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La participation du point de vue d’une géographie du « fait agricole »

2. Une approche géographique du problème de la participation agricole Nous proposons une démarche de géographie sociale qui articule deux points de vue, celu

2.1. La participation du point de vue d’une géographie du « fait agricole »

En France, on peut considérer trois grandes familles de travaux en géographie autour des questions d’agriculture périurbaine, qui intègrent plus récemment les enjeux de politique alimentaire locale. La première famille est celle de la géographie ruraliste. Le périurbain est interrogé comme espace d’entre-deux, soumis à la pression urbaine mais encore « rural » par certains aspects (Vanier, 2003, 2005). Cependant, l’angle du vécu des agriculteurs pratiquant ces espaces est peu abordé. La seconde famille est axée sur les questions foncières. Elle interroge les usages agricoles et interventions publiques concernant le foncier agricole (Perrin, 2009, 2013). Toutefois, là encore, le point de vue et les pratiques des agriculteurs restent moins abordés que ceux des acteurs publics concernés. La troisième famille est reliée aux questions de développement local : dans quelle mesure la décentralisation peut favoriser l’émergence de nouveaux « territoires de projets » (Berriet- Solliec et Trouvé, 2013 ; Chevalier et Dedeire, 2014)? La notion de développement territorial est questionnée en lien avec les recompositions en cours de l’action publique à l’échelle de la région et de l’intercommunalité (Vanier, 2008).

Ces travaux sur l’agriculture périurbaine n’abordent pas de front la participation agricole aux politiques locales. Celle-ci suppose de connaître l’acteur « agriculteur », son point de vue propre, ses pratiques et son métier. En se situant dans une géographie de l’espace vécu (Frémont, 1974), la « géographie des pratiques » (Soulard, 1999) a cette visée d’analyse des relations entre les acteurs et leurs milieux, ici les agriculteurs. Les acteurs, les pratiques sont alors des concepts centraux pour comprendre le rapport à l’espace des agriculteurs, un rapport perçu, vécu, mais également un rapport négocié avec d’autres acteurs du territoire. Le territoire des agriculteurs est abordé dans une optique proche de celle de la géo- agronomie, science qui étudie

« la façon dont les agriculteurs présents dans un territoire organisent les occupations du sol et les usages en fonction des objectifs propres à chaque exploitation et des

Introduction

interactions avec les autres exploitations et les autres usages du territoire »

(Deffontaines, 1996 In Soulard, 2014).

La géographie des pratiques s'intéresse à la confrontation des pratiques des agriculteurs aux problèmes qui se posent sur un territoire. Ces pratiques sont à la fois spatiales et sociales. Cette dimension socio-spatiale est appréhendée à travers les « modes d'habiter », concept proposé par Nicole Mathieu (2012) qui décline les pratiques spatiales des acteurs en quatre espace-temps : demeurer ; travailler ; se déplacer ; vivre ensemble. Cette approche qualitative implique de porter un regard sur les lieux et sur la relation des acteurs aux lieux. Ceci justifie une approche spatiale articulant la « petite » échelle de l’acteur individuel, les micro-territoires du quotidien à la « grande » échelle du territoire de projet. D’où notre proposition méthodologique : s’appuyer sur l’étude d’un cas permettant de replacer les pratiques agricoles dans leur contexte territorial de déploiement.

La participation a en effet une dimension spatiale : comment les agriculteurs réalisent et défendent certains agencements spatiaux ? Pour situer l’acteur dans son territoire vécu, je propose de suivre le processus d’intégration socio-spatiale de l’agriculteur en décryptant sa trajectoire, ses logiques spatiales et son implication au sein de réseaux territoriaux, agricoles et/ou urbains. En effet, les pratiques des agriculteurs sont les « techniques mises en œuvre

par un acteur intentionné », les « façons de voir et façons de faire » des agriculteurs au sein

de leur espace de travail (Soulard, 2014). Cet espace se décline en base matérielle, physique, l’espace « support » du travail agricole qualifié via la lecture de paysage, en espace « perçu », lié aux relations affectives, émotionnelles issues de la pratique d’une activité au sein d’un espace et en espace « vécu », lié à la mise en œuvre de logiques pratiques en relation avec les voisins agriculteurs et les autres usagers. Ces trois espaces sont identifiés à partir d’entretiens compréhensifs : l’analyse des discours permet de reconstituer et de spatialiser les « logiques pratiques » des agriculteurs, définies comme

l’« ensemble de jugements sur les choses, produits d’un ensemble d’interactions entre

des conceptions et des actions, dont on cherche à décrire le degré de cohérence à travers un système d’argumentations » (Soulard, 1999).

La pratique agricole permet ainsi de faire le lien entre les façons de « dire » et façons de « faire ». La notion permet de relier acrasie et eucrasie, les façons effectives de faire (ce que l’on voit quand on observe l’agriculteur en situation de travail) mises en rapport avec les façons de décrire les pratiques, descriptions qui passent par le filtre du jugement, du raisonnement construit. Se faisant, nous proposons une géographie qui place au centre de l’analyse non pas l’espace agricole lui-même mais plutôt la relation à l’espace des

agriculteurs :

« L’objet de la géographie humaine n’est pas pour nous l’espace mais la pratique et la connaissance que les hommes ont de cette réalité que nous appelons espace »

Introduction

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Partant du postulat d’un rapport au territoire incorporé au sein des pratiques productives, je m’intéresse à comprendre ce rapport au territoire par une analyse compréhensive des pratiques des agriculteurs. Cette analyse constitue le volet « vécu » de la participation. Mais au-delà des pratiques, le champ de la géographie sociale interroge les relations sociétés-espaces. Il montre le poids des structures sociales et leur sédimentation dans le temps et dans l’espace. En effet, les questions de participation des agriculteurs s’ancrent dans des rapports sociaux et politiques historiquement constitués. L’approche géographique incite alors à comprendre comment, dans un contexte territorial donné, de tels rapports se sont construits sur un temps long et comment ils se distribuent dans l’espace. Cette question amène à considérer la place sociale et politique des agriculteurs dans les territoires, et les rapports de pouvoir dans lesquels ils se situent.

2.2. La participation du point de vue d’une géographie du « fait

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