héritiers, le domaine est mis à la vente (en 2008). La CAM profite de cette opportunité rare pour renforcer la réserve foncière gérée par le Service Foncier de la DFAO (Figure 33). Cette acquisition est stratégique car le domaine aurait pu tout aussi bien faire l’objet d’une vente « à la parcelle », qui contribue à l’émiettement du foncier, avec les risques « urbains » liés : cabanisation, terrains de loisirs, difficultés de constitution d’unités agricoles économiquement viables, etc. Les terres, les bois et le bâti sont à l’abandon depuis plus de cinq ans au moment où se fait l’acquisition. Pour ne pas laisser les terres complètement inutilisées, le gestionnaire du foncier mandaté par les héritiers, avait loué de façon ponctuelle des parcelles à des agriculteurs nomades intéressés. Avant le décès de Frêche en 2010, plusieurs options ont été envisagées pour l’aménagement de ce site. Parmi les options évoquées, certaines impliquent des investissements privés - centre d’entraînement du club local de football (MHSC) - et publics (Ecolothèque) conséquents. Ces options ont été pour la plupart abandonnées : d’abord l’idée du centre d’entraînement MHSC (finalement localisé à proximité des axes de circulation, au sein du domaine de Grammont), puis celle de l’Ecolothèque (le projet apparait encore à l’agenda en 2011 mais il est abandonné en 2012 du fait de coûts prévisionnels d’investissement et de gestion jugés trop importants). Chaque proposition fait l’objet d’études d’opportunité et de faisabilité, de façon à voir dans quelle mesure l’activité est réalisable, permet de dégager un revenu et répond à des attentes des habitants des communes contigües (Clapiers et Jacou en particulier).

2.2. La cogestion déclinée à l’échelle intercommunale ?

Le partenariat SAFER : une pratique établie

La SAFER a été originellement créée comme « bras armé » foncier de la révolution verte, après la seconde guerre mondiale (Encadré 4). L’institution avait pour mission de favoriser l’utilisation prioritaire du foncier pour des projets « agricoles modernes » : de grandes exploitations, remembrées, gérées par une équipe de deux UTH au minimum, tirant leurs revenus principalement de l’activité agricole. Elle a progressivement élargi son champ d’action et sa gouvernance (Sencébé, 2012).

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La SAFER se transforme : elle passe de « faire avec » les agriculteurs à ses origines (accompagner la modernisation du secteur au cours des 30 glorieuses) à « agir sur » une base sociale fragilisée aujourd’hui (années 2000) : « la SAFER en vient à agir en assistance plus qu’en coopération vis-à-vis d’un public qui n’est plus en mesure d’assurer son propre maintien ou renouvellement » (Sencébé, 2012).

Le contexte a évolué d’une situation de cogestion entre l’État et une profession unifiée à une « situation de « gouvernances foncières locales » où coexistent des acteurs, des sources de légitimité et des projets multiples » (Sencébé, 2012). La SAFER se retrouve en conflit de mandat, et peine à échapper à la dépendance au sentier, d’autant plus que c’est un des piliers de la trajectoire de formation des dirigeants agricoles issus du syndicalisme majoritaire FNSEA. « Pilier » dans le sens où la FNSEA revendique une nécessaire gestion des structures pour accompagner les agrandissements et nouvelles installations. La poursuite d’un discours structuré autour de l’unité et de l’excellence professionnelle du monde agricole empêche l’émergence de « débats sur les différentes vertus des modèles agricoles » (Hobeika, 2017).

Comment la SAFER va-t-elle se positionner vis-à-vis des nouveaux entrants dans le renouvellement agricole : les « néo-paysans » (D’Allens et Leclair, 2016), et les nouvelles organisations multi-acteurs qui s’engagent dans la « reconquête des questions agricoles et foncières » (Sencébé, 2012) ?

En Languedoc, la SAFER s’affirme comme structure hybride, chargée d’un côté via le droit de préemption de veiller au maintien de l’agriculture, et se développant de l’autre côté des prestations de services, intéressant des propriétaires et acquéreurs privés comme publics: « Quand on demande : ‘quelle est la stratégie de la SAFER à l’échelle du territoire ?’… Attention : nous sommes plutôt un organisme d’exécution. Nous sommes des opérateurs. Nous ne faisons pas de SCoT ou autre… Nous sommes là pour donner des éléments de réflexion à des élus. Au niveau agricole, le syndicalisme défend des « types d’agricultures ». Tous les syndicats sont inclus dans la gouvernance de la SAFER depuis la LAAF de 2014 » (Chargé de mission SAFER, 2017).

Elle est en évolution permanente, du fait des changements règlementaires, de l’évolution de la sociologie des agriculteurs (arrivée de nouveaux profils, dotés ou non en capital financier et foncier) et des spécificités d’un territoire contrasté dans son attractivité agricole : « il y a au moins deux zones dans l’Hérault, en caricaturant : il y a les zones périurbaines ou périlittorales. Là il y a peu de foncier disponible, et pas mal de porteurs de projets. Et puis il y a les zones plus rurales, plus agricoles au sens large (plus éloignées de la Métropole, du littoral). Là, il y a une activité agricole plus classique, moins perturbée par la consommation d’espaces. Il y a une offre supérieure… à la limite à terme problème de porteurs de projets : il n’y en aura pas assez » (Chargé de mission SAFER, 2017).

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